mercredi 30 décembre 2009

Bernard Lecomte: "...incapables de distinguer un synode d’un conclave..."

Bernard Lecomte a écrit "Pourquoi le pape a mauvaise presse". Interrogé par famillechretienne.fr il explique le phénomène. Il y a eu certes "trois affaires successives, Williamson, Recife et le préservatif" qui ont rendu image de Benoît XVI "tout à fait négative", il y a eu aussi des "erreurs de communication du Vatican", pas très adapté aux médias.

Mais le problème est plus profond: "les médias vont au plus court, au binaire (pour/contre, oui/non, etc.), au zapping" tandis que l'Eglise "se trouve dans un autre monde". Illustration avec deux évènements à peu près concomitants: "le pape s’est foulé le poignet dans sa baignoire : tous les journaux, toutes les télés, toutes les radios ont relaté cet incident. En revanche, aucune radio, aucune télé, aucun journal n’a évoqué Caritas in veritate". Plus profondément encore: "Les médias ne sont que le reflet de notre société hyperindividualiste, hédoniste et relativiste", ils ne peuvent qu'être gênés (éventuellement: malveillants) face au message évangélique de l'Eglise.

Voici qui est bien dit, mais qui n'est pas nouveau. Plus intéressante est la suite des propos: "En Italie, en Pologne, en Espagne, au Portugal, il existe toujours des journalistes d’information religieuse. En France, c’est fini." A titre d'exemple, les "médias généralistes" n'ont plus de correspondants au Vatican ("Le Figaro a fermé ce poste l’année dernière") où "ne reste plus qu’une journaliste de l’AFP".

Ce sont alors des journalistes lambda qui traitent de ces sujets. Issus d'une société (médias, enseignement) marquée "par le laïcisme et par une inculture religieuse profonde", les journalistes français sont, selon Bernard Lecomte "incapables de distinguer un luthérien d’un anglican" ou "un synode d’un conclave".

A dire vrai, la presse confessionnelle elle-même n'est pas entièrement exempte de surprises.

mardi 29 décembre 2009

Le Père Benoît Lobet au CCCSP

Pas de relâche pour les Conférences du mardi au Centre Saint Paul. Il faut dire que nous profitions du passage à Paris du Père Benoît Lobet, professeur à Louvain et auteur tout récemment d'un très beau petit livre sur Nicodème, intitulé Un homme, la nuit.

Il me semble que quand j'écris "L'Eglise n'appartient à personne", c'est ce genre de rencontre qui peut en être l'illustration. Je me suis senti spirituellement très proche de ce prêtre avec lequel, du point de vue de la cartographie partisane, je n'aurais sans doute pas grand chose en commun.

Parenthèse: cela ne signifie pas pour autant que "l'Eglise appartienne à tout le monde" comme le suggère l'un des bloggeurs dans le débat précédent. Non. je crois simplement que nous ne pouvons pas, nous autres pauvres hommes, entretenir une relation de propriété (si collectiviste soit-elle) avec la sainte Eglise, qui n'appartient qu'au Christ dont elle est le corps. Malheureusement, trop souvent (déformation issue du consumérisme dominant) nous nous considérons comme les propriétaires de nos engagements. Un véritable engagement se manifeste par rapport à quelque chose que nous ne pourrons jamais nous approprier parce qu'il est trop au dessus de nous. Même la famille que je fonde avec mon conjoint n'est pas à moi, elle est plus grande que moi, plus importante que moi... Elle n'est pas pour moi, c'est moi qui suis pour elle. L'Eglise, c'est pareil : elle n'est pas pour nous, c'est nous qui sommes pour elle.

Pour en revenir à la conférence magistrale que nous avons entendue ce soir, je suis frappé de l'aisance avec laquelle le Père Lobet utilise des références littéraires dans son livre : il conclut sur Julien Green, citant lui-même Victor Hugo : "Chaque homme dans sa nuit s'en va vers sa lumière". Une fois de plus, il faut reconnaître que les poètes (il cite Rilke, Marie Noël etc.) et les romanciers (Bernanos, Mauriac, tant d'autres) sont sans doute ceux qui sont allé le plus loin dans le paradoxe de l'être humain, "cet être pour la mort" qui pourtant se doute de quelque chose d'autre...

Vérité? Oui, il y a une vérité de la littérature. En dehors de cette vérité, la littérature n'a pas de sens.

Est-ce à dire que la vie chrétienne se réduit elle-même à cette expérience intérieure qui est celle du romancier ou du poète ? Le Père Lobet ne le pense pas. Il met en avant l'objectivité, la réalité de la deuxième naissance, si fortement annoncé à Nicodème par le Christ (Jean 3) et cite Tertullien : "On ne naît pas chrétien, on le devient". Je reviendrai très bientôt sur ce deuxième aspect de sa conférence, si caractéristique de la théologie catholique comme telle, ce que le Père Gitton appelait au début du mois "l'ontologie du mystère" (voir le résumé que j'ai donné ici même de son intervention).

L'Eglise n'appartient à personne

En lisant les voeux de l'abbé de Cacqueray, qui consistent en une liste de revendications que la FSSPX, à travers sa personne autorisée, tend à faire sienne, je me disais que l'Eglise catholique (c'est-à-dire universelle) n'a jamais coïncidé avec un parti, qui puisse prétendre : "Nous sommes l'Eglise".

Certes on peut penser que dans les années Soixante dix les progressistes ont pris le pouvoir dans certains pays emblématiques dont la France, portant atteinte de manière irréversible à la mémoire de l'Eglise. Mais ce n'est pas pour cela que les traditionalistes vont pouvoir sous l'égide d'un pape prétendument traditionaliste, faire le contraire et dire à leur tour : "Non, c'est nous qui sommes l'Eglise".

L'Eglise est par définition au-delà des partis. Regardons l'histoire : ni les jansénistes ni les jésuites n'ont gagné dans la bataille qui les a opposés. Même si les jésuites ont cru un moment que la victoire leur appartenait, ils ont payé très cher leur cabale, l'ordre a été interdit et reconstitué uniquement après la Révolution française, sur d'autres bases.

On ne peut pas servir l'Eglise en s'identifiant totalement au Parti dans l'Église dont on dit qu'il a raison. Chacun des protagonistes apporte sans doute quelque chose à sa vieille mère... Mais c'est elle, cette mère Eglise, qui nous enterrera tous. Prenons garde de vouloir une Église à notre mesure. Cela signifierait simplement que nous en aurions expulsé l'Esprit saint.

L'Eglise ne nous appartient pas. C'est dans cette conviction que nous devons la servir.

60% de Français catholiques non pratiquants (IFOP)

Les sondages se basent d’habitude sur un millier de personnes. Pour savoir qui se dit catholique en France et en 2009, l’IFOP a fait fort: «131.141 personnes interrogées», en marge de 135 autres enquêtes. Les résultats: «4,5% … disent fréquenter une église chaque dimanche», alors qu’à titre de comparaison «20 % des Espagnols vont à la messe une fois par semaine» note Isabelle de Gaulmyn, journaliste à La Croix qui publie le résultat de l’enquête, avec rétrospective depuis 1952. Elle donne la parole à Denis Pelletier, historien: «Il y a eu une certaine stabilisation, voire légère remontée, après le Concile. En revanche, la courbe plonge après, à partir du milieu des années 1970, au moment où, après l’audace post-conciliaire des débuts, l’Église revenait à des positions plus classiques.»

J'ose une autre explication: que d'audaces en audaces, un certain nombre de gens ont fini par s'affranchir de l'obligation dominicale. Que sont restés, en gros, les plus conservateurs. Mais là n'est pas le sujet du sondage.

Quoiqu’il en soit, la courbe semble inéluctable: 27% de messalisants en 1952, 20% en 1966 et 1972, 14% en 1978, 6% en 1987, moins de 5% en 2009. Autrement dit : 6 fois moins, en deux générations. Et la pyramide démographique de ceux qui restent (en clair: ils sont vieux) laisse présager de lendemains qui pleurent.

Avec cela, nous sommes encore 64% en France à nous définir comme «catholiques» (75% en 1987), viennent après 28% de «sans religion» (21% en 1987), 3% de «protestants» (1% en 1987) et 5% seulement d’«autres religions» (3% en 1987).

C’est là que l’enquête devient décevante, trop «horizontale». Seuls chiffres à peu près 'religieux': que 63% des pratiquants pensent que «toutes les religions se valent», et qu'ils demandent à l’Eglise un aggiornamento sur «la contraception» (75%), sur «le remariage des divorcés» (69%), sur «l’avortement» (68%).

Hélas, sur 14 personnes se réclamant du catholicisme, 13 disent ne pas le pratiquer, en tout cas pas dans sa forme la plus classique (le culte dominical). C’est ce qu’il eut fallu gratter. Qui sont ces 60% de Français catholiques non pratiquants? L’enquête ne nous le dit pas et c'est bien dommage.

Viennent encore quelques infos: par rapport à la population globale, les pratiquants sont plus rarement ouvriers ou employés (18% contre 32%), et votent plus UMP (39% contre 25%) - ceci expliquant peut-être cela. A part ce petit noyau dur de pratiquants, qui ne sont numériquement plus significatifs, et comme le relève Isabelle de Gaulmyn: «sur les questions politiques ou de société, l’opinion des catholiques déclarés, mais non pratiquants, rejoint celle des Français en général». Elle y voit le «signe d’une imprégnation toujours profonde de la société par l’identité catholique». Et si c’était le contraire?

[conf'] Mardi 29 Décembre 2009 à 20 heures - « Nicodème ou la foi dans la nuit » par le Père Benoît LOBET

Conférence au Centre Saint Paul (IBP à Paris) - Mardi 29 Décembre 2009 à 20 heures - « Nicodème ou la foi dans la nuit » par le Père Benoît LOBET (l'auteur signera son dernier livre) - Participation aux frais: 5 euros, 2 euros pour les étudiants - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

lundi 28 décembre 2009

Magie d'une rencontre...

Tout à l'heure, avec deux camarades qui se reconnaîtront, je croise un cycliste qui me hèle. Nous avons un commencement de discussion... sur la traduction du Notre Père et la formule "Ne nous soumets pas à la tentation"... Et je lui donne mon adresse Mail, en lui laissant entendre qu'hélas, comme on dit dans les opéras, le devoir m'appelle...

Je reçois à l'instant ce texte, où ce jeune homme se présente et explicite non seulement la difficulté de la traduction, mais le doute que cette traduction fait planer sur l'Institution qui la cautionne.

Je ne me livre pas au bidonnage d'un journaliste médiocre, je vous fais simplement partager mon émotion... Voici ce texte.
Bonjour,

Je vous ai croisé à vélo quand vous rentriez dans votre voiture en ce début d'après midi.

Pour me présenter en deux mots: j'habite Paris 15ème, je suis métissé et issu de l'union d'un père malien musulman et d'une mère française athée. Je me définis plutôt chrétien influencé par les films de capes et d'épée vue à la télévision africaine lorsque j'étais enfant. Je suis croyant mais ne pratique pas.

J'ai partagé avec vous mon interrogation sur la justesse de sens dans la prière du "Notre Père ..." qui, lorsqu'elle est récitée, présente un passage prononcé communément de la façon suivante " ne nous soumet pas à la tentation" or les personnes ne devraient-ils pas plutôt dire "ne nous laisse pas succomber", puisque lorsque l'on succombe cela relève de notre libre arbitre de potentiel pêcheur et l'aide demandée à Dieu de nous aider à résister à nos démons prend tout son sens, alors que lorsque l'on est soumis il n'y a plus de libre arbitre et cela supposerait une emprise par Dieu sur les hommes et les femmes qui lui vouent leur prétendu foi avec en prime la volonté de Dieu de vous imposer la tentation en permanence?

Or je trouve cela dérangeant par rapport à l'exercice de Foi qu'est la prière. C'est à se demander Qui prie t'on exactement?

En effet, je vois bien Dieu exiger des hommes et des femmes qu'ils fassent un don de soi jusqu'au sacrifice de soi en référence à l'Amour de soi et des autres, mais de là à ce que celui-ci vous soumette littéralement à la tentation, je trouve cela choquant.

Je suis étonné que des milliers de personnes qui prononcent cette prière à l'église en France n'aient pas conscience de cela alors que leur prière prend un tout autre sens à cause de ce détail.

Je me dis, avec humour, que l'expression américaine qui dit que le diable se cache dans les détails, brille dans toute sa splendeur et que ce dernier arrive à faire un beau pied de nez à Dieu sous son propre toit dans les églises qui servent de lieu de prière. Comme dirait mon neveu de 5 ans "c'est pas rigolo!" mais ça me fait tout de même sourire...

Je voulais vous remercier de m'avoir confirmé que ma remarque était pertinente à vos yeux, car je vous avoue que cela faisait un moment que je m'interrogeais sur ce détail.

Bon courage dans votre profession car il y a franchement du boulot ... et j'ajouterai même au sein de l'église qui arrive à laisser leurs fidèles dans l'erreur par on ne sait quel tour de magie.

Sincères Salutations.

A. E. B.
Cher AEB, qui vous définissez vous-même comme un chrétien de cape et d'épée, c'est notre rencontre qui est magique.

Sur le sujet que vous abordez, je n'aurais pas su mieux dire. Je publie votre lettre, dont je précise que l'original n'est pas anonyme, à l'attention des hommes d'Eglise qui lisent ce Blog, pour qu'ils comprennent que le problème soulevé par vous et par moi, à propos du Notre Père, n'est pas un problème qui doit recevoir des solutions partisanes, mais que c'est un problème de vérité pour les fidèles (notre confluence inattendue en témoigne) et de crédibilité pour l'institution qui couvre des traductions erratiques.

Je vous dis à très bientôt, cher AEB, pour que nous évoquions le rapport que vous énoncez entre les romans de cape et d'épée et le christianisme. Sachez que sainte Thérèse d'Avila, une des plus grandes mystiques que l'Église revendique, avait lu elle aussi des romans de cape et d'épées dans sa jeunesse et qu'elle leur attribue dans sa Vie écrite par elle-même une influence sur ses choix d'adulte.

Chers amis liseurs, juste une remarque pour finir : sans ma soutane, dont la masse noire se voit de loin, une telle rencontre était impossible.

Abbé Guillaume de Tanoüarn : «Balayer la légende noire tardive pour revenir au véritable dossier Pie XII»

[Entretien publié dans Minute du 23 décembre 2009]

La signature par Benoit XVI, samedi 19 décembre, du décret attestant des vertus héroïques de Pie XII et de Jean-Paul II, prélude à leur béatification, a déclenché une tempête. Pie XII, qui fut pape de mars 1939 à sa mort en 1958, ne serait pas digne d’être béatifié en raison de son « silence » face au national-socialisme. Pour l’abbé Guillaume de Tanoüarn, directeur du Centre Saint-Paul et membre de l’Institut du Bon Pasteur, les accusations portées contre Pie XII, et par voie de conséquence contre Benoît XVI, ne sont pas fondées.

Minute : Tout d’abord, que signifie reconnaître « l’héroïcité des vertus » de quelqu’un ?

Abbé Guillaume de Tanoüarn : L’héroïcité des vertus est le premier stade d’une procédure juridique visant à déclarer une personne digne du culte que, spontanément, le peuple chrétien lui rend déjà. Il s’agit de s’assurer de ses vertus personnelles, avant d’en faire un modèle pour les autres.

Cela dit, la vertu d’un pape est évidemment une vertu politique ; la direction de l’Eglise est son devoir d’Etat personnel. Il existe un pape canonisé qui n’a pas bien rempli sa mission pontificale, en cédant trop facilement au népotisme, saint Célestin V, pape en 1294. Mais il s’est rendu compte par lui-même de ses erreurs et il a abdiqué six mois après son élection. On peut dire que cette humilité et cette connaissance de lui-même ont beaucoup fait pour sa canonisation !

Si Benoît XVI reconnaît les « vertus héroïques » de Pie XII, c’est donc qu’il n’aurait pas été aussi lâche qu’on le dit face au national-socialisme et au génocide des juifs d’Europe ?

Si Benoît XVI reconnaît les vertus héroïques de Pie XII, c’est que lui, l’universitaire, a pris une parfaite connaissance du dossier, qu’il a fait ouvrir les archives du Vatican par un chercheur laïc en qui il a placé sa confiance, Andrea Tornielli, qui en a tiré un gros livre sur Pie XII, traduit d’ailleurs en français immédiatement (1).

Notons aussi comment, à l’occasion de son dernier voyage en Terre sainte, Benoît XVI a organisé un colloque, qui s’est déroulé avec les membres israéliens du Mémorial de Yad Vashem.

Conclusion de ce colloque bilatéral ? Certains membres autorisés de la délégation juive ont reconnu qu’il faudrait changer le contenu péjoratif de la notice concernant Pie XII, notice qui, sous une photo du pape en pied, avertissait les visiteurs du musée de son prétendu silence pendant la guerre.

Le directeur de Yad Vashem a souligné alors, comme l’a très bien expliqué à l’époque la revue « Monde et Vie », le fait qu’au Vatican même, le pape Pie XII avait sauvé beaucoup de juifs. Il leur a souvent donné asile, jusque dans les 44 hectares de son petit Etat, et cela dès le mois d’octobre 1943. En même temps, un article de l’« Osservatore romano » invitait tous les chrétiens à faire leur possible pour protéger les juifs.

Le comportement du pape avait d’ailleurs ému si profondément le grand rabbin de Rome Israël Zoller qu’il s’était converti au catholicisme après la guerre en demandant de prendre le prénom de baptême de Pie XII : Eugenio. Dans ses mémoires, publiés deux ans avant sa mort en 1954, l’ex-rabbin écrivit : « La rayonnante charité du pape, penché sur toutes les misères engendrées par la guerre, sa bonté pour mes coreligionnaires traqués, furent pour moi l’ouragan qui balaya mes scrupules à me faire catholique. »

Sans vous offenser, il n’y a pas de raison pour que les juifs soient moins bien informés que vous. Or les représentants de la communauté juive et les dirigeants israéliens sont vent debout contre cette béatification. Ils doivent bien avoir quelques raisons…

Les représentants de la communauté juive mondiale, soixante ans après les faits, estiment que l’Eglise catholique, en la personne de son chef, aurait dû avoir ce que l’on appelle aujourd’hui « une attitude prophétique » et pas une « attitude prudentielle ». Le tempérament de Pie XII, diplomate de formation, ne le prédisposait guère à ce genre de démonstration. On peut le regretter, alors que soixante ans nous séparent de la monstruosité de Hitler. Mais on ne peut pas lui reprocher un manque d’efficacité.

L’Eglise a été la seule institution à avoir pris position dès le discours de Noël 1942 contre les persécutions raciales. Pie XII lui-même y dénonce « des centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, pour le seul fait de leur nationalité ou de leur origine ethnique, ont été vouées à la mort ou à une progressive extinction ». Aucun chef d’Etat au monde n’a repris ces paroles du pape.

Cette attitude toujours diplomatique de Pie XII, qu’on la soutienne ou qu’on la critique, a permis de sauver des dizaines de milliers de juifs en Italie, et dans le monde sans doute bien davantage. C’est la raison pour laquelle Golda Meïr, alors ministre des Affaires étrangères de l’Etat hébreu, s’est écriée à la mort de Pie XII : « Quand le terrible martyre de notre peuple arriva, pendant la décennie de la terreur nazi, la voix du pape s’éleva pour les victimes […] Nous pleurons un grand serviteur de la paix. »

Et quand Alain Duhamel glisse qu’à ce rythme, le prochain sur la liste des béatifiés, ce sera Maurice Papon, qu’est-ce que vous répondez ?

La comparaison avec Maurice Papon est tellement dérisoire qu’elle ne mérite même pas une réponse. Venant d’un politologue déjà très contesté dans son propre domaine supposé de compétence, cela trahit surtout une réaction passionnelle, à mille lieues de l’objectivité scientifique élémentaire.

Et le « Figaro », qui titre que c’est « le pape [qui] rouvre la polémique » ?

La polémique sur Pie XII ne vient pas du pape. Historiquement, elle naît en mars 1964 avec la pièce de Rolf Hochhuth, Le Vicaire. Cette pièce de théâtre est adaptée au cinéma par Costa Gavras en 2003. Et patatras… En 2005, on découvre que Rolf Hochhuth est l’ami intime de David Irving, le célèbre négationniste anglais, dont il ne dédaigne pas de prendre la défense, au grand scandale de Paul Spiegel, président à l’époque du Conseil central juif d’Allemagne. Le théâtreux qui a fabriqué la légende d’une Eglise antisémite et complaisante face au génocide juif n’hésite pas aujourd’hui à changer totalement de casquette. On est fondé à se demander s’il a jamais cru lui-même à la fable qu’il a élaborée. Signe intéressant : Israël avait été le seul Etat au monde, en 1964, à interdire la pièce de Rolf Hochhuth, « par respect pour la mémoire de Pie XII ».

Quelles vont être les conséquences de cette béatification sur les relations entre le Vatican et Israël, entre les catholiques et les juifs ? On a l’impression que les blessures ne seront jamais fermées…

Il me semble justement que la meilleure façon de faire en sorte que les blessures se referment, c’est de balayer la légende noire tardive, inventée par un théâtreux pour le moins suspect, pour revenir au véritable dossier Pie XII, que personne n’a jamais lu, parmi ceux qui se contentent de blâmer Benoît XVI.

Peut-on dire qu’en liant les béatifications de Jean Paul II et de Pie XII, Benoît XVI a voulu jouer un coup politique, la première permettant de faire passer la seconde ? Et que c’est raté ?

Benoît XVI est avant tout un intellectuel. Je crois que ce qu’il a voulu montrer en déclarant vénérables et Pie XII et Jean Paul II, c’est qu’il n’y avait aucune coupure légitime entre l’Eglise d’avant le concile (symbolisée par Pie XII, dernier pape antéconciliaire) et l’Eglise d’après le concile, dont Jean Paul II a voulu montrer au monde un visage rayonnant. On reconnaît là, concrètement, le thème de l’herméneutique de continuité cher à Benoît XVI et qui s’oppose à la rupture instaurée dans les années 1970 par l’aile progressiste de l’Eglise…

La béatification de Jean Paul II fait-elle l’unanimité ou suscite-t-elle aussi des critiques ?

La béatification de Jean Paul II suscite des critiques de la part des traditionalistes rattachés à la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X (FSSPX) créée par Mgr Lefebvre. Sur certain forum, l’un d’eux n’a pas hésité à dire que cela risquait de reporter d’autant les accords entre Rome et Ecône. Tout ce qui est excessif est insignifiant et pour l’instant aucune voix autorisée ne s’est exprimée sur ce point venant officiellement de la FSSPX.

Ce que la vox populi, chez les traditionalistes, reproche à Jean Paul II ? Un très malencontreux baiser du Coran, dont la photo a largement circulé dans les pays musulmans, et l’organisation d’un sommet interreligieux à Assises en 1986. Mais personne ne conteste que Karol Wojtyla a pris la barre d’une Eglise malade et tentée par les théories de l’enfouissement, alors à la mode, et qu’il lui a donné une présence et une visibilité absolument inédite au XXe siècle.

Je me suis trouvé par hasard à Rome au moment des obsèques de Jean Paul II et je ne pourrai jamais oublier les kilomètres (oui : les kilomètres) de queue d’une foule silencieuse. Je me disais alors : aucun chef d’Etat au monde n’a eu semblables obsèques et je regardais les affiches placardées partout par la municipalité communiste : « Rome salue et pleure son pape ! » Je crois que bien au-delà de Rome on a pu voir s’élever ce salut et ces larmes. Cette unanimité populaire a quelque chose de surnaturel, dont le pape a tenu compte. Il était sans doute le plus proche collaborateur de Jean Paul II dans la deuxième décennie de son pontificat. Il a dû tenir tout particulièrement à organiser sa béatification.

Le pontificat de Benoît XVI, avez-vous expliqué à plusieurs reprises, est marqué par la volonté de réunir tous les chrétiens. Pensez-vous qu’il peut encore y parvenir ?

Je crois que Benoît XVI a osé défier une légende noire médiatique, il l’a fait pour défendre la réputation de la papauté injustement salie, il me semble que l’on pourra encore lui faire crédit de cette opération vérité. Vous me direz : il prend un risque. Connaissant la rigueur de Benoît XVI, je suis sûr que sur le fond sa position sur PieXII est sans aucun risque. Disons qu’il va forcer chacun à passer des slogans faciles comme « le pape de Hitler » à la vérité historique qu’aucun spécialiste ne conteste aujourd’hui.

Propos recueillis par Jean-Marie Molitor

1. Pie XII, par Andrea Tornielli, éd. Sarment/Jubilé, 2009, 808 pp.

mercredi 23 décembre 2009

Courtalain - "...une formation théologique traditionnelle, complète et cohérente..."

L'abbé Roch Perrel est recteur du séminaire Saint-Vincent-de-Paul, à Courtalain, où l'Institut du Bon Pasteur forme ses futurs prêtres. Voici l'éditorial de sa récente Lettre aux Amis et Bienfaiteurs du Séminaire (Noël 2009) - Lien vers le site du séminaire

Chers amis et bienfaiteurs,

Une étape décisive


Pour sa quatrième année d'existence, le séminaire Saint-Vincent-de-Paul est entré dans une étape décisive, puisque nous inaugurons cette année le cycle de théologie. Nous offrons donc maintenant à tous nos séminaristes une formation théologique traditionnelle, complète et cohérente, à Courtalain.

Le séminaire propose ainsi aux futurs prêtres de l’Institut du Bon Pasteur un cadre idéal pour être formés selon les exigences de notre spécificité doctrinale, liturgique et spirituelle, tout au long des six années que dure leur progression vers le sacerdoce. C’est là un travail de fond, un ouvrage de longue haleine, qui se déroule dans le silence et la retraite : ces conditions sont nécessaires au sérieux des études, au développement d’une spiritualité équilibrée et au détachement du monde que réclame la vie sacerdotale.

Si les séminaristes sont ainsi « mis à part », le temps de leur formation, tout est néanmoins organisé pour que le séminaire reste pour eux un lieu d’échanges, de rencontres et d’enrichissement : le prêtre doit connaître, avec lucidité et réalisme, le monde dans lequel il est appelé à prêcher Jésus-Christ.

C’est en ce sens que nous faisons tout pour que le séminaire de Courtalain soit à la fois un lieu d’accueil et un foyer de rayonnement spirituel et intellectuel

Un foyer de rayonnement spirituel et intellectuel


D’une part en effet tous les professeurs qui résident à Courtalain poursuivent, parallèlement à leur enseignement, une formation supérieure (licence canonique ou doctorat) au sein de facultés catholiques, à Rome, Paris ou Toulouse.

M. l’abbé Emmanuel de Ducla a d’ailleurs brillement obtenu, le 30 novembre dernier, sa licence canonique en théologie auprès de l’Institut catholique de Toulouse, en soutenant son mémoire sur La connaissance de Dieu selon s. Hilaire de Poitiers. Qu’il reçoive ici toutes nos félicitations !

Ces études permettent aux professeurs de dispenser aux séminaristes un enseignement de haut niveau, à la fois traditionnel et actuel, orienté vers la résolution des problématiques modernes et la réponse aux questions d’aujourd’hui. C’est la condition nécessaire pour former, comme nous l’entendons, des prêtres à l’esprit ouvert, qui ne se laisseront pas déstabiliser face aux arguments de nos contemporains.

De plus, tous les prêtres exercent aussi un apostolat extérieur, au moins occasionnel : la messe dans l’église paroissiale de Courtalain, la messe dominicale à Manou (qui nous a été confiée depuis un an maintenant par Mgr Pansard), les divers remplacements de confrères à travers la France, ou bien encore la participation à divers congrès nationaux ou internationaux : ce sont là de belles occasions de diffuser auprès du plus grand nombre les richesses de la liturgie et de l’enseignement traditionnel de la foi, selon le charisme propre du Bon Pasteur.

Les séminaristes sont d’ailleurs, dans cette optique, initiés progressivement aux exigences de l’apostolat, auprès de prêtres expérimentés, durant leurs périodes de vacances.

Un lieu d’échanges et de ressourcement sacerdotal


Nous voulons faire du séminaire, d’autre part, un lieu d’accueil et de rencontres, non seulement pour les visiteurs désireux de trouver dans la vie régulière du séminaire une ressource spirituelle et un soutien fraternel, mais aussi dans le but de fournir aux séminaristes un enrichissement personnel, fondé sur la diversité des expériences et sur les témoignages de leurs aînés.

Déjà, nous recevons régulièrement les prêtres et les professeurs laïcs qui viennent assurer leurs cours par sessions ; nous sommes aussi très heureux d’accueillir les confrères d’autres communautés, qui veulent profiter de l'atmosphère reposante du séminaire, ou qui viennent tout simplement pour une visite de courtoisie, le temps d'un repas ou d'une après-midi ; enfin, nous avons mis en œuvre cette année un cycle de conférences, où chaque mois un professionnel ou spécialiste d’une question particulière est invité à exposer devant les séminaristes un sujet d’actualité, qui n’entre pas directement dans le programme classique des cours : actualité religieuse, médecine, économie, musique, géopolitique, problèmes pastoraux… ces conférences sont chaque fois suivies d'échanges libres et fructueux avec l'intervenant, qui permettent à nos séminaristes de ne pas se limiter à une connaissance « livresque » trop simpliste des réalités modernes.

Après les fondations, l’édification


Nous poursuivons donc, comme vous le constatez, l’édification d’une maison de formation qui relève un à un les défis doctrinaux et matériels de tous genres, dans la continuité de nos prédécesseurs.

Après les temps héroïques de la fondation, nous consolidons maintenant une entreprise qui est appelée à durer et à se développer : si les directeurs ont changé, tous ont veillé à conserver l’esprit de simplicité et de responsabilité qui était à l'origine de cette maison, et qui en fait son charme propre.

Il a fallu à mes prédécesseurs et aux amis des premiers jours beaucoup de foi pour croire à la réussite de la fondation d'un séminaire traditionnel en France, en ces temps difficiles. Les fondations sont maintenant établies, et la stabilité assurée ; il reste désormais à construire, fidèlement, pour former les générations des prêtres de demain.

C'est ce pari que nous devons relever aujourd’hui, grâce à votre soutien, pour qu'avec la grâce de Dieu l'Institut du Bon Pasteur puisse offrir à l'Église les prêtres dont elle a tant besoin.

Le recteur,
M. l’abbé Roch Perrel

mardi 22 décembre 2009

[conf'] Mardi 22 Décembre 2009 à 20 heures - « Pour moi, vivre, c’est le Christ. Le Christ, seule mesure de l’être » par l’Abbé Guillaume DE TANOÜARN

Conférence au Centre Saint Paul (IBP à Paris) - Mardi 22 Décembre 2009 à 20 heures - « Pour moi, vivre, c’est le Christ. Le Christ, seule mesure de l’être » par l’Abbé Guillaume DE TANOÜARN - Participation aux frais: 5 euros, 2 euros pour les étudiants - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

Pie XII, pape controversé

Rassurez-vous, je ne vais pas vous causer de l’attitude du Saint-Père face aux persécutions antijuives de la IIe Guerre Mondiale! il y a déjà 3.000 journalistes, et 6.000 éditorialistes amateurs qui s’en occupent sur leurs blogs – dans un sens ou dans l’autre. Je ne vais pas non plus m’interroger (quelle outrecuidance!) sur les vertus personnelles de Pie XII. Parce qu’il ne faut pas l’oublier: ce sont les vertus de Pie XII qui ont été jugées (et jugées héroïques), pas son pontificat.  Je ne vais pas non plus comparer Pie XII et Jean Paul II, d’autres le font mieux que moi, encore que… personne n’interroge l’attitude de Jean Paul II durant le génocide rwandais. Un million de morts en 100 jours, dans le pays le plus catholique d’Afrique, ça intéresse qui?

Non. Ce dont je veux vous parler c’est de l’adjectif «controversé» que j’ai lu un peu trop ces derniers jours pour ne pas m’ énerver. «…Un pape controversé…» (Le Point), «…les controverses sur son attitude…» (L’Alsace) ; «Pie XII, controversé pour…» (Le Parisien) ; «le pape controversé» (L’Express) ; «…ce pape controversé pour son silence…» (Le Monde). Pareil dans La Croix, Le Nouvel Obs, Le Figaro et les autres.

Les auteurs de ces articles auraient pu écrire que Pie XII a fait ceci ou n’a pas dit cela, mais c’était se confronter à la réalité. Ils auraient pu écrire plus simplement «Pape que nous n’aimons pas…», ce à quoi les lecteurs auraient répondu «C’est votre opinion – que vaut-elle?» Question qui contient sa réponse – laquelle est cruelle. Ils auraient pu dire «Pie XII est accusé…» mais il aurait fallu dire par qui, et de quoi - donner du substantiel. Avec ‘controversé’ ils tiennent le mot magique – je m’explique:

On connaît les «self fulfilling prophecies», ces prophéties auto-réalisantes: il suffit qu’un certain nombre de gens pensent que le sucre va manquer pour qu’ils se précipitent en acheter, créant ainsi la pénurie qui donnera raison à leur crainte. Eh bien le terme ‘controversé’ tient du «self fulfilling reproach», c’est un reproche auto-réalisant. La preuve que Pie XII est controversé? Allez sur Google Actualités, des centaines d’occurrences dans la presse francophone – c’est bien la preuve qu’il y a controverse.

Quand j’entends le mot ‘controversé’ je sors ma hache, celle qui me sert à fendre le bois dont on fait les langues. Car c’est bien de langue de bois qu’il s’agit, celle qui entend enfermer l’interlocuteur dans un choix réduit de pensers.

Un exemple concret de cette xyloglossie : Prenez deux phrases («Le webmestre est idiot» et «Cela pose un problème au Blog»), phrases tout à fait contestables («Non il n’est pas idiot» et «Mais le Blog n’a pas de problème!»). Vous les fusionnez, vous obtenez «L’idiotie du webmestre pose un problème au Blog». Pire, vous atténuez la responsabilité du sympathique idiot, et votre phrase devient «L’idiotie du webmestre n’est que l’un des problèmes du Blog». Discuter sur cette base? Impossible. C’est alors qu’il faut sortir la hache.

lundi 21 décembre 2009

Saint Thomas, patron de ceux qui doutent

Nous sommes absorbés par la lumière de Noël, en espérant ne pas la confondre avec la lueur des lampions, qui, à Paris en tout cas, de la Place Vendôme aux Champs Elysées, illuminent la Ville.

Et nous pourrions passer par pertes et profits la fête de saint Thomas (21 décembre), patron de ceux qui marchent dans l'obscurité, qui avancent à tâtons, patron de tous les douteurs.

L'Evangile de dimanche convient pourtant très bien à la fête d'aujourd'hui, lundi. Il y est question des grands travaux que suppose entrepris notre vie intérieure. "Que toutes les vallées soient comblées, toutes les collines abaissées". La prédication de Jean Baptiste ("voix de celui qui crie dans le désert") n'est pas celle du Christ. Elle a un côté grandiloquent. On aime ou on n'aime pas. J'ai longtemps trouvé ce laïus plutôt ampoulé, et je ne comprenais pas que l'Eglise nous le ressorte... juste avant Noël, ce "basic-Baptiste", alors que dans la forme extraordinaire (je ne connais pas l'ordinaire), cela fait trois semaines que l'on s'attarde sur son personnage.

Et tout à l'heure, en célébrant ma deuxième messe, j'ai eu un éclair : l'épitre et l'Evangile finissent pareil. Il y a un rapport profond et inattendu entre I Cor. 4 et Luc 3 : saint Paul dit "et alors Dieu donnera à chacun la louange qui lui est due" et saint Luc conclut : "Et alors toute chair verra le salut de Dieu". Alors ? Quel est cet "alors" ? - Lorsqu'il viendra. Lorsqu'il paraîtra.

Je remonte dans les deux textes, pour voir. Saint Paul dit : "C'est le Seigneur qui éclairera le secret des ténèbres et qui illuminera le secret des coeurs". Et saint Luc : "Toute vallée sera comblée et toute colline abaissée". Et voilà que me revient comme un flash un vieux cours d'Ecriture sainte : le passif, dans l'Ancien Testament manifeste l'action de Dieu, car Dieu, on ne le nomme pas par son nom (Yahvé). La voie passive est un des moyens grammaticaux utilisés pour ne pas nommer le Seigneur.

Et à ce moment-là tout s'éclaire.
Il ne s'agit pas d'un simple vœux pieux, comme si l'on se contentait de dire, la bouche en cul de poule : "Que toute vallée soit comblée et toute colline abaissée". Mon Dieu que ces subjonctifs présents, que ces optatifs sont déplacés. C'est comme "Le Seigneur soit avec vous", c'est énervant...
Il n'y a pas d'optatif dans le Royaume de Dieu, le Seigneur est avec nous et les vallés seront comblées (au futur de l'indicatif) comme les collines abaissées. C'est sûr ! La foi nous l'enseigne. Pas d'hésitation.

La signification de ce texte, à la lumière de l'Epître devient limpide. Les objections seront balayées, les obstacles disparaîtront si nous faisons confiance au Dieu qui vient en nous. C'est lui et lui seul le responsable des grands travaux. Ce n'est quand même pas à nous de combler des vallées. Effrayé par le travail que cela suppose, le traducteur du Missel Feder préfère parler de ravins (mon Dieu qu'il est mesquin !) plutôt que de vallées. Ce sont bien des vallées. Ce travail dépasse la puissance de l'homme.

Il en est ainsi dans notre vie concrète : les obstacles existent, les objections font sentir leur poids d'inertie. Mais ni les obstacles ni les objections n'empêchent le bien d'être bien ou la vérité d'être vraie. Les obstacles et les objections nous empêchent d'agir pour le bien ou pour la vérité. Ils n'interdisent rien d'autre.

Mais il nous faut compter sur une force supérieure pour aplanir les collines et combler les vallées qui sont en nous, ces montagnes russes si caractéristiques de notre psychisme. Toute la psychologie du monde (et la psychanalyse la plus fine) n'arrivera jamais qu'à nous avertir des dangers de l'obstacle et de la force des objections. La connaissance de soi ? Elle nous permet sans doute de devenir ce que nous sommes. Mais elle ne nous donne pas la force de cette métamorphose qu'est une véritable conversion.

Nous pouvons chercher longtemps, couchés sur les divans des meilleurs analystes, à dénouer les noeuds gordiens de notre psychologie tordue, et si nous espérons parvenir à un état intérieur dans lequel le conflit n'existerait pas et dans lequel tout serait simple et facile, disons que nous nous tenons dans l'imaginaire pur et simple.

Seule la confiance dans un Dieu qui - il le dit dans saint Luc - compte chaque cheveu de notre tête, seule la confiance dans un Dieu qui comble nos précipices intérieurs et qui abaisse nos collines (ou nos montagnes russes) peut nous sauver en nous menant à cet "alors" qui est le temps de Dieu : "alors toute chair verra le salut de Dieu".

On ne va pas au bien tout seul, on ne va pas au vrai par les seules forces de sa raison (proposition 15 du Syllabus). C'est la tâche de Jean Baptiste de nous délivrer cet avertissement, c'est la vocation de saint Thomas que de nous montrer la profondeur du doute. La foi commence avec la confiance à corps perdu qui nous fait tout attendre de Dieu. Durant l'Avent nous le chargeons, lui, solennellement des obstacles qui nous immobilisent et des objections qui nous tétanisent. "C'est lui qui éclairera les secrets des ténèbres".

C'est Lui, Dieu, qui aplanira, mais à nous de nous mettre en route !

dimanche 20 décembre 2009

Quand Nicolas Sarkozy dit ‘religions’ il faut entendre ‘islam’

Isabelle de Gaulmyn revient dans La Croix sur les propos de Nicolas Sarkozy dans Le Monde, qu’elle compare à ceux qu’il tenait à Rome en 2007. Comparaison qui «ne manque pas de sel», il est vrai que l’auditoire «n’est plus le même». Le président Sarkozy, «devant un parterre de prélats», s’émerveillait «de la présence sociale de l’Eglise». Deux ans plus tard, le voici qui défend «une autre conception de la laïcité: celle qui voudrait que l’on pratique en France sa religion avec une ‘humble discrétion’».

C’est qu’entre-temps le sujet s’est modifié, débat sur l'immigration aidant. C’est alors qu’on observe une curieuse alliance entre d’une part «les tenants d’une laïcité pure et dure», et d’autre part un milieu qu’Isabelle de Gaulmyn ne qualifie pas mais qui entend nier aux musulmans «le droit de s’exprimer en Europe». Exemple concret en Suisse où «les tenants de l’extrême droite dure ont trouvé un soutien dans une frange laïque» pour bloquer la construction de minarets - les uns par rejet de l’islam, les autres par rejet de la religion.

Il y a confusion entre «deux plans» nous dit Isabelle de Gaulmyn, quand Nicolas Sarkozy prône une religion «humble et discrète». On glisse de «la laïcité de l’Etat» à  «celle de la société» qu'elle estime impossible. C’est une résurgence d’une «certaine tradition française laïciste» qui voudrait «réduire le phénomène religieux à quelque chose de purement privé, à son unique dimension de conviction».

Comment expliquer la différence entre Sarko2007 et Sarko2009 ? Moi qui ne suis ni journaliste ni apprenti théologien, je propose la clé de lecture suivante: quand Nicolas Sarkozy dit ‘religions’, il faut entendre ‘islam’. C’est d’ailleurs bien ainsi que commence sa tribune dans le Monde, («Par référendum, le peuple suisse vient de se prononcer…»), c’est ainsi qu’il la poursuit («Je m'adresse à mes compatriotes musulmans...»), et ça ne peut qu'être à eux qu’il s’adresse quand il demande à «chacun» de «pratiquer son culte avec l'humble discrétion» qu’il juge souhaitable. A chacun? les bouddhistes de France, il est vrai, font moins parler d'eux.

Le fait est qu'il y a en France une part de la population qui est musulmane et qui s’installe, et une part de la population autochtone qui vit mal cette installation. Étant à la tête du pays, Nicolas Sarkozy doit tenir compte des uns comme des autres. Il s’en sort par des circonvolutions et une prudence verbale maximale, au prix d'un style terriblement lourd («Je suis convaincu que l'on ne peut que susciter des malentendus douloureux, un sentiment d'injustice, blesser les âmes en apportant une réponse aussi tranchée à un problème qui doit pouvoir être résolu au cas par cas dans le respect des convictions et des croyances de chacun.») L’inconvénient, effectivement, c’est qu’on croirait entendre une mitre molle des années 80 - Mais à y bien réfléchir, Nicolas Sarkozy pouvait-il parler autrement?

vendredi 18 décembre 2009

Noël au Centre Saint Paul

Juste quelques annonces exceptionnelles pour Noël.

L'Agenda Benoît XVI, si bêtement décrié par "Résistance Catholique" (voir Tradinews), se trouve en vente au Centre Saint Paul. Pour seulement 20 euros moins quelques dizaines de centimes, vous avez : un bel agenda à poser sur votre bureau ; un magnifique album des plus belles photos de Benoît XVI ; les principaux textes de son pontificat (encycliques et Motu Proprio), une formule chaque semaine au décochez moi ça, signée B. XVI et enfin 56 personnalités ecclésiastiques et laïques représentant toutes tendances confondues, les différentes chapelles de la grande Église. Nous n'en avions pas assez dimanche dernier. Cette semaine nous devrions être en mesure de vous satisfaire. Vous avez besoin d'une idée cadeau, simple et jolie ? Vous avez trouvé...

Je rappelle que les messes au Centre Saint Paul ont lieu le dimanche à 9H00, 10H00, 11H00, 12H30 et 19H00. Ce sont aussi les horaires du jour de Noël, 25 décembre. Les Vêpres auront lieu, dimanche prochain à 17H30, suivi d'une conférence que je donnerai sur les deux dernières Béatitudes : "heureux ceux qui sont persécutés pour la justice... Heureux serez-vous...". Le jour de Noël, il n'y a pas de conférence spirituelle et les Vêpres sont à 18H00.

Par ailleurs, le 24 décembre à 18H00, nous chanterons ensemble les Matines de Noël : O Magnum mysterium, quel grand Mystère. A 23H00, aura lieu une veillée de chants populaire avec un chapêlet médité. A 24H00, le Minuit chrétien et la Messe de Minuit. Après la messe de Minuit, un réveillon aux huîtres et au foie gras pour ceux qui le souhaitent, dans notre cave voûtée.

Dernier détail : la conférence spirituelle préparatoire à Noël aura lieu le mardi 22 décembre à 20H00. Son thème ? - "Pour moi vivre c'est le Christ" ou comment il faut prendre cette formule de saint Paul au pied de la lettre et sans métaphore.

L'IBP Roma dans votre boite à mails

Nos amis de l'IBP Roma publient régulièrement des textes que vous pouvez recevoir directement par mail. Plus besoin de guetter la mise à jour - quand les textes sont publiés, vous en êtes informés le soir même. Comment? Mais c'est tout simple! Vous cliquez sur le formulaire d'inscription, vous entrez votre mail, vous recevez ensuite une demande de confirmation. Un dernier 'clic' sur le lien qu'il contient, et c'est fait. - A titre d'exemple, voici le contenu de la dernière mise à jour:

Le premier Recteur d’Ecône à l’IBP-Roma - Monseigneur Jacques Masson nous a rejoint une seconde fois ce soir. Sa conférence, passionnante, nous replonge dans les prophètes annonçant la naissance et la divinité du Christ. Un feu d’artifice de connaissances et d’intuitions illuminant l’harmonie – saisissante – entre Ancien et Nouveau Testament. Monseigneur Masson, après ses études à Saint-Sulpice, avait rejoint Mgr Lefebvre dès la fondation de la Fraternité Saint Pie... Lire la suite

« Descendit de Cælis » - Si nous avons l’habitude de chanter ou de réciter ces paroles « Descendit de Cælis et incarnatus est », elles prennent un reflet tout particulier en cette période de Noël. Aussi, peut-on s’interroger plus attentivement sur le sens de ces affirmations de notre foi. Que veut dire « descendre du Ciel » ? Après la divinité éternelle du Christ, le Symbole de Nicée-Constantinople confesse son incarnation en commençant par ces... Lire la suite

Foi de Benoît XVI : « Les montagnes tremblent… » -
Le « J’accuse » du Pape : historique, libérateur Coup de tonnerre à la chapelle Pauline ce 1er décembre. L’on fête pourtant les 40 ans de la Commission Théologique Internationale… Le pape semble n’en avoir cure. Son sermon, prononcé devant un parterre de théologiens, est stupéfiant : « Ces deux derniers siècles il y a eu de grands théologiens qui ont enseigné beaucoup de choses. Ils ont pénétré les détails de... Lire la suite

Dieu ne connaît pas les choses parce qu’elles existent -
Si nous voulons réfléchir sur l’intelligence divine, il nous faut partir de ce que nous connaissons le mieux, de ce qu'il y a de plus évident, afin de remonter par le raisonnement à ce qui nous est le plus caché. Partons donc d’abord de l’intelligence telle que nous la connaissons dans la nature créée. Nous le voyons bien par l’expérience quotidienne, plus une intelligence est brillante, plus elle a de facilité à considérer... Lire la suite

Ecce ancilla theologiae -
Le précédent article nous a amené à distinguer la philosophie de la théologie. Il ne s’agit pas d’exclure tout rapport entre ces deux matières. Si nous pouvons dire que la philosophie  à été élue « reine des sciences », il ne faut l’entendre que dans l’ordre  naturel. Car au-delà de celui-ci, un autre le dépasse, lui est supérieur et le subordonne parfaitement : c’est l’ordre surnaturel. Si le titre... Lire la suite

Et si on repensait le séminaire ?… -
Le séminaire, tel qu’il existe en France, est-il encore adapté à la réalité des candidats ? La formation dispensée convient-elle à la mission pastorale ? La formation humaine et intellectuelle est-elle suffisante pour le travail de pasteur ?... Un constat de départ peu glorieux Les séminaristes suivent une formation théorique de sept années avant d’arriver au sacerdoce. Pour la plupart maintenant, ils arrivent au séminaire,... Lire la suite

Des gladiateurs à Rome jusqu’au V° siècle -
Le Colisée demeure certainement l'un des plus impressionnants monuments du monde antique. Situé à l’est du forum romain, l'amphithéâtre flavien, appelé plus tard « le Colisée »,  était initialement destiné à abriter des combats de gladiateurs. Histoire du Colisée Ce n’est qu’en 29 que Rome se dote d’un amphithéâtre en dur. Cette construction intervient bien plus tard que dans les villes de province, probablement par... Lire la suite

Ouverture aux anglicans : Benoît XVI invente l’œcuménisme de raison -
Dans une tribune publiée par Le Monde du 28 octobre 2009, le théologien suisse Hans Küng a violemment attaqué l’ouverture de Benoît XVI envers les anglicans favorables à Rome. L’argument principal de Küng est d’ordre pratique : « On parle d'un demi-million d'anglicans et de vingt à trente évêques. Quid des 76 millions restants ? ». En clair, l’accueil de quelques bataillons de conservateurs compromettrait le rapprochement... Lire la suite

Chèque-contraception, ou comment la désobéissance fut introduite par l’obéissance ! -
Salutaire réflexion sur la pornographie sanitaire ambiante La décision de la Présidente de la région Poitou-Charentes traduit une inquiétante orientation de la part des pouvoirs publics. L’institution d’un chèque-contraception n’est pas autre chose que la marque d’une société à la dérive qui ne sait plus s’ancrer à des principes. Refusant toute idée de loi transcendante ou même de loi naturelle, elle ressent la... Lire la suite

D’autres idées de verrines festives -
La toute première recette que nous vous avions fait partager il y a un an et demi, était un duo de verrines. Plusieurs d’entre vous, que ce soit de vive voix ou par mail, nous ont demandé à de nombreux reprises de publier d’autres idées de verrines. En ces temps de la Natalité, l’occasion nous a paru parfaite pour répondre à ces attentes puisque les jeux de couleurs des verrines ainsi que leur goût savoureux égayent... Lire la suite

Empêché de danser ?

Mais non, Henri, je jubile au contraire et ce n'est pas vous qui m'empêchez de danser mais entre autres, ma... rotondité exagérée et ma souplesse qui ressemble un peu à celle d'un pachyderme.

Ce que vous dites de l'imitation de Jésus Christ me paraît très juste et trop peu souvent exposé. Vous utilisez Dostoïevski et vous donnez un sens magnifique à l'Idiot, le seul grand roman de D. que j'avais du mal à comprendre et au sujet duquel j'étais tenté (juste une seconde) de donner raison aux analyses classicistes et injustes d'Alain Besançon sur le "tolstoievskisme", congénitalement russe et (selon lui) pas chrétien [C'est le chapitre 2 de son ouvrage sur La falsification du bien].

Je ne veux pas, pour autant, heurter Antoine, qui a raison d'invoquer les stigmates de saint François d'Assises et de parler, à propos de ce grand saint d'identification au Christ. Mais quelle identification ? Et quelle imitation ? Le Christ, "moi divin dans une nature humaine" comme dit Cajétan, totalement divin et totalement humain (au point que Cajétan, métaphysicien de la dualité, peut parler quelque part de sa personne humaine tout en l'appelant Ego divin : il est l'un et l'autre, sa personne divine est humaine, il est l'analogue parfait de la divinité et de l'humanité), le Christ donc n'est pas si facile à imiter que cela. Exemple ? Dans sa subjectivité divine (infinie), il possède les vertus contraires, la douceur de l'Agneau de Dieu et la vigueur qui est dans celui qui chasse les marchands du Temple (Jean 2) et répond du tac au tac à la haine des pharisiens (Jean 8). Dostoïevski n'a pas réussi à le représenter dans le Prince Muichkine, qui n'est que douceur (de façon agaçante) et, comme l'explique Henri, il a dû tirer les leçons théologiques de son échec romanesque : le Christ est irreprésentable. On ne peut jamais voir qu'un aspect de sa personne si prodigieusement une et si merveilleusement ouverte aux sentiments contraires.

Prenons une vertu comme la chasteté : la chasteté du Christ provient de son lien vital constant avec le Père. Comment la bagatelle pourrait-elle l'intéresser, il voit le Père ? Mais en même temps, vis à vis des femmes, quelle exquise délicatesse. Jamais le Christ ne méprise la sensibilité d'une femme. Voyez avec l'hémoroïsse, qui touche par derrière la frange de son manteau et qu'il rassure, qu'il guérit, alors qu'elle est légalement impure à cause de son flux de sang. Et puis bien sûr, voyez comme il se laisse laver les pieds par Marie Madeleine, cette femme de laquelle, dit l'Évangéliste, il a chassé sept démons et à laquelle il apparaîtra, en exclusivité si j'ose dire, le jour de sa Résurrection ("Ne me touche pas" lui dit-il alors). Il est sensible aux manifestations de cet amour : "Il lui sera beaucoup pardonné, parce qu'elle a beaucoup aimé". Lequel d'entre nous peut prétendre imiter cette chasteté du Christ : elle est proprement inimitable ! Nous ne jouissons pas de la vision de Dieu sur la terre, le problème se pose donc différemment pour nous.

Comment imiter le Christ s'il est inimitable ?

Le cardinal de Bérulle a cette formule magnifique : "Le Christ est le vrai peintre de soy-même". C'est lui qui s'imite en nous et c'est pour cela qu'un romancier ne peut pas imaginer un personnage qui soit totalement crédible comme imitateur du Christ (voilà "l'échec" de Dostoievski avec le Prince Muichkine et voilà aussi l'échec de tous les personnages du Christ au cinéma : Mon Dieu ce que Jim Caviezel à l'air bête par instant dans la passion du Christ : un butor).

Le Christ est le vrai peintre de lui-même, parce que, dit Cajétan, par la foi, l'espérance et la charité, il nous reçoit dans sa personnalité infinie, et en quelque sorte, selon notre naturel à chacun, selon notre tempérament, il active en nous un élan surnaturel, différent. Le Christ, souligne Cajétan, est l'hypostase (le sujet) de son corps mystique. C'est son énergie qui l'anime surnaturellement et, de même que son humanité particulière est la cause instrumentale de son agir divino-humain, de même nous pouvons à notre tour devenir les instruments du Christ, même si notre personnalité propre limite fatalement notre contribution à la vie du corps mystique.

"La plus belle fille du monde, dit-on, ne peut donner que ce qu'elle a". Il en va de même dans la vie surnaturelle. Dans la vie, c'est comme à Lourdes, Dieu ne crée pas le bras que nous n'avons pas. Le Christ se sert de nous selon ce que nous sommes, nous ne pouvons lui donner que ce que nous avons. Notre imitation du Christ est un élan surnaturel de foi, d'espérance et de charité dans les limites étroites de notre nature individuelle, mais resubjectée pour l'éternité, recentrée pour toujours dans sa Personne adorable.

Faire des projets ? Imaginer une ébauche de nous en Christ ? Impossible. Autant dessiner le mouton du Petit Prince.

Mais alors que faire ?

Comme disait Saint-Cyran, il suffit d'"aller où Dieu mène", mais il importe dans cette aventure imprévisible de notre re-subjectivation dans le Christ (de notre conversion), de ne jamais oublier, ainsi qu'il l'ajoutait lui-même, de "ne rien faire lâchement". Saint-Cyran (en réalité dans la vie : Jean Duvergier de Heaurane) avait osé enfreindre les édits de Richelieu et écrire un traité pour défendre... le duel. Il savait ce qu'il disait lorsqu'il parlait de lâcheté (il sera d'ailleurs incarcéré à Vincennes par l'Homme rouge). On parle toujours des autres passions, on oublie la plus terrible et la plus courante : la peur. Le Christ lui même a connu la peur jusqu'à suer de la sueur de sang avant sa passion, au Jardin des Oliviers, mais son courage est proportionnel à cette peur...

jeudi 17 décembre 2009

Oh ! Juste une idée cadeau...

Bientôt c'est Noël, mais surtout bientôt (le 31 décembre) c'est la fin de l'année fiscale. Je ne vous demande jamais d'argent sur ce Blog, qui vit dans le culte merveilleux de la gratuité, comme le plus souvent sur Internet. Mais si, vos calculs faits, vous vous rendez compte que vous allez donner ici ou là, souvenez vous que, si vous donnez au Centre Saint Paul, cela vous donne droit à un reçu fiscal, qui vous permet de déduire de vos impôts 66 % du montant de votre don (vous ne donnez donc réellement "que" 34 % de la somme que vous indiquerez sur votre chèque).

Juste un détail : vous pouvez ici faire des offrandes (ou des achats) par l'intermédiaire du système paypal. Mais si vous voulez bien nous faire ce petit cadeau de fin d'année, il faut qu'il soit envoyé par la poste au Centre Saint Paul,12 rue Saint Joseph, 75 002 Paris, en libellant votre chèque à l'ordre de Association Cultuelle de l'Institut du Bon Pasteur.

Merci en tout cas, merci d'abord de votre aide pour ceux qui le peuvent (à Paris les loyers sont chers et notre trésorerie sur un fil) et merci, en tout état de cause pour l'attention avec laquelle, toujours plus nombreux chaque jour, vous lisez ce Blog et les "tradinews" qui vont avec. Merci de la qualité de vos remarques, de la passion que vous mettez dans les débats qui s'amorcent ici. Votre passion est contagieuse ! Sachez que chaque fois que vous intervenez, chaque fois que, d'accord, pas d'accord, vous vous exprimez sur ce Blog, vous faites aussi un cadeau à ceux qui l'animent et à ceux qui le lisent.

Merci aux deux derniers posts d'Henri particulièrement riches et que je ne laisserais pas sans réponse. A... un peu plus tard donc, si vous voulez bien et tous mes voeux à vous tous pour des fêtes joyeuses, de cette joie vraie qui, comme la vraie musique, est un cri qui vient de l'intérieur.

mercredi 16 décembre 2009

Mgr Dagens porte-t-il cette fois le Rapport de l’autocritique des évêques?

[Ce texte est paru dans Monde&Vie n°820 du 12 décembre 2009]

Nos évêques à Lourdes ont fait silence – officiellement – sur le problème des traditionalistes dans l’Eglise. Un silence qui contraste avec la manière ouverte dont Benoît XVI, à Lourdes déjà, l’année précédente, avait rappelé que « personne n’est de trop dans l’Eglise » en insistant sur l’accueil des traditionalistes. Si l’on cherche bien, on peut néanmoins déceler dans le rapport Dagens sur l’identité catholique, une volonté, chez Nos Seigneurs, de s’adresser à tous les catholiques et de prendre en compte – enfin – la problématique de l’identité – et des carences de l’identité – des catholiques dans la société française actuelle.

Oh! La réaction épiscopale est encore timide. On sent une pudeur de rosière dans ce communiqué, publié avant même l’Assemblée épiscopale : « Il nous appartiendra, lors de nos échanges à Lourdes, de décider de quelle manière ce document de travail mérite d’être édité et diffusé, en vue de susciter le même discernement spirituel que nous aurons tenté de réaliser entre nous »…
Un mois après la clôture des travaux, rien n’était fait pour la diffusion de ce document qui semble faire mal à certains. C’est Golias qui, une fois de plus, rompt l’omerta, dans un article de Christian Terras, daté du 4 décembre dernier. « L’ayant lu, déclare le directeur de Golias, nous ne pouvions que le partager avec vous. Question de visibilité d’un message dont toute l’Eglise est responsable! » Pour une fois que Golias fait du bon travail, ne boudons pas notre plaisir! Sans doute y aura-t-il des passages importants que l’on ne nous aura pas donnés à lire. Ce texte de 44 pages, qui se veut « une sorte de relecture de l’histoire de l’Eglise depuis trois ou quatre décennies », ne nous livre pas tous ses secrets sous la plume de Christian Terras. Mais, relations dans l’épiscopat obligent, il nous en donne suffisamment pour nous mettre en appétit et pour hâter la publication du texte intégral.

Les évêques, par la voix d’un des plus éminents d’entre eux, Mgr Claude Dagens, évêque d’Angoulême et membre de l’Académie française, ont souhaité affronter trois questions auxquelles ils se brûlent souvent les doigts : « l’indifférence religieuse, la visibilité de l’Eglise et l’évangélisation ».

La question de l’indifférence religieuse me paraît capitale. C’est cette indifférence qui a été constamment sous évaluée pendant et après le Concile – ce qui explique pour une large part l’échec des réformes conciliaires. Dans les années 60, on était parti de l’idée que si l’Eglise ne perçait pas davantage dans la société, c’était essentiellement à cause de ses fautes, pour lesquelles elle devait faire repentance – le concept de la repentance de l’Eglise se trouve à plusieurs reprises dans Gaudium et spes, un document conciliaire qui remonte à 1965. On voulait voir dans chaque homme un désir naturel de la vérité chrétienne, une sorte d’instinct chrétien contrarié par le scandale des clercs et l’inadaptation de leur discours. Aujourd’hui enfin on reconnaît que le problème principal n’est pas là et qu’il se trouve dans l’indifférence religieuse massive de nos contemporains. Il était temps!

Pour ébranler cette indifférence religieuse, il faut plus de visibilité de l’Eglise, dans sa prédication, qui doit être résolument non conformiste (n’est-ce pas saint Paul qui disait : Ne vous conformez pas à ce siècle! ») et plus de visibilité dans sa liturgie (qui doit retrouver les formes liturgiques que l’on a bien imprudemment envoyées aux orties dans les années soixante-dix). Nous devons « réhabiliter en nous-mêmes une attitude fondamentale : au lieu de chercher et de dénoncer des obstacles extérieurs, il est urgent d’oser manifester la nouveauté chrétienne, l’identité chrétienne de l’intérieur même de ce qui nous est donné par Dieu ».

Mgr Dagens, dans plusieurs entretiens donnés ici et là, parle des « exigences durables de notre foi ». Ce mot « durable » vaut à lui seul tout un poème. Il y avait le développement durable. Il y a maintenant les exigences durables de la foi. Pourquoi ne pas parler de Tradition? C’est bien cela, que je sache, l’exigence durable? Cette exigence, dit encore Mgr Dagens est « une exigence de vérité » sur laquelle chacun doit s’examiner et demeurer vigilant. Certes! Le mot vérité ici n’est pas de trop. Mais cette vérité n’est pas purement intérieure ou purement spirituelle, sinon il n’y a pas moyen de la transmettre. Cette vérité est celle des « formes durables » à travers lesquelles se transmet ordinairement la foi chrétienne. C’est cela aussi que signifie « la réalité essentiellement sacramentelle » de l’Eglise, sur laquelle insiste paraît-il le Rapport Dagens. Qu’est-ce qu’un sacrement? La visibilisation d’une grâce invisible à travers une forme cultuelle. Comment l’Eglise sacrement pourrait-elle oublier les formes qui l’ont fait vivre pendant des siècles?

Il y a dans ce texte de Mgr Dagens comme un commencement d’autocritique, qui me paraît particulièrement émouvant et qui explique peut-être le retard de la publication : « nous ne pouvons apporter toutes les réponses avant d’avoir écouté les questions. Nous ne pouvons pas seulement écouter les questions pour lesquelles nous avons des réponses ». Écouter les questions! Un tel mot d’ordre peut mener une Institution à des États généraux. Les « synodes diocésains », organisés dans la plupart des diocèses, ont souvent ressemblé à des embryons d’Etats généraux, avec Cahiers de doléance. Mais ils étaient sans doute trop corsetés, surveillés, les participants trop triés sur le volet, leur discours trop souvent relus avant d’être prononcés pour que « les vraies questions » puissent émerger. Et puis, les États généraux, en France, on le sait, ça se termine mal. Les questions dont parle Mgr Dagens, c’est la presse catholique qui doit en faire l’inventaire, c’est Internet qui doit les faire circuler (une question justement : avez-vous été surfer sur le site de Monde et Vie?)

Cette autocritique se poursuit, pour la plus grande joie de Golias, n’hésitant pas à montrer les évêques souvent en décalage avec le peuple de Dieu : « lorsque l’Eglise est implicitement identifiée à sa hiérarchie, au pape et aux évêques, la totalité de l’Eglise est alors perçue à travers les déclarations et les silences de cette hiérarchie, elle-même conçue comme séparée de l’ensemble du Corps ecclésial, voire opposée à ce Corps ». Golias prend ça pour lui, mais où sont les catholiques progressistes aujourd’hui? Quelle est leur moyenne d’âge? La vérité c’est que cette coupure entre les évêques et le corps de l’Eglise, c’est la coupure qui existe trop souvent entre un appareil sans entrailles et la demande humble et insistante de beaucoup de fidèles, trop souvent encore méprisés par leurs pasteurs. Une autre formule me paraît particulièrement touchante : « Nous avons nous-mêmes [il s’agit des évêques] beaucoup à progresser pour comprendre que la visibilité de l’Eglise est celle d’un Corps vivant dont la source est Dieu, dans le mystère du Christ, et qui passe par nous, les membres de ce Corps, dans la diversité de charisme reçu de Dieu. » Nous savions bien que les évêques n’étaient que des intermédiaires et pas les propriétaires de l’Eglise. Mais que l’un d’entre eux le dise, avec cette foi dans le Corps mystique du Christ, il faut bien reconnaître que cela paraît particulièrement roboratif pour tout le monde. Il ne s’agit pas que dix clampins ici et trente gus là s’écrient : « Nous sommes l’Eglise ». Une telle attitude relève d’un spontanéisme démocratique caractéristique de l’ultra-gauche mais qui (désolé pour Golias) n’a pas grand-chose à voir avec le Corps mystique du Christ. Ce qu’écrit Mgr Dagens dans son Rapport, cité par Golias, c’est que le Corps mystique du Christ, avec sa prière et sa foi, peut se trouver « séparé » de sa hiérarchie, à cause de sa « diversité ». « n’ayons pas peur de la diversité dans l’Eglise » disait aussi Mgr Barbarin dans un entretien au Progrès de Lyon, peu après la libéralisation de la messe traditionnelle. Il ne s’agit pas que, dans l’Eglise, les uns perdent et les autres gagnent. Il s’agit de reconnaître la diversité des vocations, même lorsque l’on s’en sent « séparé ».

Terrible débat à engager dans l’Eglise de France! « Sans doute serait-il utile et même nécessaire que les paroisses, dans la période actuelle de réorganisation qu’elles connaissent souvent, s’interrogent sur la place à accorder à des moments et des lieux de dialogues véritables »! souhaite Mgr Dagens. Mais peut-il y avoir dialogue lorsque l’on se contente de répéter ce que l’on a entendu au 20 heures? le dialogue n’est pas possible sans que l’on se ressaisisse enfin d’une culture chrétienne, passée par pertes et profits dans le grand chambardement soixante-huitard. Il n’y a pas de dialogue sans compétence, sans une véritable connaissance de la tradition chrétienne. C’est le cas de Mgr Dagens. Quiconque a lu son blog sent qu’il se passionne pour saint Paul qu’il cite sans cesse. Il retrouve ainsi ce que Benoît XVI, dans Spe salvi, a appelé « les racines de la foi chrétienne » (n° 19) et il rend possible l’autocritique des chrétiens dont parlait le Saint Père.

Mais la lenteur avec laquelle on rend public (on rend visible) son document sur… la visibilité des chrétiens montre que, malgré certaines prises de conscience, la machine est encore grippée et que, dans l’Eglise de France, les vraies questions ont bien du mal à émerger.

Joël Prieur

23 janvier 2010: Ordinations à Saint-Eloi

Le samedi 23 janvier 2010, en l'église saint Éloi de Bordeaux, sous la haute autorité du Cardinal Jean-Pierre Ricard, Archevêque de Bordeaux et de Bazas, son excellence Monseigneur Marc Aillet, évêque de Bayonne, Escar, Oloron, confèrera les ordres du sous-diaconat et du diaconat à quelques membres de l'Institut du Bon-Pasteur. La cérémonie commencera à 10h00 précises.

Pour se joindre au déjeuner qui suivra, contacter la paroisse saint Éloi de Bordeaux (05 56 79 38 47) ou son presbytère (09 54 36 40 76). Vous êtes tous chaleureusement invités à cette grande fête d'Église qui permettra à chacun de connaître le jeune et dynamique évêque de Bayonne. Cliquez ici pour télécharger le bulletin officiel d'inscription.

mardi 15 décembre 2009

[conf'] mardi 15 Décembre 2009 à 20 heures - « Le christianisme, moteur du développement humain » - par le Docteur Louis NGHIEM

Conférence au Centre Saint Paul (IBP à Paris) - Mardi 15 Décembre 2009 à 20 heures - « Le christianisme, moteur du développement humain » - par le Docteur Louis NGHIEM - Participation aux frais: 5 euros, 2 euros pour les étudiants - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

2 février 2010: Prise de soutane à Courtalain

Le mardi deux février 2010, en la fête de la Présentation au Temple,  M. l'abbé Philippe Laguérie, supérieur général de l'Institut du Bon-Pasteur, remettra la soutane et donnera la tonsure aux quatorze séminaristes de première année, ainsi qu'à un frère du même Institut. La cérémonie se tiendra en l'église paroissiale de Courtalain (28290), et commencera à 10h précises. Vous êtes chaleureusement invités à venir nombreux prier pour ces futurs lévites. Pour s'inscrire au repas qui suivra, contacter le séminaire Saint-Vincent au 02 37 98 82 58.
"A fin qu'en toutes choses Dieu soit honoré, en Notre Seigneur Jésus-Christ".
SOURCE

Identité

Il est clair, quand on y réfléchit une minute, que la question de l'identité est la question qui marque notre époque, la question dont il n'était pas (ou pratiquement pas) question dans les années Quatre-vingt, la question qui spécifiquement nous concerne, au début de ce millénaire post-christique. Le Président Sarkozy a donc raison d'en faire l'objet d'un débat national, mais il me semble que les termes de ce débat sont habituellement mal posés.

On veut nous faire croire que l'identité de la France, c'est la devise républicaine, liberté, égalité, fraternité. Fort bien. Mais alors, si c'est le cas, qui peut raisonnablement s'opposer à cette devise réalisée ? "Liberté, égalité, fraternité", c'est au nom de ces trois mots qu'il y eut à la fin du XVIIIème siècle une préfecture à Hambourg et que les volontaires et autres victimes du tout nouveau Service militaire ont expliqué aux peuples de l'Europe que l'avenir, c'était la liberté ou la mort. La France a emm. toute l'Europe avec sa révolution, justement parce que le nationalisme révolutionnaire (ô l'amour sacré de la patri-i-e) était en même temps un internationalisme.

Et ce que nous vivons aujourd'hui me semble bien être du même ordre. La France, que l'on appelle souvent en Europe "la grande nation" et qu'Hannah Arendt n'hésite pas à appeler quelque part "la nation par excellence", a depuis longtemps une velléité impériale. La défaite de François Ier à Pavie vient de là, tout comme les Guerre d'Italie, destinées à faire triompher un axe Rome Paris (plutôt que Rome... Cologne). Aujourd'hui, Paris continue à éprouver cette velléité d'empire, en se pensant comme... les États Unis d'Europe, avec une population ouverte à la diversité comme... les États Unis d'Amérique.

Il est clair que le fameux pacte républicain, si nationaliste soit-il en première apparence, n'est pas une réponse suffisante à la question de l'identité française, à moins de considérer que la France (telle la grenouille) veut s'étendre aux dimensions morales du monde... Le Pacte républicain est par essence un pacte international, ou comme le dit Kant lui-même cosmopolitique.

Nous cédons à cette tentation réductionniste ("l'identité française n'est rien d'autre que l'identité républicaine") parce que nous confondons deux choses : l'identité de la France et l'identité des Français. Ce sont pourtant deux choses qui ont toujours été bien différentes. La France a toujours été beaucoup plus grande que les Français (d'où la petitesse du régime louis-philippard, Louis Philippe se voulant roi des Français). De Gaulle n'avait pas tort à tout prendre de mettre l'idée de la France au dessus des Français qu'ils comparait, on le sait, à de jeunes ruminants immatures. De Gaulle - est-ce un hasard ? - ne s'est jamais laissé convaincre par l'orléanisme du Comte de Paris. Il mettait la France au dessus de ses convictions personnellement monarchistes.

Il me semble que dans le débat sur l'identité française, au lieu de se laisser arrêter par la diversité des Français de souche ou de papiers, il faut se poser la question de la France. Fernand Braudel, le Lorrain, ou à sa manière Pierre Nora dans ses Lieux de Mémoire se sont posés la question de l'identité française. Non pas de l'identité des Français, mais de ce qu'a été ou de ce qu'est la France. La France ? Ou plutôt aujourd'hui la francité comme le soulignait Pierre Nora. Qu'est-ce que la francité ? Quel est ce patrimoine commun à tous les Français ? Depuis notre empire colonial, nous savons bien que ce ne peut être la race. Au grand scandale d'Antoine, qui pourtant est un rurbain, j'ai parlé ici des pierres, des paysages et de la langue. Ajoutons-y le christianisme comme culture et, avec tout cela, nous aurons une identité.

Si nous étions capables d'exorciser une bonne fois l'idée d'empire français ou plutôt d'internationalisme français qui, depuis le XVIème siècle au moins court dans notre histoire, si nous étions capables, face à la mondialisation, comme l'indiquait Maurras dans Kiel et Tanger, comme le pensait De Gaulle, de promouvoir une vision résolument nationiste (diversifiée) du monde, si nous nous faisions les champions de cette diversité des nations (opposée au Melting pot nationalitariste à l'américaine), nous serions la nation analogique par excellence, sans annexionnisme et sans melting pot, la nation dont on peut vraiment dire : "Tout homme a deux patrie la sienne et la France".

On parle de vocation des nations ? N'est-ce pas la vocation de la France de porter un grand projet ?

Il me semble que dans le grand débat sur l'identité française, nous devrions faire observer, à tout le moins que ce que nous cherchons à définir, ce n'est pas l'identité française (impossible à décrire en vérité), mais plutôt l'identité de la France. Et alors, il arriverait sans doute aux politiques ce qui arrive à nos évêques lorsqu'ils cherchent à définir l'identité catholique et qu'ils sont bien obligés de souligner que l'identité catholique est la même avant et après Vatican II (quels que soient entre temps les états d'âme des catholiques).

Qu'on le veuille ou non, cette question de l'identité, vraiment posée, conduit toujours à se demander : qu'est-ce qui reste identique et fait notre identité, au-delà de nos états d'âme.

Parler d'identité française, comme on le fait couramment aujourd'hui, c'est faire comme si c'était les Français qui faisaient l'identité de la France. Historiquement, concrètement, cela a toujours été l'inverse : c'est la France qui fait l'identité française des Français. Ce qui ne nous empêche pas, rassurez-vous d'avoir chacun notre identité bien personnelle, mais ce qui ajoute à cette identité des références, une langue et une pensée - une culture - qui nous dépasse et qui nous enrichit. Là dessus, je le répète, Freysinger est très bon dans son discours de Savièse le 1er août 2007, en consultation libre sur ce Blog.

Il parle bien sûr lui de l'identité suisse, mais qu'importe : la question de l'identité est par excellence la question de l'analogie,elle est analogue en Suisse et en France.

Mais pourquoi parler d'analogie à propos de l'identité politique ? La question de l'analogie est la question qu'Aristote a mise au coeur de la politique comme l'image même de la justice générale (cf. Ethique à Nicomaque L. V) et qu'il résolvait ainsi dans sa Métaphysique au livre Lambda : est analogue ce qui est identique tout en étant autre. - Comment cela est-il possible ? direz-vous. - L'analogue (ici c'est l'identité) est le même, mais il est "autre dans les choses autres" selon la formule d'Aristote (Métaphysique Lambda chap. 5). C'est à cette image de la diversité dans l'identité que, personnellement, je suis attaché. L'identité est la même pour tous, mais elle est autre dans des gens autres. Ce qui nous importe dans le débat sur l'identité nationale, ce n'est pas ce en quoi elle diffère (l'identité des Français ou ce que l'on nomme en ce moment l'identité française) mais ce en quoi elle est la même (l'identité de la France est la même - ou doit être la même - pour tous les Français).

Sans l'analogie (c'est-à-dire la fonction différentielle qui permet de calculer l'identité), on peut dire que le débat sur l'identité est menacé soit de disparaître dans l'insignifiance, soit de se transformer en une apologie du nationalitarisme et de la communauté nationale comme horizon de la vie humaine, qui ne serait vraiment plus de saison. Ne pensons pas qu'il faille exclure ce nationalitarisme. Quand on en est à dire aux gens comment ils doivent ou ne doivent pas s'habiller, niqab ou pas niqab par exemple, ce risque ne doit pas être sous estimé. La règlementation sera d'autant plus tatillonne que la loi commune aura eu tendance à disparaître. C'est la loi commune que nous cherchons à (re)préciser pour l'instant. En espérant qu'il ne soit pas trop tard.

dimanche 13 décembre 2009

70 fois son poids en CO2

Faire sonner les cloches 350 fois, le 13 décembre 2009: telle est l'action à laquelle appelle le "Conseil Œcuménique des Églises" qui regroupe 349 Églises. On nous explique que: "le chiffre 350 fait référence à 350 parties par millions (ppm), taux maximum de CO2 acceptable dans notre atmosphère, de l'avis de nombreux scientifiques, experts du climat et gouvernements nationaux progressistes", le 13 décembre étant lui le point d'orgue du sommet de Copenhague sur le réchauffement climatique.

L'Eglise Catholique n'est pas membre du "Conseil Œcuménique des Églises", mais plusieurs diocèses de France participent à l'action et sonnent 350 fois leurs cloches à 15 heures. Et c'est là que je suis pris d'un irrépressible agacement. Non pas que l'environnement m'indiffère, au contraire - du coup j'ai appris à faire la différence entre les environnementalistes de conviction et ceux qui surfent sur la vague verte tant qu'elle est à la mode. Pas une banque, pas un supermarché, pas un concessionnaire auto ces derniers temps qui ne vous promette la main sur le cœur, que le produit est vert, durable, citoyen. Achetez - sinon la planète meurt. Et les évêques qui se joignent à l'action "Bell Ringing", sont-ils convaincus? J'aimerais le croire

Mais hélas, ce sont les mêmes envoient 150.000 jeunes en Australie, en 2008, pour les JMJ. L'aspect financier n'est pas ici le sujet,  mais bien  le CO2. Parce que voyez-vous, pour aller en Australie on prend l'avion, et un avion marche au kérosène.

Air France annonce une consommation effective de 4.2 litres par passager et pour 100 kilomètres, sur ses longs courriers. L'Australie est située à 17.000 kilomètres de Paris, si on évite trop d'escales. Soit 1.428 litres de kérosène par pèlerin (je compte le retour), approximativement 1150 kg (densité du kérosène aux alentours de 0.8).

Le kérosène est une chaîne d'atomes de carbone et d'hydrogène - la formule varie entre C10H22 à C14H30, en gros un atome de carbone (masse atomique=12) pour deux atomes d'hydrogène (masse atomique=1). Or que se passe-t-il quand le kérosène brûle? Les atomes de carbone se séparent des atomes d'hydrogène pour se coller (mon prof de chimie aurait désapprouvé le terme) à des atomes d'oxygène. Ca donne du CO2, composé comme son nom l'indique d'un atome de carbone et de deux atomes d'oxygène (masse atomique=16). C'est ainsi que '14' de kérosène ('12' de carbone + '2' d'hydrogène) deviennent '44' de CO2 ('12' de carbone toujours, plus 2x16='32' d'oxygène). Autrement dit, brûler 1 tonne de kérosène produit 3.14 tonnes de CO2.

Monseigneur, Mon Père, vous qui vous inquiétez du réchauffement climatique et du nombre de 'ppm' de CO2 dans les cieux, il n'y a pas deux ans vous promouviez les JMJ en Australie. Le calcul est vite fait, on dépasse les 3.5 tonnes de CO2 par pèlerin français - quand vous envoyez une petite jeune fille de 50 kg à Sydney, ça fait 70 fois son poids en CO2 dans l'atmosphère.

Pensez-y. Et si vous en tenez compte, vous ferez avancer le schmilblick bien plus sûrement qu'en participant à des happenings qui sentent les années 80, ses "We are the World", ses bougies à allumer, et autres kilo de riz pour la Somalie. Chiche?

vendredi 11 décembre 2009

Y a du pain sur la planche !

Merci de vos magnifiques contributions au débat sur la civilisation qu'a provoqué l'initiative populaire de Oskar Freysinger et sa victoire par 57,5% des suffrages. Mais du coup, pour bibi, c'est du boulot.

Je voudrais d'abord répondre au premier des anonymes à s'être exprimé et scandalisé sur le sujet. Voici le début de son intervention qui en résume la portée : "Je ne sais pas si c'est cela "être chantre de la civilisation chrétienne" que d'interdire les symboles d'une autre civilisation ...? Question sérieuse, ni ironique , ni critique, juste une réflexion que je me fais à la lecture de ce texte".

Je veux répondre.

D'abord sur l'expression "chantre de la civilisation chrétienne" que j'ai employée : elle a un petit côté solennel qui ne convient pas au personnage qu'il vaut mieux imaginer, vu son look décontracté et ses origines tyroliennes, côté paternel, piquer un yodel en tralalaïtou majeur que de jouer le chantre compassé face à l'harmonium. Imaginons Freysinger en yodler de la civilisation chrétienne ça suffira.

Interdire les symboles d'une autre civilisation ? Présentée comme cela, cette action n'a aucun intérêt et vous avez raison de vous en offusquer.

Je crois que le personnage cherchait plutôt, à travers cette votation, à poser une question, comme je l'ai écrit. Une question portant non sur les musulmans, auxquels la pleine liberté de culte est garantie, mais sur l'islam, qui est un système politique, avec la charia en clé de voûte, autant qu'il représente un ensemble de croyances. Nous avons eu mardi au Centre Saint Paul une magnifique conférence d'Annie Laurent, spécialiste de l'islam. Je vous recommande son livre : Les chrétiens d'Orient vont-ils disparaître? chez Salvator. Et le collectif qu'elle a publié voilà quelques années et qui s'intitulait Vivre avec l'islam? Annie Laurent est tout sauf une passionaria, ni Oriana Fallaci ni Anne-Marie Delcambre. C'est une Provençale expansive, avec une pointe d'accent qui sent la lavande. Elle nous a merveilleusement montré les chrétiens entre Israël et l'islam. Non pas l'islamisme, non pas l'intégrisme, mais l'islam qui dans tous les pays où il domine entraîne une instabilité politique tragique et une violence sociale inquiétante.

Pourquoi nos bien pensants se réfugient-ils tous derrière la fausse distinction entre les bons musulmans et les méchants intégristes ? Lorsque Sarkozy veut interdire le niqab, c'est la même chose. Il stigmatise les intégristes. Ce faisant, il s'en prend aux personnes (des musulmans, qui ont le droit de vivre leur religion) au lieu de s'en prendre au problème (l'islam qui est une loi communautaire et non une foi personnelle). Ce qui est intéressant chez Freysinger c'est qu'il ne s'en prend pas aux mosquées, pas aux personnes, mais aux symboles d'une religion incompatible avec la nôtre comme le montre le long calvaire des chrétiens partout où l'islam est dominant, aussi bien au Timor oriental qu'en Egypte ou au Kosovo (où bien des églises serbes ont été méthodiquement dynamitées). Freysinger ne dynamite pas les mosquées. Il pose une question sur un symbole qui est celui de la terre d'islam : dar al islam. Il pose cette question quand il est encore temps de la poser et ce sont ceux qui ne veulent pas qu'elle soit posée qui succombent à la peur.

Quant à la notion de civilisation, je crois que la civilisation est une. Je pense qu'elle a connu une apogée dans la synthèse alexandrine de l'hellénisme qui s'est transmise à Rome. Mais toutes les incarnations de la civilisation ne peuvent que se retrouver, comme le christianisme a aspiré les découvertes païennes antiques, comme l'islam a utilisé, pour construire de splendides mosquées, la science des chrétiens qu'il a colonisés... La beauté n'a pas de patrie parce qu'elle n'a pas de frontière. Parler "d'une autre civilisation" me semble donc (excusez moi) un abus de langage. J'ai visité l'Alhambra de Grenade avec l'impression poignante de me trouver devant l'une des merveilles du monde. Avec le même sentiment qui m'étreint lorsque je visite Versailles...

On n'interdit pas la civilisation, vous avez raison. Mais on peut et on doit poser les questions qui fâchent tant qu'il en est encore temps. Non pas pour s'en prendre à des personnes (fussent-elles intégristes, je ne les diaboliserais pas et les laisserai s'habiller comme elles l'entendent), mais pour réfléchir sur des symboles, qui représentent de véritables antagonismes : à Rome le Minaret de la Grande Mosquée est plus haut de quelques centimètres que la Coupole que Michel Ange a construite naguère au Vatican : ce n'est pas un hasard, c'est la revendication de la terre d'islam.

Tant que l'on imaginera que toutes les religions sont les mêmes, tant qu'on refusera de penser chacune dans ses différences et dans sa logique propre, on fera preuve d'aveuglement - qu'il faudra bien payer un jour ou pire: faire payer à vos enfants et à vos petits enfants. La véritable ouverture à l'autre passe par la connaissance de l'autre. C'est ce que ce débat nous apprend.