Nous sommes absorbés par la lumière de Noël, en espérant ne pas la confondre avec la lueur des lampions, qui, à Paris en tout cas, de la Place Vendôme aux Champs Elysées, illuminent la Ville.
Et nous pourrions passer par pertes et profits la fête de saint Thomas (21 décembre), patron de ceux qui marchent dans l'obscurité, qui avancent à tâtons, patron de tous les douteurs.
L'Evangile de dimanche convient pourtant très bien à la fête d'aujourd'hui, lundi. Il y est question des grands travaux que suppose entrepris notre vie intérieure. "Que toutes les vallées soient comblées, toutes les collines abaissées". La prédication de Jean Baptiste ("voix de celui qui crie dans le désert") n'est pas celle du Christ. Elle a un côté grandiloquent. On aime ou on n'aime pas. J'ai longtemps trouvé ce laïus plutôt ampoulé, et je ne comprenais pas que l'Eglise nous le ressorte... juste avant Noël, ce "basic-Baptiste", alors que dans la forme extraordinaire (je ne connais pas l'ordinaire), cela fait trois semaines que l'on s'attarde sur son personnage.
Et tout à l'heure, en célébrant ma deuxième messe, j'ai eu un éclair : l'épitre et l'Evangile finissent pareil. Il y a un rapport profond et inattendu entre I Cor. 4 et Luc 3 : saint Paul dit "et alors Dieu donnera à chacun la louange qui lui est due" et saint Luc conclut : "Et alors toute chair verra le salut de Dieu". Alors ? Quel est cet "alors" ? - Lorsqu'il viendra. Lorsqu'il paraîtra.
Je remonte dans les deux textes, pour voir. Saint Paul dit : "C'est le Seigneur qui éclairera le secret des ténèbres et qui illuminera le secret des coeurs". Et saint Luc : "Toute vallée sera comblée et toute colline abaissée". Et voilà que me revient comme un flash un vieux cours d'Ecriture sainte : le passif, dans l'Ancien Testament manifeste l'action de Dieu, car Dieu, on ne le nomme pas par son nom (Yahvé). La voie passive est un des moyens grammaticaux utilisés pour ne pas nommer le Seigneur.
Et à ce moment-là tout s'éclaire.
Il ne s'agit pas d'un simple vœux pieux, comme si l'on se contentait de dire, la bouche en cul de poule : "Que toute vallée soit comblée et toute colline abaissée". Mon Dieu que ces subjonctifs présents, que ces optatifs sont déplacés. C'est comme "Le Seigneur soit avec vous", c'est énervant...
Il n'y a pas d'optatif dans le Royaume de Dieu, le Seigneur est avec nous et les vallés seront comblées (au futur de l'indicatif) comme les collines abaissées. C'est sûr ! La foi nous l'enseigne. Pas d'hésitation.
La signification de ce texte, à la lumière de l'Epître devient limpide. Les objections seront balayées, les obstacles disparaîtront si nous faisons confiance au Dieu qui vient en nous. C'est lui et lui seul le responsable des grands travaux. Ce n'est quand même pas à nous de combler des vallées. Effrayé par le travail que cela suppose, le traducteur du Missel Feder préfère parler de ravins (mon Dieu qu'il est mesquin !) plutôt que de vallées. Ce sont bien des vallées. Ce travail dépasse la puissance de l'homme.
Il en est ainsi dans notre vie concrète : les obstacles existent, les objections font sentir leur poids d'inertie. Mais ni les obstacles ni les objections n'empêchent le bien d'être bien ou la vérité d'être vraie. Les obstacles et les objections nous empêchent d'agir pour le bien ou pour la vérité. Ils n'interdisent rien d'autre.
Mais il nous faut compter sur une force supérieure pour aplanir les collines et combler les vallées qui sont en nous, ces montagnes russes si caractéristiques de notre psychisme. Toute la psychologie du monde (et la psychanalyse la plus fine) n'arrivera jamais qu'à nous avertir des dangers de l'obstacle et de la force des objections. La connaissance de soi ? Elle nous permet sans doute de devenir ce que nous sommes. Mais elle ne nous donne pas la force de cette métamorphose qu'est une véritable conversion.
Nous pouvons chercher longtemps, couchés sur les divans des meilleurs analystes, à dénouer les noeuds gordiens de notre psychologie tordue, et si nous espérons parvenir à un état intérieur dans lequel le conflit n'existerait pas et dans lequel tout serait simple et facile, disons que nous nous tenons dans l'imaginaire pur et simple.
Seule la confiance dans un Dieu qui - il le dit dans saint Luc - compte chaque cheveu de notre tête, seule la confiance dans un Dieu qui comble nos précipices intérieurs et qui abaisse nos collines (ou nos montagnes russes) peut nous sauver en nous menant à cet "alors" qui est le temps de Dieu : "alors toute chair verra le salut de Dieu".
On ne va pas au bien tout seul, on ne va pas au vrai par les seules forces de sa raison (proposition 15 du Syllabus). C'est la tâche de Jean Baptiste de nous délivrer cet avertissement, c'est la vocation de saint Thomas que de nous montrer la profondeur du doute. La foi commence avec la confiance à corps perdu qui nous fait tout attendre de Dieu. Durant l'Avent nous le chargeons, lui, solennellement des obstacles qui nous immobilisent et des objections qui nous tétanisent. "C'est lui qui éclairera les secrets des ténèbres".
C'est Lui, Dieu, qui aplanira, mais à nous de nous mettre en route !
Bonjour Père, je vais finir par croire que vous êtes insomniaque (comme moi) malgré votre nature si équilibrée, parce que je me suis connecté tout à l'heure, à deux heures passée du matin: il n'y avait point ce texte si prenant, que vous nous offrez généreusement, cette nuit, à trois heures passée et qui me touche tant.
RépondreSupprimerPermettez-moi de vous citer: "Toute la psychologie du monde (et la psychanalyse la plus fine) n'arrivera jamais qu'à nous avertir des dangers de l'obstacle et de la force des objections. La connaissance de soi? Elle nous permet sans doute de devenir ce que nous sommes. Mais elle ne nous donne pas la force de cette métamorphose qu'est une véritable conversion " et encore: "...seule la confiance dans un Dieu qui comble nos précipices intérieurs et qui abaisse nos collines (ou nos montagnes russes) peut nous sauver, en nous menant à cet 'alors" qui est le temps de Dieu....
Alors là, Père, vous faîtes très fort: en tout cas, pour ma part, je voudrais mettre en exergue votre expression de "montagnes russes" (intérieures, donc, si je vous ai bien saisi) parce que je ne sais pas si tous vos autres amis et lecteurs ont bien réalisé la portée de votre expression, qui n'a l'air de rien mais qui évoque notre monde intérieur, d'une manière saisissante, je dirais même stupéfiante: est-ce bien de notre Orgueil et de son répondant "inversé" (comme disait Antoine, l'autre jour, à propos d'un autre thème) notre Mépris, pour les autres et finalement pour nous-mêmes, dont vous souhaitez nous entretenir, cher Père, grâce à cette formule inouïe de "montagnes russes" qui suggère, de votre part, une connaissance approfondie du psychisme humain?
Il y a deux autres expressions qui me coupent le souffle "...les dangers de l'obstacle et la force des objections"...nous nous approchons des points névralgiques, nous brûlons, mon esprit s'embrume, à l'idée de tenter de démêler l'écheveau qui nous échoit, nous sommes si frêles!
Serait-ce un péché à peine croyable, d'imaginer oser nous mesurer au Plan Divin, en parvenant à le propulser dans la lumière intégrale et le dépouiller totalement de son Mystère, au seul moyen de notre Esprit?
Je ne sais plus que dire, je vais me repasser un peu ma chère Elis (Regina), la "sublîme Elis" comme vous avez dit l'autre jour, cher Père, en me prêtant cette expression mais c'est vous qui l'avez utilisée...lol! j'approuve tout à fait d'ailleurs, la considérant, comme le Brésil tout entier, qui lui voue un véritable culte ("aeterna Elis" y parle-t-on d'elle, au nom de Reine, 25 ans après sa funeste disparition), comme l'une des plus grandes interprêtes de son temps, à moins que je n'écoute Vivica (Genaux, qui enregistre à Parme avec Fabio Biondi, Vivaldi Pyrotechnics) qui chante Vivaldi et Haendel, à la perfection et dont je me suis permis de mentionner également le nom,il y a peu, sur votre cher Métablog mais, pour ne pas avoir l'air de lui faire de la pub. je n'ai pas dit qu'elle se produisait, exactement lundi dernier au Théatre des Champs Élysées, avec Europa Galante, la formation de Fabio Biondi précisément, spécialisée dans la musique baroque, lors d'une prestation tout bonnement extraordinaire...et il y avait des places à 5 euros...alors que l'on ne nous raconte pas que l'Art n'est accessible qu'aux privilégiés! (même si Antoine va encore protester qu'elle ne viendrait certainement pas dans sa campagne...lol!).
Merci Monsieur l'abbé. Cela me fait penser à Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus et son "ascenseur".
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