Je sors des Mémoires de Soeur Emmanuelle. Conférence à la clé. Je voudrais dire ici ce que j'ai cru comprendre du personnage, de sa profonde dualité (qui n'est pas forcément duplicité) et de son charme juvénile, alors qu'elle avait un siècle.
Sulfureuse, voilà ce que l'on pense d'elle du côté des traditionalistes.
Dernier "scandale" en date : l'idée qu'elle ait pu célébrer la messe alors qu'ele n'était pas prêtre un beau jour de 1982. Le bobard provient de l'inculture totale d'un humanitaire, qui expliquait que le pb de Soeur Emmanuelle pour célébrer la messe, c'était de devoir "le faire au vin rouge". Le faire ? Bien entendu, c'est un prêtre de son entourage qui a célébré, pas elle. Jean-Claude Valomet, président de l'association Gaza Palestine et puissance invitante pour la bonne ville de Nantes en cette année 1982, n'a d'ailleurs manifestement pas conscience d'avoir proféré une énormité en écrivant qu'elle lui avait dit "On va faire ça au vin rouge". On ? Certainement pas elle. Disons que Soeur Emmanuelle a célébré la messe comme César naguère fit le pont dans la célèbre règle de grammaire latine. Elle commanditait, elle ne faisait pas...
Ce que l'on apprend, par contre, en lisant ses mémoires, c'est que la messe, elle y avait assisté tous les jours depuis ses douze ans (à quelques exceptions près note-t-elle par scrupule). Elle avait décidé d'y communier aussi souvent que possible conformément aux directives du pape qui l'a vue naître : saint Pie X.
Autre "scandale" : sa vie sexuelle. Je revois les joues creuses et les yeux exorbités du paroissien scandalisé qu'elle ait pu évoquer, dans ce livre, sa masturbation et qui s'en indignait devant moi.
Scandale, je rassure tout de suite (ou peut-être je décourage) les lecteurs potentiels :il n'y en a pas l'ombre (en tout cas rien qui soit de nature à porter atteinte au prestige de l'Eglise). Elle écrit, noir sur blanc : "A partir du moment où j'ai mis les pieds au noviciat, la tentation, restée toujours vivace, ne m'a plus jamais vaincue".
On peut penser que c'est déplacé de parler de choses qui sont purement personnelles (je n'ose pas dire : intime, l'intimité valant mieux qu'un ressort mécanique). Personnellement cela a été ma première réaction. J'ai trouvé ensuite qu'il y avait quelque chose d'un peu enfantin (ou décalé) dans l'insistance et la théâtralisation de Soeur Emmanuelle. Parler de "nuit de feu" à propos d'un rêve érotique, voilà qui devrait faire se retourner son cher Pascal dans sa tombe ! En en parlant avec une amie, j'ai découvert une autre explication de cette insistance. Elle me citait une émission avec Mireille Dumas où l'humoriste Pierre Palmade insistait sur la dimension d'aveu (des fautes et des faiblesses) que doit nécessairement comporter la littérature autobiographique aujourd'hui, pour rencontrer le succès. C'est la recette qu'a admirablement mise en oeuvre Soeur Emmanuelle, m'explique cette amie. La religieuse comptait sans doute sur ces petites histoires qui ne sont même pas des histoire de fesses pour vendre le texte édifiant qu'elle a voulu remettre au public après sa mort. L'hypothèse mérite d'être formulée. je crois qu'elle n'infirme pas le sentiment d'une grande naïveté chez la fondatrice de l'oeuvre des Chiffoniers du Caire, encore sous l'effet, à 100 ans, de sa nuit de feu.
Il faut bien le comprendre : Soeur Emmanuelle, né en 1908, religieuse engagée par des voeux en 1931, est d'une autre époque que la nôtre. A son époque, le sexe n'est jamais banal en aucun de ses ébats...
Cette très simple remarque en amène une autre : il existe une dualité profonde entre la formation de Soeur Emmanuelle, que l'on peut qualifier aujourd'hui de profondément "traditionaliste" et le discours qu'elle tient autour de son oeuvre.
Sa formation personnelle ? Elle est axée sur l'importance du sacrifice à Dieu et de l'obéissance à sa mère, ainsi qu'elle l'explique. la messe est très tôt "l'axe" de sa vie, elle y assiste quotidiennement. Formée aux lettres classiques, latines et grecques, elle est envoyée à Londres auprès de sa tante, religieuse chez les Dames de Sion, comme elle le deviendra elle-même. Tout cela est ultra classique et spirituellement et socialement.
A la fin de sa vie, cette formation en profondeur, qui l'a maintenue dans la fidélité à ses voeux, ne l'a pas quitté. Dans ses dernières années, elle dit son chapelet "jour et nuit", faute de pouvoir faire autre chose. Un symbole comme Soeur Emmanuelle ne naît pas de rien. La religion humanitaire produit Bernard Kouchner, apôtre de ce qu'il appelle lui-même la "charité business" (c'est le titre de son premier livre). Pour produire un symbole chrétien, la charité business ne suffit pas, il faut cette formation en profondeur, qui permettra à Soeur Emmanuelle, à l'heure où tant d'autres mettent leurs charentaises avant de s'asseoir devant le Poste, de recommencer sa vie, de partir en Egypte et de s'installer, toute seule, au milieu des chiffoniers, dans le petit bout de cabane que lui a déniché Labib, celui qu'elle appelle joliment "mon Mentor".
Si la conduite personnelle de Soeur Emmanuelle est imprégnée de sa formation catholique traditionnelle, son discours ordinaire est profondément marqué par la nouvelle religion humanitaire.
Comment expliquer cette dualité ?
On peut penser que Soeur Emmanuelle, cherchant la célébrité, a adopté le discours le plus susceptible de plaire au public qu'elle venait quêter pour ses oeuvres. Mais cette explication (même si certaines pages d'autocritiques déplorant sa propre "vanité" et son "cabotinage" peuvent donner une certaine consistance à cette explication).
La véritable explication est à chercher dans le chapitre qu'elle a intitulé elle-même "Autres convictions, autres richesses". Quelles sont ces autres convictions ? Celles qu'elle puise dans la diffusion de l'esprit de Vatican II. Elle cite en particulier comme décisif pour elle un discours du cardinal Bea, qui fut directeur de conscience du pape Pie XII, discours dans lequel les chrétiens sont exhoertés à "reconnaître les valeurs spirituelles et morales présentes dans les autres religions". Conséquence pour Soeur Emmanuelle : "Dans mes fréquentes conversations, j'ai très rarement parlé de ma foi". Ou plus abruptement (voir le bel article de François Foucard dans le dernier Monde et Vie) : "La religion ne m'intéresse pas".
Autant elle a gardé ses réflexes de vieille religieuse, pétrie par sa prière et assistant à la messe tous les jours, autant elle ne voit pas la nécessité de transmettre cet esprit chrétien à ceux qui ne l'ont pas. N'y a-t-il pas des valeurs spirituelles dans toutes les religions ? Ces valeurs ne doivent-elles pas être défendues et cultivées pour elles mêmes ? Même l'incroyance a ses valeurs, note-t-elle, car finalement, la valeur spirituelle la plus importante c'est l'amour et... il suffit d'aimer.
On saisit ainsi sur le vif le caractère destructeur de cet "esprit de Vatican II" qu'a condamné si fermement le pape Benoît XVI dans son Discours à la Curie le 22 décembre 2005.
Le charme de Soeur Emmanuelle ? Il est dans cette dualité entre sa formation traditionnelle et son discours humanitaire. Sa popularité est construite sur cette ambiguïté entre son voile et sa pratique, les uns s'en tenant au voile et à tout ce qui va avec, les autres au discours.
La fameuse pèlerine de l'abbé Pierre, célébrée naguère par Roland Barthes qui en avait vu immédiatement la portée signifiante, avait au fond la même fonction d'alibi traditionnel non tout à fait dénué de fondement.
Sulfureuse, voilà ce que l'on pense d'elle du côté des traditionalistes.
Dernier "scandale" en date : l'idée qu'elle ait pu célébrer la messe alors qu'ele n'était pas prêtre un beau jour de 1982. Le bobard provient de l'inculture totale d'un humanitaire, qui expliquait que le pb de Soeur Emmanuelle pour célébrer la messe, c'était de devoir "le faire au vin rouge". Le faire ? Bien entendu, c'est un prêtre de son entourage qui a célébré, pas elle. Jean-Claude Valomet, président de l'association Gaza Palestine et puissance invitante pour la bonne ville de Nantes en cette année 1982, n'a d'ailleurs manifestement pas conscience d'avoir proféré une énormité en écrivant qu'elle lui avait dit "On va faire ça au vin rouge". On ? Certainement pas elle. Disons que Soeur Emmanuelle a célébré la messe comme César naguère fit le pont dans la célèbre règle de grammaire latine. Elle commanditait, elle ne faisait pas...
Ce que l'on apprend, par contre, en lisant ses mémoires, c'est que la messe, elle y avait assisté tous les jours depuis ses douze ans (à quelques exceptions près note-t-elle par scrupule). Elle avait décidé d'y communier aussi souvent que possible conformément aux directives du pape qui l'a vue naître : saint Pie X.
Autre "scandale" : sa vie sexuelle. Je revois les joues creuses et les yeux exorbités du paroissien scandalisé qu'elle ait pu évoquer, dans ce livre, sa masturbation et qui s'en indignait devant moi.
Scandale, je rassure tout de suite (ou peut-être je décourage) les lecteurs potentiels :il n'y en a pas l'ombre (en tout cas rien qui soit de nature à porter atteinte au prestige de l'Eglise). Elle écrit, noir sur blanc : "A partir du moment où j'ai mis les pieds au noviciat, la tentation, restée toujours vivace, ne m'a plus jamais vaincue".
On peut penser que c'est déplacé de parler de choses qui sont purement personnelles (je n'ose pas dire : intime, l'intimité valant mieux qu'un ressort mécanique). Personnellement cela a été ma première réaction. J'ai trouvé ensuite qu'il y avait quelque chose d'un peu enfantin (ou décalé) dans l'insistance et la théâtralisation de Soeur Emmanuelle. Parler de "nuit de feu" à propos d'un rêve érotique, voilà qui devrait faire se retourner son cher Pascal dans sa tombe ! En en parlant avec une amie, j'ai découvert une autre explication de cette insistance. Elle me citait une émission avec Mireille Dumas où l'humoriste Pierre Palmade insistait sur la dimension d'aveu (des fautes et des faiblesses) que doit nécessairement comporter la littérature autobiographique aujourd'hui, pour rencontrer le succès. C'est la recette qu'a admirablement mise en oeuvre Soeur Emmanuelle, m'explique cette amie. La religieuse comptait sans doute sur ces petites histoires qui ne sont même pas des histoire de fesses pour vendre le texte édifiant qu'elle a voulu remettre au public après sa mort. L'hypothèse mérite d'être formulée. je crois qu'elle n'infirme pas le sentiment d'une grande naïveté chez la fondatrice de l'oeuvre des Chiffoniers du Caire, encore sous l'effet, à 100 ans, de sa nuit de feu.
Il faut bien le comprendre : Soeur Emmanuelle, né en 1908, religieuse engagée par des voeux en 1931, est d'une autre époque que la nôtre. A son époque, le sexe n'est jamais banal en aucun de ses ébats...
Cette très simple remarque en amène une autre : il existe une dualité profonde entre la formation de Soeur Emmanuelle, que l'on peut qualifier aujourd'hui de profondément "traditionaliste" et le discours qu'elle tient autour de son oeuvre.
Sa formation personnelle ? Elle est axée sur l'importance du sacrifice à Dieu et de l'obéissance à sa mère, ainsi qu'elle l'explique. la messe est très tôt "l'axe" de sa vie, elle y assiste quotidiennement. Formée aux lettres classiques, latines et grecques, elle est envoyée à Londres auprès de sa tante, religieuse chez les Dames de Sion, comme elle le deviendra elle-même. Tout cela est ultra classique et spirituellement et socialement.
A la fin de sa vie, cette formation en profondeur, qui l'a maintenue dans la fidélité à ses voeux, ne l'a pas quitté. Dans ses dernières années, elle dit son chapelet "jour et nuit", faute de pouvoir faire autre chose. Un symbole comme Soeur Emmanuelle ne naît pas de rien. La religion humanitaire produit Bernard Kouchner, apôtre de ce qu'il appelle lui-même la "charité business" (c'est le titre de son premier livre). Pour produire un symbole chrétien, la charité business ne suffit pas, il faut cette formation en profondeur, qui permettra à Soeur Emmanuelle, à l'heure où tant d'autres mettent leurs charentaises avant de s'asseoir devant le Poste, de recommencer sa vie, de partir en Egypte et de s'installer, toute seule, au milieu des chiffoniers, dans le petit bout de cabane que lui a déniché Labib, celui qu'elle appelle joliment "mon Mentor".
Si la conduite personnelle de Soeur Emmanuelle est imprégnée de sa formation catholique traditionnelle, son discours ordinaire est profondément marqué par la nouvelle religion humanitaire.
Comment expliquer cette dualité ?
On peut penser que Soeur Emmanuelle, cherchant la célébrité, a adopté le discours le plus susceptible de plaire au public qu'elle venait quêter pour ses oeuvres. Mais cette explication (même si certaines pages d'autocritiques déplorant sa propre "vanité" et son "cabotinage" peuvent donner une certaine consistance à cette explication).
La véritable explication est à chercher dans le chapitre qu'elle a intitulé elle-même "Autres convictions, autres richesses". Quelles sont ces autres convictions ? Celles qu'elle puise dans la diffusion de l'esprit de Vatican II. Elle cite en particulier comme décisif pour elle un discours du cardinal Bea, qui fut directeur de conscience du pape Pie XII, discours dans lequel les chrétiens sont exhoertés à "reconnaître les valeurs spirituelles et morales présentes dans les autres religions". Conséquence pour Soeur Emmanuelle : "Dans mes fréquentes conversations, j'ai très rarement parlé de ma foi". Ou plus abruptement (voir le bel article de François Foucard dans le dernier Monde et Vie) : "La religion ne m'intéresse pas".
Autant elle a gardé ses réflexes de vieille religieuse, pétrie par sa prière et assistant à la messe tous les jours, autant elle ne voit pas la nécessité de transmettre cet esprit chrétien à ceux qui ne l'ont pas. N'y a-t-il pas des valeurs spirituelles dans toutes les religions ? Ces valeurs ne doivent-elles pas être défendues et cultivées pour elles mêmes ? Même l'incroyance a ses valeurs, note-t-elle, car finalement, la valeur spirituelle la plus importante c'est l'amour et... il suffit d'aimer.
On saisit ainsi sur le vif le caractère destructeur de cet "esprit de Vatican II" qu'a condamné si fermement le pape Benoît XVI dans son Discours à la Curie le 22 décembre 2005.
Le charme de Soeur Emmanuelle ? Il est dans cette dualité entre sa formation traditionnelle et son discours humanitaire. Sa popularité est construite sur cette ambiguïté entre son voile et sa pratique, les uns s'en tenant au voile et à tout ce qui va avec, les autres au discours.
La fameuse pèlerine de l'abbé Pierre, célébrée naguère par Roland Barthes qui en avait vu immédiatement la portée signifiante, avait au fond la même fonction d'alibi traditionnel non tout à fait dénué de fondement.
Voici le texte intitulé "Iconographie de l'abbé Pierre", tiré de "Mythologies" de Roland Barthes (1957) auquel l'abbé fait référence
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"Le mythe de l'abbé Pierre dispose d'un atout précieux : la tête de l'abbé. C'est une belle tête, qui présente clairement tous les signes de l'apostolat : le regard bon, la coupe franciscaine, la barbe missionnaire, tout cela complété par la canadienne du prêtre-ouvrier et la canne du pèlerin. Ainsi sont réunis les chiffres de la légende et ceux de la modernité.
La coupe de cheveux, par exemple, à moitié rase, sans apprêt et surtout sans forme, prétend certainement accomplir une coiffure entièrement abstraite de l'art et même de la technique, une sorte d'état zéro de la coupe ; il faut bien se faire couper les cheveux, mais que cette opération nécessaire n'implique au moins aucun mode particulier d'existence : qu'elle soit, sans pourtant être quelque chose. La coupe de l'abbé Pierre, conçue visiblement pour atteindre un équilibre neutre entre le cheveu court (convention indispensable pour ne pas se faire remarquer) et le cheveu négligé (état propre à manifester le mépris des autres conventions) rejoint ainsi l'archétype capillaire de la sainteté : le saint est avant tout un être sans contexte formel ; l'idée de mode est antipathique à l'idée de sainteté.
Mais où les choses se compliquent — à l'insu de l'abbé, il faut le souhaiter — c'est qu'ici comme ailleurs, la neutralité finit par fonctionner comme signe de la neutralité, et si l'on voulait vraiment passer inaperçu, tout serait, à recommencer.
La coupe zéro, elle, affiche tout simplement le franciscanisme ; conçue d'abord négativement pour ne pas contrarier l'apparence de la sainteté, bien vite elle passe à un mode superlatif de signification, elle déguise l'abbé en saint François. D'où la foisonnante fortune iconographique de cette coupe dans les illustrés et au cinéma (où il suffira à l'acteur Reybaz de la porter pour se confondre absolument avec l'abbé).
Même circuit mythologique pour la barbe : sans doute peut-elle être simplement l'attribut d'un homme libre, détaché des conventions quotidiennes de notre monde et qui répugne à perdre le temps de se raser : la fascination de la charité peut avoir raisonnablement ces sortes de mépris ; mais il faut bien constater que la barbe ecclésiastique a elle aussi sa petite mythologie. On n'est point barbu au hasard, parmi les prêtres ; la barbe y est surtout attribut missionnaire ou capucin, elle ne peut faire autrement que de signifier apostolat et pauvreté ; elle abstrait un peu son porteur du clergé séculier : les prêtres glabres sont censés plus temporels, les barbus plus évangéliques : l'horrible Frolo était rasé, le bon Père de Foucauld barbu ; derrière la barbe, on appartient un peu moins à son évêque, à la hiérarchie, à l'Église politique ; on semble plus libre, un peu franc-tireur, en un mot plus primitif, bénéficiant du prestige des premiers solitaires, disposant de la rude franchise des fondateurs du monachisme, dépositaires de l'esprit contre la lettre : porter la barbe, c'est explorer d'un même cœur la Zone, la Britonnie ou le Nyassaland.
Évidemment, le problème n'est pas de savoir comment cette forêt de signes a pu couvrir l'abbé Pierre (encore qu'il soit à vrai dire assez surprenant que les attributs de la bonté soient des sortes de pièces transportables, objets d'un échange facile entre la réalité, l'abbé Pierre de Match, et la fiction, l'abbé Pierre du film, et qu'en un mot l'apostolat se présente dès la première minute tout prêt, tout équipé pour le grand voyage des reconstitutions et des légendes). Je m'interroge seulement sur l'énorme consommation que le public fait de ces signes. Je le vois rassuré par l'identité spectaculaire d'une morphologie et d'une vocation ; ne doutant pas de l'une parce qu'il connaît l'autre ; n'ayant plus accès à l'expérience même de l'apostolat que par son bric-à-brac et s'habituant à prendre bonne conscience devant le seul magasin de la sainteté ; et je m'inquiète d'une société qui consomme si avidement l'affiche de la charité, qu'elle en oublie de s'interroger sur ses conséquences, ses emplois et ses limites. J'en viens alors à me demander si la belle et touchante iconographie de l'abbé Pierre n'est pas l'alibi dont une bonne partie de la nation s'autorise, une fois de plus, pour substituer impunément les signes de la charité à la réalité de la justice."
Il se peut qu'un certain "esprit mondain" a fait un petit bout de chemin dans les parcours de l'abbé Pierre et de la soeur Emmanuelle, je dirais presque malgré eux, l'intention étant surtout et avant tout d'aider les plus démunis, de trouver des moyens pour secouer cette société inerte et repue afin qu'enfin elle remarque le pauvre, dans lequel les deux religieux ne voyaient que l'image du Christ. Pour nous qui avons déjà tant de mal à sortir une petite pièce pour donner à un malheureux, qui sommes-nous pour émettre des jugements sur ceux qui ont donné leur vie entière à suivre le deux plus grands commandements du Christ? (le "tu aimeras ton Dieu..." - en devenant religieux=offrant la vie au Christ, et le "...et ton prochain"- par leur Service), qui sommes-nous ?!? Foi et oeuvres, on ne peut que s'incliner,... et passer outre sur ce qui ne relève que de l'imperfection de l'homme en tant que créature. Ce qui'ils ont donné, c'est déjà tellement (par rapport à nous autres)!
RépondreSupprimerQuant à ces détails "sulphureux" sur les "expériences intimes" de la Soeur Emmanuelle et qui font fantasmer des prudes, d'abord, elle en sort vainqueur, et puis est-ce vraiment important ? Le corps humain est ce qu'il est et il est nettement plus grave de ne rien éprouver de tel que de ressentir ce qui relève de l'humanité incarnée. Il est autrement plus inquiétant de voir des personnes qui ne ressentent rien - on s'interroge alors sur leur condition humaine et sur leur capacité à comprendre seulement les commandements du Christ (cf discussion sur le puritanisme dans les fils précédents de ce blog)
Beaucoup de raisons peuvent expliquer les confessions "intimes" de soeur Emmanuelle. Je n'en retiendrai qu'une: ce qu'elle écrit sur ses tentations peut être compris par toute personne qui est pris ou qui a été pris dans une relation de dépendance : sexe donc, mais aussi drogue et plus couramment alcool. Le mécanisme psychologique est toujours le même au-delà des différences liées aux caractères. L'angoisse de la tentation fait que l'on retombe souvent, aussitôt après s'être relevé. Laissons le soin aux psy' de fournir des explications à ce qui constitue une réelle souffrance. J'observe que soeur Emmanuelle ne s'est jamais découragée et qu'elle s'est toujours relevée. J'observe aussi que cet aiguillon dans sa chair comme l'écrit Saint Paul (qu'elle cite) lui a permis de ne pas se gonfler d'orgueil. Alors oui, cela peut sembler choquant qu'elle se soit livrée ainsi mais en le faisant, l'exercice de communication s'est mué en un exercice d'humilité et en un message d'espoir pour tous ceux qui souffrent, souvent en cachette, de tentations diverses. Se relever sans cesse, ne jamais céder aux sirènes du démon qui voudrait nous voir abattu par le découragement et par dessus tout, demander le secours et la miséricorde du Seigneur. Dans le jardin d'Eden, quelle a été la plus grande faute d'Adam et Eve, la désobéissance au commandement ou bien le fait de douter de la miséricorde divine en se cachant honteusement? L'orgueil n'était pas moins présent dans la seconde attitude. Soeur Emmanuelle l'avait expérimenté.
RépondreSupprimerMerci Monsieur l'Abbé pour ce blog qui respire l'intelligence. A la fois conciliaire et attaché à la liturgie latine, je ne suis pas toujours très à l'aise avec le refus de penser et le puritanisme des "tradis" que j'ai rencontrés mais ici on respire un autre air et on évolue à une autre altitude!
RépondreSupprimerHubert
Franchement, qu'est-ce qu'un prêtre catholique a à commenter les "monologues du vagin de Sœur Emmanuelle"?
RépondreSupprimerCher Anonyme qui vous interrogez avec cette rare élégance sur ce commentaire d'un prêtre catholique, quittez donc vos joues creuses et vos yeux exorbités et ne prenez pas vos désirs pour des réalités, car la bouche parle de l'abondance du cœur...
RépondreSupprimerJ'ai déjà commenté dans un précédent post le sujet qui manifestement "fâche", et qui ne mérite sans doute pas que l'on s'y attarde trop longtemps.
RépondreSupprimerJe ne peux m'empêcher de comparer soeur Emmanuelle avec Mère Teresa, le livre écrit par la première avec l'ouvrage publié sur la vie spirituelle de la seconde. Le Christ avait demandé à la "sainte de Calcutta" d'apporter Sa lumière aux ténèbres et c'est bien ce qui soutend toute son action au profit des plus pauvres. Le livre sur le parcours spirituel de Mère Teresa est un trésor et comporte des pages parmi les plus hautes des écrits mystiques de l'Eglise.
Je ne suis pas certain que cela puisse clore le débat, mais j'aurais envie de dire avec un brin de provocation, que l'on a les saints que l'on mérite!
"Anonyme a dit..Franchement, qu'est-ce qu'un prêtre catholique a à commenter les "monologues du vagin de Sœur Emmanuelle"?"
RépondreSupprimerDe la lecture erotique?? A la vache!! Moi qui ne lit jamais Sr Emmanuelle, j'aurai dut m'en doute!! Ah les chenapants!! Cela doit faire la suite du livre de JL Marion, nouvel academicien, qui nous a accouche d'un livre sur la charite intitule: "le phenomene erotique"... quelle epoque mes amis... Comme dirait Camus dans la Chute: les historiens retiendront de cette fabuleuse epoque que les gens lisaient le journal et forniquaient.
Merci encore Anonyme de votre relecture qui manifeste un inconscient assez refoule.. fais-toi suivre mon gaillars...
Aristote, l'epanoui! ;-)
pouqoui l'eglise ne dit pas aux jeunes hommes que meme les fills et oui _ meme nos grands meres ont eu ou ont des desirs _ on peut dire que notre sainte mere l'eglise maintient les gens dans l'ignorance_ on ne sauve pas avec l'ignorance_ et si plus tard nous somme speres de jeunes filles on doit savoir comment elels fonctionnent _ le judaisme ; l'islam disnet plus a verite car ce sont des religions naturelles
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