mardi 31 mai 2011

[conf'] «La belle histoire de sainte Jeanne, héroïne nationale», par Françoise Roche

Mardi 31 mai 2011 à 20H00: «La belle histoire de sainte Jeanne, héroïne nationale», par Françoise Roche - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - la conférence est suivie d’un verre de l’amitié - au Centre St Paul

dimanche 29 mai 2011

Lettre du 5ème dimanche après Pâques

Trois manières de vivre le défi de l'existence

L’Evangile du Cinquième dimanche offre sans fard une affirmation de la divinité du Christ: «Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde. Maintenant je quitte le monde et je vais au Père».

Et nous avons aussi l’affirmation que «Tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera».

Il ne s’agit évidemment pas de faire du Christ une sorte de distributeur automatique des faveurs divines sur l’air de «Par ici la bonne soupe».

Mais il s’agit de comprendre que dans le Christ et dans le Christ seulement, dans le Christ Fils de Dieu fait homme, l’homme devient l’égal de Dieu. L’expression « en mon nom » est très forte. Elle signifie dans mon esprit, dans ma personne. Le « Nom » pour un Juif renvoie immédiatement à la réalité qu’il signifie. Il la porte. Demander au Nom du Christ c’est demander ce que le Christ demande : la divinisation effective non pas de l’humanité, non pas de la nature humaine, mais de tous les sujets humains qui, librement, le demanderont. Ce que vous demandez en Moi, Dieu vous l’accordera. Au fond, c’est dans le Christ que notre espérance prend forme. C’est dans le Christ que se concrétise l’attente obscure de l’humanité. Pour recevoir le salut qu’il nous porte, il suffit de le vouloir.

On peut dire que, dans le Christ, chacun de nous est responsable de sa destinée éternelle et qu’il lui suffit d’en être conscient, qu’il lui suffit de demander consciemment cette vie éternelle au Christ sauveur pour la recevoir. « Dites seulement une parole et je serai guéri » comme nous le répétons avant la communion. Eh bien ! Cette parole, ce Verbe c’est le Christ. Nous pouvons être sûr que dans le Christ, nous sommes guéri de notre mortalité et nous recevons la vie « en abondance ».

Pourquoi ? Parce qu’étant auprès du Père, il n’a pas « retenu jalousement le rang qui l’égalait à Dieu » comme dit saint Paul. Si nous sommes sûrs que dans le Christ nous devenons comme les égaux de Dieu, si nous sommes sûrs que dans le Christ nous devenons « participants de la nature divine » (IIème épître de Pierre 1, 8), c’est parce que le Christ est « sorti de Dieu » pour devenir l’un d’entre nous. Cette égalité entre l’homme et Dieu est le vieux rêve d’Adam et Eve dans le Paradis terrestre (« Vous serez comme des dieux »). Il est repris par Platon dans le Théétète : « La fuite, ressemblance avec Dieu » (176a). Dans le premier cas, l’égalité avec Dieu est visée dans la révolte contre lui, avec l’appui du Serpent tentateur. Dans le second cas, l’identification avec Dieu est obtenu par « la fuite », fuite de notre condition matérielle qui va jusqu’au suicide mystique, dont d’une certaine façon Socrate buvant la cigüe pour obéir aux Lois, alors qu’il peut s’échapper, qu’on a organisé son évasion, fournit un prototype.

Pour accomplir sa destinée, vous n'avez qu'un choix... restreint : il y a la révolte, avec cette variante très commune que l'on nomme endurcissement.

Il y a aussi la fuite de sa condition charnelle (voyez Plotin, littéralement mort de crasse selon les dires de Porphyre son disciple : il fuyait son corps). Je précise qu'on peut fuir sa condition charnelle de plusieurs manières. L'idolatrie du corps est aujourd'hui la plus courante. L'obsession du corps, considéré uniquement comme faire-valoir et comme faire-jouir, est une négation du corps réel et de sa fragilité constante. Le rationalisme en est une autre : n'admettre que ce que la raison géométrique est capable de démontrer, c'est se nier soi-même, nier les dimensions intuitives que le corps nous fait sentir. Mais il y a tant de façon de se fuir soi-même !

Et puis il y a le schémas inverse : le schéma chrétien.

Dieu vient à nous et c'est Lui qui nous propose cette égalité qui vient de Lui. Qui dira la « condescendance du Dieu » qui s’approche de nous, qui se fait l’un de nous en Jésus-Christ. De cette façon, le vieux rêve de l’humanité [devenir comme des dieux] n’est plus un rêve, mais simplement une question de foi, une capacité à dire « Amen » au mystère du Christ pour s’y trouver inclus...

Ou bien alors à le rejeter parce que l’on préfère l’un des deux autres modèles : la révolte (satanique) ou la fuite (platonicienne).

samedi 28 mai 2011

La Palme d'or? mais c'est catho! - Trois réactions

L'article de l'abbé de Tanoüarn a suscité divers commentaires - en voici trois:

Denis Sureau:
... je suis allé voir ce film déroutant hier soir et, en sortant de la salle, j'ai dit à mon épouse : c'est un film catholique. Je partage votre perception, bien que ne connaissant rien de Malick. On est dans un univers catholique : l'émerveillement, la présence de Dieu jusque dans ce brin d'herbe ou le sourire d'un enfant, le péché pardonné, la tristesse dépassée... Décidément, après le non moins catholique film Des hommes et des dieux, le cinéma nous réserve bien d'heureuses surprises.
Jean-Pierre Maugendre
... je suis allé, comme Denis Sureau, voir "The tree of life" hier soir avec un de mes fils. Il s'agit d'un film difficile marqué, à mon sens, par deux éléments essentiels: la beauté et la grâce qui se présentent comme deux réalités complémentaires.Beauté de la nature dans des images époustouflantes et grâces de la souffrance acceptée (Jessica Castain) et du pardon demandé et accordé.Nous ne sommes pas dans le registre Mad Max ou Le Seigneur des anneaux. Faudrait-il s'en plaindre? ...
Laurent Dandrieu
... deux remarques sur ce film que je viens de revoir ce soir, avec un éblouissement renouvelé : l'une, anecdotique, sur l'église, que vous voyez surchargée de statues, où je remarque moi surtout que les vitraux ne représentent qu'une seule et même figure : le Christ. Pas de saints, pas de Vierge. Ce qui me fait bien penser à une église protestante.

Mais il y a le prêche du ministre, long commentaire de Job, qui bat en brêche cette idée, chère aux protestants américains, que si le mal vous frappe, c'est que vous l'avez mérité. Contre quoi le prêtre, qui du coup semble bien catholique, rappelle que le mal frappe le juste comme l'injuste, le méchant comme le bon, et que du coup on ne peut pas s'abriter derrière sa bonté, et donc pas derrière ses propres forces, pour s'en protéger : démenti cruel apporté au père de famille, qui ne l'entend et ne compte que sur ses propres forces, quand il devrait savoir ne trouver refuge qu'en la grâce et qu'en l'éternité...

Ah, une troisième remarque encore sur ce film tellement riche que j'ai le sentiment, dans l'article que j'ai dû publier après ne l'avoir vu qu'une fois, d'en avoir négligé la quasi totalité : vous parlez de plans de contre-plongée, qui nous plaquent au sol : la contre-plongée, récurrente en effet chez Malick, du bas vers le haut, nous ouvre au contraire vers le ciel, vers notre dimension verticale, comme dans cette scène sublime et toute simple où la mère, tenant son fils aîné qu’elle fait virevolter dans ses bras, lui indique le ciel en disant : « C’es là-bas que Dieu vit ». Pour Malick, Dieu vit partout, et c’est pourquoi il en cherche les traces dans les moindres recoins de la Création, de l’infiniment petit à l’infiniment grand. Mais il vit surtout dans notre temps, pour peu qu’on sache le peser à son juste poids d’éternité, et c’est pourquoi aussi Malick, comme Vermeer, s’acharne à capter les instants les plus banals avec une intensité telle qu’il nous fasse sentir leur dimension éternelle, et donc divine. Comme tous les grands artistes (mais ils ne sont pas si nombreux), Malick est l’historiographe de Dieu en ses œuvres.

vendredi 27 mai 2011

Il l'a fait (forum)

On m'annonce le lancement d'un nouveau forum catholique. Son administrateur explique qu'il s'agit d'un «espace de discussion» avec comme objet ce qui touche «à la vie de l'Eglise catholique». Il nous dit que «des supports existaient déjà», il évoque «d'autres sites, blogs et forums». -- D'autres sites et blogs, certes. Mais d'autres forums? A ma connaissance il n'en existe qu'un d'actif, celui que XA anime depuis plus de 10 ans avec constance, et qui s’est imposé comme l'épine dorsale de la tradisphère francophone. Vu le poids de son forum, XA a du faire des choix, certains s'en sont réjouis et d’autres moins. C’est sans doute ce que vise l’administrateur du nouveau forum, quand parlant des supports existant, il déplore «leur évolution et leurs manques». Quand on n’est pas content, il y a deux solutions : cracher dans la soupe, ou se lancer soi-même dans la cuisine. Depuis quelque temps l’administrateur y pensait. Aujourd’hui il l’a fait. La bouture prendra-t-elle? C’est à chaque internaute d’en décider.

La Palme d'or ? Mais c'est catho !

Nous avons tous mangé du fruit de l'arbre de vie. L'arbre de vie ? C'est The tree of life, le cinquième film de Terrence Malick, le plus ambitieux - et sans doute le plus grand. Vivants, nous vivons forcément quelque chose qui nous dépasse, nous le vivons jusqu'au bout, même si nous n'en avons pas envie. En vie sans envie ? Encore faut-il savoir ce qu'est la vie.

Terrence Malick, 67 ans, dont le père est un chrétien chaldéen, ne fait pas semblant. Il ne se cache pas derrière son pouce ou derrière ses images. La Palme d'or de Cannes cette année est un film biblique et même évangélique, un film que l'on ne peut regarder qu'en entrant, avec la voix off, dans une méditation sur la vie, la mort, le péché... "Comment es-tu venu jusqu'à nous ? Par quelle forme ? Par quels masques ?" demande Madame O'Brien (Jessica Chastain, lumineuse) qui vient de perdre son enfant. C'est la question qui court tout le long du film. Les masques tombent à la fin : d'ailleurs, le temps d'une image, on les voit tomber. Terrence Malick estime qu'il a fait son travail.

Il a voulu montrer la vie et les deux voies dont nous parle L'Imitation de Jésus-Christ, dans un passage de ce livre [merci à Laurent Dandrieu de l'avoir identifié - Troisième livre, chapitre 54], lu au début du film, quand Madame O'Brien se souvient de l'éducation qu'elle a reçu chez les soeurs. Deux voies ? Il y a la voie de la nature, suivie par le père, Mr O'Brien, Brad Pitt dans un rôle de composition éblouissant. Son obsession, comme celle de tout Américain qui se respecte, quelques complexes en plus : réussir. Il y a la mère, Jessica Chastain, sourire, effacement, tendresse : la grâce. "Père, mère, vous luttez encore en moi et vous lutterez jusqu'à la fin" dit Sean Penn, Jack, l'aîné des trois enfants du couple, qui revient sur ce qui a construit sa vie. d'adulte.

Il faut reconnaître que le film est difficile à suivre. Ce qu'il embrasse c'est toute la création, depuis l'univers en ses galaxies jusqu'à l'infiniment petit. La perspective est tellement vaste qu'elle pourrait être loufoque. Elle est simplement belle. Elle nous ôte toute envie de croire... au hasard. Les images sont sublimes, montrant d'abord l'effervescence végétale. On assiste ensuite à l'émergence de la vie animale dans le monde, ces bulles d'eau qui se révèlent de petits têtards portant partout la bonne nouvelle d'un nouveau Règne, d'un nouveau monde. Puis ce sont les dinosaures : Terrence Malick n'en fait-il pas trop ? Le combat de deux dinosaures, l'un possédant l'autre, pose le problème du mal. Ce problème est partout, jusque dans la nature. Il est aussi dans les petits enfants qui grandissent chez les O'Brien. Comme des têtards magnifiques et ambigus. Ces enfants portent la vie ; ils portent aussi le drame qui couve.

J'ai lu ici et là que The tree of life est un film "protestant". Depuis quand les protestants lisent ils l'Imitation de Jésus Christ ? Depuis quand leurs églises sont elles abondamment décorées de statues, comme l'église de ce village du Texas ? Depuis quand envoient-ils les jeunes filles chez les Soeurs ? Le précédent film de Terrence le Nouveau monde avait des harmonies panthéistes. Celui-là ? Il me semble simplement catholique - à la fois foncièrement optimiste et hardiment pessimiste.

Il me semble que c'est CELA - cette dimension ouvertement religieuse, de prière, de méditation d'une voix off, selon la technique déjà mise en oeuvre par Terrence Malick - oui c'est cela qui fait fuir le public. A Guérande, où je me trouve ce soir, il y avait vingt personnes dans une salle ultra-moderne. Quatre sont parties au bout d'une demie heure. Deux ensuite. Pourquoi une telle hémorragie ? J'entendais deux dames à la fin du film - des bas bleus locaux sans doute - disant gravement : "Bon ! Y va falloir décrypter".

C'est vrai qu'on en prend plein la figure. C'est vrai que les séquences se superposent racontant à la fois l'origine du monde, la vie d'une famille et les états d'âme d'un quinqua. C'est vrai que l'on sent venir le drame et qu'il ne vient pas forcément d'où on l'attend. C'est vrai que l'on n'attendait pas la parabole finale, qui est une manière de nous introduire à la vie éternelle. Il faut aller voir ce film comme on va à la messe...

Catholique ce film ? - Sociologiquement sans doute, je l'ai dit. Mais surtout théologiquement. une fois de plus la grande question du film est celle du mal. Le mal est partout : Jessica Chastain, si passive dans son amour inconditionnel pour son mari et ses enfants, n'est-elle pas elle-même un relai du mal ? Son fils aîné le lui reprochera. Lui voudrait tout simplement tuer le père, qui, au nom du Bien et parce qu'il aime ses enfants, fait régner sur la maison une atmosphère de terreur.

Terrence Malick multiplie les plans de contre-plongée. Il nous plaque au sol. Nous ne voyons plus rien, ne comprenons plus rien, que le petit bout de monde qu'il nous est donné de voir. Un peu comme dans la vraie vie. J'ai pensé au verset du psaume : Adhaesit in terra venter noster. Avec un tel pessimisme, on pourrait s'attendre, s'il s'agissait d'un film théologiquement protestant, à ce que l'on nous montre les bons et les méchants, ceux que Dieu a élu et ceux qu'il rejette. C'est vrai qu'il y a dans l'air un côté "petite maison dans la prairie". Mais non ! Le huis-clos familial ne durera pas toujours. La réconciliation de tous sera la plus forte. Cet optimisme final me semble typiquement catholique. L'arbre de vie porte les bourgeons de la vie éternelle. Il suffit d'accepter sa vie, d'être vrai avec elle, d'accueillir le bonheur et le malheur et, à travers les épreuves (voilà le catholicisme), c'est l'amour qui sera le plus fort. "Sans l'amour, n'hésite pas à dire Terrence Malick, la vie passe comme un éclair".

L'année dernière, nous avions, comme grand prix du Jury, le film de Xavier Beauvois Des hommes et des dieux, sur le martyre des sept moines de Tibhirine. Cette année, avec Terrence Malick, nous avons la Palme d'or, l'une des plus belles paraboles de la destinée humaine qu'il m'ait été donné de connaître. Il faut y aller ! Pas "pour décrypter" comme disaient mes deux bas-bleus de tout à l'heure, mais pour... méditer. Comme à la messe ! Ce film c'est quelque chose comme une grand-messe... "la messe sur le monde" dirait Teilhard. Oui, mais en plus grandiose, à cause des images et des effets spéciaux. Et... en plus quotidien, car Teilhard n'aurait pas imaginé Brad Pitt en Mr O' Brien, papa insupportable de bonne volonté qui se convertit in extremis ! Ni Jessica Chastain, en mère éplorée et sentinelle de l'invisible.

Décidément, il y a plusieurs films dans ce film : trouvez le vôtre !

mercredi 25 mai 2011

Balayons la porcherie - Cependant: la Bête, c'est autre chose

L'Institut Civitas appelle les catholiques à ne pas "trinquer avec le Diable" - concrètement, à éviter les bières du groupe Kronenbourg, qui sponsorise la hellfest. Hellfest? késako? C'est un festival de metal, c'est à dire du hard rock jouant sur la saturation sonore et la solicitation agressive des tympans. Surtout, hellfest, c'est hell+fest, c'est à dire en anglais enfer+festival, avec symboles sataniques et paroles blasphématoires et autres provocs à deux balles.

Mais j'en appelle aux anglicistes: et si hellfest devait être traduit par "putain de fête"? un peu comme "a hell of a bike" est "une moto qui arrache", ou "une moto d'enfer"... ou encore "une putain de moto". Dire cela d'une moto, ce n'est pas lui prêter de mauvaises mœurs, c'est au pire parler vulgairement. Bien sûr le hellfest emprunte au folklore du paramedieval, du retrofantastique, et même du pseudosatanisme. Vous trouvez que c'est malsain? Je préfère Wagner et Laibach! Mais de grâce, ne prenons pas cette hellfest plus au sérieux qu'il ne faut. La mode gothique, les visuels donjons et toiles d'araignées, les dents de vampire: tout cela relève plus du magasin 'farce et attrapes' que du satanisme (le vrai) qui est d'une toute autre nature. Au fond, c'est un peu comme des 'skins' qui se croient nationalsozialist parce qu'ils boivent de la bière, crient très fort et portent un blouson doublé de tissu écossais. Ou d'autres qui se pensent guerilleros latinos parce qu'ils ont une béret à la Che Guevara, un bandana et un badge 'no pasaran'. Libre à eux d'y croire. Libre à moi d'y voir un simple mouvement de mode de jeunes. Code vestimentaire, genre musical, univers graphique, et deux trois postures: ce sont des panoplies et quand j'étais petit j'en avais une de shérif.

Regardez cette hellfest pour ce qu'elle est. Une fois retombés les décibels... une fois considérée à la lumière du soleil... la tête fraiche et pas impressionnée... que reste-t-il? quelques baudruches dégonflées, un peu de pacotille... et sans doute quelques milliers de gueules de bois. Certainement déplaisant. Éventuellement dépravé et dangereux. Combattons la hellfest tout ce que nous voudrons mais ne nous y trompons pas: Satan (le vrai) avance masqué.

mardi 24 mai 2011

Qu'en pense la Fraternité Saint Pie X ?

Le dernier numéro de Dici contient une très intéressante analyse de l'instruction Universae Ecclesiae, dont le moins que l'on puisse dire est que, sans occulter les difficultés qui se posent aux traditionalistes désireux de voir les formes de la tradition catholique retrouver leur droit dans l'Eglise, le rédacteur mesure l'importance de ce texte et la dit parfois mieux que bien des Ecclésiadéistes déclarés (non, je ne fais pas de dialectique personnelle).

Voici le passage qui m'a le plus intéressé, même si il faut lire l'ensemble du texte. C'est une nuance. Le Rédacteur n'est jamais si bon que dans les nuances :
"On notera ici une nuance, écrit-il : l’Instruction parle de « validité » ou de « légitimité », là où la lettre de Benoît XVI aux évêques du 7 juillet 2007 réclamait une « reconnaissance de la valeur et de la sainteté » du Novus Ordo Missae et la non exclusivité de la célébration traditionnelle".

Il semble bien que le concept de "légitimité" soit appelé à remplacer les expressions plus floues, plus subjectives qu'employait la Lettre accompagnant Summorum pontificum en 2007. Le Rédacteur a raison de mesurer ainsi le chemin parcouru d'une formulation à l'autre.

Rome veut aller aussi loin que possible dans son dialogue théologique avec les traditionalistes. Pas besoin de trouver subjectivement de la valeur au nouveau rite pour être catholique ! C'est d'une valeur objective qu'il est question.

On peut dire de la même façon : pas nécessaire de reconnaître autre chose que la "sainteté" objective du rite, c'est-à-dire sa "validité". Mgr Lefebvre m'avait fait prêter serment avant mon ordination, me demandant de reconnaître la validité du Rite rénové, faute de quoi je n'aurais pas été ordonné... Et il en a été de même pour tous les prêtres de la FSSPX, même après les sacres de 1988.

La sainteté du rite ne renvoie à aucune appréciation personnelle ; la sainteté du rite, c'est sa validité. Mais avouons que le terme de "sainteté" qui est le plus souvent subjectif, s'appliquant plutôt à des personnes qu'à des choses, était ambigu. Validité vaut mieux.

Quant au mot "valeur" qu'utilisait la Lettre aux évêques accompagnant Summorum pontificum, on peut établir à son sujet la même distinction entre valeur objective et valeur subjective.

Que signifie le mot "valeur" utilisé dans la Lettre de 2007 ? On voit ce que le pape veut dire : la messe de l'Eglise catholique vaut pour l'Eglise catholique, ou alors, si elle ne vaut pas, l'Eglise n'est plus l'Eglise. Il s'agit d'une valeur tout ce qu'il y a de plus objectif.

Le problème c'est que ce terme de valeur est horriblement subjectif : a de la valeur ce qui vaut pour moi. On peut faire la même remarque à propos du substantif pluriel : les valeurs. Les valeurs, ce sont les biens auxquels j'attribue de la valeur, même si mon voisin n'en fait pas autant.

Dans la Lettre aux évêques, qui est normative, Benoît XVI n'employait pas ce mot "valeur" au sens subjectif...

Dans la récente instruction, le mot "valeur" utilisé dans la Lettre ux évêques en 2007 est remplacé par le mot "légitimité". On ne demande pas aux traditionalistes de reconnaître une valeur subjective au Nouvel Ordo. Ce serait les obliger à la contradiction. Non ! On leur demande simplement de reconnaître que la messe rénovée, promulguée par un Souverain pontife et célébrée partout est une messe catholique. Comment s'exprimer autrement sans détruire l'Eglise que Notre Seigneur a voulu indéfectible dans ses actes magistériels et ministériels les plus importants ?

Je sais que certains n'aiment pas le mot. Mais, assistant (sans forcément la célébrer) ne serait-ce qu'à la messe chrismale, ils pratiquent déjà la chose... Et maintenant que le mot est ainsi objectivement pesé par la Fraternité Saint Pie X, on peut se dire qu'il restera. il me semble que ce mot de légitimité, que l'on doit utiliser à propos de tous les rites catholiques depuis l'anaphore d'Adaï et Mari jusqu'à la liturgie romaine rénovée, est appelé à prendre une portée théologique contraignante.

C'est justement dans la mesure où l'on est capable de reconnaître la légitimité du rite rénové, c'est parce que l'on y assiste comme à un rite catholique, avec les marques de respect qui s'imposent, que l'on peut tout à fait s'abstenir de le célébrer. Les deux formes ordinaires et extraordinaires sont dans une rigoureuse égalité de droit, comme le pape l'a souvent répété et comme le redit l'Instruction Universae Ecclesiae. Alors ? Face à ceux qui de toute façon, sans refuser la légitimité de la forme extraordinaire, s'abstiennent de la célébrer, on peut facilement faire comprendre que le symétrique est vrai dans le rite extraordinaire.

Pour la Fraternité Saint Pie X, ce point est capital. Elle ne peut pas dire que la messe n'est pas la messe si elle est normalement célébrée dans une forme approuvée. Mais elle peut refuser de célébrer ce dont elle reconnaît la légitimité et la validité... Actuellement "des interrogations sérieuses subsistent" sur ce point de la "légitimité" d'après le Rédacteur. Il suffirait de définir clairement ce terme de "légitimité" pour reconnaître que Rome va, avec ces deux mots, "légitimité" et "validité", aux limites de ce qu'elle peut offrir sans se détruire elle-même.

Le problème est de prendre conscience que l'Eglise catholique est le plus vieil état de droit du monde. Ce que l'on refuse, même pour de très bonnes raisons, n'est pas pour autant dépourvu de droit objectif, c'est-à-dire de légitimité.

Mais qu'en pense la Fraternité Saint Pie X ?

dimanche 22 mai 2011

Lettre du 4ème dimanche après Pâques

Petit oubli... réparé un peu tard ! Voici le commentaire de l'Evangile du dimanche

Quatrième dimanche après Pâques : Une énigme

Ce dimanche, dans un passage du chapitre 16 de saint Jean, le Christ parle en énigme, de façon mystérieuse, comme pour exciter notre curiosité : il nous annonce « un autre Paraclet », un Défenseur, l’Esprit saint, Esprit de vérité et il dit : « Une fois venu, il convaincra le monde au sujet du péché, de la justice et du jugement. Du péché parce qu’ils ne croient pas en moi. De la justice parce que je vais au Père et du Jugement, parce que le Prince de ce monde est déjà jugé ».
C’est la mission du Saint Esprit qui est ici définie, le Saint Esprit qui n’est rien d’autre que l’Esprit de Dieu, c’est-à-dire Dieu lui-même.
« Il convaincra le monde… ». Dans le texte latin littéralement traduit du grec originel : arguet. C’est un verbe qui décrit un procès, procès perpétuel entre le monde et Jésus Christ, qui s’est soldé par la double condamnation prononcée par Caïphe le grand prêtre (« Il s’est fait l’égal de Dieu ») et par Pilate le gouverneur romain. Procès qui continue avec les disciples de Jésus dont l’Esprit saint est le Paraclet, le défenseur.

Drôle de défenseur dont la défense porte sur le péché et sur le jugement. Défenseur objectif devrait-on dire, qui « suggère toute vérité », qui fait la lumière, en désignant le péché du monde. Quel est ce péché ? Un débordement sexuel ? Des violences insupportables contre tout ce qui représente « la veuve et l’orphelin » ? Non. Le péché désigné par le Christ est ce qu’il appelle ailleurs le péché contre l’Esprit saint, celui de l’homme qui ne veut pas reconnaître qu’il a en lui une âme certes, un principe de vie, mais qu’il a aussi un esprit (pneuma) un souffle, un élan qui le conduit au-delà de lui-même, au-delà du temps et de l’espace, au-delà de l’immédiateté et de la satisfaction. Cet au-delà, c’est ce que l’on appelle l’espérance. Le premier acte de cet esprit en nous est un acte d’espérance. Il y a de très beaux textes sur ce sujet du philosophe Gabriel Marcel dans son livre Homo viator.
Pour mettre l’espérance à son vrai niveau, au-delà de nous-mêmes et non en nous-mêmes, il faut comprendre le péché qui est en nous. Reconnaître son péché, comme fait dire Dostoievski au staretz Zossime dans Les Frères Karamazov, c’est déjà aspirer à autre chose. Il dit même : c’est déjà recevoir le pardon de Dieu.
Aujourd’hui, curieusement, on ne veut plus parler du péché. On oublie qu’il y a un indispensable « travail du négatif ». L’expérience du péché est celle que nous faisons avant même l’expérience de Dieu. Ayant touché du doigt notre faiblesse, nous sommes prêts à mettre notre espérance non dans nos propres forces, mais dans le salut que Dieu nous apporte en Jésus Christ.

Jésus Christ est aussi le juge de ce monde. « Tout jugement m’a été remis par le Père » (Jean 5). Mais la bonne nouvelle (Evangile) c’est que c’est Satan, l’Adversaire, qui est « déjà jugé ». Il va être « jeté dehors ». J’ai parlé de l’esprit (pneuma) qui nous emmène au-delà de nous-mêmes. Il y a aussi le mauvais esprit, Satan, l’adversaire, l’esprit de révolte et non l’esprit d’amour. Dans le cérémonial du baptême, on trouve cette phrase : « Sors de cet individu, esprit impur et cède la place à l’Esprit saint ». Voulons nous nous solidariser avec Satan, avec la Révolte pour subir le jugement qu’il subit ? Satan est le Prince de ce monde, il est obscurément l’inspirateur de ce monde. Voulons nous échapper à ce jugement du monde, qui se solidarise avec l’esprit de révolte ? Acceptons-nous le Christ qui est « l’Amen de Dieu » (Apocalypse), le grand Oui inconditionnel à tout ce que nous sommes et à tout ce que nous pouvons devenir dans l’Esprit saint qui fait de nous « une création nouvelle » (Galates 6) ? « Toutes les promesses de Dieu ont leur « Oui » en Lui. Aussi bien est-ce par lui que nous disons notre « Amen » à Dieu » dit saint Paul (II Cor 1, 20).

« L’Esprit saint convaincra le monde au sujet de la Justice parce que je vais au Père ». Nous comprenons peut-être mieux ce que le Christ appelle la Justice. Le Christ est la Justice de ce monde parce qu’il accomplit les promesses du Père en manifestant que sa mort violente sur la Croix n’est pas la fin de son aventure mais une manière pour lui « d’aller au Père » de se solidariser définitivement avec le Père et de réaliser pour le monde les promesses du Père. Cette Justice, parce qu’elle s’exerce d’auprès de Dieu, n’est pas un pur idéal, rêve impuissant de tous les idéologues. C’est Kant, l’homme des Lumières qui évoquait « l’idéal de la raison pratique ». Fragilité de l’idéal, qui est le rêve de l’homme (l’espérance de l’homme) sans la puissance de Dieu. En réalité, dans le Christ, « puissance de Dieu et sagesse de Dieu » (I Cor), la Justice n’est pas un idéal. Elle est l’ultime accomplissement du monde, elle est le salut à portée de main pour « tous les hommes de bonne volonté ».

vendredi 20 mai 2011

Ambiances malsaines

Je viens vous parler de l’affaire DSK. Je ne sais pas si cet homme est coupable ou innocent. S’il est innocent, on lui fait un sort horrible. S’il est coupable, il va payer cash – et c’est justice. Dans un cas comme dans l’autre je n’ai pas à le lapider.

«… alors qu’il n’y a pas mort d’homme!»
Mon petit caillou, si vraiment il fallait en lancer un, je le garderais pour le vieux renard qui est venu dire ses regrets (sur le service public! à l’heure de la plus grande écoute!) que son ami reste au taule, alors même «qu’il n’y a pas mort d’homme». Il s’agit bien sûr de procédure, et de dire qu’en l’absence d’homicide le juge aurait pu libérer DSK. Tout de même l’expression est mal choisie, et le bon sourire n’est pas de circonstance. C’est bien cela qui me choque: plus que la chose, sa banalisation. Il semblerait que DSK soit un serial-harceleur, et que le milieu de ceux-qui-savent… savait. Certains s’en amusaient, d’autres le déploraient, mais au fond c’était «comme ça».

On trouve facilement autour de soi ce type d’ambiances malsaines. On a tous quelque part (exemple fréquent) un copain qui s’affranchit du code de la route. On râle avec lui quand le police le prend - c’était juste un petit coup de fil, juste un petit dépassement, juste un petit apéro. On sait bien qu’il a tort mais bon… et puis tout de même, n’est-ce pas? Jusqu’au jour il écrase une vieille.

Peut-être qu’avec cette affaire DSK on va commencer à comprendre que quand c’est mal, c’est pour de vrai que ça n’est pas bien?

Mise@jour du 20 mai 2011 - Je précise: mon propos n'est pas de dénoncer tel milieu ou tel vice, juste de dire que des actes très regrettables arrivent parce que trop longtemps on a fermé les yeux (voir souri) à des comportements aberrants. Je donnais l'exemple de la vitesse au volant. "Zones30"? On y roule à 50 sans danger d'être verbalisé, les uns s'y résignent, d'autres le revendiquant, les rares qui protestent passent pour des khmers verts, jusqu'aujourd'hui où on lit dans Le Figaro que:
"[...] Il a alors été percuté par un véhicule qui roulait entre 60 et 80 km/h alors que la zone était limitée à 30 km/h, selon les informations d'Europe 1. Le chauffard, qui résidait dans le quartier et était donc connu des habitants, a évité un lynchage des témoins de la scène qui se sont indignés de son comportement. Europe1 précise, par la voix d'un témoin de la scène, que les habitants du quartier l'avaient déjà mis en garde contre sa conduite excessive au volant et les dangers qu'elle représentait pour les passants. Projetée à une cinquantaine de mètres du point d'impact, la victime était décédée rapidement après son transport à l'hôpital. [...]"
Je ne sais pas où va notre société, mais j'ai l'intuition qu'on ne s'en sortira pas sans une "opération vérité" avec nous-mêmes.

jeudi 19 mai 2011

2012 : année politique

Mardi 24 mai 2011 à 20H00: "Liberté, égalité, fraternité?" - Débat entre Frère Thierry et Pascal Hilout - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - suivi d’un verre de l’amitié.

Qui a dit que les Français ne croyaient plus à la politique ? L'histoire de notre Pays est politique, la vie française est politique comme nulle part ailleurs, les familles françaises se construisent sur des traditions spirituelles qui sont avant tout politiques...

Nous sommes à la mi-2011 et la passion politique est en train de nous saisir. La disparition du candidat du FMI, c'est-à-dire du candidat de la Finance et du pouvoir d'achat qui devait l'emporter haut la main, restitue à l'élection qui se profile toute sa saveur politique franco-française, toute sa valeur de compétition.

N'en déplaise à Marianne qui commet le péché de ridicule de faire à nouveau cette semaine sa Une contre... Sarkozy (c'est obsessionnel et à mon avis suicidaire pour le journal), le cadavre du Président bouge encore. Il va vers un regain de popularité... à la Chirac ! Il a tellement tout fait comme Chirac vingt ans après...

Deux petits signes dans le PAF : un livre et un film. Le livre, c'est chez Albin Michel et c'est un essai de Michel Maffesoli intitulé Sarkologies et sous titré Pourquoi tant de haine(s)? Le film est de Xavier Durringer, avec Denis Podalydès dans le rôle du Président et des dialogues signés Patrick Rotman (souvenez-vous : Génération)... Le livre et le film ont en commun de nous introduire à une image très humaine de l'Hyperprésident. Obsédé par le pouvoir ? Sans doute, "et pas seulement le matin en se rasant" selon la formule consacrée. Cynique et connaissant parfaitement les limites de ce pouvoir, dont il joue plutôt que de le mettre en oeuvre ? Très certainement. Mais c'est justement cela qui est terriblement sympathique. Au fond, Nicolas est comme tout le monde. Il a même calculé la date de la naissance de ses jumeaux : en pleine campagne présidentielle ! Le spectacle va commencer !

Platon avait un mot pour désigner cette politique-là, la politique de l'Athènes démocratique, avec laquelle, il faut le dire, il était en délicatesse depuis sa jeunesse : c'est le mot "théâtrocratie". Le film La Conquête est d'abord celui d'un formidable jeu de tous les acteurs : de Guaino à Rachida, quelle crédibilité ! Je ne parle pas de Sarko-Podalydès, éblouissant quand il monte l'escalier en roulant des épaules, derrière un huissier droit comme un i. Mais, dans ce film, si l'acteur est tellement crédible, c'est parce que c'est un comédien (Podalydès) qui joue un acteur (Sarko). La comédie est toujours à la puissance deux, c'est formidable. Les Guignols de l'Info ont compris cela depuis quelques années, souvent imités, jamais égalés : tout cela n'est qu'un jeu. Et il faut jouer du jeu.

Quelle est la question que pose ce grand jeu sous les caméras (jeu dont les joueurs les plus "jeunes", les plus "enfants" dans le film sont les journalistes - ceux qui tiennent les caméras) ?

La grande question est celle de la vérité politique. Il n'y en a pas ? dites vous. Alors ne vous plaignez pas ! Considérez que la politique, c'est comme le cirque, plus l'acrobate prend des risques, plus il est applaudi ! Et applaudissez avec les autres : vous devez bien ça aux casse-cou qui vous amusent.

Si vous répugnez à donner vos applaudissements à la théâtrocratie ambiante, il reste à réfléchir : que faire ? Le spectacle politique banalise tous les enjeux réels. Il en fait de purs impératifs stratégiques. Les questions qui se posent aujourd'hui sont pourtant cruciales : identité des Pays occidentaux littéralement bouffés par ce qu'ils bouffent, auto-détruits par le consumérisme ambiant, crise tragique du système éducatif, qui ne fournit plus d'anticorps pour résister à la dislocation ambiante, rôle de la France dans le monde et mondialisation (sommes nous une province de l'empire ?), culture de mort toujours plus tyrannique et devenue quasi-obligatoire, montée de l'UOIF dans la France des mosquées etc.

La vérité politique est de plus en plus criante: tout le monde a fini par en prendre acte. Reste à entrer efficacement en résistance, dans les familles, reste à éviter le réflexe communautariste en gardant le souci du bien commun (faire des études pour servir et pas se servir, se présenter aux élections, mais aussi et d'abord : s'intéresser, s'informer, réfléchir).

Mais surtout ne pas se perdre dans une synthèse de synthèse "un peu plus centre droit", sacrifiant les yeux fermés à la Correctness ambiante. Essayer, chacun dans son domaine de compétence, avec adresse et courage, de dire la vérité. Une seule goutte de vérité peut changer le monde disait Soljenitsyne, qui a dit la vérité sur le goulag. Et si chacun était capable d'une manière ou d'une autre, en parole ou en actes de dire sa vérité à la théatrocratie ambiante ?

La question la plus pressante me semble être celle de la formation des élites.

Louis XVI a perdu la partie parce qu'il n'était pas formé. Face aux philosophes de son Royaume, rois de la rhétorique et princes des idées, lui, sa formation était purement scientifique et technique. Il se passionnait pour la serrurerie et pour le voyage scientifique de la Belle Poule autour du monde... Il ne comprenait pas la logique du Contrat social, qu'il a d'ailleurs adoptée sans examen jusque dans son Testament. Sans le savoir, sans le vouloir il sciait la branche...

Eh bien ! Je crois que nos élites sont des technocrates qui ne connaissent que la technique de leur "job" (pour un président, pour un homme politique : juste l'art de se faire élire ; pour un conseiller, les secrets bien gardés de l'économie financière) et qui pour le reste n'ont lu que... Zadig et Voltaire, selon le bon mot involontaire de Frédéric Lefebvre. Jusque aux années 60 (en France, symptôme, jusque aux lois Edgar Faure sur le latin), l'humanisme était une culture. Aujourd'hui c'est juste un alibi. Ce qui manque le plus ? L'esprit...

La foi elle-même meurt de n'être plus une Pensée de tout l'homme, coeur et esprit. Elle meurt de se rationnaliser, de se spécialiser, de devenir au mieux juste une petite case dans le mental de l'homme du XXIème siècle, petite case que l'on peut d'ailleur zapper sans dommage. S'intéresser à la politique, c'est d'abord retrouver cet esprit commun, qui a fait la force de l'Occident, cet esprit dont le christianisme est la matrice incontournable, que l'on appelait la culture. Nous mourons d'individualisme à outrance ? Nous mourons de n'avoir plus cet "esprit commun", l'esprit chrétien qui a fait... la laïcité !

Aujourd'hui, première victime de la déculturation, la laïcité ne se pense plus que de manière négative : Signes ostensibles, point ne montrera de coeur ni de consentement ! Si la laïcité veut vraiment être "positive", qu'elle retrouve le secret de la culture occidentale et qu'elle n'hésite pas à le chercher... jusque dans le christianisme. Pour 2012, année politique, nous proposons, au Centre saint Paul, un dialogue entre chrétiens et laïcs. Nous avions samedi dernier une après-midi très riche sur ce sujet. Nous aurons mardi prochain un débat sur liberté, égalité, fraternité, entre Frère Thierry et Pascal Hilout. Et le mardi suivant, nous attendons pour la fin du mois de Mai une belle présentation de Jeanne d'Arc, héroïne nationale, par Françoise Roche. Toutes les idées dans ce registre sont les bienvenues.

mardi 17 mai 2011

[conf] «Universae Ecclesiae» : sur l'application du Motu proprio - abbé Claude Barthe

Mardi 17 mai 2011 à 20H00: «Universae Ecclesiae» : conférence-présentation des instructions sur l'application du Motu proprio - par l'abbé Claude Barthe - L'abbé Barthe revient du Troisième Colloque sur le Motu Proprio, à Rome, auquel participaient plusieurs cardinaux. - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - la conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

lundi 16 mai 2011

Liturgie et théologie

Tout à l'heure, long coup de fil avec mes parents, Rennais aujourd'hui. Mon père me dit son pessimisme quant au maintien de l'Institut du Christ Roi dans cette Ville, malgré une communauté très florissante. L'évêque avait donné deux ans à l'ICRSP... Fin de ce mandat à la Rentrée prochaine. Et peut-être (c'est en tout cas ce qu'il craint), fin des haricots rennais de l'ICRSP... Un prêtre du diocèse est en train d'apprendre la messe traditionnelle à Fontgombault. Est-ce à dire qu'il remplacera l'abbé Cristofoli ?

Je profite de ces craintes paternelles pour vous exposer les miennes.

Nous nous focalisons sur la liturgie, c'est une bonne chose. L'instruction Universae Ecclesiae a gravé dans le marbre du "magistère pontifical" les acquis du combat traditionaliste, recueillis dans la Lettre apostolique Summorum pontificum. Il était impensable que l'Eglise survive en décrétant interdit tout ce qu'elle possédait de plus sacré : la forme ancestrale latine du rite de la Messe, codifié (et non inventé) par saint Pie V à la fin du XVIème siècle.

C'est important parce que cette Liturgie contient, à travers l'atmosphère, les signes, les gestes et les paroles qu'elle manifeste, comme l'esprit du christianisme authentique, esprit de religion, esprit d'adoration, de propitiation et en un mot : d'humilité. L’Église n'aurait pas pu survivre à la perte irrémédiable du rite latin traditionnel. Non pas que le rite latin rénové ne soit pas légitime. Mais le fait d'imposer une dialectique entre les deux rites, au bénéfice du nouveau, était simplement mortifère pour l’Église et amenait à créer des différences entre les deux rites, en éloignant toujours plus, dans la pratique, le nouveau de cet esprit du christianisme que j'évoquais à l'instant - qui est, comme dit Bérulle, l'esprit du Christ "religieux de Dieu".

J'espère que l'on peut parler de tout cela au passé.

Reste la question fondamentale de la liberté du chrétien et de son rapport à la vérité dogmatique enseignée infailliblement par l'Eglise.

Le Concile, parce que l'on a monté en épingle certaines de ses formules, a pu apparaître comme l'apologie de l'individualisme religieux. Je crois que le paragraphe 3 de Dignitatis humanae est emblématique de cet individualisme. Les vérités religieuses, objet de "recherche", de "discussion" d'"échange" (trois mots utilisés dans e assage que je viens de citer) apparaissent largement comme optionnelles... Je suis allé au catéchisme à une époque où les prêtres se disaient couramment "en recherche". Je ne comprenais pas très bien ce que cela voulait dire. Il me semble maintenant que cela consiste à considérer le christianisme juste comme une sagesse, qu'il faut "approfondir" "redécouvrir", "adapter à la sensibilité de chacun" etc. Souvenez vous de la campagne d'affichage pour les catéchisme : des gamins en spéléo qui "cherchent des pistes" (c'était le slogan). On est toujours dans le christianisme comme sagesse ou comme philosophie.

Or le christianisme n'est pas une sagesse qui nous apprendrait : "Deviens ce que tu es". C'est une vérité transformante, qui nous aide à nous dépasser nous-même. Encore faut-il pour cela qu'elle soit reçue telle qu'elle est et que sa vérité s'impose à notre liberté.

Jean-Paul II avait beaucoup réfléchi aux rapports entre liberté et vérité. l'une des chances de sa béatification, c'est justement de nous permettre de ressortir cette question, autour de laquelle tournent plus ou moins les grandes encycliques de la deuxième décennie du Pontificat : Centesimus annus en 91, Veritatis splendor, la bien nommée en 93 et Evangelium vitae (heureux thème du pèlerinage de Chartres cette année).

On peut très bien célébrer l'ancienne liturgie sans prendre conscience de ce primat de la vérité (et donc comme je le disais de l'humilité) sur la liberté individuelle. Cela donne une certaine esthétique,c'est vrai, comme toujours avec l'ancienne liturgie. Mais la pure esthétique (Kierkegaard nous en a prévenu) restera toujours fondamentalement inefficace dans l'ordre spirituel. Disproportionnée. Bref il faut revenir aux fondamentaux de la théologie pour que la liturgie produise son fruit. Je crains que la marginalisation des Instituts ED que l'on voit trop souvent se produire ici et là ne signifie un refus obscur de la charge théologique du combat liturgique.

Comment éviter un tel "oubli" ? En présentant de la manière la plus simple possible, la plus universelle et la moins polémique (mais pas la moins profonde) la signification RELIGIEUSE (et pas seulement esthétique) du Geste liturgique, en montrant l'accord entre le fond théologique et la forme liturgique extraordinaire. Mais peut-être aussi en abordant plus souvent, comme le font les deux derniers Pontifes, les ravages de l'individualisme et du libertarisme à outrance, qui dans l'ordre religieux, aboutit à présenter au monde une foi purement optionnelle.

Nous redonnons les coordonnées de l'abbé Berche

Suite à son terrible accident, l'abbé est en rééducation à l'Hôpital Raymond Poincaré - 104 boulevard R. Poincaré - 92380 Garches - Pavillon Netter, porte 416 (1er étage, chambre 111). Pour y aller en transports en commun, se reporter aux explications postées par Micheline. -- Les horaires sont: du lundi au vendredi : de 16H30 à 20H00 -- le samedi : de 17H00 à 20H00 -- le dimanche : de 13H30 à 20H00 -- L'abbé suit actuellement un régime - il n'est donc pas adéquat de lui apporter diverses douceurs. -- On peut appeler l'abbé au 06.12.61.12.73 (avant 11H00 ou après 16H30) ou le mailer à: alexandre.berche@laposte.net

dimanche 15 mai 2011

Légitimité (suite)

Il me semble qu'il nous faut apprendre ce que c'est que l’Église. Nous sommes tous guettés par une foi individualiste, qui nous fait perdre le sens de la catholicité, c'est-à-dire de l'universalité de l’Église. Le combat traditionaliste, si nécessaire à l’Église pourtant, qu'elle le sache ou non, qu'elle le veuille ou pas, nous a souvent plongés dans cet individualisme chrétien. Ce que l'on remarque, au contraire chez Benoît XVI, c'est ce sens aigu de la protection de l'Institution Église.

La légitimité d'un rite ou d'une décision pontificale, tant qu'elle s'exerce dans le domaine de définition de son Pouvoir, ce n'est pas le fait pour une loi d'être simplement promulguée (on est alors dans ce qui en fonction de cette loi promulguée est légal ou illégal). Est légitime (et non seulement légal) ce qui est profondément représentatif de l'Institution, au point que l'on ne saurait contester le bien fondé [on ne saurait contester le fondement] de telle décision, de telle action sans remettre en cause l'Institution elle-même.

Voici un exemple tiré de l'Actualité la plus... brûlante.

Imaginons... On en a le droit... DSK n'a jamais mis les pieds dans cet hôtel de New York ; il n'est pas accusé d'agression sexuelle ni de séquestration aujourd'hui... Il arrive comme prévu en Europe pour organiser sa campagne. il se fait élire... Un peu de politique fiction : parce que c'est un homme qui a manifestement du mal à contrôler ses pulsions, l'affaire de NY arrive, DSK étant devenu légitimement président de la République française, pour employer un ablatif absolu, DSK représentant la France... On aurait été obligé de dire que le Suffrage Universel avait produit une désignation condamnable (je ne fais pas de politique : je dis condamnable à ce seul titre). Mais personne n'aurait pu dire pour autant que DSK n'avait pas été élu régulièrement et, conséquence, il n'aurait certainement pas passé une journée aux arrêts à New York. Il serait resté légitimement le président de la France. Non pas seulement légalement, mais légitimement car ce titre représente l'institution républicaine : le lui dénier c'est la nier

[ce que vous pouvez faire, en refusant à la République toute légitimité, mais là vous êtes vraiment borderline... en religion, on dit : sédévacantiste... Il y avait en France voici 20 ans une organisation sédévacantiste, qui, cultivant le sédévacantisme non seulement en religion mais en politique, levait des impôts à la place de l'Etat (en réalité : en plus de l'Etat) et procédait à des condamnations par contumace...]

Je fais confiance à votre sens de l'analogie pour appliquer cette métaphore politique baroque [DSK] au problème liturgique pas baroque du tout [la légitimité du rite rénové] qui nous occupe. La formule de l'analogie ? En Métaphysique Lambda 5, Aristote dit qu'est analogue ce qui est "AUTRE DANS LES CHOSES AUTRES". La comparaison avec DSK ne vous plaît pas ? Honi (sic) soit qui mal y pense comme disent nos amis Anglais en prononçant en français la devise de l'ordre de la Jarretière (équivalent de notre Légion d'honneur...).

vendredi 13 mai 2011

Un petit pas de plus

Un journée sans pouvoir communiquer : c'était un vendredi 13 !

Je profite de ce qu'apparemment tout est remis en place sur Blogspot, Google ayant fait le nécessaire, pour dire quelques mots de Universae Ecclesiae, l'instruction sur la Lettre apostolique Summorum pontificum. Elle était attendue cette instruction. On peut dire que Benoît XVI a souhaité donner à ses collaborateurs les moyens d'aller jusqu'au bout de la logique libératrice du Motu proprio.

Jusqu'au bout ?

Disons que les pouvoirs de la Commission Ecclesia Dei sont précisés : "le Motu Proprio Summorum Pontificum, est-il écrit constitue une expression remarquable du magistère du Pontife romain et de sa fonction propre - régler et ordonner la sainte liturgie de l’Église - et il manifeste sa sollicitude de Vicaire du Christ et de Pasteur de l’Église universelle" (n°8). Vous l'avez compris : le Motu proprio n'est pas seulement un acte de tolérance vis-à-vis de quelques traditionalistes attardés (mais dont le nombre s'accroît comme le remarquent conjointement les auteurs du document et Jean Marie Guesnois dans le Figaro ces jours-ci). Il est un magistère remarquable. L'Instruction n'hésite pas à citer Grégoire le Grand et Pie V comme le fit le Motu proprio en 2007.

Bref, il s'agit, avec cette Instruction de graver le Motu proprio dans le marbre : plus moyen de faire machine arrière.

Il s'agit aussi d'en faciliter la mise en application "large et généreuse". Jusqu'à maintenant, le rôle de la Commission vaticane Ecclesia Dei, énoncé au n°11 et 12 de la Lettre apostolique, et qui devait être une instance de recours administratif en cas de blocage, n'avait pas été précisé dans les faits. La Commission n'intervenait pas de façon juridique. Elle reçoit ce pouvoir explicitement de Benoît XVI aujourd'hui - pouvoir d'accueillir un recours administratif qu'ont tous les dicastères, mais qui, dans son cas, n'était pas clairement octroyé : "La Commission pontificale exerce ce pouvoir, non seulement grâce aux facultés précédemment concédées par le Pape Jean Paul II et confirmées par le Pape Benoît XVI (cf. Motu-Proprio Summorum Pontificum, art. 11-12 : voilà pour le passé), mais aussi grâce au pouvoir d’exprimer une décision, en tant que Supérieur hiérarchique, au sujet des recours qui lui sont légitimement présentés contre un acte administratif de l’Ordinaire qui semblerait contraire au Motu Proprio". Et voilà pour le présent. D'une certaine façon, c'est vrai, Universae Ecclesiae n'ajoute rien. Universae Ecclesiae précise. Il n'y a plus possibilité de ruser ou de finasser avec la lettre de Summorum pontificum. C'est la Commission Ecclesia Dei qui est ici chargée de l'interprétation en cas de litige et, s'il le faut de la mise en œuvre d'une solution généreuse. Quelle charge !

D'autant que la situation de la liturgie traditionnelle n'est pas simple. Les fidèles reçoivent ici explicitement un droit, dans la mesure où ils s'organisent en groupes stables (même s'ils proviennent de paroisses différentes) à voir leur demande accueillie.

On me dira : les fidèles ont le droit d'attaquer un acte administratif de l'évêque, d'après le texte (n°10 a). Mais si l'évêque garde le silence. S'il ne produit aucun acte, il ne peut pas y avoir d'arbitrage de la Commission...
J'ai un ami canoniste de haute volée. Il m'a répondu sans hésiter : le silence administratif est un acte administratif...

Ce qui est clair c'est que, dans les cas les plus difficiles, il faudra de bons avocats-conseils : pas de faute de procédure, ça ne pardonne pas !

Il reste vrai qu'une procédure administrative donne raison en général au détenteur de l'autorité (voir le cas récent de l'abbé Michel de Thiberville). Mais, contrairement à d'autres instances comme la Congrégation du Clergé ou même le dicastère pour le culte divin, il faut souligner que les circonstances politiques au cours desquelles se trouvent rappelés et fixés les pouvoirs de la Commission Ecclesia Dei sont exceptionnels. Chaque décision (surtout les premières) sera médiatisée. Bref le peuple de Dieu, organisé démocratiquement en groupes stables, ainsi que le prévoit la Lettre apostolique, pourrait retrouver, à la faveur des circonstances, un lambeau de contre-pouvoir, non ? Qu'en pense Golias ? M'est avis que cela peut tourner à la petite révolution, une révolution pas méchante comme la révolution du jasmin, une révolution de velours... Le pape avait des choses à donner à la Fraternité Saint Pie X. Elle ne l'a pas voulu. A qui donnera-t-il ce qu'il voulait donner, quelle que soit la forme sous laquelle il fera ces dons-encouragements ?

Il faut reconnaître tout de même que dans ce système, les diocèses sont favorisés au détriment des communautés Ecclesia Dei, surtout celles qui sont composées de séculiers (FSSP ICRSP IBP etc.). Restent à encourager tous les évêques vraiment pontifes, faiseurs de ponts, qui acceptent ces communautés dans leur diocèse.

Au chapitre du passif, il y a cette interdiction d'ordonner les prêtres diocésains selon le rite traditionnel : cela donne une vraie spécificité aux Communautés ED. Notez d'ailleurs qu'il y a toujours moyen de tourner ce genre de clause. Je suis sûr que, dans certains cas, si un évêque en fait la demande à la Commission pour tel de ses sujets, il ne va pas obtenir un refus.

Je voudrais insister sur un point : l'article 19 sur lequel Nicolas Senèze dans La Croix insiste lourdement, comme s'il avait besoin de compenser quelque chose, me semble capital : "Les fidèles qui demandent la célébration de la forme extraordinaire ne doivent jamais venir en aide ou appartenir à des groupes qui nient la validité ou la légitimité de la Sainte Messe ou des sacrements célébrés selon la forme ordinaire, ou qui s’opposent au Pontife romain comme Pasteur suprême de l’Église universelle".

J'ai tout de suite remarqué le mot "légitimité" accolé au mot "validité" pour ajouter quelque chose. A ma connaissance, j'ai été le premier à l'employer et cela a fait, sur le FC au temps où XA n'avait pas peur de la contradiction, un beau grabuge. Je gage qu'aujourd'hui on va pouvoir dire que la liturgie rénovée est légitime, sans avoir à s'excuser. J'en suis ravi.

Qu'ajoute le terme de légitimité au terme de validité ? Il signifie que l'on n'a pas le droit d'étudier un rite de manière purement liturgique, sans tenir compte de la dimension ecclésiologique de la liturgie. La res et sacramentum du sacrement de l'eucharistie c'est l'unité de l'Eglise dans le Christ, ne l'oublions pas ! Alors un rite pourra être en lui-même plus ou moins bon, criticable, bonifiable, et parfois formellement condamnable. N'empêche ! S'il est promulgué par le pape, pasteur universel, "dont c'est la fonction propre de régler et d'ordonner la sainte liturgie de l'Eglise" (Universae Ecclesiae n°8)... ce rite est... non seulement valide, mais légitime.

Je me réjouis de l'utilisation de ce terme de "légitimité" dans cette instruction. Etre catholique, c'est reconnaître l'autorité du pape dans le domaine de définition de son pouvoir. Le Successeur de Pierre a pouvoir sur la liturgie. On ne peut nier la légitimité, la validité juridique d'une de ses réformes sans nier son autorité et ainsi détruire l’Église - ce qui est le propre du schisme.

Je crois que l'on n'a jamais le droit de sacrifier les principes de l'ecclésiologie universelle, qui sont les conditions d'existence à travers les siècles de l’Église catholique, aux principes de la théologie sacramentaire, fussent-ils solidement établis. Comme disait Pascal, "il faut tenir les deux bouts de la chaîne". Sacrifier l’Église à la messe ou la messe à l’Église, cela n'a pas de sens. Lorsque je parle de l’Église, je précise que je parle de l’Église universelle (le "seul bercail" de Jean 10, qui ne va pas sans l'unique Pasteur), je ne parle pas de sa petite Église à soi ! C'est si facile de construire pour un temps sa petite Église !

Je n'attaquerai personne nommément : qui se sent morveux se mouche. Quant à moi je n'ai pas l'habitude de cracher dans la soupe qui m'a nourrie. Il y a eu des moments cornéliens dans la crise de l’Église. Grâce à Benoît XVI et à son magistère liturgique, le dilemme se dénoue.

[Note du webmestre - Deux choses: Blogger a effectivement connu une panne mondiale vendredi 13, laissant des dizaines de millions de blogs sur le carreau. Ensuite: pour les articles cités dans ce texte, on se reportera à Google ou à TradiNews]

mardi 10 mai 2011

[conf'] "Le paradoxe Jean Paul II" - par Catherine Rouvier et l'abbé de Tanoüarn

Mardi 10 mai 2011 à 20H00: "Le paradoxe Jean Paul II" - conférence contradictoire, par Catherine Rouvier et l'abbé de Tanoüarn - PAF 5€, tarif réduit à 2€ (étudiants, chômeurs, membres du clergé) - la conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

lundi 9 mai 2011

Le paradis des Bobos

J'ai toujours pensé que seuls les (bons) romans disaient la vérité sur notre vie quotidienne. Il me semble que cette fonction, ils la tiennent toujours. Disons que même les petits romans qui paraissent aujourd'hui (un millier par an en France) continuent à dire ce qui va et ce qui ne va pas dans notre vie quotidienne.

Je vous ai entretenu récemment de L'été 76, deuxième volume d'une sorte d'autobiographie romanesque signée Benoît Duteurtre. Certains m'ont d'ailleurs trouvé un peu sévère, alors que je ne suis pas sévère : admiratif plutôt et surtout curieux. Comment écrit-on son autobiographie en 2011, quand on a 50 ans et que l'on se replonge dans le bouillonnement des années 70 ? La seconde partie de ce livre s'intitule : "Quand j'étais moderne". Manière d'établir une distance radicale et ironique, avec des idéaux qui ne sont plus que des grands mots... vides.

Intéressante tout de même, avant de tourner la page, l'idée qu'en 68 il y avait deux veines, une veine révolutionnaire "dure", le nom n'est pas cité mais je crois que l'on peut parler de Trotsky et une veine chrétienne soft, peace and love etc : "Mon principal allié était l'air du temps : car mes parents, chrétiens militants, influencés par les prêtres ouvriers et Vatican II, se rêvaient libéraux, ouverts sur la jeunesse affranchis des barrières sociales. Mon père lui-même se laissait discrètement pousser les cheveux. il avait acheté un blouson, des disques de Joe Dassin et de Maxime Le Forestier. Allant plus loin encore ma mère s'était inscrite au parti socialiste, au risque de choquer son milieu. Leurs anciens amis leur paraissaient trop conservateurs (...) Un détail les grandissaient à mes yeux. ils avaient l'un et l'autre entrepris une psychanalyse".

Ca c'est de la sociologie ! Vatican II en "acte fondateur de Mai 68" (Z. dixit) et la fusion sociologico-idéologique qui s'en est suivie, donnant ses lettres de noblesse à la fameuse "deuxième gauche" chère à Michel Rocard.

Ce monde est devenu vétuste. On ne le regarde pas sans une sorte de nostalgie cruelle, comme le fait Benoît Duteurtre. Mais par quoi le remplacer ? Le Postlude songeur de L'Eté 76 nous le dit avec une espèce de fougue riogolote et... tout aussi disproportionnée : il faut considérer que "chaque détail de notre vie fugitive paraît plus précieux que les rêves de transcendance". Chaque détail : "la seule éternité qui me paraît désirable serait cette vie concrète encore et encore".

Voilà la religion nouvelle, écolo-bobo type Enfants du Marais... religion du consommateur insatiable, qui ne sait pas qu'il consume en consommant. C'est dérisoire, mais de plus en plus répandu. Cela dit, le chant du monde berce l'angoisse du néant. Il ne la supprime pas.

Il n'y a pas que les romans qui nous disent ce monde nouveau. La sociologie aussi quand elle est un peu connectée.

La description de Duteurtre, c'est l'idéal que Michel Maffesoli appelle Ingrès (par opposition à progrès). Je cite l'un de ses derniers opus. Titre fou : La crise est dans nos têtes. Voilà ce que ça donne : "Je tente un néologisme : Ingrès. A savoir une énergie se focalisant sur ce monde-ci. Un hédonisme ici et maintenant. Un rapatriement de la jouissance. La reprise d'une sensibilité romantique se traduisant par l'attachement aux territoires, l'importance du localisme, l'attention aux produits du terroir etc."

Vous avez remarqué : c'est encore et toujours la consommation qui est aux couleurs du terroir. Il ne s'agit pas de le mettre en valeur ce terroir, d'y travailler, de "cultiver son jardin" comme disait encore Voltaire, qui se souvient qu'un vrai paradis est toujours un jardin. Il s'agit simplement de donner une patrie à ma jouissance (c'est bien le sens de l'expression "rapatriement de la jouissance"), de donner couleur locale à ma satisfaction...

La crise est dans nos têtes, vaticine Maffesoli follement. S'est-il seulement rendu dans une de ces villes du Nord ou de la Picardie où la pauvreté est devenue palpable ? Peu lui importe sans doute. Il met en place la France de la douceur de jouir, qui est d'après Michel Houellebecq dans les 50 dernières pages de La carte et le territoire, la France de demain. Celle des identités light et des produits bios, payés trois fois plus cher, en écot à la nécessaire bonne conscience universelle. Celle où l'on aura oublié jusqu'à... Zadig et Voltaire (n'est-ce pas Frédéric Lefebvre), celle où les Français, ayant zapé non seulement Zadig mais Candide, feront cultiver leur jardin par d'autres (il y a les immigrés pour ça, n'est-ce pas ?), étant devenus incapables de le cultiver eux-mêmes. C'est ça "l'Ingrès" !

La crise est dans nos têtes ? Sans doute finalement Michel Maffesoli ne croyait-il pas si bien dire. Le problème d'aujourd'hui est avant tout un problème spirituel. les réponses à apporter ne peuvent être que des réponses spirituelles. Je préfèrerai dire : non la crise est dans nos têtes, mais : la crise est dans nos coeurs.

dimanche 8 mai 2011

C’est la Péraudière qui étonne

Dans Le Progrès d’aujourd’hui, le journaliste François Guttin-Lombard signe un article sur l’école de la Péraudière, un «incroyable pensionnat catholique» qu’il a visité aux environs de Lyon. Qu’on en juge: «une conception très traditionaliste du catholicisme» bien sûr, mais surtout «pas de télé à l’internat», des enseignants et des élèves qui le soir «balayent les pièces». Et qui l’hiver font du ski «sans remonte-pente!» dans le pré en contrebas. Il y en a même qui, à leur demande, «coupent du bois».

Notez que l’article est écrit sans fiel ni raccourcis faciles: il cite le maire (de gauche) de la commune qui «vient à la rescousse» pour rassurer que ce n’est pas un «repère» de fachos. Il écrit que le niveau ne peut «pas être dû uniquement aux deux prières et au chapelet récités chaque jour». Il décrit une ambiance somme toute débonnaire, et s’il donne la parole au directeur ce n’est pas pour avoir matière à s'offusquer. Sans être forcément séduit, il rend compte, et il n’en revient pas.

Et mon articulet n’entend pas dénoncer une dénonciation (il n’y en a pas), mais s’étonner d’un étonnement. Voilà où nous en sommes en France, en 2011: c’est la Péraudière qui étonne et non… les pétaudières que sont certains collèges de banlieues. C’est à dire des endroits où entrer tant soit peu dans son métier d'élève fait d’un jeune un «bouffon» aux yeux de ses pairs. Voyez «Entre les murs» de François Bégaudeau. Il y a aussi «La journée de la jupe» de Jean-Paul Lilienfeld, plus métaphorique.

Ne vous y trompez pas, je ne suis pas dans la contemption du service public d’enseignement, il y a assez de gens dans le filon : Rachel Boutonnet, Natacha Polony, ou Marc le Bris. Je ne viens pas à le remorque d’un Eric Zemmour. La fonction de Z, quand il parle d’enseignement, ce n’est pas de décortiquer le problème ni même de trouver une solution – mais juste de préparer les esprits aux coupes budgétaires. Je ne dis pas que c’est son intention ou son job – je dis que c’est sa fonction.

C'est qu’une société qui paye des iPhone à ses gamins n’a plus forcément de quoi leur offrir des profs, et que surtout entre l’iPhone et le prof (par exemple de latin?) le choix n’est pas seulement financier. Je ne connais pas particulièrement cette école de la Péraudière, mais je parie sans trop de risque que les enfants n’y ont pas de portable.

La fête du Bon Pasteur

Le texte de ce dimanche du Bon Pasteur est bien connu : « Je suis le bon Pasteur et je mets ma vie en jeu [animam pono] pour mes brebis ». La métaphore pastorale, à l’époque du Christ, est tellement banale qu’elle ne choque pas comme elle peut choquer aujourd’hui. Il est clair qu’être un fidèle du Christ, suivre le bon Pasteur, ce n’est pas être un mouton bêlant dans l’affreux concert du Consensus ambiant, ni non plus un mouton de Panurge, qui se noie sans état d’âme parce que celui qui marche devant lui se noie aussi. Il faut dépoussiérer un peu la métaphore ! Il faut surtout la christianiser.

Comment faire ?

Il faut comprendre que les brebis, dans la mesure même où elles sont la propriété du Pasteur, lui sont précieuses. Elles valent plus que sa vie, puisqu’il « met sa vie en jeu » pour elles. Il ne faut pas oublier la petite parabole de saint Mathieu, dans laquelle le berger va chercher la centième brebis qui s’est égarée, en laissant les 99 autres. Dans les représentations artistiques, on peut voir comment l’allégorie du Bon pasteur fait bon ménage avec la parabole de la brebis perdue : le berger conduit ses brebis, il marche en avant d’elle (et non en arrière : le Christ n’est ni un serre-file ni un Kapo). Et il porte sur ses épaules la brebis qui s’est égarée et qu’il est allé chercher, comme le précieux témoignage du fait que le Fils de l’Homme « ne perd rien de tout ce qui lui a été donné par son Père ». L’Evangile de Jean, vous le savez ajoute : « excepté le Fils de perdition », désignant ainsi Judas.

Nous croyons trop souvent que l’on perd la foi comme on pourrait perdre… son portefeuille. Mais le Christ s’est engagé envers nous. Si nous ne rompons pas brutalement avec lui, si nous nous contentons de batifoler sans méchanceté à droite et à gauche, soyons sûrs qu’il viendra nous chercher et que, d’une manière ou d’un autre, à un moment de notre vie, il nous prendra sur ses épaules. Sa miséricorde n’est pas un vain mot ! Autant sa justice est limitée puisqu’elle s’exerce sur des situations qui posent un cadre à son action de Bon Pasteur, autant sa miséricorde est infinie puisque son seul cadre est celui de la décision du Pasteur. C’est la Subjectivité divine en son souverain caprice qui donne un cadre à la Miséricorde du Christ, et elle seule.

Nous avons célébré dimanche dernier le dimanche de la Miséricorde que demanda Sœur Faustine et qu’institua Jean-Paul II. Je pense que l’on peut dire que, dans le rite traditionnel, ce dimanche de la Miséricorde est bien représenté par le dimanche du Bon Pasteur., celui qui ne refuse rien ses brebis et qui n’en laisse pas une se perdre.

Qui dira la prévenance du Christ, à l’œuvre dans chacune de nos vie ? Qui dira la délicatesse avec laquelle il nous avertit, la manière si douce dont il nous conduit, non seulement dans « les verts pâturages » d’une vie facile, mais aussi dans la voie étroite de l’Evangile, où bien des brebis pourraient se rompre les jambes , mais dans lesquelles on marche avec assurance et fierté, parce qu’on marche à la suite du Pasteur de nos âmes.

La Miséricorde de Dieu n’est pas un dû que nous devrions exiger à tous propos. C’est une réserve de sens et d’énergie, l’assurance d’une complicité permanente avec l’existence. Si Jean-Paul II a réhabilité la magnanimité chrétienne par son exemple et par cette fameuse parole : N’ayez pas peur ! qu’il a mis en pratique le premier durant tout son pontificat, il faut bien comprendre que c’est parce qu’il a tablé tout de suite sur le Seigneur « riche en miséricorde » (selon le titre de sa deuxième encyclique).

La miséricorde de Dieu est la grande pourvoyeuse de notre élan et de notre propre magnanimité chrétienne. En Justice nous n’avons rien à demander au Seigneur, parce que nous ne méritons rien. Mais de sa Miséricorde nous avons tout à attendre : le pain de chaque jour et l’élan de toute une vie. Il nous a acheté « cher » comme dit saint Paul. Nous lui sommes chers. N’oublions pas d’avoir recours à sa Miséricorde !

L’Institut du Bon Pasteur, qui s’est mis sous ce patronnage prestigieux, doit plus qu’un autre tabler sur la Miséricorde jamais démentie de son Seigneur !

samedi 7 mai 2011

La laïcité au Centre Saint Paul

Au Centre Saint Paul, samedi 14 mai 2011, de 14H30 à 18H00: "Dieu et César: quelle laïcité?" - Conférences - PAF

Le Frère Thierry, toujours dynamique et entreprenant,nous offre une nouvelle après midi de réflexion, le samedi 14 mai prochain au Centre Saint Paul de 14 H 30 à 18 H. Au programme, les derniers développements de la question laïque (le Coran est-il compatible avec la laïcité ? par Alain Wagner), le rapport entre laïcité et christianisme par Antoine Assaf, une réflexion fondamentale sur "la colonne du Temple" comme disait le président Chirac, c'est-à-dire sur la loi de 1905 par le frère Thierry lui-même, qui sort de sa réserve et que nous entendrons pour la première fois. Quant à moi j'essaierai quelque chose sur la liberté religieuse : Est-il encore possible d'être opposé à la liberté religieuse ?

Nonobstant le sérieux inhérent à ce genre de colloque, je crois vraiment que l'on va bien s'amuser.

Je voudrais en profiter pour dire quelques mots sur ma manière de concevoir la laïcité.

J'aime à dire qu'en tant que docteur en philosophie, ma démarche culturelle est purement laïque... Il me semble qe ce genre d'affirmation, qui doit faire horreur à une bonne moitié de mes lecteurs, peut faire saillir une question simple : mais qu'est-ce que la laïcité ?

Le principal problème de la laïcité, c'est que c'est un concept récent. En 1908, Ferdinand Buisson, théoricien du laïcisme républicain, expliquait encore qu'il s'agissait d'un néologisme, dont on peut dater l'apparition dans la langue politique des années 1870. Autant le mot "laïc" est un vieux mot ecclésiastique, pour désigner tout ce qui n'est pas clérical, autantle mot laïcité, d'invention récente, n'a pas un contenu très défini.

Aujourd'hui et en ce moment, à Carrière sous Poissy, le Maire plante un "arbre de la laïcité". C'est un petit fait : il est significatif. Autrefois en France, on a planté des arbres de la liberté, pour matérialiser et symboliser l'espérance de tout un peuple.En 1848, le futur cardinal Pie, alors vicaire général du diocèse de Chartres, qui sera le type même de l'évêque intransigeant,avait fait un discours pour bénir l'arbre de la liberté... Il démontrait par là que quelles que soient ses positions sur le rôle de l'Eglise dans la société et sur le rapport de l'Eglise et de l'Etat, il estimait que l'on pouvauit "bénir la liberté". Pourrait-on aujourd'hui bénir la laïcité ?

Mais qu'est-ce que la laïcité ? Un concept à géométrie variable, un mot nouveau et encore mal défini. Je distinguerai pour lors trois significations : il y a une laïcité antichrétienne, une laïcité chrétienne et ce que j'appelle une laïcité émergente.

Laïcité antichrétienne : à la fin du XIXème siècle, l'Eglise a retrouvé un rôle très important dans la société, à travers ses oeuvres (enseignement, santé, aide multiforme aux marginaux), tout en abandonnant clairement le pouvoir politique à lui-même. L'enseignement de Léon XIII a tenté de prolongé cette vision du Concordat, selon laquelle le prêtre est rémunéré par l'Etat parce que l'Eglise a un rôle social clair. Alors que le pape ordonne aux catholiques d'adhérer clairement à la République, la République est de plus en plus ouvertement persécutrice des catholiques. Elle entend récupérer à son profit l'enseignement d'abord, sur lequel elle réclamera très vite un monopole, puis toutes les oeuvres sociales, portées par les Congrégations dont on déclarera que leur présence en France est illégale. Enfin, par la loi sur les associations (1901) et la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat (1905), l'Etat radical-socialiste a entrepris de donner un nouveau statut non seulment aux Congrégations mais à l'Eglise tout entière. Au lieu de la considérer comme une Institution publique, elle devient une simple association privée, parmi d'autres, et, pour faire bonne mesure, sa structure monarchique doit évoluer : association d'associations, elle devra élire des Bureaux, les Bureaux devront élire des présidents. Bref l'antique constitution divine de l'Eglise, monarchique, est reléguée à une fonction de decorum, le pouvoir réel devant revenir à des élus. On sait que saint Pie X refusa cette solution et que de 1905 à 1923, il y eut une véritable zone de non-droit, dont le pape profita pour nommer des évêques sans l'aval de l'Etat (impossible sous le régime du Concordat). La querelle entre l'Eglise et l'Etat prit fin en 1923 : le nonce Cerretti proposa que les présidents d'associations cultuelles diocésaines soient statutairement les évêques, ce qui équivalait pour l'Etat à une reconnaissance de fait de la structure de l'Eglise.

L'accord de 1923 a marqué la fin du laïcisme agressif. Mais la France est le seul pays en Europe qui sera durablement marqué par une tradition laïque forte, interdisant à l'Eglise tout rôle social. Viviani, qui fut président du Conseil, s'écria en 1908, lyrique : "Nous avons éteint des étoiles au ciel, qui ne se rallumeront jamais". Meme si, entre 1923 et 1960, l'Eglise retrouve un certain rôle social, l'idéologie laïque est là, pour interdire au christianisme l'accès à la sphère sociale. L'Eglise doit devenir une dénomination religieuse parmi d'autres. La décatholicisation de l'identité française est en marche.

Sous Pie XI, l'Eglise avait réagi en créant son propre monde, ses propres oeuvres, une sorte de contre société, où tout était catholique : le sport, les camps de jeunes, l'enseignement, le syndicalisme, les romans, la philosophie etc. Cette "Eglise forteresse" a semblé insupportable aux protagonistes du concile Vatican II. La crise des vocations aidant, on a tout bazardé... Aujourd'hui l'Eglise en France est devenue ce que les Viviani, les Buisson, les Combes, les Waldeck Rousseau souhaitaient qu'elle soit : une simple association, qui a de plus en plus de mal à boucler son budget et à trouver des adhérents.

A la prochaine fois pour la conception chrétienne de la laïcité !

[conf'] La Joie Pascale dans l'iconographie chrétienne | Samedi 7 mai, 18H00

Samedi 7 mai 2011 à 18H00: La Joie Pascale dans l'iconographie chrétienne" - par l'abbé Néri et par Tatiana Baliazina - PAF

mercredi 4 mai 2011

Thierry et notre anniversaire

Cher Thierry, ne soyez pas trop modeste. Votre post de réponse à Julien constitue notre plus beau cadeau d'anniversaire. Et pourtant la Journée du 1er mai a été belle : une grand messe magnifiquement chantée par M. l'abbé Laguérie, grâce à l'autorité d'Alix, notre nouvelle "Capel Meister", notre chapelle pleine encore toute l'après-midi pour les conférences, la messe de 19 H célébrée par l'abbé Fournié, elle aussi pleine à craquer, le dîner à 85 couverts qui a suivi aux Noces de Jeannette (un très bon rade pour ce genre d'occurrence : publicité gratuite !). Bref notre amitié. A tout cela Thierry, vous manquiez, vous nous manquiez... Est-ce pour compenser que vous avez décrit le Centre saint Paul à la croisée de plusieurs champs magnétiques ?

Je vous cite pour les gens qui ont le tort de ne jamais lire les commentaires :

"Je levais les yeux et aperçus en contre-jour, une plaque commémorative, sur la façade de l'immeuble qui jouxte le Centre Saint-Paul: "ici naquit Émîle Zola..."
Oui, me disais-je en moi-même, entre Émile Zola qui vît le jour ici-même et Jean Jaurés, qui perdît la vie, à deux pas, tombant sous les balles... au Croîssant!, nul doute que je me sois retrouvé en plein dans un champ-de-bataîlle invisîble, à très forte densîté magnétique et où les seules armes contre le Nihilisme (un synonyme de "réalisme" non?) ne crachent point la poûdre et le feu mais bien l'incandescence des pensées religieuses et merveîlleuses qui me sont interdîtes".

Je ne vous commenterai pas pour ne pas risquer je ne sais quelle figure forcément scabreuse de "tout à l'ego". Je ne retiens que la petite parenthèse-flash : "nihilisme, un synonyme de réalisme, non ?". Elle me va droit au coeur, car elle définit bien notre combat culturel et spirituel (spirituel et culturel). Elle "définit l'ennemi" de manière drastique : au point ou nous en sommes, c'est le nihilisme, et aucun autre "isme". Les "ismes" du passé, que nous avons combattus, nous pouvons nous dire, avec nostalgie, qu'ils représentaient des figures (certes laïcisées, socialisées, politisées) de la foi et de ce point de vue une sorte de moindre mal.

Aujourd'hui ces figures idéologiques de la foi, ces "religions séculières" ne sont plus crédibles ; la foi demeure seule, face à l'ennemi : le rien. Et cette foi, nous l'avons si peu ou si mal. Nous avons tant de mal à mesurer à quel point nous l'avons ou plutôt à quel point (que nous le voulions ou non) elle nous a.

Certains penseront peut-être que je cède à un optimisme pathologique. Vous m'en empêchez, Thierry. En quelque mot, vous parvenez à nous faire comprendre que la foi ni nous ne l'avons tant que cela, ni elle nous a. Car l'ennemi est déjà à domicile en chacun d'entre nous : "nihilisme, un synonyme de réalisme". Votre point d'interrogation final est un point d'exclamation pudique. Vous savez bien que vous avez raison et vous gardez le triomphe modeste. Vous savez bien que le nihilisme est aujourd'hui la forme du réalisme.

Je dis "aujourd'hui", parce que cette identité entre réalisme et nihilisme est de plus en plus communément ressentie comme telle. Mais quand on y réfléchit, cette équivalence ne date pas d'hier. Souvenez vous de Qohélet : "Vanité des vanités... Poursuite du vent". Les érudits nous expliquent que "vanité" renvoie à un mot hébreu qui désigne la fumée lorsqu'elle se dissipe dans l'atmosphère. Oui tout semble bien partir en fumée dans notre monde.

Mon cher Cajétan était lui particulièrement sensible au chapitre 3 du même livre de l'Ecclésiaste : "Le sort de l'homme et le sort de la bête sont un sort identique : comme meurt l'un, ainsi meurt l'autre et c'est un même souffle qu'ils ont tous les deux. La supériorité de l'homme sur la bête est nulle car tout est vanité".. N'est-ce pas là l'équivalence entre nihilisme et réalisme ? Elle se trouve dans le Livre sacré, sous l'inspiration du Saint Esprit. On peut en conclure que cette équivalence, que vous faites saillir entre parenthèses porte un nom biblique : le nom de "vanité".

Je souligne au passage l'étrange solidarité qui existe entre l'homme et l'animal. Au chapitre 3 du livre de Jonas, le roi de Ninive ordonne aux animaux domestiques d'avoir à faire pénitence comme les humains. Est-ce pour leur salut, à ces animaux, et, comme dirait Vatican II en un autre contexte, "d'une manière que Dieu connaît" ? La question mérite d'être posée non seulement, comme l'a fait Vatican II après beaucoup de théologiens, à propos de ces hommes "qui ne connaissent pas leur droite et leur gauche" (pour reprendre une autre expression du Livre de Jonas), mais peut-être aussi à propos de nos frères les animaux...

Je parle des animaux pour que nous comprenions bien que le salut n'est pas un dû pour l'homme. Le salut est une manifestation historique de la Toute Puissance du Dieu qui, ayant ressuscité Jésus Christ, nous ressuscite avec lui. Croire au salut de l'homme, l'Ecclésiaste, auteur biblique, nous le montre bien, ce n'est pas croire en l'homme, mais croire en la Toute puissance de Dieu.

"Il faut remettre la question de Dieu au centre de notre culture" disait récemment Benoît XVI dans ce langage de prof qui lui appartient, dans la grande tradition allemande.

Je crois que le salut de l'homme est en Dieu et en Dieu seul et que lorsque nous disons avec l'Epître aux Hébreux que le Christ est "l'auteur de notre salut", nous disons équivalemment qu'il est Dieu. Que vaudraient ses paroles s'il n'était pas le Fils de son Père ? L'Evangile (la dite "bonne nouvelle") ne serait qu'une parole consolatrice, à côté de beaucoup d'autres, une nième tentative pour nous mithridatiser contre l'évidence du nihilisme.

Le crime de la modernité est d'avoir mis de côté la question de Dieu sous le prétexte fallacieux (comtien) de je ne sais quel culte de l'homme, pour nous faire réaliser ensuite (et ensuite seulement) que, sans Dieu, nous n'avons aucune raison de croire en l'homme. Il me semble que c'est là l'engrenage infernal qui nous fait envisager le nihilisme comme une évidence. La question de Dieu est, par son défaut même, au coeur de notre culture. Nous ne pouvons pas nous en désintéresser ou la considérer comme périmée sans nous détourner de cette expression de nous-mêmes qu'est la culture.

Je vous conseille vivement un petit livre en collection blanche qui ne paie pas de mine : L'été 76 est une sorte d'autobiographie spirituelle signée Benoît Duteurtre. Est-ce parce qu'il est notre contemporain qu'il retient notre attention ? Il a bien compris l'engrenage négatif de la modernité culturel. Mais faute de revenir sur l'acte initial qui a consisté à marginaliser Dieu, en en faisant au mieux un "idéal" facultatif, Benoît Duteurtre, malgré son étrange (et inhabituelle) profondeur dans ce livre, ne parvient qu'à nous administrer, au nom de la littérature française, un nième éloge de la lenteur, une sorte de remake des Enfants du Marais, avec Nature et souvenirs à la clé. Kundera joue ce jeu avec breaucoup plus de naturel. Chez un Benoît Duteurtre, cela n'est pas crédible. Encore une victime de la canicule ! Au Centre Saint Paul, nous essayons, nous, comme l'a bien compris Thierry, de nous remettre de l'été chaud, en sachant que Dieu fait briller son soleil sur les bons comme sur les méchants et que ce coup de chaud, que nous le reconnaissions ou non, nous l'avons tous subi ; nous devons tous nous en remettre. Je dis cela Thierry, à propos des quelques lignes qui précèdent ma citation de tout à l'heure, dans votre post, quelques lignes où vous vous posez, avec élégance, la question du droit d'entrer...

Nous sommes tous les mêmes et tous nous essayons de guérir du coup de chaud culturel de la modernité sans Dieu.

mardi 3 mai 2011

Jean Paul II

Notre sixième anniversaire a réuni beaucoup de monde, et je ne peux que m'en féliciter. Je suis désolé de ne pas avoir rencontré Julien cette fois, mais ce n'est que partie remise ; beaucoup d'entre vous n'ont pas pu se rendre au Centre Saint Paul.

Plus encore que le nombre, ce qui m'a ravi c'est votre amitié, celle des présents bien sûr, mais j'ai pensé aussi à tous ceux qui n'avaient pu venir. Le Centre Saint Paul n'est pas une paroisse et ne prétend pas en être une, mais par la dureté des temps il constitue une communauté, et pas des moins soudées... Ce qui 'empêche pas quelques discords. C'est la vie !

L'un d'entre vous m'écrit personnellement pour me dire qu'il ne comprend pas notre engouement pour le pape-monde. Qui auriez vous imaginé à la place de Jean Paul II, alors que Paul VI s'était mis à dos la gauche (à propos des catholiques de Hollande) en les traitant de "ferment schismatique" et la droite en refusant de laisser célébrer la messe traditionnelle à Mgr Lefebvre. C'est le type du pape libéral, extrêmement dur à l'usage... qui a eu la chance in extremis de trouver en la personne de Mgr L. un bouc émissaire. Mgr L. ? Oui, celui auquel vous pensez.

Mais il est vrai que la fonction de pape monde n'est pas facile à tenir... Voici une première tentative d'élucidation : il s'agit d'extraits.

Comment caractériser le pontificat de Jean-Paul II ? On sait que c’est un des plus longs qui ait eu lieu dans l’histoire de l’Eglise. Durant plus d’un quart de siècle, ce qui s’affirme et ce qui demeurera durablement, c’est une nouvelle conception de l’universalité chrétienne, c’est-à-dire – n’ayons pas peur des mots – de la catholicité. L’enjeu est formidable. Dans cette période de « globalisation », il était essentiel que l’Eglise repense son universalité. Il faut bien reconnaître que, durant le pontificat de Pie XI, cette universalité de l’Eglise s’était présenté de façon militante, comme une revendication interne de l’Eglise. A cette époque, il y avait les mouvements de jeunes catholiques, le militantisme catholique de l’Action catholique, organisée par secteurs de la société, les Partis catholiques, les syndicats catholiques ; il y avait aussi le roman catholique, la philosophie catholique, le sport catholique… Comme Pie XI l’explique clairement dans son encyclique programmatique de 1923 Ubi arcano, l’effort du pontificat a tourné à une vaste confessionnalisation de la vie chrétienne et de la vie tout court. L’Eglise à cette époque a pu donner l’impression d’une citadelle assiégée, et l’on comprendrait presque e Père Chenu de critiquer la doctrine sociale de l’Eglise en y voyant une nouvelle idéologie. L’Eglise était devenue une société chrétienne à l’intérieur de la société réelle.

Le concile Vatican II s’explique largement comme un refus de ce carcan. La fameuse « ouverture au monde » dit bien ce qu’elle veut dire. Il s’agissait de sortir de ce militantisme catholique, dont on avait l’impression qu’il portait avec lui quelque chose de stérilisant ou d’étroit. Comme l’écrivit le Père Congar, il s’agirait désormais de se plonger dans « ce vaste monde ma paroisse » (1959), ou encore, comme il le remarque avec acuité, «alors que, jusqu’au concile (Vatican II), on a vu le monde à partir de l’Eglise, on tend à voir l’Eglise à partir du monde». Voir l’Eglise à partir du monde, faire consister son universalité dans ce renversement de la vision et de l’opinion qu’elle avait eu d’elle-même sous Pie XI. Tel est sans doute l’intuition initiale de ceux qui, à la suite du cardinal Liénart, ont fait de Vatican II ce qu’il a été.

On peut dire que Jean-Paul II, pape conciliaire en cela, a été l’homme qui a voulu mettre en œuvre cette nouvelle vision de l’Eglise dans le monde, cette nouvelle forme de l’universalité de l’Eglise, cette nouvelle manière d’exprimer sa catholicité que l’on appelle « l’Eglise comme sacrement » : l’Eglise au milieu du monde, l’Eglise pour le monde, comme « signe levé à la face des nations » comme témoignage que le salut est advenu au monde. C’est au n°48 de la Constitution Lumen gentium que cette doctrine se formule au mieux, au chapitre 7 de la même Constitution : « Le Christ a institué son corps qui est l’Eglise comme le sacrement universel du salut ». Jean-Paul II dit très clairement à André Frossard : « C’est le concile Vatican II qui m’a aidé à trouver la synthèse de ma foi personnelle, et en premier lieu le chapitre 7 de la Constitution Lumen gentium intitulé Nature eschatologique de l’Eglise pèlerine et son union avec l’Eglise céleste » (N’ayez pas peur p. 90).

Tout son pontificat se ressent de cet inachèvement dans le retour à l’Evangile, qui donne à l’ensemble de son œuvre sa marque propre : une prodigieuse puissance, des virtualités merveilleuses, mais quelque chose qui ‘est pas tout à fait achevé, une prédication duelle, entre la fidélité déchirante au concile Vatican II et les requêtes pressantes de l’Evangile. La volonté de Jean Paul II est de ne jamais avoir à choisir entre ces deux forces spirituelles, celle du Concile et celle de l’Evangile. Il a confiance dans le caractère prophétique du Concile pour la vie de l’Eglise. Il est bien évident que je n’ai pas la même confiance et que je crois qu’un travail reste à faire : non pas celui de récuser indistinctement tout ce qui a été fait depuis quarante ans.

Il me semble que seule l’impéritie grave de pontife successifs ferait renoncer à la prodigieuse amplification de la fonction pontificale, voulue et réalisée par Jean Paul II. Le pape ne peut plus se concevoir comme un président directeur général d’une société à buts spirituels. Il est bien, et pour longtemps, « le point de référence externe de l’unité interne de l’Eglise », il est aussi devenu « le point de référence externe d’une certaine unité spirituelle mondiale » dont il ne faudrait pas dire qu’elle est réalisée, ni même qu’elle est réalisable, mais plutôt simplement qu’elle est en marche et qu’elle deviendra peut être un jour une sorte de fatalité technologique. D’une certaine façon, ce faisant, il a réalisé l’ambition de Léon X, pape Medicis, croyant en l’universalité (c’est-à-dire en la catholicité) de la culture et qui avait fait d’avance le choix d’Erasme contre Luther. La beauté de Rome aujourd’hui, voulue par ces papes de la Renaissance, continue à prêcher dans ce sens. Oui, il est logique, en nos temps de mondialisation, que le pape prenne conscience de lui-même comme pape-monde. Il est normal que la seule autorité spirituelle dressée à la face de toutes les nations, la seule universalité soit celle du souverain catholique. On a cru que la papauté était un vestige du Moyen âge. On découvre qu’il faudra compter avec une papauté plus moderne que tous les Etats. Je pense au fameux vers de Guillaume Apollinaire : « Seul en Europe tu n’es pas antique, ô christianisme. L’Européen le plus moderne c’est vous pape Pie X ». C’était Pie X, c’est Benoît XVI, c’est la même papauté, portant en elle le germe du salut non pas seulement pour un groupe clairement identifié, ainsi que le pensait Pie XI, mais aussi pour toute l’humanité.

Mais en même temps, l’embarras théologique dans lequel s’est trouvé Jean Paul II lorsqu’il lui a fallu accorder les idéaux libéraux qui ont prévalu au concile Vatican II avec la vieille injonction évangélique : « Allez enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » montre assez que son œuvre de géant n’est pas finie. On pourrait multiplier les exemples et constituer un bilan en demi teinte : liturgie, théologie… Tout a été fait et tout est encore à faire. Dans l’immédiat, il faut je crois, aller à l’essentiel ; il faut travailler sur la dialectique entre liberté et vérité, qui apparaît bien comme la pierre d’achoppement de l’ambitieux et prodigieux dessein du pape Wojtyla. A-t-on ce matin béatifié un pontificat ? Je réponds : oui. Mais je crois que l’œuvre est si grande et si belle qu’elle est à reprendre. La deuxième décennie du pontificat nous indique, dans Centesimus annus, dans Veritatis splendor et dans Evangelium vitae, les lignes de force de ce travail nouveau.

On peut caractériser ce que Joël Benoît d’Onorio a appelé récemment l’antimodernité de Jean Paul II à travers trois lignes de forces : Jean-Paul II a dépassé l’humanisme des Lumières qui ne considère que la nature humaine et, se concentrant sur la personne, il voit d’abord son identité culturelle (et donc nationale), puis sa vocation surnaturelle, unique et non reproductible. Sur la question de la vocation personnelle de chaque homme, je signale que Benoît XVI est revenu de manière puissante dans Caritas in veritate, dont la première partie est une véritable anthropologie chrétienne (et wojtylienne).

Ce faisant, il distingue clairement la nature et le surnaturel dans l’homme et dans cette mesure, dans Mémoire et identité, il pourra plaider pour un retour de l’idée de nature en théologie. Cela va d’une certaine façon contre sa prédication sur l’unité spirituelle (ou surnaturelle) du genre humain, dont il avait affirmé, après la réunion d’Assise, le 22 décembre 1986 qu’elle était « radicale, basilaire et déterminante ». Cette tension dans son enseignement a été peu aperçue. Elle est à creuser.

Troisième ligne de force : dans le grand débat entre vérité et liberté, Jean Paul II choisit résolument la vérité comme primordiale et conditionnant la liberté. Ce disant, il prend position de manière définitive, volens nolens, parmi les papes du Syllabus. Mais cette vérité était avant tout pour lui la vérité morale sur l’homme et la dignité de son existence (ce qu’il a appelé l’Evangile de la vie). Reste à montrer que la vérité surnaturelle a la même urgence ou même une urgence supérieure, puisqu’elle représente la Parole vivante de Dieu au milieu de nous.

Tension, inachèvement, l’enseignement de Jean Paul II est certainement matriciel du nouveau visage que devra prendre le christianisme pour se transmettre aux générations à venir. Il doit être reçu avec gratitude, comme le don de Dieu pour son Eglise, mais, parce que transitionnel entre le Concile et un nouvel état de la chrétienté : jamais sans examen.

dimanche 1 mai 2011

Six ans déjà !

Lettre aux amis du Centre Saint Paul - avril 2011 - par l'abbé de Tanoüarn

Chers Amis, cela fait six ans déjà que nous nous sommes lancés dans l'aventure du Centre Saint-Paul. Sans rien devoir à personne, dans le cadre de l'Institut du Bon Pasteur, nous avons construit le seul Centre spirituel de la Capitale qui propose l'intégralité des Offices traditionnels tout en étant à l'intérieur du Périmètre visible de l'Eglise catholique, en bonne intelligence avec notre archevêque. La petitesse des locaux, assurément pas faits pour cela, apparaît aux yeux de tous comme le signe de la dureté des temps. Difficile pour l'Institution ecclésiale de sortir de la crise. Mais le côté catacombes de notre entreprise indique l'importance de notre témoignage pour les formes liturgiques et théologiques de la Tradition catholique. Il y a d'autres solutions, d'autres synthèses possibles dans la grande Eglise, mais personne ne peut nier que celle-là est matricielle - c'est-à-dire, bon gré mal gré, porteuse de l'avenir. Venez fêter nos six ans, en dînant avec nous ou en réfléchissant avec nous sur le pontificat de Jean-Paul II. Il vous suffit de tourner la page ! Je vous bénis de tout cœur et vous souhaite à tous de très joyeuses fêtes de Pâques. -- Abbé Guillaume de Tanoüarn
Journée Jean-Paul II - 1er mai 2011
Place Saint-Pierre à Rome, Benoît XVI béatifie Jean-Paul II. Le Centre Saint Paul, qui fête son 6e anniversaire ce même jour, organise une Journée Jean-Paul II prolongée par un dîner. Pape de 1978 à 2005, Jean-Paul II a changé la face de l'Eglise. Il a été le pape-monde. Au-delà de sa propre personne, il a imposé l'homme en blanc comme la référence spirituelle internationale. Qu'en est-il de ce nouveau style de chrétienté? Faut-il céder à l'enthousiasme collectif ou se réserver un droit et un devoir d'inventaire?

Programme
11H00: La Grand-messe est célébrée par l'Abbé Ph. Laguérie, Supérieur de l'Institut du Bon Pasteur
14H00: Judaïsme, dialogue interreligieux, droits de l'homme : une nouvelle figure de l'universalité chrétienne, Abbé G. de Tanoüarn, directeur du CSP
14H30: Jean-Paul II et les traditionalistes, Professeur Luc Perrin (Strasbourg)
15H00: La politique de Jean-Paul II, Abbé P. Aulagnier
15H30: Jean-Paul II, pape de la liberté religieuse, Guillaume de Thieulloy, essayiste
16H00: Pause
16H30: Jean-Paul II, le "totalitarisme démocratique" et la défense de la loi naturelle, Jeanne Smits, directrice de Présent
17H00: Jean-Paul II et la Vierge Marie: une dévotion personnelle. Un enseignement universel sur le rôle de la femme, Abbé V. Baumann, prêtre au CSP
17H30: Salut du Saint-Sacrement
18H00: De la géopolitique à la stratégie ecclésiale : qu'est-ce qu'un pape de transition ? Abbé G. de Tanoüarn, directeur du CSP
20H30: dîner amical au restaurant "Les Noces de Jeannette" pour les 6 ans du Centre St Paul (25 euros par personne - Inscriptions au dîner avant le 27 avril 2011 après d'Isabelle Rigolot - 06 18 00 55 21)

Pour les conférences : participation aux frais de 10 euros - 5 euros pour les étudiants.