"Il lui sera beaucoup pardonné, parce qu'elle a beaucoup aimé" Lc 7, 48
Vous reconnaissez sans doute ce que le Christ a dit de la femme que saint Luc appelle "une pécheresse dans la Ville". L’evangéliste ne donne pas son nom. Est-ce celle qu’il appelle un peu plus loin "la Magdaléenne", en précisant que Jésus avait chassé d'elle sept démons (8, 2). S'appelle-t-elle vraiment Marie de Magdala et s'identifie-t-elle à cette Marie à laquelle Jésus ressuscité apparaît dans le jardin ? On en discutera jusqu'à la fin des temps. Autre hypothèse, autre identification possible : cette femme peut-elle être Marie de Béthanie, chez laquelle Jésus aimait se rendre et dont il ressuscita le frère Lazare ? On dira pour faire bref que les "scientifiques" de tous les temps (de saint Ambroise au Père Benoît) refusent de s'engager sur l'identité de ces trois femmes, en considérant qu'il n'y a pas vraiment de preuve à ce sujet. En revanche, ceux que j'appellerais les psychologues (je pense immédiatement au Père Lacordaire et au Père Bruckberger) sont résolument en faveur d'une identification. Bref une fois de plus l'esprit de géométrie est tenu en échec quand l'esprit de finesse vole à la conclusion. De quel côté êtes vous ? C'est à vous de dire, cher lecteur. Quant à moi, je suis du côté Lacordaire-Bruck. Je les identifie sans hésitation, ces trois figures de femme amoureuses du Christ, et cela même si saint Luc, qui parle, lui aussi, de Marie de Béthanie et de sa soeur Marthe, n'éprouve pas le besoin de le faire explicitement (Luc 10, 38-42). Disons que l'évangéliste respecte la réputation de cette famille ! Quand c'est la famille qu'il évoque, il n'éprouve pas le besoin de rappeler les frasques d'une des membres. La pécheresse, il ne citre pas non plus son nom. Mais psychologiquement, il serait absurde que deux femmes différentes aient imaginé le même geste du parfum répandu aux pieds de Jésus à deux moments bien différents : chez Simon le Pharisien puis, quelques jours avant la Passion, à Béthanie. Et il serait surprenant qu'alors que ces deux figures portent le même prénom – Marie – les deux évangélistes Luc et Jean qui ont l’un avec l’autre des liens certains, n'aient pas songé à les différencier dans l’hypothèse où elles auraient été deux femmes différentes... Bref... Argument psychologique, non scientifique certes, mais tellement vraisemblable ! En Orient, la coutume voulait que l’on oigne de parfum la tête d’un hôte, comme le racontent pudiquement Matthieu et Marc. Mais quelle femmes aurait été jusqu’à oindre les pieds du Christ en les essuyant de ses cheveux ? Il n’y en avait qu’une pour le faire, c’est la même au cours de la vie publique du Christ et à la fin de sa Mission – « pour sa sépulture » dit le Christ lui-même – quelques jours avant sa Passion.
Mais revenons à la pécheresse anonyme de Luc. "Il lui sera beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé". Tourne et retourne cette phrase dans tous les sens. On aurait beaucoup voulu lui faire dire le contraire de ce qu'elle dit : "Cette femme aimera beaucoup parce qu'elle a été beaucoup pardonnée". Il est vrai que la parabole de Jésus, dite des deux débiteurs, l'un qui devait cinquante deniers et l'autre qui en devait cinq cents, milite dans ce sens-là. C'est le débiteur qui devait davantage qui aime d'avantage parce que sa dette a été remise. Mais le texte est le texte : « Il lui sera beaucoup pardonné, parce qu’elle a beaucoup aimé ». On a cherché à faire de la préposition grecque oti qui signifie "parce que" l'expression d'une consécution : "de sorte que". On obtient ainsi : "Il lui a été beaucoup pardonné de sorte que elle a beaucoup aimé". Et puis on a essayé de remplacer oti (parce que) par dioti (c'est pourquoi), en intervertissant cause et conséquence. A chaque fois, l’idée des Commentateurs est la même : il faut faire dire au Christ que c’est parce que cette femme a été pardonnée qu’elle a aimé. Le texte, lui, dit bien que c’est parce qu’elle a aimé beaucoup qu’elle est beaucoup pardonnée. Toutes les réécritures de cette phrase, dont il faut croire qu’elle est irritante pour certains, sont terriblement fragile. Comme disait M. Guillotel, historien que certains d'entre vous ont peut être connu : "Le texte, rien que le texte".
Pinaillage ? Je ne crois pas. La question est de savoir ce que peut notre amour. Est-ce l’ amour de cette femme qui lui mérite le pardon ; ou bien est-ce le pardon qui produit en elle l’amour ? Est-ce le Christ qui fait tout ? Est-ce que notre amour peut, par lui-même, mériter quelque chose ?
C'est un catholique espagnol, Salmeron, qui a imaginé au XVIème siècle qu'il fallait aligner le rôle que Jésus confère à la pécheresse avec les sentiments que Jésus prête à chacun des deux débiteurs dans la courte parabole qu'il dédie à Simon le Pharisien, son hôte indélicat. Mais, parce qu’ils minimisent l’action humaine au profit de la prédestination divine, tous les protestants se sont engouffrés dans cette tentative de déformation du texte, signée Salmeron. Et voilà un effet pervers de cette belle devise : Soli Deo gloria, dont sont si fiers les protestants de France. A Dieu seul la gloire ! A ce compte-là, la pécheresse n'a rien fait pour mériter son pardon. Elle n'a pas aimé la première. C'est le Christ qui lui a pardonné et c'est le pardon du Christ qui a produit en elle l'amour. C'est au Christ que revient la gloire de la conversion de cette femme : au Christ exclusivement.
Notre amour peut-il émouvoir le coeur de Dieu ? Voilà la question. Il me semble que tout le récit de saint Luc nous fournit la réponse à cette question.
Voyez comment cette femme l'exprime, son amour. Selon les remarques du Père Spicq, dans Agapé, c'est un véritable attentat amoureux qu'elle se permet, en pleine table, alors que les convives sont allongés pour un repas solennel et ses pleurs sont une véritable "explosion de larmes" [verbe grec : mouiller], alors qu'elle tient un instant embrassés les pieds de Jésus.
Faut-il, avec plusieurs grands exégète comme Joachim Jeremias par exemple, comprendre que le Christ, dans un épisode non mentionné par l'Evangéliste, lui a déjà pardonné ses péchés et que c'est pour cela qu'elle revient avec du parfum ? Mauvaise méthode d'imaginer des événements qui ne sont pas dans le texte ! Et comment comprendre l'insistance et l'importunité de cette femme si son pardon a déjà eu lieu ? Si elle insiste tant et de façon publique, n'est-ce pas, en une sorte de va-tout très féminin, pour arracher au Christ les Paroles qui la délivreraient d'un passé dont elle ne veut plus ?
En réalité, le Christ cède à l’insistance de la femme, mais il ne veut pas se donner l'air de céder devant le Pharisien, qui en est encore à se dire : "S'il était prophète, il saurait de quelle nature est cette femme, qui elle est". Il se met à la portée du Pharisien avec la parabole des deux Débiteurs, l'un qui aime plus que l'autre parce qu'il lui a été remis davantage. Mais en réalité, la scène qui se passe aux yeux de tous manifeste que c'est l'inverse qui est vrai et que c’est bien cette femme a arraché son pardon à la Paternité de Dieu, à l'indulgence du Christ. Je pense à cet enseignement du Christ spécifiant que si l’on insiste dans la prière on est forcément exaucé.
Pourquoi le Christ pardonne-t-il ? Avant tout, il est impressionné par ce cran, par cette manière qu'a la pécheresse d'estimer en plein repas mondain qu'après tout "une seule chose est nécessaire" (Luc 10, 42) et que les mondanités attendront. Madeleine n'a pas peur, ni du Pharisien (elle connaît les hommes) ni du Qu'en dira-t-on. Elle fonce et c'est cette audace qui est récompensée.
Je pense, moi, à une autre femme, Mère Angélique Arnauld, au moment où l'on disperse ses jeunes novices (1661). Il lui reste quelques mois à vivre. Elle n'a rien perdu de son audace intérieure : "Quoi ! Les hommes se remuent. Eh bien ! Ce sont des mouches. En avez-vous peur ? Vous espérez en Dieu et vous craignez quelque chose ?". Les interprète, obsédés par la sensualité de Madeleine, ne voit que le côté dégoulinant de son amour et de ses larmes. Je crois que ce qui séduit le Christ c'est son courage et son mépris des conventions. On retrouve le même mépris chez la femme de Béthanie, qui, aux pieds de Jésus et n'ayant d'yeux que pour lui, laisse sa soeur Marthe gérer les repas et le quotidien, que ce soit dans saint Luc (10), ou dans saint Jean (11).
Il me semble que c'est la grande question - question cornélienne - que le Christ pose à chacun d'entre nous, la question de notre Carême finalement : as-tu du coeur ? Ou bien mets-tu les conventions sociales plus haut que tes exigences intérieures ?
Vous reconnaissez sans doute ce que le Christ a dit de la femme que saint Luc appelle "une pécheresse dans la Ville". L’evangéliste ne donne pas son nom. Est-ce celle qu’il appelle un peu plus loin "la Magdaléenne", en précisant que Jésus avait chassé d'elle sept démons (8, 2). S'appelle-t-elle vraiment Marie de Magdala et s'identifie-t-elle à cette Marie à laquelle Jésus ressuscité apparaît dans le jardin ? On en discutera jusqu'à la fin des temps. Autre hypothèse, autre identification possible : cette femme peut-elle être Marie de Béthanie, chez laquelle Jésus aimait se rendre et dont il ressuscita le frère Lazare ? On dira pour faire bref que les "scientifiques" de tous les temps (de saint Ambroise au Père Benoît) refusent de s'engager sur l'identité de ces trois femmes, en considérant qu'il n'y a pas vraiment de preuve à ce sujet. En revanche, ceux que j'appellerais les psychologues (je pense immédiatement au Père Lacordaire et au Père Bruckberger) sont résolument en faveur d'une identification. Bref une fois de plus l'esprit de géométrie est tenu en échec quand l'esprit de finesse vole à la conclusion. De quel côté êtes vous ? C'est à vous de dire, cher lecteur. Quant à moi, je suis du côté Lacordaire-Bruck. Je les identifie sans hésitation, ces trois figures de femme amoureuses du Christ, et cela même si saint Luc, qui parle, lui aussi, de Marie de Béthanie et de sa soeur Marthe, n'éprouve pas le besoin de le faire explicitement (Luc 10, 38-42). Disons que l'évangéliste respecte la réputation de cette famille ! Quand c'est la famille qu'il évoque, il n'éprouve pas le besoin de rappeler les frasques d'une des membres. La pécheresse, il ne citre pas non plus son nom. Mais psychologiquement, il serait absurde que deux femmes différentes aient imaginé le même geste du parfum répandu aux pieds de Jésus à deux moments bien différents : chez Simon le Pharisien puis, quelques jours avant la Passion, à Béthanie. Et il serait surprenant qu'alors que ces deux figures portent le même prénom – Marie – les deux évangélistes Luc et Jean qui ont l’un avec l’autre des liens certains, n'aient pas songé à les différencier dans l’hypothèse où elles auraient été deux femmes différentes... Bref... Argument psychologique, non scientifique certes, mais tellement vraisemblable ! En Orient, la coutume voulait que l’on oigne de parfum la tête d’un hôte, comme le racontent pudiquement Matthieu et Marc. Mais quelle femmes aurait été jusqu’à oindre les pieds du Christ en les essuyant de ses cheveux ? Il n’y en avait qu’une pour le faire, c’est la même au cours de la vie publique du Christ et à la fin de sa Mission – « pour sa sépulture » dit le Christ lui-même – quelques jours avant sa Passion.
Mais revenons à la pécheresse anonyme de Luc. "Il lui sera beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé". Tourne et retourne cette phrase dans tous les sens. On aurait beaucoup voulu lui faire dire le contraire de ce qu'elle dit : "Cette femme aimera beaucoup parce qu'elle a été beaucoup pardonnée". Il est vrai que la parabole de Jésus, dite des deux débiteurs, l'un qui devait cinquante deniers et l'autre qui en devait cinq cents, milite dans ce sens-là. C'est le débiteur qui devait davantage qui aime d'avantage parce que sa dette a été remise. Mais le texte est le texte : « Il lui sera beaucoup pardonné, parce qu’elle a beaucoup aimé ». On a cherché à faire de la préposition grecque oti qui signifie "parce que" l'expression d'une consécution : "de sorte que". On obtient ainsi : "Il lui a été beaucoup pardonné de sorte que elle a beaucoup aimé". Et puis on a essayé de remplacer oti (parce que) par dioti (c'est pourquoi), en intervertissant cause et conséquence. A chaque fois, l’idée des Commentateurs est la même : il faut faire dire au Christ que c’est parce que cette femme a été pardonnée qu’elle a aimé. Le texte, lui, dit bien que c’est parce qu’elle a aimé beaucoup qu’elle est beaucoup pardonnée. Toutes les réécritures de cette phrase, dont il faut croire qu’elle est irritante pour certains, sont terriblement fragile. Comme disait M. Guillotel, historien que certains d'entre vous ont peut être connu : "Le texte, rien que le texte".
Pinaillage ? Je ne crois pas. La question est de savoir ce que peut notre amour. Est-ce l’ amour de cette femme qui lui mérite le pardon ; ou bien est-ce le pardon qui produit en elle l’amour ? Est-ce le Christ qui fait tout ? Est-ce que notre amour peut, par lui-même, mériter quelque chose ?
C'est un catholique espagnol, Salmeron, qui a imaginé au XVIème siècle qu'il fallait aligner le rôle que Jésus confère à la pécheresse avec les sentiments que Jésus prête à chacun des deux débiteurs dans la courte parabole qu'il dédie à Simon le Pharisien, son hôte indélicat. Mais, parce qu’ils minimisent l’action humaine au profit de la prédestination divine, tous les protestants se sont engouffrés dans cette tentative de déformation du texte, signée Salmeron. Et voilà un effet pervers de cette belle devise : Soli Deo gloria, dont sont si fiers les protestants de France. A Dieu seul la gloire ! A ce compte-là, la pécheresse n'a rien fait pour mériter son pardon. Elle n'a pas aimé la première. C'est le Christ qui lui a pardonné et c'est le pardon du Christ qui a produit en elle l'amour. C'est au Christ que revient la gloire de la conversion de cette femme : au Christ exclusivement.
Notre amour peut-il émouvoir le coeur de Dieu ? Voilà la question. Il me semble que tout le récit de saint Luc nous fournit la réponse à cette question.
Voyez comment cette femme l'exprime, son amour. Selon les remarques du Père Spicq, dans Agapé, c'est un véritable attentat amoureux qu'elle se permet, en pleine table, alors que les convives sont allongés pour un repas solennel et ses pleurs sont une véritable "explosion de larmes" [verbe grec : mouiller], alors qu'elle tient un instant embrassés les pieds de Jésus.
Faut-il, avec plusieurs grands exégète comme Joachim Jeremias par exemple, comprendre que le Christ, dans un épisode non mentionné par l'Evangéliste, lui a déjà pardonné ses péchés et que c'est pour cela qu'elle revient avec du parfum ? Mauvaise méthode d'imaginer des événements qui ne sont pas dans le texte ! Et comment comprendre l'insistance et l'importunité de cette femme si son pardon a déjà eu lieu ? Si elle insiste tant et de façon publique, n'est-ce pas, en une sorte de va-tout très féminin, pour arracher au Christ les Paroles qui la délivreraient d'un passé dont elle ne veut plus ?
En réalité, le Christ cède à l’insistance de la femme, mais il ne veut pas se donner l'air de céder devant le Pharisien, qui en est encore à se dire : "S'il était prophète, il saurait de quelle nature est cette femme, qui elle est". Il se met à la portée du Pharisien avec la parabole des deux Débiteurs, l'un qui aime plus que l'autre parce qu'il lui a été remis davantage. Mais en réalité, la scène qui se passe aux yeux de tous manifeste que c'est l'inverse qui est vrai et que c’est bien cette femme a arraché son pardon à la Paternité de Dieu, à l'indulgence du Christ. Je pense à cet enseignement du Christ spécifiant que si l’on insiste dans la prière on est forcément exaucé.
Pourquoi le Christ pardonne-t-il ? Avant tout, il est impressionné par ce cran, par cette manière qu'a la pécheresse d'estimer en plein repas mondain qu'après tout "une seule chose est nécessaire" (Luc 10, 42) et que les mondanités attendront. Madeleine n'a pas peur, ni du Pharisien (elle connaît les hommes) ni du Qu'en dira-t-on. Elle fonce et c'est cette audace qui est récompensée.
Je pense, moi, à une autre femme, Mère Angélique Arnauld, au moment où l'on disperse ses jeunes novices (1661). Il lui reste quelques mois à vivre. Elle n'a rien perdu de son audace intérieure : "Quoi ! Les hommes se remuent. Eh bien ! Ce sont des mouches. En avez-vous peur ? Vous espérez en Dieu et vous craignez quelque chose ?". Les interprète, obsédés par la sensualité de Madeleine, ne voit que le côté dégoulinant de son amour et de ses larmes. Je crois que ce qui séduit le Christ c'est son courage et son mépris des conventions. On retrouve le même mépris chez la femme de Béthanie, qui, aux pieds de Jésus et n'ayant d'yeux que pour lui, laisse sa soeur Marthe gérer les repas et le quotidien, que ce soit dans saint Luc (10), ou dans saint Jean (11).
Il me semble que c'est la grande question - question cornélienne - que le Christ pose à chacun d'entre nous, la question de notre Carême finalement : as-tu du coeur ? Ou bien mets-tu les conventions sociales plus haut que tes exigences intérieures ?
Et toutefois, on peut accentuer la dissymétrie de l'amour du pharisien et de la pécheresse en mettant son geste en parallèle, non pas avec la parabole des deux débiteurs que propose le christ au pharisien pour l'interpréter sans trop le choquer, mais avec une autre parabole des deux débiteurs, celle du mauvais intendant à qui le Père remet sa dette, mais qui ne se l'est pas plus tôt vue remise qu'il ne va trouver l'un de ses propres créanciers, qui lui doit beaucoup moins pour le faire jeter en prison, n'usant pas, c'est le moins qu'on puisse dire, de la même mansuétude dont son maître a fait preuve envers lui. Le parallèle entre l'épisode du pardon accordé par Jésus à cette femme qui "a beaucoup aimé", peu importe de quelle façon, et le "débiteur insolvable" dont la reconnaissance ne s'étend pas jusqu'à son prochain, qui ne pratique pas le "pardon redistributif", qui ne fait pas tourner le pardon ni la chance, en dit long sur le fait que l'attitude la plus commune aux pharisiens, c'est, en une certaine dérivation du "sacrifice de l'autre", de désigner l'Autre comme Pécheur. Non seulement le pharisien se loue de ne pas être "comme ce publicain", pécheur public, ou comme cette pécheresse publique, dont Jésus nous apprendra qu'elle le (qu'elle nous) précède dans le royaume des cieux; mais, s'il ne tenait qu'à lui, le pharisien, il appliquerait à l'un et à l'autre la peine capitale par lapidation, n'ayant pas été touché par cette sentence lapidaire de Jésus:
RépondreSupprimer"Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre!"
Pis encore, comme vous l'avez fort bien montré dans votre commentaire sur l'épisode de "la femme adultère", eussent-ils été accusés par cette phrase qu'ils auraient passé outre, la seule chose qui les a peut-être empêchés de le faire étant la peur du scandale, cette peur même dont vous soulignez l'absence en cette femme qui brave les conventions pour proclamer en plein dîner mondain et en toute impudeur son amour pour Jésus. Cette dissymétrie a de quoi montrer à qui s'examine combien vaut cette demande du "notre Père":
"Seigneur, pardonne-nous nos offenses, en proportion de notre propre capacité à pardonner!"
Julien a raison de revenir sur votre commentaire de la femme adultère qui était très éclairant.
RépondreSupprimerLe pardon et l'amour sont, à mon sens, intrinsèquement liés. Si la colère et la vengeance sont des preuves de haine, le pardon est une preuve d'amour. De l'amour peut naître le pardon et du pardon l'amour.
Je pense, comme vous l’évoquez, mon père, que notre amour peut émouvoir le cœur de Dieu, mais cela se fait ne peut se faire que de façon clairvoyante, sans un attendrissement béat comme on le voit souvent chez certains humains qui bêtifient.
Une chose n’a pas été évoquée, c’est l’attrait physique de cette Marie là ! On l’imagine assez jeune et séduisante, peut-être même un peu provocante, à la manière de beaucoup de jeunes femmes d’aujourd’hui. Cet aspect n’est certainement pas négligeable dans le délicat enchevêtrement d’idées des uns et des autres à son sujet. Tous les poncifs, conscients ou non de la gente masculines à l’égard des jolies femmes, parasitent peut-être la clairvoyance de certains et même peut-être pas des moindres. Si elle avait été vieille et laide, les analyses n’auraient-elles pas été différentes. Mais peut-être m’égaré-je un peu…
Clément d’Aubier (pseudo de rêverie)
A 19:14
RépondreSupprimerVous commettez un anachronisme. A l'époque de Jésus nous ne sommes pas au 21è siècle occidental et ultra libéral, mais dans une société orientale et traditionnelle. Les moeurs étaient moins libres en Israel qu'à Rome.
Les femmes qui se condisaient mal étaient méprisées et ne séduisaient personne.
Jésus pardonne car elles ont demandé le pardon, mais il ajoute "et ne pêche plus".
Quant à Marie de Béthanie, il ne s'agit nullement d'une pécheresse (elle appartenait certainement à une grande famille très appréciée du Maître) et Jésus n'a rien à lui pardonner rien car elle n'a commis aucune faute. Au contraire il la donne en exemple car elle écoute la parole de Dieu, alors que sa soeur s'agite pour pas grand chose car Jésus ne devait pas être très exigeant envers ses hotes.
Cecit dit je pense que c'est Jeremias qui est dans le vrai.
Mon cher clément,
RépondreSupprimerLes deux faits dont je vais vous faire part ne sont pas une parabole, et pourtant...
Mon père habitait près d'une église qu'il ne fréquentait jamais, mais à l'ombre de laquelle il avait grandi, puisque c'était celle de son enfandce. Un après-midi, il jette un oeil aux bigotes qui s'y rendent et me dit, et me sort:
"C'est bizarre... comment tu expliques que des femmes que la foi devrait rendre heureuse ont l'air constamment si revêche..."
Une autre fois, il se pointe depuis chez sa nana pour me préparer le café et les petits pains qui vont avec. Je me dépêche, dard, dard, pour arriver à l'heure. Et puis, tout à coup, mon père, ce taciturne, toujours à la vue du même spectacle, me lance :
"Mais tu y crois, toi, au paradis?"
Je me troue con, je ne sais trop que répondre !
Quand il a été malade, c'est-àt-dire, paraplégique, je me risque à lui demander:
"Cela ne t'arrive-t-il de pas te révolter contre Dieu?"
Sa réponse:
"Comment peux-tu me poser une question pareille, toi qui es croyant? S'il y a bien quelqu'eun qui n'a pas le droit d'envisager cette hypothèse, c'est bien toi!"
Une autre fois, mon frère allait très mal, en proie à une crise mystique qui aurait pu le rendre fou. Mon père, qui lui dit avoir traversé la même galère, lui représenta ce raisonnement, rationnellement impeccable et auquel j'agttends qu'on trouve une antidote philosophique:
"Ecoute, G... Quoi qu'il arrive, sache que ma porte t'est toujours ouverte. Tu te sens damné, qu'à cela ne tienne ! C'est toi qui te damnerais, raisonnons! Ou bien dieu Est infiniment Bon, et Il ne peut laisser personne se perdre, ou bien Il n'est pas Infiniment Bon, et cela ne vaut plus la peine d'y croire, car la vie est déjà trop triste sans Y croire, et pense à ce que tu pourras soulager avec ou sans Lui!
Ce raisonnement me paraît rationnellement imparable, d'autant que mon père l'a mis en application dans toute sa vie!
Cher Julien,
RépondreSupprimerJe vous remercie pour ces confidences très intimes. J’ai un peu le sentiment comme vous, que Dieu étant infiniment bon, ne peut condamner personne au bout de compte. Ce pendant, comme l’a évoqué l’abbé de Tanoüarn, il y a peu, le repenti de la dernière minute à droit pleinement à son paradis. Faut-il qu’il soit repenti ! La condamnation (damnation) est un détournement volontaire. Comment empêcher quelqu’un de se détourner de Dieu ? Ne pas se considérer digne de Dieu ! N’est-ce pas Jean-Paul II qui disait que l’enfer devait exister, mais qu’il était probablement vide. Je dirais peut-être presque vide.
Pour répondre à l’anonyme de 21 : 10, je dirais ceci :
Vous avez raison, la terre sainte n’était pas Rome, mais sûrement pas l’Arabie d’aujourd’hui. Toutefois, une femme séduisante l’est quelque soit l’endroit et la culture locale. D’ailleurs, il faut peut-être moins d’impudeur pour qu’elle échauffe les esprits.
Clément d'Aubier