lundi 28 décembre 2009

Abbé Guillaume de Tanoüarn : «Balayer la légende noire tardive pour revenir au véritable dossier Pie XII»

[Entretien publié dans Minute du 23 décembre 2009]

La signature par Benoit XVI, samedi 19 décembre, du décret attestant des vertus héroïques de Pie XII et de Jean-Paul II, prélude à leur béatification, a déclenché une tempête. Pie XII, qui fut pape de mars 1939 à sa mort en 1958, ne serait pas digne d’être béatifié en raison de son « silence » face au national-socialisme. Pour l’abbé Guillaume de Tanoüarn, directeur du Centre Saint-Paul et membre de l’Institut du Bon Pasteur, les accusations portées contre Pie XII, et par voie de conséquence contre Benoît XVI, ne sont pas fondées.

Minute : Tout d’abord, que signifie reconnaître « l’héroïcité des vertus » de quelqu’un ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : L’héroïcité des vertus est le premier stade d’une procédure juridique visant à déclarer une personne digne du culte que, spontanément, le peuple chrétien lui rend déjà. Il s’agit de s’assurer de ses vertus personnelles, avant d’en faire un modèle pour les autres.

Cela dit, la vertu d’un pape est évidemment une vertu politique ; la direction de l’Eglise est son devoir d’Etat personnel. Il existe un pape canonisé qui n’a pas bien rempli sa mission pontificale, en cédant trop facilement au népotisme, saint Célestin V, pape en 1294. Mais il s’est rendu compte par lui-même de ses erreurs et il a abdiqué six mois après son élection. On peut dire que cette humilité et cette connaissance de lui-même ont beaucoup fait pour sa canonisation !

Si Benoît XVI reconnaît les « vertus héroïques » de Pie XII, c’est donc qu’il n’aurait pas été aussi lâche qu’on le dit face au national-socialisme et au génocide des juifs d’Europe ?

Si Benoît XVI reconnaît les vertus héroïques de Pie XII, c’est que lui, l’universitaire, a pris une parfaite connaissance du dossier, qu’il a fait ouvrir les archives du Vatican par un chercheur laïc en qui il a placé sa confiance, Andrea Tornielli, qui en a tiré un gros livre sur Pie XII, traduit d’ailleurs en français immédiatement (1).

Notons aussi comment, à l’occasion de son dernier voyage en Terre sainte, Benoît XVI a organisé un colloque, qui s’est déroulé avec les membres israéliens du Mémorial de Yad Vashem.

Conclusion de ce colloque bilatéral ? Certains membres autorisés de la délégation juive ont reconnu qu’il faudrait changer le contenu péjoratif de la notice concernant Pie XII, notice qui, sous une photo du pape en pied, avertissait les visiteurs du musée de son prétendu silence pendant la guerre.

Le directeur de Yad Vashem a souligné alors, comme l’a très bien expliqué à l’époque la revue « Monde et Vie », le fait qu’au Vatican même, le pape Pie XII avait sauvé beaucoup de juifs. Il leur a souvent donné asile, jusque dans les 44 hectares de son petit Etat, et cela dès le mois d’octobre 1943. En même temps, un article de l’« Osservatore romano » invitait tous les chrétiens à faire leur possible pour protéger les juifs.

Le comportement du pape avait d’ailleurs ému si profondément le grand rabbin de Rome Israël Zoller qu’il s’était converti au catholicisme après la guerre en demandant de prendre le prénom de baptême de Pie XII : Eugenio. Dans ses mémoires, publiés deux ans avant sa mort en 1954, l’ex-rabbin écrivit : « La rayonnante charité du pape, penché sur toutes les misères engendrées par la guerre, sa bonté pour mes coreligionnaires traqués, furent pour moi l’ouragan qui balaya mes scrupules à me faire catholique. »

Sans vous offenser, il n’y a pas de raison pour que les juifs soient moins bien informés que vous. Or les représentants de la communauté juive et les dirigeants israéliens sont vent debout contre cette béatification. Ils doivent bien avoir quelques raisons…

Les représentants de la communauté juive mondiale, soixante ans après les faits, estiment que l’Eglise catholique, en la personne de son chef, aurait dû avoir ce que l’on appelle aujourd’hui « une attitude prophétique » et pas une « attitude prudentielle ». Le tempérament de Pie XII, diplomate de formation, ne le prédisposait guère à ce genre de démonstration. On peut le regretter, alors que soixante ans nous séparent de la monstruosité de Hitler. Mais on ne peut pas lui reprocher un manque d’efficacité.

L’Eglise a été la seule institution à avoir pris position dès le discours de Noël 1942 contre les persécutions raciales. Pie XII lui-même y dénonce « des centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, pour le seul fait de leur nationalité ou de leur origine ethnique, ont été vouées à la mort ou à une progressive extinction ». Aucun chef d’Etat au monde n’a repris ces paroles du pape.

Cette attitude toujours diplomatique de Pie XII, qu’on la soutienne ou qu’on la critique, a permis de sauver des dizaines de milliers de juifs en Italie, et dans le monde sans doute bien davantage. C’est la raison pour laquelle Golda Meïr, alors ministre des Affaires étrangères de l’Etat hébreu, s’est écriée à la mort de Pie XII : « Quand le terrible martyre de notre peuple arriva, pendant la décennie de la terreur nazi, la voix du pape s’éleva pour les victimes […] Nous pleurons un grand serviteur de la paix. »

Et quand Alain Duhamel glisse qu’à ce rythme, le prochain sur la liste des béatifiés, ce sera Maurice Papon, qu’est-ce que vous répondez ?

La comparaison avec Maurice Papon est tellement dérisoire qu’elle ne mérite même pas une réponse. Venant d’un politologue déjà très contesté dans son propre domaine supposé de compétence, cela trahit surtout une réaction passionnelle, à mille lieues de l’objectivité scientifique élémentaire.

Et le « Figaro », qui titre que c’est « le pape [qui] rouvre la polémique » ?

La polémique sur Pie XII ne vient pas du pape. Historiquement, elle naît en mars 1964 avec la pièce de Rolf Hochhuth, Le Vicaire. Cette pièce de théâtre est adaptée au cinéma par Costa Gavras en 2003. Et patatras… En 2005, on découvre que Rolf Hochhuth est l’ami intime de David Irving, le célèbre négationniste anglais, dont il ne dédaigne pas de prendre la défense, au grand scandale de Paul Spiegel, président à l’époque du Conseil central juif d’Allemagne. Le théâtreux qui a fabriqué la légende d’une Eglise antisémite et complaisante face au génocide juif n’hésite pas aujourd’hui à changer totalement de casquette. On est fondé à se demander s’il a jamais cru lui-même à la fable qu’il a élaborée. Signe intéressant : Israël avait été le seul Etat au monde, en 1964, à interdire la pièce de Rolf Hochhuth, « par respect pour la mémoire de Pie XII ».

Quelles vont être les conséquences de cette béatification sur les relations entre le Vatican et Israël, entre les catholiques et les juifs ? On a l’impression que les blessures ne seront jamais fermées…

Il me semble justement que la meilleure façon de faire en sorte que les blessures se referment, c’est de balayer la légende noire tardive, inventée par un théâtreux pour le moins suspect, pour revenir au véritable dossier Pie XII, que personne n’a jamais lu, parmi ceux qui se contentent de blâmer Benoît XVI.

Peut-on dire qu’en liant les béatifications de Jean Paul II et de Pie XII, Benoît XVI a voulu jouer un coup politique, la première permettant de faire passer la seconde ? Et que c’est raté ?

Benoît XVI est avant tout un intellectuel. Je crois que ce qu’il a voulu montrer en déclarant vénérables et Pie XII et Jean Paul II, c’est qu’il n’y avait aucune coupure légitime entre l’Eglise d’avant le concile (symbolisée par Pie XII, dernier pape antéconciliaire) et l’Eglise d’après le concile, dont Jean Paul II a voulu montrer au monde un visage rayonnant. On reconnaît là, concrètement, le thème de l’herméneutique de continuité cher à Benoît XVI et qui s’oppose à la rupture instaurée dans les années 1970 par l’aile progressiste de l’Eglise…

La béatification de Jean Paul II fait-elle l’unanimité ou suscite-t-elle aussi des critiques ?

La béatification de Jean Paul II suscite des critiques de la part des traditionalistes rattachés à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) créée par Mgr Lefebvre. Sur certain forum, l’un d’eux n’a pas hésité à dire que cela risquait de reporter d’autant les accords entre Rome et Ecône. Tout ce qui est excessif est insignifiant et pour l’instant aucune voix autorisée ne s’est exprimée sur ce point venant officiellement de la FSSPX.

Ce que la vox populi, chez les traditionalistes, reproche à Jean Paul II ? Un très malencontreux baiser du Coran, dont la photo a largement circulé dans les pays musulmans, et l’organisation d’un sommet interreligieux à Assises en 1986. Mais personne ne conteste que Karol Wojtyla a pris la barre d’une Eglise malade et tentée par les théories de l’enfouissement, alors à la mode, et qu’il lui a donné une présence et une visibilité absolument inédite au XXe siècle.

Je me suis trouvé par hasard à Rome au moment des obsèques de Jean Paul II et je ne pourrai jamais oublier les kilomètres (oui : les kilomètres) de queue d’une foule silencieuse. Je me disais alors : aucun chef d’Etat au monde n’a eu semblables obsèques et je regardais les affiches placardées partout par la municipalité communiste : « Rome salue et pleure son pape ! » Je crois que bien au-delà de Rome on a pu voir s’élever ce salut et ces larmes. Cette unanimité populaire a quelque chose de surnaturel, dont le pape a tenu compte. Il était sans doute le plus proche collaborateur de Jean Paul II dans la deuxième décennie de son pontificat. Il a dû tenir tout particulièrement à organiser sa béatification.

Le pontificat de Benoît XVI, avez-vous expliqué à plusieurs reprises, est marqué par la volonté de réunir tous les chrétiens. Pensez-vous qu’il peut encore y parvenir ?

Je crois que Benoît XVI a osé défier une légende noire médiatique, il l’a fait pour défendre la réputation de la papauté injustement salie, il me semble que l’on pourra encore lui faire crédit de cette opération vérité. Vous me direz : il prend un risque. Connaissant la rigueur de Benoît XVI, je suis sûr que sur le fond sa position sur PieXII est sans aucun risque. Disons qu’il va forcer chacun à passer des slogans faciles comme « le pape de Hitler » à la vérité historique qu’aucun spécialiste ne conteste aujourd’hui.

Propos recueillis par Jean-Marie Molitor

1. Pie XII, par Andrea Tornielli, éd. Sarment/Jubilé, 2009, 808 pp.

9 commentaires:

  1. Ne peut on reprocher aussi au Pape Jean Paul II sa doctrine sur l'Incarnation selon laquelle,pour lui, en prenant la nature humaine le Christ s'est en quelque sorte uni à TOUT HOMME ce qui divinise chacun d'entre nous ?Certes le divinisation de l'homme est accordée selon la grâce sanctifiante par laquelle "ejus divinitate esse consortes" (nous sommes participant à la divinité)mais alors il s'agit d'une divinisation personnelle en raison de la justice que Dieu nous attribue gratuitement en mérite de la Rédemption.On est loin d'une divinisation de "l'humanité" par nature.Cette doctrine étrange de Jean Paul II est d'ailleurs connexe à son culte des droits de l'homme, constant et en rupture avec la doctrine traditionnelle de l'Église.Qu'en pensez vous ?

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  2. Dieu a créé l'homme à Son image.

    Le Pape BXVI soutient les droits de l'homme, car ils sont tout à fait dans la perspective chrétienne et n'impliquent nullement l'absence des devoirs.
    Il suffit de relire la Charte de 1945, plutôt que des interprétations intempestives de certains cercles.

    Merci à M.l'Abbé pour son objectivité face à ce grand Pape Jean-Paul II, que nous verrons sans aucun doute bientôt béatifié -la date citée est le 16 octobre 2010.

    C'est une immense joie pour toute l'Eglise !

    Quant à Pie XII, BXVI sait ce qu'il fait et il agira en conséquence.

    Nous avons tant à recevoir de l'Eglise, avant d'avancer nos commentaires somme toute d'autant de valeur que ceux des journalistes de tout bord.

    Humilité est une grande vertu.

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  3. @ Santiago : vous vous trompez, c'est la doctrine du Concile de Vatican II et de Gaudium et Spes. Mais vous apportez vous-même la réponse à votre interrogation et il suffit de vous relire pour constater qu'il y a mille façons d'interpréter le "en qq sorte" de la constitution ! Mais pour un catholique, il n'y en a qu'une : c'est celle qui est conforme à la Tradition de l'Eglise et que vous donnez et qui figure d'ailleurs dans la suite du n° 22 de GS qu'il suffit de lire en entier, plutôt que d'extraire une phrase de son contexte... Donc il n'y a rien d'étrange dans la doctrine de Jean-Paul II, si ce n'est une façon renouvelée de redire ce que dit Saint Paul : le Christ s'est fait homme pour donner la possibilité à chaque homme et à tous les hommes de se faire Dieu. L'union du Christ en tout homme existe en puissance même si elle n'est pas toujours en acte, c'est ce que dit GS et pas autre chose...
    Par ailleurs, il serait intéressant que vous développiez en quoi la notion des droits de l'homme serait en "rupture avec la doctrine traditionelle de l'Eglise" ? Et d'autre part, en quoi Jean-Paul II avait-il un "culte" des droits de l'homme ? Ce terme me semble connoté et parfaitement impropre...

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  4. Bonjour et merci à Antoine pour ses précisions; il est vrai que la constitution de Vatican II Gaudium et Spes est à l'origine de cette doctrine de la divinisation de l'homme par l'Incarnation et que le Pape Jean Paul II a développé cette doctrine tout au long de son pontificat (n'en a-t-il pas été l'inspirateur au concile?).Comme pour trop de textes du dernier concile hélas, cette doctrine peut être interprétée en continuité avec la Tradition ou en dissonance de celle ci.C'est l'ambigüité des constitutions de ce concile dont les formules restent ambivalentes ou équivoques et permettent toutes sortes de dérives.En tout cas sa forme rompt avec la manière traditionnelle d'exprimer cette vérité.
    Donnée comme une exaltation de l'Homme (avec majuscule) cette façon de concevoir la participation à la Divinité de la très sainte Trinité elle même est contraire à la sainte Tradition.Dans cette forme cette doctrine découle de celle des Droits de l'Homme tels que conçus par le monde moderne (qui les a codifiés).
    Pourquoi les droits de l'homme sont ils en "rupture avec la doctrine traditionelle de l'Eglise"? Parce que la doctrine de l'Église n'est autre que celle de son Fondateur qui a dit, avec St Paul, « Nulla potestas nisi a Deo », Rom. XIII, 1 ; (il n'est pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu) et à Pilate:""Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'En Haut" et  » data est mihi omnis potestas in caelo et in terra » (Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre) St Matthieu 28,18.Dans la doctrine des droits de l'homme le pouvoir vient d'en bas et l'autorité vient du peuple. La déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 dit, paragraphe 3 de l’article 21 :
    « La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics". Comme l'a commenté Jean Madiran le 13 décembre 2008:
    "C’est en parfaite concordance filiale avec les articles 3 et 6 de la Déclaration de 1789. Là se trouve le venin qui infecte silencieusement tout le reste, le précepte qui fait refuser toute autorité, toute valeur, toute vérité supérieure à la « volonté du peuple ». L‘école contre-révolutionnaire, même seule pour le moment, maintient sa mise en cause explicite et directe de ce précepte ravageur." 
    Merci à Antoine d'avoir permis l'ouverture de ce débat.

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  5. Encore une petite précision sur les droits de l'homme: en fait de droits les chrétiens connaissent les dix commandements qui, étant préceptes pour chacun (sous peine de péché) deviennent droits pour les autres.Ainsi, par exemple, l'obligation d'honorer père & mère,considéré de leur côté est un droit a être honorés.Et, par suite, en est-il de même de chacun des commandements.Pareillement les Béatitudes établissent une règle de vie élevée, exemplaire et d'ailleurs toute opposée à l'orgueil mondain.Par là on voit bien toute la contradiction entre les maximes chrétiennes et les "droits de l'homme" anthropocentriques, qui célèbrent l'humanité dans ses "lumières".Déjà inclinés à leur propre exaltation les hommes n'ont pas tant besoin de droits que de devoirs.C'est pourquoi, même entendus dans une perspective chrétienne, je crains que la propagation de la doctrine des droits de l'homme ne soit un piège dont on peut deviner l'auteur.Il y a des mots porteurs, en soi, de mauvaise croyance.Souvenons nous de la parole des républicains après l'encyclique-pourtant irréprochable- de Léon XIII "graves de communi" en 1901 sur la démocratie chrétienne :"nous lui avons fait avaler le mot (de "démocratie") nous lui ferons bien avaler la chose".Se sont ils tellement trompés ?

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  6. Cher Santiago : pour qu'il y ait un débat, il faudrait en clarifier les termes et étayer vos affirmations... Vous mélanger la dignité humaine, les droits de l'homme et l'origine du pouvoir... Vous vous basez sur votre propre interprétation du concile VII et choisissez vous-même les fondements de votre foi dans la mesure où vous décernez le titre d'irréprochable à une encyclique de Léon XIII, ce dont il fadrait conclure, a contrario, que vous ne qualifiez pas de même le concile VII... Bref, comment fait-on dans la mesure où je ne suis pas d'accord avec vous sur la réception du magistère pour commencer, et dans la mesure où je ne souhaite pas mélanger des notions qui n'ont rien à voir comme la divinisation de l'homme, les droits de l'homme ou la source de l'autorité politique pour poursuivre...

    On peut partir de votre interprétation des textes de VII : s'ils sont ambigus, c'est qu'ils peuvent être interprétés selon la doctrine traditionnelle, et s'il le peuvent, en application du droit de l'Eglise, c'est qu'ils le doivent... Dès lors ils ne posent plus pb ! La divinisation de l'homme, c'est la traduction des paroles du Christ puisque selon Lui, nous sommes avec Lui coheredes et sodales du même Père et appelés à vivre éternellement de la même vie divine... je vous répète Saint Irénée avec sa formule à l'emporte pièce : Dieu s'est fait homme pour que l'homme se fasse Dieu... Si vous n'acceptez pas le principe de la divinisation de l'homme, c'est que vous n'acceptez pas l'économie du salut ?

    Quand vous évoquez "la manière traditionnelle d'exprimer une vérité" c'est une blague ? Les papes ont écrit des pages entières pour expliquer que la façon d'exprimer la vérité devait être adaptée à chaque époque et St Vincent de Lérins résumait cela d'une formule lapidaire : "non nova sed nove" ou "sed noviter" selon Léon XIII et Benoît XV... Dire le contraire c'est faire du fixisme magistériel et c'est nier les spécificités du magistère catholique vivant s'exprimant principalement par le Pape et les évêques unis à lui.

    Sinon, sur l'oppositon artificielle entretenue par les maurrassiens entre le pouvoir divin et son expression par le peuple, je vous invite à relire St Thomas d'Aquin sur ces sujets... On en a tiré l'adage vox populi, vox Dei !

    Bonne année 2010 aux débatteurs de ce métablog : que la discussio fasse grandir en nous la connaissance de la foi et l'amour de Dieu !

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  7. Bonne année à tous les lecteurs.
    Je dois préciser, pour répondre à Antoine, que je crois à la doctrine de la divinisation de l'homme, mon premier commentaire sur ce blog l'atteste j'espère suffisamment  et je le répète donc puisque il y a doute :« Certes la divinisation de l'homme est accordée selon la grâce sanctifiante par laquelle "ejus divinitate esse consortes" (nous sommes participant à la divinité) mais alors il s'agit d'une divinisation personnelle en raison de la justice que Dieu nous attribue gratuitement en mérite de la Rédemption. » En effet, contrairement à la doctrine luthérienne de la justification extrinsèque (le manteau de la justice du Christ nous revêt extérieurement) je crois que la rédemption, dès ici bas (sans attendre la vision béatifique où notre divinisation sera parfaite) , nous transforme intérieurement et substantiellement en nous divinisant réellement SI nous possédons la grâce sanctifiante ; la grâce est en effet alors l’infusion de Dieu en personne dans nos âmes car en Dieu où il n’y a nulle composition, par la grâce c’est lui-même qui se donne. "Infusion secrète, pacifique et amoureuse de Dieu en l'âme" (St Jean de la Croix). C’est bien ce qu’exprime la deuxième prière de l’Offertoire du rite extraordinaire (dit de St Pie V) que je citais : "ejus divinitate esse consortes" (nous sommes participant à la divinité), tirée de St Pierre (2Pierre 1,4) et que je récite à toutes les messes. Pourrais je prier sans croire ? Ainsi le dit aussi excellemment le P. Froget, dans son beau livre de L'Habitation du Saint-Esprit (p. 159), en s'appuyant sur de nombreux textes de saint Thomas : « Dieu est donc réellement, physiquement, substantiellement présent au chrétien qui a la grâce ; et ce n'est pas une simple présence matérielle, c'est une vraie possession accompagnée d'un commencement de jouissance ».
    Concluons sur ce sujet avec St François de Sales (Traité de l’amour de Dieu) « la nature humaine a reçu plus de grâce par la rédemption de son Sauveur qu’elle n’en eût jamais reçu par l’innocence d’Adam, s’il y eût persévéré ».
    Mais cet incomparable privilège auquel Dieu nous élève n’a RIEN à voir avec la soi disant dignité de l’Homme des Droits de l’Homme . Cela c'est une auto divinisation que l’homme s’attribue lui-même en considération des lumières de sa nature propre, c’est le naturalisme luciférien où la personne créée tente de s’élever à un degré de dignité contrefaite de l’ordre surnaturel. C'est le "eritis sicut Diis" ("vous serez comme des dieux") du Tentateur au premier couple humain, répété invariablement. En ce sens, oui je le maintiens, et ce n'est pas hors sujet, les paroles du Sauveur sur son pouvoir sont en radicale contradiction avec la prétention des hommes à une autorité émanant d'eux même par nature, ce qui constitue positivement un "rapt" de l'autorité divine. Croyez bien ,cher Antoine, que cette opposition sur l'origine du pouvoir, que vous qualifiez "d'artificielle" et "entretenue par les maurrassiens" (d'ailleurs en quoi cela serait-il pendable?) est cependant la racine de toutes les révoltes et d'abord métaphysique. Le "Non serviam" originel en découle avec toute l'histoire de l'humanité déchue. On ne saurait qualifier d'artificielle une opposition aussi lourde de conséquences pour le salut lui même: "Rien de plus funeste que d'être attaché à sa propre autorité: c'est la source de toutes les hérésies. Quittez vos propres lumières et Dieu vous donnera les siennes" ("Méditations ascétiques" Père de Dreux † 1671).
    Suite...

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  8. Suite 2:
    Et donc je dis que prétendre, parce que le Christ a pris la nature humaine, que la divinisation de l'homme en résulte de droit, sans autre condition (notamment de pénitence ou de justice) n'est pas conforme à la doctrine de l'Église. Accolée à l'exaltation des droits de l'Homme avec lesquels elle a quelque affinité, la divinisation en quelque sorte automatique de la personne est, au moins, une outrance, et sûrement, une nouveauté.
    Cela pose bien sûr la question de la valeur des décrets et constitutions du concile Vatican II dont vous dites à juste titre "s'ils sont ambigus, c'est qu'ils peuvent être interprétés selon la doctrine traditionnelle, et s'il le peuvent, en application du droit de l'Eglise, c'est qu'ils le doivent ". J'en suis d'accord sans réserves. Tout de même il y aura quelques difficultés à accorder la doctrine Vatican II de la liberté religieuse
    avec l'enseignement précédent, constant et invariable. Mais si Dieu le veut, la bonne foi aidant, tout est possible. Cependant on ne fera pas l'économie pour y parvenir, ce qui est souhaitable, du réexamen, à la lumière de la Tradition des textes du concile. Trop de ses acteurs ont admis sa rupture avec la doctrine immuable de l'Église; doit on les citer ? les voici :
    "De tous les textes du IIème Concile du Vatican, la constitution pastorale "Sur l'Eglise dans le monde de ce temps" (Gaudium et Spes) a été incontestablement le plus difficile, et aussi, du côté de la constitution sur la liturgie et du décret sur l'Oecuménisme, le plus riche en conséquences. (...)
    Si l'on cherche un diagnostic global du texte, on pourrait dire qu'il est (en liaison avec les textes sur la liberté religieuse et sur les religions du monde) une révision du Syllabus de Pie IX, une sorte de contre-Syllabus. (...)
    Contentons-nous ici de constater que le texte joue le rôle d'un contre-Syllabus, dans la mesure où il représente une tentative pour une réconciliation officielle de l'Eglise avec le monde tel qu'il était devenu depuis 1789."
    (Joseph, cardinal Ratzinger, "Les principes de la théologie catholique - Esquisse et matériaux", Collection Croire et Savoir, ed. Téqui 1985, p.423-427)

    "On ne peut nier qu'un tel texte [la déclaration conciliaire sur la Liberté Religieuse] ne dise matériellement autre chose que le Syllabus de 1864, et même à peu près le contraire des propositions 15, 77 à 79 de ce document."
    (R.P. Congar, expert au Concile Vatican II, in "La crise dans l'Eglise et Mgr Lefebvre", p.51)

    Hans Küng
    "Lefebvre a tout à fait le droit de remettre en cause la déclaration conciliaire sur la liberté religieuse, parce que sans donner d'explication, Vatican II a complètement renversé la position de Vatican I."
    Suite...

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  9. Suite3 & fin:
    Je ne crois pas Hélas que l'on doive se contenter ici de voir dans les formulations conciliaires de simples "façons d'exprimer la vérité adaptée à notre époque" ce qui fut d'ailleurs toujours l'argument des hérésiarques pour faire passer leurs innovations doctrinales. Il est vrai que cette dialectique fut abondamment servie depuis le concile et qu'elle fut aussi la raison invoquée pour sa convocation (discours d'ouverture du Bx Jean XXIII le 11 octobre 1962 : "« Il faut que cette doctrine certaine et immuable, qui doit être respectée fidèlement, soit approfondie et présentée de la façon qui répond aux exigences de notre époque. ").
    D'ailleurs quelle est la valeur doctrinale de V II ? M'effaçant derrière des autorités incontestables, celle des auteurs des textes ( et du signataire en la personne du Pape régnant) il suffira de relire ce qui suit.

    "Étant donné le caractère pastoral du Concile, celui-ci a évité de proclamer d'une manière extraordinaire des dogmes affectés de la note d'infaillibilité."
    (Paul VI, 12 janvier 1966)

    "La vérité est que le Concile lui-même n'a défini aucun dogme et qu'il a voulu consciemment s'exprimer à un niveau plus modeste, simplement comme un Concile pastoral."
    (Cardinal Ratzinger, discours à la Conférence épiscopale chilienne.in "Il Sabato" du 30 juillet-5 août 1988)


    Alors, fais je du "fixisme magistériel" et suis je en train de "choisir moi même les fondements de ma foi" ? Je réunirais alors en moi le concordisme outré des protestants fondamentalistes et le libre examen luthérien. Qu'Antoine se rassure sur ces travers qu'il soupçonne en moi et que quelques imperfections d'expression ont peut être suggérés. Je suis pleinement catholique romain (terme bien désuet aujourd'hui, mais si beau!). En ce sens j'admets le progrès dogmatique (de l'implicite à l'explicite, non au nouveau) et je conserve l'usage de la raison dans ma foi, l'obéissance étant sauve. Ce qui me permet de dire que l'encyclique de Léon XIII "Graves de communii" sur la démocratie chrétienne est "irréprochable", terme qu'Antoine me reproche. Aurais je dû préciser que ce terme justifie ce pape non vis à vis de mon opinion propre (ce qui serait absurde et dérisoire) mais vis à vis de la constance de l'enseignement pontifical en la matière. En effet certains de l'école anti démocrate d'alors lui avaient - injustement je le redis- reproché son ralliement à la démocratie. En définissant celle ci comme "une action bienfaisante dans le peuple" il lui ôtait son caractère de système où l'origine du pouvoir n'émane plus de Dieu.
    Quant à l'adage latin vox populi vox Dei qui fut invoqué lors de la proclamation des saints par acclamations populaires durant les premiers siècles il dit l'inverse de ce qui est ici supposé. Car le peuple était alors pleinement et intensément chrétien et j'ajoute minoritairement chrétien. C'étaient, en quelque sorte, les saints qui faisaient les saints. Dans sa sagesse l'Église mit des règles juridiques à cette pratique vénérable mais obsolète dès lors que la société entière fut chrétienne et que cet usage eût pu donner lieu à toutes les dérives populaires. Écoutons plutôt Alcuin religieux conseiller de Charlemagne : "Lettre à Charlemagne en 798.:
    Nec audiendi qui solent dicere, Vox populi, vox Dei, quum tumultuositas vulgi semper insaniae proxima sit. (Et ces gens qui continuent à dire que la voix du peuple est la voix de Dieu ne devraient pas être écoutés, car la nature turbulente de la foule est toujours très proche de la folie.) .

    Ad Majorem Dei gloriam .

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