vendredi 25 février 2022

Est descendu aux enfers

 Le Christ est venu à un moment du temps, mais il est venu pour tous les temps. C'est ce que l'Eglise affirme lorsqu'elle dit que le Christ est descendu aux enfers.

Attention à bien distinguer les enfers et l'enfer en français. On a l'habitude de considérer que l'enfer au singulier est, d'après l'Evangile, le châtiment éternel auquel se condamnent ceux qui ont refusé Dieu durant toute leur vie, en fermant hermétiquement leur coeur, comme par exemple dans la parabole du pauvre Lazare, qui, mendiant à la porte des riches, a reçu la vie éternelle en héritage alors que ceux devant qui il mendiait et qui ne lui ont jamais adressé ne serait-ce qu'un sourire, sont précipité en enfer. A dire vrai, ils se précipitent eux mêmes en enfer. En enfer, il n'y a que des volontaires. Dieu n'est pas un flic qui condamnerait arbitrairement. Il entérine notre propre volonté devant lui.

Les enfers, cela signifie autre chose que l'enfer, en, rapport avec les croyances grecques. La mort est toujours la plongée dans l'Hadès, expression grecque pour signifier les enfers, ce lieu où les âmes attendent le Souverain jugement, qui actualise le leur. Depuis le commencement du monde, les âmes attendaient celui à qui a été confié le jugement (Jean 5) dans les enfers, ce lieu des morts. "En même temps, écrit saint Jean dans l'Apocalypse, je vis paraître un cheval pâle, et celui qui était monté dessus s'appelait la mort et l'Hadès le suivait" (Apoc. 6, 8). 

Le Christ n'arrive pas aux enfers en triomphateur. Il n'est pas encore ressuscité, il est encore pour tous objet de foi et non de vision. C'est en tant qu'objet de foi qu'il va commencer aux enfers sa dernières prédication pour tous ceux qui n'ont pas eu l'occasion de le voir ou de l'entendre sur la terre. Nous avons une idée de cette prédication au chapitre 3 verset 19-20 de la Première épître de saint Pierre. Voici ce qu'explique le chef de l'Eglise à propos de la descente du Christ aux enfers : "Par l'Esprit aussi Jésus-Christ alla prêcher aux esprits qui étaient retenus en prison, qui autrefois avaient été incrédules, lorsqu'au temps de Noé ils s'attendaient à la patience et à la bonté de Dieu, pendant que l'on préparait l'arche dans laquelle peu de personnes, savoir huit en tout, furent sauvés au milieu de l'eau".

Les termes sont précis : l'oeuvre de Jésus aux enfers consiste à prêcher aux morts qui n'ont pas eu l'occasion de répondre au Seigneur durant leur vie. C'est une chance ultime qui leur est laissé de se prononcer pour Jésus devant les hommes pour que Lui se prononce pour eux devant son Père au plus haut des cieux. Il ne s'agit pas d'un sauvetage massif et indifférencié mais d'un appel à leur liberté, une proposition de délivrance adressée "aux esprits", grec : pneumasi. Il y a trois dimensions de l'être humain (cf. I Thess, 5, 11). Jésus prêchant aux morts dans les enfers ne s'adresse pas aux hommes qui ont vécu engoncés dans la matière, à la merci de leurs désirs animaux (les hommes hyliques, voilà pour la première dimension), ni non plus à ceux qui se contentant de leur psychologie ont passé leur vie à manifester leur volonté de puissance (les hommes psychiques, c'est la deuxième dimension). 

C'est bien aux pneumatiques (pneumasi : aux spirituels) que s'adresse Jésus aux enfers, à ceux qui ont ouvert leur coeur et qui cherchent la lumière, ceux-là mêmes dont il a dit : "Qui cherche trouve et à qui frappe on ouvrira"(Matth. 7, 8 ; Luc 11, 10). Le Christ ne laissera pas une seule de ses brebis dans la prison infernale. Il libère tous les siens. Mais ses brebis ne forment pas la majorité, loin de là : "seulement huit en tout" dit saint Pierre, furent sauvés des eaux au moment du déluge. Il ne s'agit pas, sous la plume de l'apôtre, d'une référence historique : sait-on ce qu'a été le déluge ? Non, bien sûr. Mais il s'agit de nous faire comprendre que d'un côté du voile comme de l'autre, il reste vrai qu'"il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus" (Matth. 20). Ce ne sont pas ceux qui se contentent d'une honnête moyenne qui seront sauvés : leur calcul ne les sauvera pas. Sont sauvés ceux qui se donnent sans calcul, " qui reçoivent la parole avec un coeur bon et excellent" et "qui portent du fruit avec abondance" (Lc 8, 15).

samedi 19 février 2022

A été enseveli

 Jésus est mis au tombeau. Cet ensevelissement sonne comme une sorte de confirmation de l'article précédent : il est bien mort puisqu'il a été enseveli. De Lui qui est "le saint de Dieu", il ne reste pour ceux qui l'ont connu, ceux qui l'ont aimé, qui ont espéré et qui ont cru en lui, qu'un cadavre. Mais ceux qu'une telle perspective ne détourne pas de lui, celles qui, après le sabbat, dès le matin, sans se demander comment elles pourront embaumer ce corps aimé alors qu'une grosse pierre interdit l'accès au tombeau,  sont encore là, sont revenus, sans doute espérant obscurément contre toute espérance, attendant alors qu'elles n'ont plus rien à gagner, aimant un mort d'un amour absolument gratuit. Ce sont des femmes, ce n'est pas un hasard, il y a dans leur démarche toute l'insistance ou l'entêtement de femmes amoureuses, qui suivent Jésus depuis la Galilée nous indique saint Luc et qui ne veulent pas admettre que c'est fini. Ces femmes voient la pierre roulée, le tombeau vide, des anges qui leur disent de retourner en Galilée; Elles ne le voient pas lui, mais cela leur suffit pour courir dire aux apôtres : il est ressuscité d'entre les morts. Les apôtres ne le prennent d'ailleurs pas très bien : "ce récit leur parut comme un délire et ils ne les crurent pas"(Lc 24, 11). La misogynie est la plus forte alors que ce qui leur est demandé, ils le sentent bien, c'est du courage. Il y en a une autre qui n'est pas satisfaite, c'est Marie Magdeleine. Pendant que les autres femmes essaient de convaincre les hommes d'aller voir (d'aller voir quoi pense sans doute la Madeleine : le tombeau vide ?), Marie Madeleine est revenu sur les lieux, elle erre comme une folle dans le jardin, cherchant ce corps qu'elle n'a pas pu toucher. Dieu lui envoie des anges, mais cela ne lui suffit pas, c'est Jésus qu'elle cherche, elle n'a pas besoin du baratin sur une résurrection qui serait purement spirituelle, elle veut toucher, reconnaître son Seigneur. Si elle ne le peut pas c'est qu'on a volé son corps. Elle aperçoit un homme dans le jardin : "Monsieur, monsieur, ils ont enlevé mon Seigneur et je ne sais pas où ils l'ont mis". Le jardinier ce retourne et il l'appelle par son nom : Marie !" Rabbouni répond elle : mon petit maître. Elle se précipitait dans ses bras quand elle entendit : "Ne me touche pas, car je ne suis pas encore retourné vers mon Dieu et votre Dieu, vers mon Père et votre Père". C'est Marie Madeleine qui décide Pierre, le chef des apôtres et aussi Jean, le mystérieux disciple. Parce qu'elle est revenue au tombeau, parce qu'elle a insisté, il lui a été donné d'être la première à voir le Seigneur en personne.

Lorsque Pierre et Jean accourront au tombeau, alertés par Marie Madeleine, qui a vu le ressuscité la première, Jean, le disciple qui est aussi cohen, qui sera bientôt élu grand prêtre, reste à l'extérieur. Il a couru plus vite que Pierre, il est arrivé le premier au Tombeau, mais, observant fidèle de la loi juive, il ne peut pas voir un cadavre sans se souiller. Il reste à l'entrée et ne pénètre dans ce tombeau qui était un tombeau neuf (où il n'y avait pas d'autres cadavres donc d'autres occasions de se souiller), que lorsque Pierre l'eut assuré que le tombeau était vide. Alors seulement il put s'avancer. "Il vit et il crut" dit-il à son propre propos dans son Evangile. La foi, dans son coeur avait définitivement remplacé la loi. Il regardait de tous se yeux, il écarquillait les yeux dans l'obscurité, vérifiait qu'il n'y avait plus de cadavre, que les linges étaient soigneusement pliés. Et lui revint la parole du Seigneur sur le fils de l'homme qui ressuscitera le troisième jour. Il crut à la parole que Jésus avait dite comme en énigme. Il crut à la vie : pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, la vie avait eu le dernier mot : "la vie est devenue en Jésus Christ la lumière des hommes" écrira-t-il dans le prologue de son évangile. Oui décidément, qui a le courage de la chercher la trouve.

Le tombeau est le lieu où envers et contre tout, contre tous, Marie Madeleine a cherché et à trouvé la vie.

vendredi 11 février 2022

Est mort

Jésus est vraiment mort sur la croix et il est mort pour vivre cette agonie, cette lutte, cette tragédie en quoi consiste toujours notre mort, à nous ses créatures, il est mort pour nous montrer combien la mort est violente et combien malgré l'avis de quelque philosophe perdu dans ses concepts, l'homme n'est pas un être pour la mort. Il est mort d'une mort humaine lui le Créateur de l'Univers, l'Eternel, pour nous montrer combien en lui comme en nous, la mort est une horreur ; il a accepté, il a pris sur lui l'horreur du supplice et l'horreur d'un cadavre, le sien, pour que nous ayons moins peur de vivre notre mort, pour que nous ne craignions pas la poussière d'où nous provenons et où nous retournons. 

Théologiquement, il est mort d'une mort humaine parce qu'il s'est fait parfaitement homme, et que dans l'unité de sa Personne divine tout ce qui touche l'humanité de Jésus est attribuable à l'unique sujet divin. Je ne veut pas dire que le Je suis qui constitue le Christ, ce Je suis divin, s'en soit trouvé modifié. Qu'est-ce qui peut modifier Dieu ? A force de réfléchir sur ce Dieu qui se trouverait modifié par sa mort sur une croix, qui se serait en quelque sorte vidé de sa puissance (c'est étymologiquement ce que l'on appelle la kénose dans la théologie orientale), qui se trouverait vulnérable, comme un homme ordinaire l'est face à la puissance du mal, on peut mesurer ce qu'est "la folie de la croix", ainsi que saint Paul la désigne au chapitre 2 de la Première épître aux Corinthiens. Folie ? Comme le dit avec beaucoup de force le Père Chardon, au premier chapitre de son livre La Croix de Jésus, Dieu, allant jusqu'à connaître dans son humanité, la mort d'un supplicié "a préféré qu'on doute de sa sagesse que de sa bonté". le vieux cantique l'affirme avec force : "En expirant sur ce bois il nous aima plus que lui-même". Telle est, exactement formulée, la folie d'amour du Fils de Dieu. Comment peut-on aimer d'avantage ces animaux plus ou moins raisonnables que nous sommes tous, plutôt que cette merveille créée et incréée tout à la fois qu'est le Fils de Dieu fait homme ?

Il faut chercher à la même profondeur le sens du célèbre verset de saint Jean (13, 1) : "Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin". Grec ; eis telos. Jusqu'à l'accomplissement, l'achèvement, la perfection. Mais quelle est cette perfection ? Le même évangéliste l'affirme : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis"(Jean 15, 13). Voilà, d'après l'Evangéliste saint Jean la bonne nouvelle que le Christ est venu nous apprendre, la science d'amour qu'on chanté trouvères et troubadour,, le "gai savoir" : il n'y a d'amour manifesté que dans le sacrifice de soi. 

Non pas le sacrifice de ce qu'on est vraiment, car l'amour de l'autre nous fait toujours advenir à ce que nous sommes. Mais assurément le sacrifice de cette potiche, de cette idole qui n'est qu'un tigre de papier  : le Moi. Pour lui donner de l'importance on le nomme souvent en latin : l'ego. Ce n'est que le vaste piège que nous tend notre imagination, comme l'ont bien compris les lacaniens. "Le moi est haïssable" ? Non si par "moi" on entend les forces vives de la personne, mais oui si l'on comprend que le moi,, la plupart du temps, se réduit à une construction sociale, à un rôle professionnel, à un jeu  de rôle attendu dans le couple. Sacrifier le moi, pris dans ce sens là, signifie parvenir à sauvegarder les vraies richesses de la personne, en jetant à la mer la construction à laquelle nous voulons que nos amis, nos proches, nos connaissances ou même le monde entier rende un culte : le moi. En ce sens, on peut dire non seulement qu'il n'y a pas d'amour sans sacrifice, mais qu'il n'y a pas de vérité sans l'apprentissage du sacrifice de soi. La croix, la mort sur la croix, est la voie d'accès obligée à la vérité de notre condition. Mais attention ! C'est la vraie croix qu'il nous faut embrasser. Il n'y a pas de vraie croix sans amour ! Le sacrifice pour le sacrifice est une diminution des forces vives de la personne. Il est parfaitement stérile. Le sacrifice pour le sacrifice est haïssable.

Aussi bien regardons le sacrifice du Christ : a-t-il été vain ? Il a mené, par l'amour à la victoire de la vie. Il a donné la vie à tous ceux et à toutes celles qui la désiraient.

samedi 5 février 2022

A été crucifié

 De quoi la croix est-elle le nom ? Dans l'antiquité sans conteste d'un supplice horrible où chacun meurt étouffé par le poids de sa propre chair. Un supplice que jusqu'ici Rome réservait aux esclaves fugitifs, à Spartacus et à ses sbires, durant les guerres serviles. Jésus va s'identifier à ce supplice honteux, au point qu'on l'appelle aussi le Crucifié. Il s'est fait notre esclaves en mourant sur la croix, lui qui nous apprend à accepter la mort pour embrasser la vie.

Si les Romains ont fait du supplice de la croix un supplice honteux, les juifs, de leur côté l'ont immédiatement interprété comme tout aussi honteux, mais en se servant d'un verset du Deutéronome, l'un des cinq premiers livres qui composent la Torah : "Lorsqu'un homme aura commis un crime digne de mort et qu'ayant été condamné à mourir, il aura été attaché à une potence, il sera enterré le même jour, parce que celui qui est pendu au bois est maudit de Dieu"(Deut. 21, 22-23).

Dans l'épître aux Galates, saint Paul reprend ce texte qu'il assume au nom du Christ : "Jésus-Christ nous a racheté de la malédiction de la loi, s'étant rendu lui-même malédiction pour nous, selon qu'il est écrit ! maudit soit celui qui est pendu au bois" (Gal. 3, 13). La malédiction de la loi, cette expression est terriblement forte. Paul ne parle ici ni de la loi naturelle ni des dix commandements de Dieu.  Il parle de la Torah, les 613 mitsvot, 313 négatifs et 300 positifs. Cette loi, tirée des cinq premiers livres de la Bible, qui entoure chaque juif du corset de fer de sa précision, le jeune Saul avait voulu naguère l'observer, alors qu'il était jeune étudiant en théologie judaïque, Il l'a observé au point, revenant sur ce passé observant, de se décrire lui-même à l'attention de ses chers Philippiens comme "irréprochable pour tout ce qui concerne la loi". C'est au nom de la loi, avec l'autorisation du Sanhédrin, que Paul avait bien l'intention, en prenant le chemin de Damas, de persécuter les juifs devenus chrétiens, jusqu'à les faire payer de leur vie cette impiété de leur conversion au Christ, comme avait payé Etienne, le diacre, qui avait été lapidé peu de temps auparavant. Lui Paul gardait les vêtements de ceux qui avaient lapidé Etienne. Manière de montrer hautement son approbation pour les gros bras qui rouaient le disciple du Christ à coup de pierres. En se rendant à Damas, il avait obtenu du Sanhédrin la permission de continuer ce massacres. Pour l'honneur de Dieu, croyait-il.

Pourquoi un tel fanatisme de la part du jeune Paul, qui, à l'époque porte le nom de Saul, celui que portait, avant David, le premier roi d'Israël ? 

La première raison qui vient à l'esprit c'est que l'obéissance aveugle à la loi peut rendre littéralement fanatique, qui l'observe. Cet aveuglement crée toutes sortes de contradictions, dont saint Paul a dû prendre conscience, avec des questions comme : a-t-on le droit de tuer au nom d'une loi qui dit : "Tu ne tueras point" ?

La deuxième raison du jusqu'au boutisme de saint Paul doit être recherchée dans le supplice de la croix et dans la malédiction qui l'entoure. Il faut s'orienter vers l'épître aux Galates, et en particulier peser cette phrase : "Maudit est celui qui est pendu au bois". Dans la tête du jeune intégriste qu'était Saul, cette phrase résonne comme maudissant non seulement le Christ, pendu au bois de la croix, mais par contagion ou par contact, tous ceux qui croient en lui. L'enseignement qui capte ceux que l'on appelle alors simplement "les fidèles de la voie", les fait participer de l'impureté légale de leur maître. Ce pseudo-Christ est maudit pense le jeune Saul, et il partage cette malédiction avec ceux qui se disent ses fidèles et qu'au nom de la religion de Moïse, il faut éliminer avant qu'ils ne détruisent la religion de leurs pères au nom de la religion nouvelle, C'est alors qu'il est dans ses réflexions que Saul entends distinctement ces mots : "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? - Qui es-tu Seigneur ? - Je suis Jésus que tu persécutes" (Ac. 9). On peut dire qu'à partir de cet instant, Saul, que la voix a séduit, pratique une véritable transmutation des valeurs, à laquelle préside le Christ en personne, le Christ qui sur la croix, inverse les signes, en se faisant par la croix, le grand racheteur, le goël annoncé par les prophètes.

Qu'est-ce qu'un goël ? Dans la loi juive le goël est obligatoirement un parent (père, frère) qui rachète entièrement la dette de son parent : "Tout le fonds que vous posséderez se vendra toujours sous condition de rachat. Si votre frère étant devenu pauvre, vend le petit héritage qu'il possédait, le plus proche parent pourra s'il le veut racheter ce que celui-ci a vendu" (Lévitique 25, 24-25). Il s'agit au fond de l'organisation légale, en cas de faillite, d'une préemption familiale, censée protéger le faillis. Ce qui est extraordinaire, c'est que dans Isaïe, cette prescription légale se sublime. Elle devient la parabole du destin de l'homme avec Dieu. Dieu se dit le racheteur des hommes, il est leur Père, il peut racheter leur dette pour leur conserver leur héritage.  Voilà d'où vient le rédempteur, par exemple en Isaïe 41, 14 : "Ne craignez pas ô Jacob qui êtes devenu comme un ver qu'on écrase, ni vous ô Israël, qui êtes comme mort. C'est moi qui vient vous secourir dit le Seigneur, et c'est le Saint d'Israël qui vous rachète" (voir aussi Is. 59, 20).  J'ai choisi cette référence, à cause de sa force imagée : Jacob est devenu "comme un ver qu'on écrase". Dans le psaume 21, c'est le Messie, le goël qui prend sur lui ce mépris qui plane sur Jacob (l'autre nom d'Israël) : "Je suis un ver et non un homme, fait dire le psaume au Christ. L'opprobre des hommes et l'abjection du peuple".

La leçon en tout cas est tout sauf bénigne : radicale. Il ne suffit pas de parler de la malédiction de la loi, comme nous l'avons vu. Il faut ajouter que c'est de cette malédiction de la loi que le Christ, qui est le goël annoncé dans l'Ancien testament, nous rachète, en devenant lui-même maudit et crucifié, pour nous arracher à cette malédiction. Sur la croix, il prend notre place. "Il se fait péché pour nous" dit encore saint Paul. "Il ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu, mais il se fit obéissant jusqu'à la mort et la mort de la croix" (Phil. 2, 6). Ce n'est pas pour rien que saint Paul insiste sur l'instrument du supplice. C'est le signe de la malédiction que Jésus prend sur lui pour nous en débarrasser.

Pour entrer dans cette contemplation de la croix, encore faut-il de notre côté, une seule chose : accepter de nous reconnaître nous mêmes en faillite;. Comment le Christ notre frère pourrait-il nous racheter si nous ne reconnaissons pas l'étrange malédiction de la loi et la nécessité où nous sommes de ne plus y croupir. Et donc de nous ouvrir à la foi, c'est-à-dire à l'amour de ce goël, notre frère divin, dont la richesse infinie nous rachète.