Le nouveau Respublica Christiana est arrivé. Dans le dossier de ce numéro, nous posons une simple question que l'on trouvera peut-être iconoclaste en ce long automne post-conciliaire qui ne cesse de s'étendre depuis les années 60. En quoi l'institution conciliaire est-elle salutaire dans la destinée de l'Eglise ? Pour entrer dans un tel sujet, ecclésiologique s'il en est, voici l'éditorial de l'abbé de Tanoüarn sur le délicat problème de l'autorité.
Edito - Lettre à un ami qui croit à l’Autorité
L’autorité des papes et des Conciles est une grande chose, voulue par Dieu pour fonder son Eglise sur le roc. Depuis deux siècles, l’Eglise a répondu à la crise moderniste par l’autorité de ses ministres. Cette autorité a été théorisée dans la constitution Pastor aeternus du concile Vatican I, qui définit l’infaillibilité du pape de Rome comme un dogme de la foi universelle ou catholique.
Cette autorité a requis des catholiques l’obéissance. L’obéissance est une chose tout aussi grande que l’autorité. Elle a tenu les catholiques groupés autour de leurs évêques et de leurs papes pendant deux siècles.
Le concile Vatican II apparaît indiscutablement d’abord comme une crise de ce système fondé de plus en plus unilatéralement sur l’autorité, crise anarchique qui annonçait à sa manière Mai 68, en anticipant sur son refus de l’autorité. Durant le Concile, ce sont surtout les évêques, soutenus par leurs experts théologiens, qui s’en sont pris à la Curie romaine ouvertement et implicitement à l’autorité du pape. Paul VI, alarmé par une telle fronde, a fait ajouter in extremis à la grande Constitution sur l’Eglise une « Nota praevia », rappelant l’intangible autorité et l’infaillibilité du Pontife romain. Au début des années 70, s’exprimant sur les fruits du Concile aux Pays Bas, il avait osé parler d’un « ferment schismatique » qui dissolvait l’Eglise.
Peut-on dire que Vatican II – ce Vatican II-là, le Vatican II progressiste et anarchiste – soit le mal et la mort ? Faut-il croire qu’il suffit à l’Eglise d’après Vatican II de retrouver l’Autorité, de restaurer l’obéissance pour que tout aille de nouveau pour le mieux dans le meilleur des mondes ecclésiastiques possible ? Cela n’est pas suffisant. La grande dissolution ecclésiale, occasionnée ou déclenchée par le Concile, mais restée pendante et annoncée depuis bien plus longtemps, a forcément un sens providentiel. Quel est-il ?
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que l’Eglise a besoin de se ressourcer aux fondamentaux de son enseignement. Ce sont ces fondamentaux qu’il faut retrouver et restaurer, avant l’autorité et avant l’obéissance. L’autorité et l’obéissance, explique saint Thomas d’Aquin, n’ont de sens que par rapport au Bien commun. Quel est notre Bien commun, à nous catholiques ? Autour de quoi construisons-nous l’Eglise ? Quelle foi nous anime ?
Il me semble qu’il faut répondre comme Pascal : la misère de l’homme par le péché ; la grandeur de l’homme et son salut par la grâce pour la gloire éternelle. Ni plus ni moins.
Ce dossier exceptionnel sur les conciles dans l’histoire de l’Eglise et sur les crises qui en ont résulté souvent nous montre que la foi est antérieure à l’obéissance et qu’elle la juge. Sublime l’obéissance à la foi, l’obsequium mentis, l’hommage de notre esprit à l’Esprit divin. Catastrophique l’obéissance pour elle-même – celle que le langage le plus courant a déclaré aveugle. « Si un aveugle guide un aveugle tous les deux tomberont dans un trou » (Mc 4, 10). Les chrétiens ne peuvent pas faire l’économie de la lumière, pas même au nom de l’obéissance.
Abbé G. de Tanoüarn
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