mardi 29 décembre 2009

Le Père Benoît Lobet au CCCSP

Pas de relâche pour les Conférences du mardi au Centre Saint Paul. Il faut dire que nous profitions du passage à Paris du Père Benoît Lobet, professeur à Louvain et auteur tout récemment d'un très beau petit livre sur Nicodème, intitulé Un homme, la nuit.

Il me semble que quand j'écris "L'Eglise n'appartient à personne", c'est ce genre de rencontre qui peut en être l'illustration. Je me suis senti spirituellement très proche de ce prêtre avec lequel, du point de vue de la cartographie partisane, je n'aurais sans doute pas grand chose en commun.

Parenthèse: cela ne signifie pas pour autant que "l'Eglise appartienne à tout le monde" comme le suggère l'un des bloggeurs dans le débat précédent. Non. je crois simplement que nous ne pouvons pas, nous autres pauvres hommes, entretenir une relation de propriété (si collectiviste soit-elle) avec la sainte Eglise, qui n'appartient qu'au Christ dont elle est le corps. Malheureusement, trop souvent (déformation issue du consumérisme dominant) nous nous considérons comme les propriétaires de nos engagements. Un véritable engagement se manifeste par rapport à quelque chose que nous ne pourrons jamais nous approprier parce qu'il est trop au dessus de nous. Même la famille que je fonde avec mon conjoint n'est pas à moi, elle est plus grande que moi, plus importante que moi... Elle n'est pas pour moi, c'est moi qui suis pour elle. L'Eglise, c'est pareil : elle n'est pas pour nous, c'est nous qui sommes pour elle.

Pour en revenir à la conférence magistrale que nous avons entendue ce soir, je suis frappé de l'aisance avec laquelle le Père Lobet utilise des références littéraires dans son livre : il conclut sur Julien Green, citant lui-même Victor Hugo : "Chaque homme dans sa nuit s'en va vers sa lumière". Une fois de plus, il faut reconnaître que les poètes (il cite Rilke, Marie Noël etc.) et les romanciers (Bernanos, Mauriac, tant d'autres) sont sans doute ceux qui sont allé le plus loin dans le paradoxe de l'être humain, "cet être pour la mort" qui pourtant se doute de quelque chose d'autre...

Vérité? Oui, il y a une vérité de la littérature. En dehors de cette vérité, la littérature n'a pas de sens.

Est-ce à dire que la vie chrétienne se réduit elle-même à cette expérience intérieure qui est celle du romancier ou du poète ? Le Père Lobet ne le pense pas. Il met en avant l'objectivité, la réalité de la deuxième naissance, si fortement annoncé à Nicodème par le Christ (Jean 3) et cite Tertullien : "On ne naît pas chrétien, on le devient". Je reviendrai très bientôt sur ce deuxième aspect de sa conférence, si caractéristique de la théologie catholique comme telle, ce que le Père Gitton appelait au début du mois "l'ontologie du mystère" (voir le résumé que j'ai donné ici même de son intervention).

6 commentaires:

  1. Alors là, Père, vous nous livrez "à chaud" votre réaction à la conférence du Père Lobet, c'est génial, merci de passer sur votre fatigue, à cette heure avancée mais j'ai cliqué, sans y croîre, pour voir s'il y avait du nouveau sur le Métablog...et je suis gâté! Julien Green, Mauriac, Bernanos...quel plaisir de lire ces doux noms, ici, en relation avec vos considérations spirituelles.

    Qu'il me soit permis d'évoquer simplement un autre géant de notre Littérature, que j'ai toujours considéré, depuis ma minuscule situation d'admirateur de son oeuvre, et malgré son ascendance juive, comme et avant tout -et là je vais en faire sursauter plus d'un, qu'ils m'excusent, surtout les Gardiens de son Oeuvre- comme un immense écrivain tout autant chrétien que juif, lui qui a édifié l'une des plus belles cathédrales, au monde, somptueusement parée des plus extraordinaires vitraux, à l'instar de ses aïeux de Chartres qui avaient "travaillé" à la (vraie) Cathédrale, dit-on: vous avez peut-être pressenti que je parlais du divin Marcel Proust, qui tel Jean-Sébastien, a bâti une cathédrale de feu et de lumière, pour éclairer Sa nuit...mais nous en reparlerons peut-être...

    P.S. Quelle bonne idée d'illustrer si joliment le Métablog, avec la couverture du livre du Père Lobet: "Descente de Croix", Toscane XIIè.? XIIIè.siècle? À quand un Métablog interactif, où l'on pourra s'échanger des liens, documents, références en live? Ce serait super.

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  2. "L'Église n'ppartient à personne", "l'Église appartient à tout le monde" ...pour ma part je crois plutôt que NOUS APPARTENONS A L'ÉGLISE et c'est ce qui change radicalement la problématique du problème. Ainsi posé tout s'éclaire.

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  3. Quand j'affirmais que L'Église appartenait à tout le monde je voulais simplement dire qu'elle devrait tous nous préoccuper. Je comprends qu'Elle appartient au Christ Seul.
    J'avais pas la prétention de faire la leçon à Monsieur L'Abbé de Tanoüarn. Au contraire, j'admire ses réflexions qui nous élèvent.

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  4. Je suis étonnée de votre article dans le sens où le Père Lobet donne une toute autre version de cette conférence : quelques mots lapidaires pour dire qu'il n'est pas dans la mouvance intégriste et FSSPX, voyez-vous même; j'ai l'impression qu'il ne partage pas du tout votre entousiasme.
    voyez par vous même sur son blog dans l'article concernant Biancciotti

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  5. Par ailleurs, le même père Lobet a écrit un article sur son blog pour répondre à un commentateur, un peu écœuré par son manque de compassion de de pudeur vis à vis d'un confrère en fin de vie, et à moi-même, en persistant et signant avec ce qui semble porter sa marque de fabrique : son indifférence.

    Bonne excuse invoquée : la "belgitude".

    Enfin, quant à moi, le décalage entre votre ressenti et le sien ne lasse pas de faire l'objet de mon étonnement.

    J'en prends, en quelque sorte, de la graine, et m'applique à moi-même ce phénomène dans certaines circonstances de ma propre vie (déjà vécu): parfois on croit partager ceci ou cela, puis, on découvre la vérité du vécu de l'autre, et on a l'impression qu'on est par moment un peu naïf. Pas toujours facile.

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  6. Décidément, cette affaire est une affaire à rebondissment et à épisodes où le suspens est toujours au rendez-vous : figurez-vous que les articles dont je parlais - sur H. Bianccioti notemment - ont disparu dans la nuit , pfffouttt, comme la brume ou un lointain rêve, avec les commentaires, peu élogieux il est vrai. Ca raccourcit singulièrement le blog dont je parle, mais qu'importe !
    haaa, Roland Barthes ne disait-il pas, à juste titre à mon avis, que la véritable censure n'est pas d'INTERDIRE de dire, mais d'OBLIGER à dire ?

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