vendredi 15 mars 2013

Une place notable, au conclave, pour les responsables des Églises catholiques de rite oriental

[par Hector Triomphant] Un aspect a été peu souligné, mais le conclave qui s’est réuni ce mardi 12 mars est probablement l’un de ceux qui comporte, dans l’histoire, le nombre le plus varié de responsables d’Églises catholiques de rite oriental en exercice. Certes, ces Églises ne représentent qu’un nombre limité de fidèles dans la masse catholique, mais sur les 115 cardinaux électeurs présents à Rome, 4 sont à la tête d’Églises de rite oriental. L’univers catholique romain, mais non latin, est assez bien représenté dans le conclave qui a élu le Cardinal Bergoglio comme successeur à Joseph Ratzinger, pape émérite depuis peu. On y compte, en effet, le patriarche copte catholique, Antonios Naguib, créé cardinal en 2010, mais également le patriarche maronite, Bechara Boutros Raï, créé en novembre 2012. En outre, deux archevêques majeurs d’Églises orientales sont également électeurs : l’archevêque majeur des syro-malabars (siège traditionnellement cardinalice), Mgr George Alencherry, crée en février 2012, et l’archevêque majeur de Trivandrum des syro-malankars, Mgr Basileos Cleemis Thottunkal, ce dernier siège donnant pour la première fois un cardinal à l’Église romaine. Ce nombre aurait pu être porté à 5: en effet, l’archevêque majeur émérite des ukrainiens catholiques, le cardinal Husar, aurait pu voter, s’il n’avait fêté ses 80 ans le 26 février dernier, soit deux jours avant le début de la vacance du siège pontifical ! (Le seuil des 80 ans est fixé par rapport à la date vacance du Siège apostolique, non par rapport à celle du début du conclave ; à ce titre, le cardinal Kasper, qui a eu 80 ans le 5 mars dernier, donc postérieurement au 28 mars, a pu participer au conclave). En outre, deux autres actuels ou anciens responsables d’Églises orientales sont cardinaux, mais ne sont plus électeurs : le patriarche émérite chaldéen (il n’est plus patriarche depuis le 1er février dernier), Emmanuel III Karim Delly, créé cardinal en 2007, et Mgr Lucian Muresan, archevêque majeur d’Alba Iulia et Fagaras des roumains, créé cardinal en février 2012. Tous deux sont respectivement nés en 1927 et 1931.

Si l’on veut une représentation aussi significative, il faut peut-être remonter à Paul VI qui, en 1965, créa d’un coup quatre chefs d’Églises orientales : le patriarche melkite-catholique, Maxime IV Sayegh, le patriarche Maronite, Paul Pierre Meouchi, le patriarche copte catholique, Stephanos I Sidarous et Mgr Slipyj, archevêque ukrainien catholique, alors en exil en raison du régime soviétique qui régnait sur l’Ukraine. Mais seuls les deux derniers participèrent aux deux conclaves de 1978. Autant dire que les créations sous Benoît XVI marquent une avancée significative assez peu soulignée dans la meilleure prise en compte de l’universalité de l’Église.

Jean-Paul II promut au cardinalat plusieurs responsables d’Églises orientales, mais encore le fit-il quelquefois successivement pour le titulaire d’un même siège. Ainsi, le patriarche maronite fut créé cardinal, dans la personne d’Antoine Khoraiche, en 1983, puis de [Nasrallah Boutros] Sfeir, en 1994. De même, l’archevêque majeur des ukrainiens catholiques fut créé cardinal en 1985 : il s’agissait de Mgr Lubachivski, alors en exil. Son successeur, Mgr Husar, fut créé cardinal en 2001. Enfin, l’archevêque majeur syro-malabar d’Ernakulam fut créé cardinal en la personne de Mgr Padiyara en 1988, puis celle de son successeur, Mgr Vithayathil en 2001. Le patriarche copte catholique, Stéphane IIGhattas, fut créé cardinal en 2003. Le patriarche syriaque catholique émérite, Ignace Moussa Ier Daoud, fut créé cardinal en 2001, peu de temps après sa démission : il avait, en effet, été nommé préfet de la Congrégation orientale pour les Eglises orientales, fonction qu’il exerça jusqu’en juillet 2007. Enfin, Mgr Todea, archevêque majeur des roumains, fut créé cardinal en 1991.

On peut dire que tout au long de son pontificat, le pape émérite Benoît XVI a marqué sa sollicitude pour les Églises catholiques orientales, méconnues de la grande masse des catholiques, mais ferventes par leur liturgie et leur spiritualité. Un rôle-clé dans le prochain pontificat?

7 commentaires:

  1. Les Eglises orientales ont toujours joué un grand rôle dans l'Eglise catholique. On peut regretter qu'il n'y ait plus de cardinal Arménien. Les Arméniens étant nombreux dans les deux Amériques, espérons que notre Evêque François y pensera (laissons lui le temps de s'adapter et de s'approprier ses nouvelles fonctions, ce qui ne doit pas être facile).

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  2. Bonsoir,

    J'ai lu qu'e le pape Françoisavait été aussi évêque ordinaire des fidèles de rite orientale.

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    1. Oui l'Evêque de Buenos Aires est ordinaire des catholiques de rite oriental en Argentine tout comme l'Evêque de Paris est ordinaire des catholiques de rite oriental en France.

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  3. Ah merci pour la précision.

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  4. Antoine Sfeir ?
    Ne voudriez-vous pas plutôt dire Nasrallah Boutros Sfeir ?

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    1. Rien à voir. Tanouarn s'est emmelé les pinceaux.

      Antoine Sfeir (né le 25 novembre 1948 à Beyrouth, Liban) est un journaliste et politologue franco-libanais de confession chrétienne mais agnostique. Il est notamment l'auteur de nombreux ouvrages sur des sujets liés au Moyen-Orient et plus généralement au monde arabe et au monde musulman.

      Directeur des Cahiers de l'Orient, il préside également le Centre d'études et de réflexion sur le Proche-Orient et a enseigné les relations internationales au CELSA.

      NE PAS CONFONDRE AVEC :

      Nasrallah Boutros Sfeir - ((ar) نصر الله بطرس صفير)-, né à Rayfoun au Liban le 15 mai 1920, qui est un cardinal maronite libanais, patriarche de l'Église maronite de 1986 à 2011, patriarche émérite de l'Église maronite depuis le 26 février 2011.




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  5. Cher Hector Triomphant (qui vous êtes en effet emmêlé les pinceaux et non pas "Tanouarn" -quel manque élémentaire de politesse- en confondant le patriarche sfeir avec un autre membre illustre de cette grande dynastie de chrétiens du Liban, mais cette dérive dynastique est préjudiciable au chrétiens du Liban et peut-être, au-delà du Liban, à tous les chrétiens d'Orient),

    Votre analyse ne manque pas d'intérêt, mais l'eglise catholique n'est-elle pas dans le flou, parce qu'elle se refuse à associer -ou à concilier- deux logiques:

    - une logique de vieille noblesse européenne, qui fait du collège des cardinaux une sorte de prolongement du pape, comme une traîne à sa soutane blanche, qui fait qu'à la vacance du Siège pétrinien, l'eglise catholique est dirigée par le Collège cardinalis, au mépris de l'"esprit de la succession apostolique et de la collégialité" épiscopale;

    - et une logique géographique, qui font des principaux de l'eglise, élus sur des Sièges qui y ont une importance traditionnelle, des sortes de "super-apôtres, dont la juridiction le dispute en effet en termes d'égalité (ou de parité, pour reprendre le terme latin de "pares") à l'autorité du "pape de rome".


    Vous démontrez que Benoît XVI a voulu réduire l'écart entre les patriarches et les cardinaux en créant plus de patriarches cardinaux. Mais en même temps, il adressait un signe contradictoire -ou plus exactement, il signifiait qu'il faisait ce geste dans un esprit de romanité- complète (clin d'oeil un peu perfide aux interprètes de saint-Malachie qui pourraient ne pas avoir bien fait leurs comptes, c'est une hypothèse) en refusant de garder le titre de patriarche d'Occident, celui de pape et d'évêque de rome suffisant.

    En fin de compte, ne faudrait-il pas rétablir ce titre de "patriarche d'Occident" pour "le pape de rome" en conservant une primauté pour ce patriarcat, et créer automatiquement et de plein droit cardinal tout patriarche catholique d'une Eglise dont le Siège et le rite sont traditionnellement essentiels à la catholicité de l'eglise, c'est-à-dire à son universalité, que la mondialisation rendra de plus en plus distincte de la romanité?

    On dira que ma suggestion manque de subtilité canonique. J'assume. C'est qu'au fond de moi, je préférerais que la logique de patriarcat, reconnaissant les principaux (naturels) de l'Eglise soit substituée à la création de "princes de l'eglise", qui courre-circuitent la succession apostolique. Aussi, ne serait-il pas préférable que le Collège des principaux archevêques, métropolites et patriarches remplace à terme le collège cardinalis? Ceci constituerait une réforme de structure qui serait assez dans l'esprit du pape françois, et qui aurait en elle de freiner assez radicalement les phénomènes de cour créés par l'aspiration (sans postulation) au cardinalat, in ou ex pectore. Je crois que cette réforme mettrait fin à pas mal d'intrigues parmi la curie romaine, comme chacun paraît s'accorder à le souhaiter. Vous me direz qu'en même temps, elle emporterait tout un pan de la romanité. Tout un pan, mais un pan seulement, si la primauté du pape en tant qu'"évêque de rome" continue d'être reconnue. Et puis, ne serait-ce pas un "dommage colatéral" mitoyen de la mondialisation et de l'esprit évangélique? Le catholicisme pourrait-il devenir plus évangélique en parlant moins d'évangélisation, mais en la faisant? sans blaague?

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