«La carte et le territoire» est le dernier livre de Michel Houellebecq, paru en septembre 2010. Je vous en cite les pages 98 et 99
[...] Plusieurs fois par la suite il avait repensé à ce prêtre, physiquement il ressemblait un peu à François Hollande, mais contrairement au leader politique s'était fait eunuque pour Dieu. Bien des années plus tard, après qu'il se fut lancé dans la «série des métiers simples», Jed avait envisagé à plusieurs reprises de se lancer dans le portrait de l'un de ces hommes qui, chastes et dévoués, de moins en moins nombreux, sillonnaient les métropoles pour y apporter le réconfort de leur foi. Mais il avait échoué, il n'avait même pas réussi à appréhender le sujet. Héritiers d'une tradition spirituelle millénaire que plus personne ne comprenait vraiment, autrefois placés au premier rang de la société, les prêtres étaient aujourd'hui réduits à l'issue d'études effroyablement longues et difficiles qui impliquaient la maîtrise du latin, du droit canon, de la théologie rationnelle et d'autres matières presque incompréhensibles, à subsister dans des conditions matérielles misérables, ils prenaient le métro au milieu des autres hommes, allant d'un groupe de partage de l'Évangile à un atelier d'alphabétisation disant la messe chaque matin pour une assistance clairsemée et vieillissante, toute joie sensuelle leur était interdite, et jusqu'aux plaisirs élémentaires de la vie de famille, obligés cependant par leur fonction de manifester jour après jour un optimisme indéfectible. Presque tous les tableaux de Jed Martin, devaient noter les historiens d'art, représentants des hommes ou des femmes exerçant leur profession dans un esprit de bonne volonté, mais ce qui s'y exprimait était une bonne volonté raisonnable, ou la soumission aux impératifs professionnels vous garantissait en retour, dans des proportions variables, un mélange de satisfactions financières et de gratifications d'amour-propre.
Humbles et désargentés méprisés de tous, soumis à tous les tracas de la vie urbaine sans avoir accès à aucun de ses plaisirs, les jeunes prêtres urbains constituaient, pour qui ne partageait pas leur croyance, un sujet déroutant et inaccessible. [...]
C'est assez bien vu. En général au bout d'une 10ène d'années ils craquent et, soit quittent le ministère, soit se mettent discrètement en couple.
RépondreSupprimerJe pourrais citer des dizaines et des dizaines de noms.
Les paroissiens ne sont pas dupes, mais gare à qui dit la vérité : c'est l'excommunication sournoise. Au mieux plus personne ne vous saluera, au pire on vous traitera de lepéniste, de sarkozyste ou de nazi, ou des trois à la fois (à l'heure actuelle il semble que la qualification de sarkozyste soit la plus infamante). Vous êtes bon pour aller dans une autre église.
Mais il y a une sanction immanente : l'érosion lente mais continue du denier du culte et de la quête (en général je laisse ma petite monnaie : même pas un pourboire). D'ailleurs si vous êtes trop généreux on vous traitera de riche. Une fois j'avais mis un billet de 20 € : il m'a été rapporté par des âmes charitables que de braves gens étaient venu dire que j'avais voulu frimer en mettant un "gros billet" dans la sébile (l'équivalent du prix de 2 places de cinéma).
NB Dans le dernier § il manque une virgule, il faut lire :
"Humbles et désargentés, méprisés de tous, soumis à tous les tracas de la vie urbaine sans avoir accès à aucun de ses plaisirs, les jeunes prêtres urbains constituaient, pour qui ne partageait pas leur croyance, un sujet déroutant et inaccessible."
Houllebecq est mal informé. Il y a belle lurette que l'on n'étudie plus le latin ni le droit canon dans les séminaires. On étudie LA PASTORALE et de la sociologie de pacotille. Au demeurant la plupart des séminaristes n'ont pas le niveau requis pour entrer en hypokhagne. Quelles études pourraient-ils donc faire.
RépondreSupprimerAlors étudier le latin, le grec et l'hébreu !!!