J'aurais fait un mégabug dit l'abbé Patrick de La Rocque de la FSSPX. "Énorme bourde"? "L'affaire est en tout cas lourde de sens" explique-t-il d'emblée, sans présenter la moindre preuve à l'appui... J'avoue que je n'ai spontanément aucun goût pour le pilpoul théologique. Mais on me signale ce texte de l'abbé de La Rocque, en réponse à la réfutation du texte de l'abbé de Cacqueray paru il y a trois semaines sur ce blog (12 septembre). Ne disposant pas moi même d'un si long temps pour y répondre, je m'exécute immédiatement, n'ayant qu'un regret, c'est que ces pinaillages théologiques fassent passer au second plan notre projet de commémoration de la naissance de Jeanne d'Arc. Je cède aux arguties et délaisse un moment cette évidence chrétienne, qui animait la sainte et qui doit nous animer, nous, si nous voulons réussir notre vie, c'est-à-dire être des saints. Je vous renvoie donc en priorité au texte qui précède et dont vous retrouverez des résonances sur ce Blog tout au long de l'année.
Dans le texte publié le 12 septembre et intitulé Assise III : ceux qui crient avant d'avoir mal, je donnais entre autres une liste de cinq précautions prises par Benoît XVI pour que Assise III ne ressemble pas à Assise I. Vos lecteurs n'en sauront rien... Au lieu de me suivre dans l'interprétation claire et non forcée que je donne des paroles de Benoît XVI, vous voulez tirer de mes propos une doctrine de l'abbé de Tanoüarn sur les religions non chrétiennes. Le deal est ambitieux. A mon avis excessif. Mais enfin soit... Vous picorez à droite et à gauche pour reconstituer cette doctrine en... trois points (Aïe !).
Premier point : vous m'accusez de subjectivisme parce que j'aurais prétendu que le sentiment religieux de l'homme suffit à établir la présence d'une vertu de religion. Mais je n'ai jamais dit cela.
Vous donnez pour preuve de votre position une référence précise à saint Thomas : Somme théologique IIaIIae Q. 81 a3. Référence sans citation. La citation que vous ne donnez pas à l'appui de vos accusations, la voilà. Le corpus de l'article est tellement court que je peux le donner ici : "L'objet de la religion, c'est de rendre honneur au Dieu unique, sous cette raison unique qu'il est le principe premier de la création et du gouvernement du monde". Il me semble que loin de dénoncer avec vous mon prétendu "sophisme" subjectiviste, saint Thomas, invoqué par vous pourtant, va bien dans mon sens. Pour lui, la vertu de religion est une vertu naturelle, qui provient de la vénération que l'on a pour le Dieu créateur et providence, c'est-à-dire pour le Dieu accessible à la raison humaine, adoré par tous les hommes, ainsi que le répète Vatican I, et non pas d'abord pour le Dieu qui, historiquement s'est révélé en Jésus Christ comme le sauveur des hommes.
Vous m'accusez de "subjectivisme". Il n'y en a que dans votre tête. la vertu naturelle de religion, chez saint Thomas, est une relation entre l'homme et Dieu. Ce Dieu est le vrai Dieu, du moment qu'on le reconnaît, selon les pouvoirs de la raison humaine, comme créateur et providence. Tertullien explique par exemple : "Que vous le vouliez ou non, notre Dieu est le Dieu de tous les hommes. L'univers lui appartient" (Apologétique 24).
Deuxième point : vous m'accusez de "séparer l'ordre de la nature et l'ordre de la grâce ce qui est inacceptable" et vous avancez : "in concreto, chaque homme est placé dans un contexte surnaturel". Vous allez vite en besogne ! Jusqu'à l'hérésie ? C'est à voir.
Il est vrai qu'existentiellement chaque homme se trouve lancé sur le chemin de son salut. Mais cela ne signifie pas que sa nature ait disparu et ne doive plus être prise en considération. Seuls les gnostiques, pour lesquels la nature est mauvaise puisque matérielle) et les baïanistes (pour lesquels la nature est toujours pécheresse) ont pu soutenir cela. Comme le dit Cajétan, formulant admirablement l'orthodoxie catholique, actuellement, il y a une vérité de l'essence et une vérité de l'existence.
Vérité de l'existence ? Cette grâce suffisante donnée à chaque homme pour qu'il puisse se sauver, le plus souvent d'une manière que Dieu seul connaît. Cette grâce correspond à la vocation de chacun.
Vérité de l'essence ? Ce sont tous ces actes foncièrement naturels, ces actes de "la chair" (comprenez ces actes humains, trop humains) qui s'opposent à l'esprit (divin), ou qui, sans s'opposer à l'esprit de manière explicite, ne peuvent permettre de s'élever jusqu'à lui.
Dans cette dernière catégorie, je pose non pas tous les actes de la religion naturelle (car il existe un vice de religion et beaucoup de ces actes en dépendent : sacrifices humains etc.), mais au moins ceux que les hommes posent avec un coeur droit. Ce faisant, ils ne peuvent pas prétendre mériter leur salut, parce que les hommages qu'ils adressent à Dieu n'ont pas une valeur infinie. Ce sont des hommages purement humains. Ces actes naturels de religion ne sont donc pas méritoires pour le salut, mais, cela n'empêche, ils ne sont pas essentiellement mauvais, ils sont naturellement bons, et ils peuvent même avoir, vis-à-vis de la Miséricorde de Dieu, une valeur dispositive, qu'un Bon Pasteur pourra d'ailleurs discerner au cas par cas.
Sur ce point des rapports nature/grâce, vous avez des circonstances atténuantes, car les théologiens se sont souvent embourbés dans ces questions. Mais je suis surpris de constater que vous retrouvez les angles morts de la pensée du Père de Lubac et jusqu'au ton avec lequel il stigmatise sans cesse la "séparation" inacceptable des deux ordres. Quel paradoxe sous votre plume traditionaliste de retrouver ce ton ! Ce sont les avatars du baïanisme et de toutes les "antiphysies" que de nous balader d'un extrême à l'autre sans ancrage, de la négation de la nature [pseudosupernaturalismus disait le Père Garrigou] à la négation de la grâce et de la surnature [vrai naturalisme dirais-je].
Dans son livre testament, Mémoire et identité, Jean Paul II nous recommande, lui, de ne pas oublier la "nature", à laquelle on a fait si mauvaise presse depuis le Concile. En tant que thomiste, vous finirez par y venir, j'en suis sûr ! Et alors plongez-vous dans Cajétan. Je sais : ni Maurice Blondel, ni Lubac ne l'ont en haute estime. Mais il vous donne les instruments fins d'une ontologie respectueuse de la dualité fondamentale de tout sujet humain, à la fois essence et existence, nature et surnature, et se concevant comme une personne dans cette dualité non surmontable, qui fait notre statut de créature.
Et il y a un troisième point... Ce troisième point de votre critique vous inquiète, dites-vous... en m'assénant un passage de Mortalium animos, l'encyclique bien connu de Pie XI, passage auquel j'adhère sans aucun problème. Votre inquiétude repose en réalité sur la confusion que vous faites constamment dans votre papier entre les religions et les personnes, entre l'islam et les musulmans par exemple.
Benoît XVI répète à satiété que toutes les religions ne se valent pas. On a mis au pilon récemment 100 000 exemplaires de Youcat, parce qu'une "coquille" s'y était glissée, affirmant l'équivalence des religions. Le pape ne herche pas à rencontrer des religions (il ne vous a pas échappé que Benoît XVI avait même tenté de supprimé le secrétariat pour le dialogue interreligieux). Ceux qu'ils invitent sont des personnes, qui, d'ailleurs, en vertu de vos propres principes, se trouvent ordonnés à l'Eglise catholique, puisqu'ils sont comme nous tous, volens nolens, sur le chemin du salut ou de la damnation.
Dans votre premier point, vous faisiez déjà cette confusion "lourde de sens" dirais-je pour reprendre votre langage, entre les religions et les religieux. je vous cite : "Comment l'abbé de T. peut-il laisser entendre que les religions convoquées par Benoît XVI répondent à la définition de la religion naturelle?" Ce n'est pas ce que j'ai expliqué. J'ai simplement dit que Benoît XVI, au nom d'un pouvoir spirituel mondial, qui a quelque chose de maurrassien ou de comtien, entendait rappeler aux religieux, présents pour Assise III, le caractère normatif de la vertu naturelle de religion, au moins sous l'angle de la paix qu'elle doit promouvoir entre les hommes. Il ne s'agit pas, ni pour le pape ni pour moi, de dire que les religions "vérifient la définition de la religion naturelle". Bien sûr que non ! Le bouddhisme par exemple n'a pas une conception claire de Dieu... il n'est pas question de dire qu'il "vérifie la définition de la religion naturelle". Et on pourrait multiplier les exemples.
Patrick, vraiment là, où vous ne comprenez rien, ou vous voulez vraiment me faire passer pour un âne. Je dis simplement que le pape, en tant que souverain spirituel de l'humanité de facto a un rôle à jouer dans la pacification religieuse du monde, un rôle auprès des personnes, faisant appel à la vertu naturelle de religion qui est dans leur coeur, pour que cessent les guerres religieuses, guerre de l'islamisme contre le monde libre, guerre des Hindouistes contre les autres religions dans leur propre pays etc.
Vous parlez - c'est un peu mélo - de "ces confrères que nous avons aimés", comme si ce sentiment d'estime devait se conjuguer au passé. Quant à moi Patrick, je vous le dis, avec le seul bénéfice de l'âge : je vous ai eu comme élève en philosophie à l’École saint-Michel. Vous aviez déjà ce brio et cette audace qui sont les vôtres aujourd'hui. Vous êtes un bon combattant ! Acceptez de rentrer vraiment dans le débat théologique et vous verrez que Vatican II, texte flou, long, ambigu, est derrière nous et que, selon l'appel de Benoît XVI au n°19 de Spe salvi, l'essentiel aujourd'hui est de revenir au ressort profond de la foi, qui doit sauver non pas une chapelle crispée sur des thématiques mal verrouillées, mais tous les hommes de bonne volonté. C'est à cette tâche et à rien moins que nous conduit notre sacerdoce. Je vous le dis avec toute mon amitié.
Dans le texte publié le 12 septembre et intitulé Assise III : ceux qui crient avant d'avoir mal, je donnais entre autres une liste de cinq précautions prises par Benoît XVI pour que Assise III ne ressemble pas à Assise I. Vos lecteurs n'en sauront rien... Au lieu de me suivre dans l'interprétation claire et non forcée que je donne des paroles de Benoît XVI, vous voulez tirer de mes propos une doctrine de l'abbé de Tanoüarn sur les religions non chrétiennes. Le deal est ambitieux. A mon avis excessif. Mais enfin soit... Vous picorez à droite et à gauche pour reconstituer cette doctrine en... trois points (Aïe !).
Premier point : vous m'accusez de subjectivisme parce que j'aurais prétendu que le sentiment religieux de l'homme suffit à établir la présence d'une vertu de religion. Mais je n'ai jamais dit cela.
Vous donnez pour preuve de votre position une référence précise à saint Thomas : Somme théologique IIaIIae Q. 81 a3. Référence sans citation. La citation que vous ne donnez pas à l'appui de vos accusations, la voilà. Le corpus de l'article est tellement court que je peux le donner ici : "L'objet de la religion, c'est de rendre honneur au Dieu unique, sous cette raison unique qu'il est le principe premier de la création et du gouvernement du monde". Il me semble que loin de dénoncer avec vous mon prétendu "sophisme" subjectiviste, saint Thomas, invoqué par vous pourtant, va bien dans mon sens. Pour lui, la vertu de religion est une vertu naturelle, qui provient de la vénération que l'on a pour le Dieu créateur et providence, c'est-à-dire pour le Dieu accessible à la raison humaine, adoré par tous les hommes, ainsi que le répète Vatican I, et non pas d'abord pour le Dieu qui, historiquement s'est révélé en Jésus Christ comme le sauveur des hommes.
Vous m'accusez de "subjectivisme". Il n'y en a que dans votre tête. la vertu naturelle de religion, chez saint Thomas, est une relation entre l'homme et Dieu. Ce Dieu est le vrai Dieu, du moment qu'on le reconnaît, selon les pouvoirs de la raison humaine, comme créateur et providence. Tertullien explique par exemple : "Que vous le vouliez ou non, notre Dieu est le Dieu de tous les hommes. L'univers lui appartient" (Apologétique 24).
Deuxième point : vous m'accusez de "séparer l'ordre de la nature et l'ordre de la grâce ce qui est inacceptable" et vous avancez : "in concreto, chaque homme est placé dans un contexte surnaturel". Vous allez vite en besogne ! Jusqu'à l'hérésie ? C'est à voir.
Il est vrai qu'existentiellement chaque homme se trouve lancé sur le chemin de son salut. Mais cela ne signifie pas que sa nature ait disparu et ne doive plus être prise en considération. Seuls les gnostiques, pour lesquels la nature est mauvaise puisque matérielle) et les baïanistes (pour lesquels la nature est toujours pécheresse) ont pu soutenir cela. Comme le dit Cajétan, formulant admirablement l'orthodoxie catholique, actuellement, il y a une vérité de l'essence et une vérité de l'existence.
Vérité de l'existence ? Cette grâce suffisante donnée à chaque homme pour qu'il puisse se sauver, le plus souvent d'une manière que Dieu seul connaît. Cette grâce correspond à la vocation de chacun.
Vérité de l'essence ? Ce sont tous ces actes foncièrement naturels, ces actes de "la chair" (comprenez ces actes humains, trop humains) qui s'opposent à l'esprit (divin), ou qui, sans s'opposer à l'esprit de manière explicite, ne peuvent permettre de s'élever jusqu'à lui.
Dans cette dernière catégorie, je pose non pas tous les actes de la religion naturelle (car il existe un vice de religion et beaucoup de ces actes en dépendent : sacrifices humains etc.), mais au moins ceux que les hommes posent avec un coeur droit. Ce faisant, ils ne peuvent pas prétendre mériter leur salut, parce que les hommages qu'ils adressent à Dieu n'ont pas une valeur infinie. Ce sont des hommages purement humains. Ces actes naturels de religion ne sont donc pas méritoires pour le salut, mais, cela n'empêche, ils ne sont pas essentiellement mauvais, ils sont naturellement bons, et ils peuvent même avoir, vis-à-vis de la Miséricorde de Dieu, une valeur dispositive, qu'un Bon Pasteur pourra d'ailleurs discerner au cas par cas.
Sur ce point des rapports nature/grâce, vous avez des circonstances atténuantes, car les théologiens se sont souvent embourbés dans ces questions. Mais je suis surpris de constater que vous retrouvez les angles morts de la pensée du Père de Lubac et jusqu'au ton avec lequel il stigmatise sans cesse la "séparation" inacceptable des deux ordres. Quel paradoxe sous votre plume traditionaliste de retrouver ce ton ! Ce sont les avatars du baïanisme et de toutes les "antiphysies" que de nous balader d'un extrême à l'autre sans ancrage, de la négation de la nature [pseudosupernaturalismus disait le Père Garrigou] à la négation de la grâce et de la surnature [vrai naturalisme dirais-je].
Dans son livre testament, Mémoire et identité, Jean Paul II nous recommande, lui, de ne pas oublier la "nature", à laquelle on a fait si mauvaise presse depuis le Concile. En tant que thomiste, vous finirez par y venir, j'en suis sûr ! Et alors plongez-vous dans Cajétan. Je sais : ni Maurice Blondel, ni Lubac ne l'ont en haute estime. Mais il vous donne les instruments fins d'une ontologie respectueuse de la dualité fondamentale de tout sujet humain, à la fois essence et existence, nature et surnature, et se concevant comme une personne dans cette dualité non surmontable, qui fait notre statut de créature.
Et il y a un troisième point... Ce troisième point de votre critique vous inquiète, dites-vous... en m'assénant un passage de Mortalium animos, l'encyclique bien connu de Pie XI, passage auquel j'adhère sans aucun problème. Votre inquiétude repose en réalité sur la confusion que vous faites constamment dans votre papier entre les religions et les personnes, entre l'islam et les musulmans par exemple.
Benoît XVI répète à satiété que toutes les religions ne se valent pas. On a mis au pilon récemment 100 000 exemplaires de Youcat, parce qu'une "coquille" s'y était glissée, affirmant l'équivalence des religions. Le pape ne herche pas à rencontrer des religions (il ne vous a pas échappé que Benoît XVI avait même tenté de supprimé le secrétariat pour le dialogue interreligieux). Ceux qu'ils invitent sont des personnes, qui, d'ailleurs, en vertu de vos propres principes, se trouvent ordonnés à l'Eglise catholique, puisqu'ils sont comme nous tous, volens nolens, sur le chemin du salut ou de la damnation.
Dans votre premier point, vous faisiez déjà cette confusion "lourde de sens" dirais-je pour reprendre votre langage, entre les religions et les religieux. je vous cite : "Comment l'abbé de T. peut-il laisser entendre que les religions convoquées par Benoît XVI répondent à la définition de la religion naturelle?" Ce n'est pas ce que j'ai expliqué. J'ai simplement dit que Benoît XVI, au nom d'un pouvoir spirituel mondial, qui a quelque chose de maurrassien ou de comtien, entendait rappeler aux religieux, présents pour Assise III, le caractère normatif de la vertu naturelle de religion, au moins sous l'angle de la paix qu'elle doit promouvoir entre les hommes. Il ne s'agit pas, ni pour le pape ni pour moi, de dire que les religions "vérifient la définition de la religion naturelle". Bien sûr que non ! Le bouddhisme par exemple n'a pas une conception claire de Dieu... il n'est pas question de dire qu'il "vérifie la définition de la religion naturelle". Et on pourrait multiplier les exemples.
Patrick, vraiment là, où vous ne comprenez rien, ou vous voulez vraiment me faire passer pour un âne. Je dis simplement que le pape, en tant que souverain spirituel de l'humanité de facto a un rôle à jouer dans la pacification religieuse du monde, un rôle auprès des personnes, faisant appel à la vertu naturelle de religion qui est dans leur coeur, pour que cessent les guerres religieuses, guerre de l'islamisme contre le monde libre, guerre des Hindouistes contre les autres religions dans leur propre pays etc.
Il me semble avoir répondu clairement à votre mise en cause. Je vous reproche une fausse accusation de subjectivisme et une fausse référence à Thomas pour l'appuyer ; une théologie approximative de la nature et de la grâce, avec risque de pseudosupernaturalismus ; et enfin une confusion très dommageable entre les religions et les religieux, l'islam et les musulmans par exemple. Je suis tout à fait près à un débat public avec vous, au Centre Saint Paul ou ailleurs, à Nantes pourquoi pas, j'y ai d'excellents amis que je salue : à votre convenance nous pourrions nous retrouver sur ces sujets difficiles. Il me semble que la vérité n'avance pas masquée, qu'elle n'a pas besoin de se cacher dans des cénacles et qu'en un mot, comme dirait Pascal, "jamais les saints ne se sont tus". Quod in aure auditis, praedicate super tecta ! Dans cette discussion, nous pourrions contribuer à une critique constructive du Concile, ainsi que certainement le préambule doctrinal vous en donne le droit et nous préparerions l'avenir de cette Église que nous aimons, l'avenir qui n'est certainement pas Vatican II.
Vous parlez - c'est un peu mélo - de "ces confrères que nous avons aimés", comme si ce sentiment d'estime devait se conjuguer au passé. Quant à moi Patrick, je vous le dis, avec le seul bénéfice de l'âge : je vous ai eu comme élève en philosophie à l’École saint-Michel. Vous aviez déjà ce brio et cette audace qui sont les vôtres aujourd'hui. Vous êtes un bon combattant ! Acceptez de rentrer vraiment dans le débat théologique et vous verrez que Vatican II, texte flou, long, ambigu, est derrière nous et que, selon l'appel de Benoît XVI au n°19 de Spe salvi, l'essentiel aujourd'hui est de revenir au ressort profond de la foi, qui doit sauver non pas une chapelle crispée sur des thématiques mal verrouillées, mais tous les hommes de bonne volonté. C'est à cette tâche et à rien moins que nous conduit notre sacerdoce. Je vous le dis avec toute mon amitié.
Cher Monsieur l'abbé,
RépondreSupprimerIl est un peu vain de ma part de vouloir entrer en discussion avec votre texte, d'autant qu'il répond à quelqu'un d'autre et vous oppose, dans le cadre d'une polémique où je n'ai pas mon mot à dire, à un homme que je ne connais que de nom. Mais je voudrais en retenir deux points:
Le premier est que la Grâce, donc le surnaturel, relève de l'existentiel, comme l'angoisse et comme l'aventure de devenir soi, ce qu'il y a de plus difficile en ce monde.
Le second est que, ce qui rend la Foi chrétienne difficile à comprendre et déchiffrer pour ceux qui ne la partagent pas, c'est la dualité dont vous parlez, entre cette nature qui ne suffit pas, et la Grâce qui doit se manifester au niveau de l'existentiel, dans l'existence de chaque homme.
C'est-à-dire que l'essence n'est pas plénièrement, qu'il manque quelque chose à la Création, ce "je ne sais quoi", qui peut avoir été le péché originel, mais qui peut aussi avoir préexisté au péché dans le Plan de Dieu, pour susciter la rédemption.
Comment sortir de cette dualité? Car il est insupportable pour l'être humain de se sentir affronter en permanence une condition duelle.
Je crois que la première doxologie introductive du chapelet peut nous aider à trouver une voie:
"gloire au Père qui nous a créés;
Gloire au christ Qui nous a sauvés;
Gloire à l'esprit qui nous a sanctifiés !"
Autrement dit, l'alternative à la dualité, c'est la sanctification par l'esprit-Saint Qui y conduit et élargit. l'homme de se sentir duel, à la fois créature et "sauvé en espérance".
Mais là encore, la sanctification peut se comprendre dans une dualité de sens. Est-elle élargissement dans un sentiment de libération ou rétrécissement dans un ascétisme qui nous ferait fuir l'aventure d'être soi, dans un enfer-enfermement?
La question, à laquelle j'ai l'air d'avoir répondu (mais on passe une vie entière à y répondre) n'est pas si simple et si tordue qu'elle en a l'air, quand on sait que, dans le "credo", l'esprit-saint, la troisième Personne de la Trinité, est celui dont on parle le moins (dans la traduction du symbole des apôtres, on dit carrément:
"Je crois au saint-Esprit", un peu comme on dirait: "je crois au Père Noël");
mais même, dans le symbole de Nicée où l'on développe davantage, du Saint-esprit, c'est-à-dire de la Personne divine qui vit avec nous pour assurer le "face à face" Actuel avec "Sa Majesté", pour reprendre le langage de sainte-thérèse d'avila, on ne parle qu'au passé :
"Il a parlé par les prophètes."
Il a parlé, c'est-à-dire qu'Il ne parlerait plus? Alors qu'est-ce qui, si je prends une comparaison avec la réflexologie, devrait stimuler notre Réveil au Sentiment d'"être avec" dieu? Quelle présence plus forte que ce passé qui ne passe pas, que ce passéisme que le Christ nous enseigne à fuir en nous intimant de laisser les morts enterrer leurs morts ou de ne pas regarder à la charrue tandis que nous progressons dans la vie spirituelle, peut nous faire ressentir l'intimité de notre Union à dieu, union dans la sanctification?
Question d'une âme tourmentée, mais dont je crois qu'elle vaut d'être posée.
Mon Dieu, M. l'Abbé, comme cette réfutation précise et pointue fait du bien : une vraie bouffée d'oxygène ! Cela fait des années que je suis sidéré par les approximations de l'abbé de la Rocque, sa philosophie faiblarde, sa théologie inane, (on aurait pu s'inquiéter des compétences de ses maîtres... ;-) ) le tout camouflé sous le brio d'un bretteur dégainant plus vite que son ombre et dans un langage suffisamment imprécis pour que les à-peu-près puissent passer pour une science inaccessible aux profanes.
RépondreSupprimerJe me souviens d'une vieille "lettre à nos frères prêtres" où, dans des considérations plus proches du pathos que de la théologie, il soulignait que la TSVM était restée au pied de la croix malgré son "incompréhension" des faits qui se déroulaient sous ses yeux ! Cette lettre a mystérieusement disparu des archives car elle a dû susciter l'ironie apitoyée des "frères prêtres" qui ne sont pas sans savoir que notre Sainte Mère connaissait parfaitement les écritures et "méditait tout cela dans son coeur", ce qu'on ne saurait trop suggérer à l'abbé de la Rocque d'imiter !
En fait, j'ai déjà remarqué chez les "théologiens" de la FSSPX (lui ou Mgr Tissier par exemple) cette propension à déformer les propos de "l'adversaire" faute de les comprendre, pour mieux les contrer sur la base d'approximations philosophiques et théologiques. Et il devient assez affolant (ou risible) de voir ces personnes s'imaginer avoir les compétences d'analyser et de critiquer la pensée de Benoît XVI, par exemple, qui a non seulement un bagage intellectuel hallucinant mais en plus l'assistance de l'Esprit Saint, ne serait-ce que dans le cadre de la grâce d'état...
Ce qui est affligeant, en définitive, c'est que ces "théologiens" autoproclamés, qui se posent en défenseurs de l'orthodoxie contre celui qui a reçu du Christ le charisme de confirmer ses frères, contribuent à détruire le sensus ecclesiae et, allant au-delà de la règle de foi, finissent par dangereusement flirter avec l'hérésie cathare et gnostique, comme vous le démontrez aussi simplement qu'efficacement...
En conclusion, j'admire les négociateurs du Vatican qui ont dû se coltiner ces ignorants superbes et prétentieux... Mais sans un minimum d'humilité, la crise n'est pas près d'être terminée ?
Eléazar
Merci bien M. l'abbé, pour ces clarifications. Je me suis cependant posé quelques questions :
RépondreSupprimer-"Ces actes naturels de religion ne sont donc pas méritoires pour le salut, mais, cela n'empêche, ils ne sont pas essentiellement mauvais, ils sont naturellement bons, et ils peuvent même avoir, vis-à-vis de la Miséricorde de Dieu, une valeur dispositive, qu'un Bon Pasteur pourra d'ailleurs discerner au cas par cas." Y compris - car c'est le plus souvent de cela qu'il s'agit -l culte rendu à des idoles ? en bonne conscience, peut-être, je ne dis pas le contraire, mais enfin....
-"J'ai simplement dit que Benoît XVI, au nom d'un pouvoir spirituel mondial, qui a quelque chose de maurrassien ou de comtien, entendait rappeler aux religieux, présents pour Assise III, le caractère normatif de la vertu naturelle de religion, au moins sous l'angle de la paix qu'elle doit promouvoir entre les hommes." Je passe sur le premier membre de la phrase sur lequel il y aurait beaucoup à dire. MAis outre "l'angle de la paix", n'y aurait-il pas, par exemple, celui du statut de la femme ? Sur ce genre de sujet, il y aurait beaucoup à dire, et pas seulement sur l'islam, quoiqu'on en dise parfois. Même Madeleine Biardeau, pourtant grande admiratrice d' l'hindouisme, dresse, enrobé dans des louanges continuelles et parfaitement sincères (vous avez dit "syndrome de Stockholm ?"), un tableau très sombre de la situation de la femme en Inde, notamment dans "L'hindouisme. Anthropologie d'une civilisation". Le bouddhisme a partiellement réhabilité la femme en lui ouvrant accès à la vie religieuse et au nirvana. On sait cependant que le Bouddha n'a accepté les religieuses féminines que sous la demande pressante de sa Tante, laquelle était aussi sa belle-mère : l'histoire de la famille du Bouddha contient d'ailleurs à cet égard des éléments assez troublants sur le plan de la polygamie... Ce dernier point se retrouve également dans l'histoire du bouddhisme tibétain : cf. l'introduction du bouddhisme au Tibet à la demande de deux des femmes du roi du Tibet (le fameux Songtsen Gamo), l'une chinoise, l'autre népalaise... si la polygamie du pieux monarque semble avérée (pour autant qu'on puisse faire confiance aux légendes sur les débuts du bouddhisme tibétain, lesquelles laissent sceptiques certains spécialistes ; ajoutons aussi ) on n'est du reste pas absolument sûr que ces deux épouses fussent toutes deux réellement bouddhistes : certains se demandent si celle des épouses chinoises qui est en question dans cette affaire n'était pas plutôt elle-même taoïste (religion chinoise dont on connaît les affinités avec le bouddhisme)...
à la décharge de la polygamie des monarques bouddhistes de l'époque, on pourrait arguer, non sans une part de vérité que celle-ci avait des raisons diplomatiques. Cela dit, les choses se compliquent quand on étudie la vie de Padmasambhava, ascète tantrique dont on connaît le rôle central au concile de Lhassa, et auquel on attribue la paternité du Livre des morts tibétains : nous préférons ne pas en dire plus et vous laisser vous documenter sur ses rapports à sa première parèdre, Mandarava, qui lui avait été donnée en cadeau par un roi contre la volonté de son père à elle (qui était aussi roi) et qu'il abandonna lâchement afin de partir "évangéliser" le Tibe (N.B. : il était déjà ascète lorsqu'il l'épousa, mais l'ascèse tantrique est parfois assez spéciale). On sait du reste qu'il ne perdit rien aux changes, puisque le roi du Tibet lui donna une de ses femmes, Yeshe Tsogyal, en remerciement pour ses mérites. En résumé, je pense que la question de la paix est loin d'être le seul point sur lequel Benoît XVI pourrait interroger nos dirigeants religieux. Celle du statut de la femme, parmi beaucoup d'autres, mériterait aussi attention.
Cela étant, félicitation pour votre blog, et en union de prière.
"Dieu accessible à la raison humaine, adoré par tous les hommes, ainsi que le répète Vatican I"
RépondreSupprimerLe concile Vatican I, constitution "Dei Filius", enseigne que le vrai Dieu peut être connu avec certitude par la raison humaine (ce qui n'est pas tout à fait la même chose qu'"accessible" mais je ne veux pas chicaner).
Sauf erreur de ma part, en revanche, le concile ne dit nulle part que Dieu soit "adoré par tous les hommes" et, sous cette forme, l'affirmation me semble fausse (cf. Romains 1, 18-23).
On ergote, on coupe les cheveux en quatre... Masturbation intellectuelle en groupe alors que tant d'âme sont désespérées... J'avoue que j'en suis une et à vous lire je me dis que le bug s'est produit dans les grâces qu'est censé donner Dieu...
RépondreSupprimerIl ne faut pas se confier à la raison ,elle est pliable en tout sens,raisonner c'est arraisonner ,c'est la superbe de l'ego,c'est la putain du diable.il faut écouter Le logos c'est à dire le verbe, la parole et non pas la raison.
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