mardi 10 novembre 2020

Ite Missa est et bénédiction

 La formule Ite missa est est assez énigmatique. Missa est un terme qui n'existe que dans le latin chrétien. Il a donné son nom à la cérémonie tout entière : la messe, 

La première traduiction que l'on peut donner de cette formule liturgique est : Allez, la messe est ! On peut, sans dommage, se livrer à une lecture mystique de cette première traduction. Le texte ne dit pas - contrairement à l'expression populaire : "la messe est dite", en employant le verbe dire au passé composé. Le verbe employé est le verbe être, au présent : la messe n'est pas d'abord un dire, la messe en ce sens n'est pas d'abord une célébration. Elle est une action, elle est une réalité qui dure dans le présent. Toute messe, en tant qu'action divine, atteint à un présent perpétuel, celui de Dieu. Celui du Christ assis à la droite de Dieu comme dit l'évangéliste saint Marc, citant sans doute le premier Credo, à la fin de son Evangile. La messe est. Le sacrifice unique du Christ a été réalisé dans tel lieu et à tel moment. Il nous met en état de communion au sacrifice divin pour toujours. Allez ! Vaquez ! Travaillez ! Dans les hauts et les bas de votre existence, la messe est, comme un signe qui vous est donné personnellement comme vous y avez assisté personnellement. Qui vous est donné pour toujours, puisqu'y assistant, vous vous êtes orientés vers ce toujours annoncé par le Christ. "Qui cherche trouve et à qui frappe on ouvrira" dit l'Evangile. La messe demeure comme la réalité de ce que chacun de nous au plus profond de son coeur attend de la vie temporel. Une réalité qui ne change pas, qui demeure : Missa est ! La messe est aussi et d'abord pour les siècles des siècles dans la vie éternelle. Ce qui se manifeste dans les églises, sur les autels de pierre ou de bois, c'est le sacrifice éternel du Fils à son Père, que l'incarnation transcrit en langage humain.

Dans cette perspective la messe se limite au sacrifice que l'on appelle aussi munera. Le cardinal Baronius établit un rapprochement entre "missa" et un mot hébreu "missah" qui signifie oblation (cf. Du Cange). La messe est donc proprement le sacrifice du Christ que nous offrons pour pouvoir y participer. Dans sa XIIème Homélie, saint Césaire d'Arles (470-542), cité aussi par Du Cange, explique bien que missa signifie d'abord le sacrifice :

"Si vous examinez les choses avec attention, vous saurez qu'il n'y a pas messe au moment où dans l'église sont récitées les divines lectures, mais qu'il y a messe quand les dons sont offerts (offertoire) et quand le corps et le sang du Seigneur sont consacrés. Car, qu'elles soient prophétiques, apostoliques ou évangéliques, ces lectures vous pouvez les lire vous-mêmes dans vos maisons, ou vous pouvez écouter d'autres personnes vous les lire. Mais la consécration du corps et du sang du Christ, c'est nulle part ailleurs que dans la maison de Dieu que vous pouvez l'entendre ou la voir. Donc celui qui veut célébrer des messes intégralement, avec profit pour son âme, jusqu'à ce que soit dite l'oraison dominicale (Notre Père) et que la bénédiction soit donnée au peuple, avec un corps humilié et un coeur contrit, il doit se tenir dans l'église".

La messe, c'est le sacrifice du Christ. Les lectures, dans l'eucharistie, restent secondaires, écrit saint Césaire dans le texte que je viens de citer. En ce sens, je ne sais ce que vaut sur le fond le rapprochement établi par le cardinal Baronius entre missa et un mot hébreu qui signifie "sacrifice", mais on comprend que la tradition chrétienne n'a jamais mis sur le même plan les lectures (même la lecture de la parole du Seigneur) et la consécration. La messe est. Missa est Le sacrifice du Christ a eu lieu, comme il aura lieu et continuera d'avoir lieu, et ses fruits demeurent et demeureront pour toujours.

Mais on peut regarder le sens de cet Ite missa est autrement. Le mot latin Missa n'est pas un mot qui fait partie du vocabulaire des tout premiers chrétiens. Les apôtres ne disaient pas qu'ils allaient à la messe mais ils pouvaient dire qu'ils célébraient l'eucharistie. D'où vient missa ? Le mot latin "missa" vient de cette expression "missa est", qui depuis toujours (dans Tertullien, dans Cyprien) donne congé aux fidèles après l'eucharistie. Il s'agit d'un envoi ! Florus de Lyon, ce diacre savant au XIème siècle dont nous avons déjà parlé, propose l'étymologie suivante : missa a dimissione. Chacun de ceux qui ont assisté à la messe sont envoyés dans le monde pour communiquer le salut apporté par Jésus Christ. Et la messe - remissio, dimissio, nous a offert le sacrifice du Christ pour la rémission de nos péchés, c'est-à-dire pour notre liberté croyante. Les biens spirituels reçus au cours de la cérémonie ne constituent pas une fin en soi. Il nous sont donnés pour aller dans le monde y porter la paix du Christ, comme le comprend le nouveau rite : "Allez dans la paix du Christ". On trouve déjà cette formule conclusive sur la paix du Christ dans les Constitutions apostoliques (IIIème-IVème siècle), dans lesquelles d'ailleurs se découvre tout le schéma de la messe latine : Lectures, offertoire, consécration, communion. 

Allez, la messe est ou allez dans la paix du Christ dit le prêtre aux fidèles. Les fidèles répondent "Deo gratias" que l'on pourrait traduire aussi "Merci à Dieu". La messe est l'anticipation sacramentelle de la vie éternelle. Merci à DIeu ! La bénédiction, qui suit, est une conformation de cet envoi solennel, l'occasion d'un dernier hommage et d'un dernier Merci au Béni par la génuflexion qu'elle réclame. Une dernière occasion de recevoir sa miséricorde pour la route.

lundi 9 novembre 2020

Oraison après la communion

 Il est difficile de trouver les traits communs entre les différentes communions grégoriennes chantées après que ceux qui le veulent aient reçu l'hostie. Dans une méditation précédente, j'ai avancé que la communion représentait l'action de grâce du prêtre, se reposant dans le mystère qu'il vient de célébrer et en remerciant Dieu. On peut dire la même chose des oraisons  récitées après la communion, ce que l'on appelle les post-communion. La plus universelle, parmi toutes celles que j'ai relues pour écrire ce texte, je l'ai trouvé dans le propre du samedi de la Passion : 

        "Rassasiés par le caractère somptueux (largitas) de cette cérémonie divine, nous demandons             Seigneur        Dieu, de vivre toujours dans la participation de ce mystère"

Notre destin est la communion avec Dieu. Nous en avons entre-aperçu un accomplissement somptueux (cf. largitas) dans la fonction litugique (munus), parce que cette fonction a quelque chose de divin (divinum munus). C'est en tant qu'elle est divine qu'elle nous a rassasiés, qu'elle a rassasié notre désir, en nous donnant accès à la lumière qui ne finit pas, que nous ne voulons pas voir finir pour nous. Cette lumière, nous la saisissons sous le voile du mystère. Tant que nous sommes sur cette terre, c'est en tant que mystère, dans un dévoilement inaccompli, que nous en jouissons.

Il y a différents types de post-communions, en particulier toutes celles qui correspondent à la fête d'un saint. Dans les fêtes de saints, la seule différence est que l'on associe l'intercession du saint ou de la sainte à cette prière de communion à Dieu. Ainsi la postcommunion du commun des vierges peut se traduire de la façon suivante :

    Tu as rassasié Seigneur ta famille par ces dons sacrés (munera au pluriel : offrandes, sacrifice dans le     latin chrétien), nous le demandons, réchauffe nous par l'intervention de celle dont nous célébrons la         solennité".

On retrouve l'allusion  au rassasiment spirituel. La demande est plus sobre : nous voulons être "réchauffés" par le souvenir de cette célébration en l'honneur de telle sainte. La prière peut être plus forte, elle peut demander plus qu'un simple réchauffement de nos relations avec Dieu . Ainsi la post-communion du samedi des quatre temps d'automne fait appel à toute la théologie des sacrements, demandant que nous soyons configurés au Christ :

    "Que tes sacrements, Seigneur, réalisent en nous ce qu'ils contiennent, pour que ce que nous             accomplissons sur un mode sacramentel par une représentation (specie), nous le recevions dans la         vérité des choses".

Que soit réalisé en nous le sacrifice du Christ, que non seulement il s'accomplisse sacramentellement en dehors de nous, mais qu'il s'accomplisse réellement en nous et pour nous. Et que cet accomplissement réel provoque en nous un désir toujours plus fort comme on le lit dans la postcommunion du Cinquième dimanche après Pâques :

        "Donne nous Seigneur, à nous qui avons été rassasiés par la puissance de la table céleste et de                 désirer ce qui est droit et de recevoir ce que nous désirons".

Mystère du désir mystique à mille lieues du désir charnel. Le désir charnel disparaît une fois satisfait pour renaître ailleurs insatiablement. Le désir mystique naît de la perception de notre faiblesse et de notre mortalité. Il est désir de vivre et désir d'être, jamais satisfait, mais qui peut saisir, dans le mystère de la messe, quelque chose comme un accomplissement possible, au-delà du voile. Cela dit, dès maintenant, nous sommes rassasiés par la puissance (virtute) de la table céleste. Le désir mystique est désir d'une puissance, non pas d'une puissance possédée pour soi, celle là est toujours précaire et insuffisante. Etr c'est pourquoi l'ego ne parvient jamais à satisfaire le moi. La puissance qui nous satisfait, puissance de la table  céleste dit l'Oraison, nous satisfait, nous comble dans la mesure où elle n'est pas attendue, où elle vient d'ailleurs, comme une nouvelle naissance dit le Christ à Nicodème, comme un souffle nouveau, comme un désir surnaturel, nous faisant naître à nouveau. La communion nous fait vivre ce monde nouveau et dans ce monde nouveau cette nouvelle naissance, qu'a réalisé le baptême en nous. Elle bouscule le vieil homme, avec ses habitudes et elle fait advenir une dynamique insoupçonnée, venant d'un désir nouveau, comme une renaissance. 

La communion est la fête et la vérification de ce désir nouveau, de ce désir de Dieu, qui n'est rien moins, comme le pressentait Sandor Ferenczi, psychanalyste dissident, qu'un retour à la naissance, une renaissance.

 

dimanche 8 novembre 2020

Après la communion, le mystère

Tout en purifiant les vases sacrés, le prêtre récite deux prières qui constituent son action de grâce. Parce que la liturgie est essentiellement une action, il n'y a pas d'action de grâce silencieuse, de retrait silencieux du prêtre, comme on le voit dans la nouvelle liturgie. Le prêtre a reçu un munus, une fonction, celle de "confectionner le corps du Christ". Sa subjectivité priante n'a aucun intérêt, elle est mise de côté, la seule chose que l'on attend du prêtre, c'est qu'il accomplisse clairement les gestes et les paroles qui constituent le mystère eucharistique et qu'ainsi il puisse rendre visible, tangible, sensible le mystère pour tous ceux qui y sont initiés ou qui veulent participer à cette initiation.

Ce mot d'initiation peut paraître un peu sulfureux. Il est utilisé en théologie chrétienne, lorsque l'on parle des trois sacrements de l'initiation chrétienne : le baptême, la confirmation, l'eucharistie. Les Pères de l'Eglise, en particulier les Pères grecs (saint Cyrille de Jérusalem), parlaient de catéchèse mystagogique. Le myste est justement l'initié qui découvre le coeur du mystère dans une approche (agogué) surnaturelle, qui est intellectuelle certes, mais pas d'abord et pas seulement. Dans le culte à mystère auquel on se fait initier l'enjeu est vital. Il s'agit de savoir à quelles conditions on peut accéder à la vie après la vie. C'est aussi l'enjeu véritable des sacrements.

On a souvent voulu voir dans la cérémonie chrétienne comme un prolongement des cultes à mystère païen. Mais on s'est trompé lorsque l'on a cherché à élaborer des ressemblances rituelles. La ressemblance est spirituelle et non rituelle. Ce n'est pas un hasard si saint Paul développe toute une théologie du mystère dans l'épître aux Ephésiens. Les cultes à mystère renvoient à un culte de la vie, à la quête désespérée d'une vie qui résiste à la mort. On accède à cette vie de l'au-delà à travers les signes sensibles de la vie terrestre (culte de la fécondité par exemple), qui changent ceux qui se livrent à ces cérémonies et qui tendent à les rendre immortels.

Vu sous cet angle, on peut dire que le christianisme représente la véritable initiation. C'est ce que pensait Joseph de Maistre par exemple. On peut ajouter que le culte chrétien est initiatique, au sens où il s'agit de comprendre l'énigme que représente la célébration, de pénétrer le mystère liturgique, qui donne le mot de l'énigme par des gestes, par des signes, par des textes et surtout par cette mystérieuse action sacrée qu'est la transsubstantiation de l'hostie, qui préfigure notrer propre transsignification. La conversion du pain au corps et du vin au sang du Christ nous rend capable de nous convertir nous-mêmes. Quelle est cette conversion, qui n'est pas seulement psychologique mais ontologique ? Nous sommes nés comme des animaux, doués d'une étincelle de raison. Nous devenons, ontologiquement, par la puissance de l'initiation chrétienne, des fils et des filles de Dieu. Il y a en nous aussi un changement de substance, par la conversion de notre désir le plus profond.

Il ne s'agit donc pas pour une liturgie de séduire, en cherchant je ne sais quel effet d'estrade. Qu'attend-on de la liturgie ? Elle doit seulement se laisser pénétrer par qui veut la comprendre. Faire clairement signe et non pas bredouiller des signaux inintelligibles. J'accompagne en ce moment une catéchumène originaire de Mongolie, à des années lumière de la culture chrétienne, que les Français de souche, eux, portent encore plus ou moins avec eux. Impressionnante est son attitude devant la liturgie. Elle assiste à la messe armée de son gros missel, et elle cherche à comprendre. Elle ne sait pas, elle sent que ce qui se passe est essentiel et, avec toute l'attention dont elle est capable, elle découvre la foi dans sa forme sacramentelle et... efficace, transformante !

Ce mouvement d'intériorisation, d'initiation chrétienne me semble parfaitement exprimé par la première des deux prières du prêtre après la communion. La première personne du pluriel, qui est utilisé dans cette prière, indique que le prêtre prie pour tous les clercs qui l'entourent dans le service de l'autel, mais aussi pour toutes les personnes présentes, il prie pour elles et avec elles : "Ce que nous avons pris par la bouche, absorbons le dans une intelligence pure, afin que, de cette cérémonie qui s'inscrit dans le temps, advienne pour nous un remède pour toujours". Si l'on prend cette prière mot à mot, plusieurs choses peuvent être précisées, qui font penser aux religions à mystère. 

L'emploi du mot latin mens (grec noûs) signifie notre capacité à nous abstraire de la matière et désigne donc ici le grand voyage entrepris, avec le viatique de l'eucharistie, vers la vie éternelle. Nous ne sommes pas dans un vocabulaire chrétien où esprit se dit en latin spiritus ou en grec pneuma. Nous sommes dans un vocabulaire philosophique, qui exprime le phénomène spirituel de la communion, ce passage du corps à l'esprit, que nous garantit la parole du Christ, opérant avec une force divine ce qu'elle signifie à l'aide de mots et de gestes humains. C'est le moment de souligner que cette communion se fait par l'esprit (mens), purement par l'esprit (pura mente), qu'elle n'en est pas moins réelle et substantielle, mais qu'elle ne peut se considérer que comme un phénomène spirituel. Dieu est esprit. Et le sacrement est à la fois matériel en lui-même et spiritualisé par la parole du Christ, qui nous spiritualise nous mêmes lorsque nous le recevons.

Deuxième remarque : l'emploi de l'expression latine munus temporale désigne d'après le dictionnaire Du Cange la cérémonie de la messe, ce que nous appelons encore le service ou la fonction liturgique. Service, fonction, tel est aussi le sens de munus au singulier, dans le latin cicéronien. Munera, au pluriel, dans le langage chrétien, signifie l'offrande, le don, le cadeau, le sacrifice du Christ. Il est utilisé en ce sens au début de la consécration : Haec dona, haec munera, haec sancta sacrificia illibata... Mais restons en au singulier : munus, c'est la fonction liturgique inscrite dans le temps et dans l'espace, mais qui porte en elle le remedium sempiternum, le remède pour toujours.

Telle est la première prière du prêtre, en action de grâce : il la récite en purifiant le calice avec du vin. La deuxième prière, pendant que le prêtre se purifie les doigts, est très différente. Elle est à la première personne du singulier (non pas au pluriel) et elle est beaucoup plus concrète ou personnelle. La première prière nous prépare au grand voyage de notre salut, c'est-à-dire de notre transformation spirituelle ; la seconde prière n'invoque pas notre intelligence comme cela se passe dans la première prière, mais nos viscères : "Que ton corps que j'ai pris et ton sang que j'ai bu adhèrent à mes viscères et fais qu'en moi ne demeure pas la saleté de mes crimes, moi qui ait été renouvelé par la pureté et la sainteté de ton sacrement". Avant d'embarquer pour le grand voyage, il faut laisser propre sa maison intérieure, non seulement avoir reçu le pardon de Dieu pour nos péchés (nos crimes dit la prière : devant la Perfection de Dieu tout péché ressemble à un crime), mais être capable de s'en détacher. Pour cela, il faut non seulement que l'eucharistie m'emmène dans le grand voyage du salut, mais que je me laisse purifier jusqu'au tréfond. Un balais n'est pas toujours suffisant ; l'aspirateur comme tout ce qui est mécanique demeure en surface. Il me faut recevoir du sacrement la grâce efficace qui me détourne de mes pentes si facile à dévaler, même quand je crois les avoir remontées.

Je peux rechuter, mais je garde le Seigneur dans mes viscères, il adhère à moi plus encore que je ne suis attaché à lui. Il ne me laissera pas tomber puisque par la communion, il est en moi.

jeudi 5 novembre 2020

Respect de la vaisselle mais pas seulement

Après la messe, on fait la vaisselle, on appelle cela la purification des vases sacrés. Ce qui pourrait passer pour un geste purement utilitaire est élevé jusqu'à devenir un acte sacré, un acte de respect public du sacré. Il s'agit pour le prêtre de faire disparaître toutes les parcelles d'hostie consacrée qui auraient pu rester dans le corporal (tissu amidonné qui reçoit la grande hostie) sur le ciboire vide (qui contient les petites hosties destinées aux fidèles), sur la patène (sur laquelle repose la grande hostie après le Pater), dans le calice (dans lequel on absorbe les dernières gouttes de vin consacré avec du vin non consacré) ou encore bien sûr sur les doigts du prêtre.

Ce respect de l'eucharistie, ce respect de la présence réelle du Christ dans le moindre fragment de l'hostie tend à disparaître chez un certain nombre de prêtres. Dans la forme traditionnelle du rite romain, les prêtres, lorsqu'ils ont touché l'hostie gardent joints le pouce et l'index, jusqu'à leur purification après la communion. Tant il est nécessaire de marquer le respect de l'hostie et de tout ce qui y touche. Le moindre fragment de l'hostie contient le Christ total enseigne saint Thomas d'Aquin dans la séquence Lauda Sion. Cette théologie de la présence réelle, et la pratique respectueuse qui l'accompagne est une des victimes de la réforme liturgique,. La disparition ou l'amoindrissement des signes de respect donnés à la présence substantielle du Christ dans l'hostie laisse porte ouverte à cette théologie symbolique que le Suisse Zwingli au cœur de la pseudo réforme protestante du XVIème siècle, n'aurait pas  renié. Attention : je ne veux pas dire qu'il y ait une théologie de la présence symbolique du Christ dans les textes de la nouvelle liturgie. Je dis que la pratique liturgique, les rubriques simplifiées et leur observation facultative tendent à constituer, parce que la surnature a horreur du vide, une nouvelle théologie purement symbolique de l'eucharistie. Théologie symbolique à laquelle d'instinct le peuple chrétien est rétif, comme l'avait bien compris un Luther en son temps, lorsqu'il maintint dans sa "Messe allemande" la théologie de la présence réelle, et cela, rappelons le, contre Zwingli. Il y a une logique de l'action, une logique de l'irrespect,, dont les ravages sont plus terribles en matière liturgique que la logique de l'idée. Même de l'idée ou de la théologie fausse.

Quelle est la différence entre présence réelle et présence symbolique ? Le symbole, c'est l'homme qui en décide. Il n'y aurait présence du Christ dans l'hostie qu'aussi longtemps que l'homme en décide, pendant la cérémonie par exemple mais pas en dehors d'elle (dans cette perspective on se passe de tabernacle, il n'y a pas de vénération de l'hostie en dehors de la messe, pas non plus lorsque l'on fait la vaisselle après la communion). Mais lorsque le Christ dit : "Ceci est mon corps", il ne propose pas un symbole ou une parabole, qui serait à prendre ou à laisser, au choix, Le Christ, c'est unique dans l'Evangile, impose cette présence, impose sa présence à l'homme. Dans le discours sur le pain de vie (Jean 6), on voit la réaction très négative de ceux qui, après avoir appris l'apaisement de la tempête, assistent au discours de Jésus ; "Quel est cet homme qui veut nous donner sa chair à manger". Ils s'en vont tous et il ne reste bientôt que les apôtres. A ses apôtres, le Christ ne dit pas : je vous ai parlé en figure, il faut comprendre, c'est une image un symbole. Il dit : "Vous aussi vous allez partir ?" Seul Pierre a le courage de prendre la parole: "A qui irions nous Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle". Autrement dit : Je ne comprends rien mais je crois". 

C'est exactement ce que suscite en nous cette présence réelle du Christ dans l'hostie : "Je ne comprends rien mais je crois". Je crois que la Parole du Christ : Ceci est mon corps, ceci est le calice de mon sang est plus forte que les apparences. Ce n'est pas ma dévotion à l'eucharistie qui fait la présence (comme dans le cas d'un symbole religieux), c'est la parole du Christ qui commande ma dévotion à son eucharistie.

samedi 24 octobre 2020

Heureux les invités...

Il faut reconnaître que le rite de communion des fidèles a totalement changé de sens depuis 50 ans. Aujourd'hui c'est un rite qui signifie la participation de tous au même repas et le partage joyeux et fraternel que cela suppose. On communie pour montrer qu'il faut en être. Ne pas communier est pris pour un acte de mauvaise humeur face à la cérémonie, parvenue au terme de son déroulé.

Le problème ? Dans la tradition de l'Eglise, la messe n'est pas un repas comme les autres, nous l'avons dit déjà : c'est un repas sacrificiel. On lit cela très clairement dans l'Apocalypse, et ce verset est déformé dans la liturgie actuelle : "Heureux les invités au repas du Seigneur" nous fait dire le nouveau rite en français. La parole authentique de l'Apocalypse est moins accorte : "Heureux les invités au repas des noces de l'agneau" (Apoc. 19, 9). L'agneau, c'est l'animal du sacrifice par excellence. Les noces de l'agneau, c'est l'extension de ce sacrifice à tous ceux qui veulent "laver leurs vêtements et les blanchir dans le sang de l'agneau" (Apoc. 7, 14). De façon précise, le lin que porte les saints (19, 9), ce sont les bonnes oeuvres (19, 8),  ces petits sacrifices qui sont adjoints au sacrifice de l'agneau, dans lequel ces offrandes humaines prennent tout leur sens - tout leur éclat, toute leur blancheur. C'est une première approche de la messe que l'on trouve dans l'Apocalypse : la messe est l'assemblée des rachetés, "une foule immense que nul ne pouvait dénombrer", la foule de tous les rachetés "sur la terre comme au ciel" et, ajoute l'apocalypse (5, 13) : sous la terre et sous la mer". La poignée de fidèles qui continue contre vent et marée d'aller à la messe peut se dire qu'elle représente cette foule des rachetés. 

La deuxième approche de la messe est celle du sacrifice de louange qui est manifeste particulièrement aux chapitres quatre et cinq de l'Apocalypse. Par la foi dans l'agneau de Dieu notre louange est transsignifiée. En soi, elle ne consiste qu'à jeter quelques mots sur l'abimes, comme à l'aventure, et en tout cas à la légère. La prière naturelle des hommes n'est qu'une bouteille à la mer. Mais la présence réelle du Christ dans l'eucharistie et la foi qu'elle suscite dans les coeurs, implique un merveilleux sacrifice de louange, que les hommes partagent avec les anges, la terre avec le ciel ainsi que le marque le chant du Sanctus (Apoc. 4, 8). A la messe, la louange de l'homme devient une louange céleste, parce que son objet (la sainte hostie) est divin. Foin des cantiques plus ou moins à l'eau de rose. Disons qu'ils peuvent être simplement une introduction à cette louange qui a effectivement lieu dans le silence de chaque âme, s'offrant au Christ présent, coeur à coeur. "Il est digne l'agneau immolé de recevoir la puissance, la divinité, la sagesse, la force, l'honneur, la gloire et la louange" (Apoc. 5, 12) . Le divin Christ est digne de toutes ces louanges et d'autres encore. Il est l'Emmanuel "Dieu avec nous". Sa présence crée notre louange, qui est ce "cantique nouveau" annoncé par les psaumes et officialisé dans l'Apocalypse (5, 9).

On comprend comment l'Apocalypse insiste sur l'idée du royaume de prêtres.. Chacun effectuant cette double offrande du sacrifice propitiatoire d'une part (celui qui sauve du péché, celui qui nous lave dans le sang de l'agneau) et d'autre part du sacrifice de louange (celui que nous arrache la présence de l'agneau immolé sur son autel), chacun effectuanty en Nom Dieu et pour lui-même ou ses intentions ce double sacrifice mérite le titre de prêtre ; "Des hommes de toutes tribus peuples et langues, tu en as fait, pour notre Dieu - toi l'Agneau - un royaume de prêtres" (Apoc. 5, 10). De la même façon que le ministre est constitué en sainteté par sa communion obligatoire, (comme nous l'avons dit dans la méditation précédente) de la même façon, chacun est constitué prêtre par sa communion, au moins d'intention, au Mystère de Dieu qui se réalise dans l'eucharistie.

A-t-on le droit d'utiliser l'Apocalypse pour comprendre la messe et exprimer ce qu'est la communion, comme nous le faisons ici sans vergogne ? L'un de ses meilleurs interprètes actuels, le protestant Pierre Prigent, ose écrire dans son grand Commentaire : "On peut dire que l'Apocalypse est une interprétation de ce culte (rendu au Christ), une lecture inspirée de la liturgie chrétienne" (P. 105).

jeudi 22 octobre 2020

La communion du prêtre

La communion du prêtre est tellement importante qu'elle ne peut être omise dans la célébration de l'eucharistie. Elle est partie intégrante du rite de la messe. Les laïcs ne sont jamais obligés de communier, le prêtre si. Non pas qu'il soit toujours prêt personnellement à le faire mais parce que le rite l'exige. La messe serait incomplète sans la communion du prêtre. Dans le rite traditionnel elle est donc nettement séparée de la communion des fidèles qui par ailleurs est optionnelle non seulement pour tel ou tel individu, qui peut communier ou non (il est absolument libre), mais pour l'ensemble de l'assistance, dont il est juste nécessaire qu'elle soit représentée par un servant, qui lui-même n'est pas obligé de communier.

Cette communion obligatoire du prêtre est à l'origine de son devoir de sainteté : on disait couramment : le prêtre est un autre Christ. Il est l'homme qui communie au Christ, il est christifié. Avant d'être un leader de communauté, le prêtre doit être donné au Christ. Il a été à la mode dans les années 60 (je pense à tel texte de Jacques Maritain dans Approches sans entraves) de soutenir que le prêtre séculier (par opposition au religieux) avait un rôle purement instrumental ou fonctionnel, pour l'Eglise. Dans le même sens que Maritain et ses vieilles lunes, Mgr Wintzer déclarait récemment : "Le prêtre n'est pas un homme sacré. L'évêque non plus. Nous sommes des personnes qui ont été appelées pour un service, pour une mission" (RCF 8 mars 2019 cité par Cyril Farret d'Astié, Essai sur les 50 ans du missel de Paul VI p. 176). 

C'est vrai ; Mgr Wintzer a en partie raison sur le service, mais il a tort sur le sacré. Le prêtre doit obéissance à l'Eglise car par sa fonction vis-à-vis des sacrements, il construit l'Eglise. Il est ministre au service de ceux qui ont besoin de ses services. Son rôle n'a rien d'original ou de personnel, il doit s'effacer pour donner les sacrements ou les laisser donner par un autre prêtre. Mais c'est bien lui qui les donne, c'est lui qui a pouvoir de consacrer le pain et le vin et de pardonner les péchés au nom du Seigneur, c'est lui qui baptise de façon ordinaire (lui ou le diacre), c'est lui qui bénit les mariages en en validant les deux ministres (lui ou le diacre), c'est lui qui donne le sacrement des malades comme le stipule l'épitre de saint Jacques en son chapitre 5, et quel rôle d'accompagner les fidèles jusqu'à la mort ! Mais ces rôles du prêtre, ces différentes fonctions, il ne les remplit que parce qu'au nom du Seigneur, il accomplit son sacrifice "pour la rémission des péchés". Avant même d'appartenir à une structure, si sainte soit-elle, le prêtre est ainsi vraiment l'homme de la messe, come l'avait bien compris Mgr Lefebvre : c'est l'homme qui vit ce qu'il célèbre : Imitamini quod tractatis ! Imitez ce que vous faites a-t-il entendu le jour de son ordination. Vivez ce sacrifice que vous portez dans vos mains. Communiez y, ou pour parler comme l'Ecole française de spiritualité : soyez en état de communion. Qu'à tout instant on puisse dire : sa générosité est celle du Christ. Elle nous fait penser au Christ.

Ainsi le prêtre, communiant au Christ, n'est pas un simple instrument. La conception instrumentale du sacerdoce, en vogue dans les années 50, est insuffisante. Il est l'homme qui vit le sacrifice du Christ, en communiant chaque fois qu'il le célèbre à ce sacrifice auquel il s'identifie. Ainsi peut-on dire qu'il n'est pas seulement instrument, mais aussi continuateur de Jésus Christ, achevant son sacrifice ("ce qui manque à la passion du Christ" dit saint Paul), en l'accomplissant jusque dans sa personne. C'est en ce sens que l'on peut comprendre le célibat du prêtre du point de vue spirituel. Le prêtre ne prie pas seulement avec des mots, il prie avec sa vie offerte en union et continuation de l'offrande du Christ. Le célibat est une participation, une communion au sacrifice du Christ. En ce sens chaque prêtre ajoute quelque chose à Jésus Christ, dans la manière particulière (unique) qu'il a de le vivre ou de communier à son mystère.

Vous me direz : ce que j'écris là est valable pour tout laïc : c'est vrai. Mais pour le prêtre cela vient de son office. Non pas d'une grâce particulière qui peut toucher effectivement n'importe quelle âme, mais cela vient de ce qu'il est et de ce qu'il ne peut pas perdre : le caractère ineffaçable par lequel il est uni, par lequel il communie fraternellement au Christ. Il n'a pas besoin de se poser des question ; comme prêtre, communiant au Christ ex officio, il est dans sa lumière et ne peut en sortir que par effraction.

On peut aussi penser que c'est pour cela que, dans la tradition catholique, seul le prêtre communie sous les deux espèces du corps et du sang du C hrist. Il est seul le communiant par excellence, alter Christus, sa communion au Christ est non seulement son être même (comme on peut le dire de n'importe quel bon chrétien), mais sa fonction sacrificielle (officium dit Cajétan), fonction qui le définit pour le temps et pour l'éternité.

samedi 17 octobre 2020

Je ne suis pas digne...

« Seigneur, je ne suis pas digne ». Ces simples mots résonnent en latin, trois fois répétés à haute voix par le prêtre qui célèbre les saints mystères, juste avant qu’il ne communie, histoire d’abord qu’il n’oublie pas la médiocrité de son humanité – son indignité devant le Seigneur. A chaque fois, le prêtre continue sotto voce, reprenant les paroles du centurion romain (Matth. 8, 8) : « Je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit mais dites seulement une parole et mon âme sera guéri ». La parole évangélique était : « mon serviteur sera guéri ». Cette légère modification est un antique coup de génie, dont on ne connaît pas l’origine. Elle permet d’appliquer au communiant (le prêtre d’abord, ensuite les membres de l’assemblée) non seulement le sentiment d’indignité mais la foi du centurion romain qui prononce ces paroles dans l’Evangile.

Le centurion, rappelons-le, vient supplier Jésus de guérir son serviteur qui est à la mort. Il a compris que le Seigneur n’est pas un thaumaturge ordinaire. Un thaumaturge ordinaire touche le malade qu’il est censé guérir. Le Seigneur, maître du ciel et de la terre n’a pas besoin de se rendre au chevet du malade. Manifestant sa divinité, pense le centurion, il peut le guérir à distance. A Capharnaüm par exemple, on amène à Jésus un paralytique pour qu’il fasse un miracle. Ce Romain, qui n’est pas initié aux prophéties de l’Ancien Testament, qui regarde la situation avec un regard neuf, comprend d’instinct, comprend par la foi que le Christ n'a pas besoin de se rendre auprès du malade, que le pouvoir du Christ s’étend sur le ciel et la terre. On retrouve la même idée au chapitre 4 de saint Jean, qui raconte la guérison du fils d'un intendant royal : elle s'est passée, à distance, au moment même où le Christ avait dit : "Ton fils vit". De même nous, lorsque nous communion, nous voyons du pain, nous goûtons et nous touchons du pain, mais nous comprenons que sous cette apparence matérielle, par un miracle divin, par une transformation surnaturelle, le Christ, maître du temps et de l'espace, est devenu ce pain. Et Jésus admire notre foi dans son sacrement, comme il admira, dans saint Matthieu, la foi du centurion, dont nous prenons la place en reprenant ses paroles : Domine non sum dignus.

Voilà l'oeuvre de la communion : nous reprenons les paroles du centurion, nous prenons sa place et nous recevons comme lui le regard admiratif du Christ pour la foi qui nous anime.

 Ce qui est frappant dans le rite de communion, c’est l’absence de grandes prières de louanges ou d’action de grâce. La liturgie, par les gestes de révérence qu’elle réclame, impose aux célébrants et aux assistants le respect et même, à travers les génuflexions et les agenouillements, les conditions extérieures de l’adoration intérieure, mais s’abstient de tout développement théologique, laissant le communiant trouver les mots pour manifester son émotion spirituelle. Quand on supprime ces formes extérieures, jusqu’à recommander la communion dans la main, le rite latin se trouve extrêmement pauvre, doctrinalement minimaliste, jusqu’à l’obscurité. Aujourd’hui, la nouvelle forme du rite latin devient souvent une forme rituelle rapidement exécutée, j’allais dire exécutée pour la forme et relayée par des cantiques aux paroles fortes, à la piété efficace, mais qui ne constituent pas, qui ne peuvent pas constituer l’action sacrée.

C’est à chacun d’accueillir le Seigneur dans sa demeure comme il en est capable, avec les sentiments qui sont les siens hic et nunc ou les mots qu’il ramasse dans sa mémoire. Le « dit » du mystique n’est pas du ressort de l’action sacrée qu’organise la liturgie. Autres sont les paroles et autres les actions. La liturgie latine fait poser des actes de respect mais, parce qu’elle a choisi la brièveté, ne se préoccupe pas de la mise en mots. « Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur qui entreront dans le Royaume de Dieu, mais ceux qui font la volonté de mon Père qui est au Cieux ». Si l’on veut pousser le paradoxe au plus loin : la liturgie ne nous convoque pas à une réunion de prière, les chants de louange et d’action de grâce ne sont pas immédiatement liturgiques. La liturgie est une action enracinée dans l’espace et dans le temps. Quelle action ? Une action sacrée, un sacrifice. L’étymologie du mot est significative : sacrum facere : faire le sacré.

Ainsi, utilisant pourtant toujours les mêmes prières et les mêmes paroles, la messe célébrée est une action, chaque jour différente, animée de sentiments d’offrande qui ne sont pas les mêmes et couronnée par un acte de communion avec Dieu, avec l’Infini, avec l’amour absolu, qui vibre toujours un peu autrement, tout en représentant chaque fois une image créée de l’Infini auquel on communie, qui est une image différente. Je pense à cette idée de saint Thomas d’Aquin dans son Traité de la création, qui explique que la multiplicité et la diversité des créatures sont des images de l’Infini divin. Chacune de nos communions est différente parce qu’en chacune d’elle, l’étant créé que nous sommes se connecte autrement à l’Infini divin.

Les prières de la communion ne sont donc pas des textes lyriques, comme on en a vu beaucoup dans les livres de prière du XIXème siècle. Tirée du propre de la messe, la communion, qui peut être chantée en grégorien, reste le seul témoin de la louange liturgique à ce moment de l’action liturgique. Et souvent c’est un texte court, le plus souvent un verset de psaume, qui sert de refrain à la récitation du psaume. Exemple ? « Goutez et voyez comme le Seigneur est bon. Heureux l’homme qui espère en lui » (Psaume 34, 9). C’est la communion du 14ème dimanche après la Pentecôte. Hymne d’espérance dans le soutien de Yahvé. Hymne de joie dans la communion au Seigneur. Pour exprimer les sentiments de piété devant le miracle de la transsubstantiation, on ne s’autorise pas à trouver des paroles originales, mais on donne leur sens maximal aux paroles de louange que le Psalmiste avait trouvé sous la motion du Saint Esprit… quelques siècles avant le Christ…

 

samedi 10 octobre 2020

Je vais prendre le pain du Ciel...

C'est par une phrase très simple, toute factuelle, prononcée en silence, que le prêtre annonce qu'il va communier : "Je vais prendre le pain du Ciel et j'invoquerai le nom du Seigneur". Pas de théâtre ! Pas de sentiments affichés. 

Le Père Lebrun aurait aimé pouvoir dire qu'elles marquent un véritable désir de Dieu, nécessaire pour communier : "Ces paroles conviennent à une âme qui sent le besoin qu'elle a de Jésus-Christ, à une âme affamée du pain céleste, qui se trouve comblée de joie à la vue de cette divine nourriture. La faim spirituelle doit précéder la nourriture céleste". Dans la note a de son ouvrage il invoque deux ou trois missels, qui traînaient dans de vieilles armoires depuis le IXème et le Xème siècle (le missel de Remiremont et deux missels de Troyes, où l'on trouve en cette place la rhétorique du désir de Dieu, comme s'il fallait s'exciter à désirer Dieu avant de communier.

J'ai un grand respect pour le Père Lebrun, que j'ai souvent utilisé dans cette longue explication de la messe. Mais cette fois je me permets de dire que je ne suis pas d'accord avec lui. Le désir de Dieu est une grâce et comme à propos de toutes les grâces, on peut dire qu'il n'y a pas de mode d'emploi pour l'éprouver. C'est un don de Dieu ou et quand il le veut. Je me souviens de cette personne, rencontrée dans le sud de la France, qui n'avait aucune culture chrétienne mais qui était inexplicablement attirée par la messe qu'il allait suivre durant ses études dans une célèbre église du Cinquième arrondissement. Il ne connaissait rien : "J'ai fait comme les autres, me levant quand ils se levaient, m'agenouillant quand ils s'agenouillaient. Et un moment j'ai vu qu'ils allaient chercher une sorte de pastille blanche, je me suis avancé, j'ai fait comme eux, je suis revenu à ma place et là je n'ai rien compris : j'ai pleuré pendant un quart d'heure". Ce monsieur, certains d'entre vous ont peut être pensé qu'il avait commis un sacrilège en s'avançant pour communier. Mais Dieu l'attendait là. Il n'avait pas respecté le mode d'emploi mais c'est cette communion qui l'a fait devenir catholique.

Comment voulez-vous que l'on obtienne de telles larmes sur commande ? On communie avec attention, avec la conscience aigue de celui que l'on reçoit, avec la volonté d'ouvrir au Christ toutes les portes de notre maison intérieure. Mais non ! On n'éprouve pas sur commande le désir de Dieu, ce désir tellement efficace qui nous terrasse pour toujours, quand nous l'avons une fois éprouvé

Qu'est-ce que l'on éprouve alors, si ce n'est pas le désir de Dieu ? Un profond et calme sentiment d'amour, une volonté d'appartenance. Il y a une belle doctrine thomasienne selon laquelle l'amour est (malgré les apparences) antérieur au désir : c'est le premier sentiment humain. On la trouve par exemple, cette doctrine, dans le Commentaire du psaume 37 : "Le premier mouvement de l'affect se dirigeant vers un objet est un mouvement d'amour, comme je l'ai déjà dit dans le Traité des passions de l'âme. Ce mouvement est inclu dans le désir comme la cause dans son effet. Si l'on désire quelque chose, c'est qu'on l'aime.. Mais l'espérance elle-même comporte un certain désir avec comme un déploiement de l'esprit qui tend vers quelque chose de difficile à atteindre. De la même façon donc que le mouvement de la connaissance accompagne le mouvement de l'amour, de la même façon le mouvement de l'amour accompagne le mouvement du désir ou de l'espérance. Comme ce qui est appréhendé meut l'amour, de même l'amour meut le désir ou l'espérance". Texte difficile ? Peut-être un peu. Mais il me semble qu'il nous indique bien comment communier : avec ce sentiment d'appartenance qui vient de l'amour mais sans croire que notre désir serait capable, par lui-même, d'éprouver l'élan infini que suscite la présence sentie de Dieu.

vendredi 9 octobre 2020

Le sacrilège

La troisième prière du prêtre, avant de communier, peut paraître la plus... antimoderne ! Nous avons tous en tant qu'homme modernes, la sensation qu'à travers notre communion à l'autel, nous apportons quelque chose au Christ, notre adhésion, notre "clientèle". Par ces temps de COVID, lorsque c'est le prêtre ou l'évêque qui fait le tour des assistants ou lorsque l'on va communier par travées entières il est difficile de rester à sa place. Pourquoi ne pas faire comme les autres ? Pourquoi, alors que l'on vient avec une bonne intention, se dispenser de la communion ?

Cette prière nous le dit: "Que la réception de votre corps, Seigneur Jésus Christ, que je prends tout indigne que j'en sois, ne provoque contre moi ni jugement ni condamnation mais que par votre miséricorde, cela me profite pour la vie éternelle". 

Certaines communions peuvent être inopportunes parce que à ce moment, l'on n'est pas en état de recevoir le Fils de Dieu dans sa maison intérieure, soit que l'on ait été distrait durant toute la sainte messe, sans se donner la peine de suivre la liturgie, soit que l'on ait commis un péché grave, non pardonné. Saint Paul le premier, dans sa Première Epître aux Corinthiens, nous invite à un examen de conscience, avant la communion. "Que chacun s'examine et qu'alors il mange de ce pain et boive à ce calice. car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation s'il ne discerne pas le corps du Seigneur" (I Co. 11).

Ces paroles ont fait couler beaucoup d'encre. Dans son Traité de la fréquente communion (1643), le janséniste Antoine Arnauld entendait rendre obligatoire une pénitence pour le péché commis avant que le pécheur ne reçoive l'absolution sacramentelle et ne puisse de nouveau communier.  On distinguait ainsi dans la confession l'acte d'accusation du pénitent et l'absolution donnée par le prêtre après que la pénitence ait été dûment effectuée. C'était la méthode spirituelle de Jean Duvergier de Heaurane, abbé de Saint-Cyran. Une méthode en vaut une autre, ce genre de démarche virile a pu fixer les pénitents dans le bien en leur permettant de renoncer aux habitudes de péché ; cette façon d'insister sur la gravité du péché commis évitait que l'on ne considère le sacrement de pénitence comme un distributeur automatique de pardon. Mais rendue obligatoire par le génie systématique d'Antoine Arnauld, qui n'avait pas hésité, dans son ouvrage, à appeler tous les Pères de l'Eglise à sa rescousse, elle tendait à faire de la communion non pas un remède à notre faiblesse, mais une récompense donnée uniquement à certains, ceux qui l'avaient mérité. On tombait ainsi dans une forme de rigorisme, une sorte de pélagianisme sacramentel, paradoxal pour ceux qui se revendiqueront tant du grand adversaire de Pélage que fut saint Augustin.

Il ne faut pas dramatiser la communion sacramentelle, le Christ a institué ce sacrement pour nous aider, pas pour ajouter un obstacle au parcours du combattant de la foi chrétienne. Simplement, on doit, je crois dire deux choses : 

Premièrement : cela ne sert à rien d'avaliser une assistance à la messe baclée par une communion distraite. Lorsque l'on a du mal à atteindre son niveau spirituel ordinaire, pourquoi ne pas pratiquer un jeûne de l'eucharistie, en demandant au Seigneur qu'il dispose nos coeurs pour le recevoir dignement, la prochaine fois ? Nous reviendrons sur la communion spirituelle, mais ce peut être une grande aide, lorsqu'elle ne nous est pas imposée par les diktats de l'administration ecclésiastique, qui sur ce point a montré récemment qu'elle valait bien l'administration civile, lorsque par exemple de sa propre initiative, elle contraint ses fidèles à communier dans la main.

Deuxièmement : lorsque l'on s'estime coupable d'un péché grave, mieux vaut trouver un prêtre et se confesser avant de communier. Ne craignez pas de déranger le prêtres qui fait des salamalecs à ses paroissiens en lui demandant une confession. C'est son devoir le plus strict de prendre le temps de vous entendre dans le sacrement de pénitence. 

Il ne faut pas non plus tomber dans le scrupule. La communion est elle-même un remède aux péchés qu'elle efface en faisant rayonner la divine présence dans nos coeurs. L'Eglise néanmoins, par précaution, oblige à la confession pour les péchés graves, avant de pouvoir communier de nouveau. Cette démarche d'humilité nous rapproche du Christ, tant il est vrai que l'on ne peut s'approcher de lui qu'à pas d'humilité et que l'orgueil de celui qui revendiquerait hautement son état de grâce est avant tout pour lui le meilleur moyen d'en sortir.

Si l'on regarde bien, n'est-ce pas cette humilité face au Seigneur qui nous manque cruellement dans la réception du sacrement de l'eucharistie ? On en a perdu l'habitude, parce que l'humilité est une vertu antimoderne, comme je le disais en commençant cette méditation. Gardons nous de moderniser l'eucharistie en la vivant avec une mentalité d'ayant droit. Face au don total du Seigneur, nous n'avons aucun droit et nous sommes tous indignes. C'est l'humilité dans laquelle nous nous approchons de la Table sainte qui nous permet de participer au Banquet divin. Si sacrilège il y a dans la réception de l'eucharistie, il ne vient pas de notre indignité ; nous sommes tous indignes. Le sacrilège eucharistique passe formellement toujours par le manque de conscience de notre indignité.

vendredi 2 octobre 2020

La mort et la vie

Dans sa deuxième prière avant la communion, le prêtre invoque le Fils de Dieu qui donne la vie et délivre du mal. "Par ta mort tu as donné la vie au monde". C'est le paradoxe inaugural du christianisme. La vie nous vient de la mort. Il ne faut pas en avoir peur. Nous ne participons à la résurrection du Christ, que parce qu'à un moment ou à un autre, d'une façon ou d'une autre, nous avons traversé (ou nous allons traverser) sa mort. 

Croire au Christ, c'est croire en la vie à toute épreuve, c'est croire que la vie aura toujours le dernier mot, malgré les apparences. Croire au Christ, c'est toujours d'une manière ou d'une autre parier pour la vie. Ceux qui s'imaginent que le pari de Pascal ne concerne que les libertins à l'attention desquels il aurait été écrit ne mesurent pas qu'à l'origine de l'acte de foi se trouve toujours un incoercible appétit de vivre, on découvre cet ardent désir qui saisit toute la création d'après saint Paul (Rom. 8) et aussi cette curiosité dévorante, cette volonté de se survivre pour comprendre le mystère de l'univers. C'est tout cela qu'autorise et qu'exauce l'acte de foi. 

Notez que la prière ne dit pas : "par ta mort, tu m'as donné la vie". Là encore ce serait prétentieux. Ce qui est dit ? "Tu as donné la vie au monde". Le monde ici signifie d'une part l'ensemble des humains qui ont la grâce suffisante et parient pour la vie, parient pour l'ordre, parient pour le bien, ayant reçu des graces que Dieu connaît. Mais le monde signifie aussi notre terre, notre univers, tout ce qui est marqué par l'esprit divin et que Dieu ne peut abandonner au néant. Dieu ne peut abandonner au néant l'univers matériel qu'il a voulu. Nous nous dirigeons vers les cieux nouveaux, vers la terre nouvelle, vers la nouvelle et définitive création, où tout ce qui a été créé trouvera un sens pour toujours (Apoc. 21, 4-7 voir II Pierre 3, 13 cf. Is. 65, 17 ; 66, 22. Ez. 36, 26). Il faut entendre la vie du monde en ce sens tout littéral. Ni le néant, ni la corruption ne l'emporteront sur l'être. 

Cette formule "par ta mort tu as donné la vie au monde" signale la délivrance et l'accès enfin à la paix de Dieu. Si un tel destin est offert au monde, je ne peux en être exclu : "Délivre moi de toutes mes iniquités et enfin de tous les maux". L'iniquité c'est le péché contre Dieu. Les maux c'est le marasme ordinaire dans laquelle la créature se débat. Nous demandons , chacun à la première personne du singulier, d'être libéré des péchés et de tous nos maux. En communiant à l'autel, nous découvrons en nous un nouveau désir et une nouvelle vie. Celle qui nous portera à toujours.

jeudi 1 octobre 2020

Donnez la paix à votre Eglise

Après cette dernière prière publique à l'Agneau sacrifié, le prêtre se prépare personnellement à communier par trois prières magnifiques que chaque fidèle peut reprendre à son propre compte. Ces trois prières se caractérisent par un même sentiment d'humilité : "Celui qui s'abaisse sera élevé, celui qui s'élève sera abaissé", une humilité qui n'est pas proclamée (sauf dans la dernière des trois), mais qui est exprimé très fortement, sans que le mot ne se trouve jamais employé. Il est tellement difficile du point de vue de l'authenticité de proclamer : Je suis humble !...

"Ne regardez pas mes péchés mais la foi de votre Eglise". Voilà une prière pour tous ceux qui n'osent pas s'avancer vers le Seigneur, car ils s'estiment trop imparfaits, trop ordinaires, pour pouvoir retenir l'attention... de Dieu. Dans la prière, ils demandent au Seigneur de ne pas s'arrêter ni à leurs péchés personnels, ni à leur foncière imperfection, mais de "regarder la foi de son Eglise". "Ta foi t'a sauvé" disait Jésus aux malades qui imploraient leur guérison. On sent que la personne inspirée qui a composé cette prière pense à cela. Mais le prêtre doit s'estimer tellement peu de chose qu'il n'osera même pas mettre en avant sa propre foi. D'une certaine façon, il a raison ; peut-on dire valablement : je crois que je crois ? Non... Sur ordre de l'Eglise orante dans sa liturgie, au moment d'entrer personnellement dans le mystère, le prêtre ne se vante pas de sa propre foi, il invoque celle de l'Eglise tout entière.

Il y a un trésor des mérites de l'Eglise, qui sont aussi les mérites du Christ et de tous les saints. C'est dans ce trésor que nous allons tous puiser avant de communier, car ces mérites, s'ils sont ceux du Christ, sont aussi les nôtres. Il nous suffit de vouloir nous en revêtir pour y participer. "Ceux qui cherchent le Seigneur, aucun bien ne leur sera diminué". Il ne s'agit pas d'arithmétique, Dieu qui est le bien infini n'a pas besoin de faire ses comptes, il ne manquera jamais de rien, et surtout pas de nos propres bien : bonorum meorum non eges dit le Psaume. "Tu n'as pas besoin de mes biens". 

Mais alors de quoi Dieu a-t-il besoin ? De notre participation cordiale, de notre collaboration, de notre AMEN. Et avant ? De notre appel : "Ne regarde pas mes péché mais la foi de ton Eglise". Avant de communier le Prêtre puise dans les trésors de l'Eglise, dans ses trésor de foi, car l'Eglise, maîtresse des sacrements et temple de la grâce, a la garde de choses qui la dépassent. "Je ne croirais pas à l'Evangile de Dieu si l'Eglise catholique ne m'y avait poussé" dit saint Augustin dans une formule célèbre. Notre foi s'appuie, notre foi s'enracine dans la foi de l'Eglise, sous peine de végéter dans une subjectivité stérile. L'Eglise avec toute son expérience historique maternelle, nous offre l'objectivité de notre foi, ce qui fait sa valeur devant Dieu.

En même temps, donc et fatalement - comment faire autrement ? - nous nous appuyons sur l'Eglise, arche du salut des sociétés humaines, notre foi s'appuie sur la foi de l'Eglise, et puis en même temps nous ne nous faisons aucune illusion au sujet des hommes d'Eglise. Quand le prêtre prie pour l'Eglise, il demande au Christ de la pacifier et de l'unifier. Pas de lui donner je ne sais quelle unité parfaite eschatologique, c'est-à-dire renvoyée à la fin du monde, non : il s'agit dans la même prière où l'on s'appuie sur la foi de l'Eglise, de lui donner l'unité dans la vérité qui lui manque aujourd'hui, la paix dans la charité qu'elle n'a pas et l'esprit de Dieu qui seul porte tout cela. L'humilité du prêtre qui va communier embrasse ici l'Eglise tout entière. 

Mais l'humilité, justement, c'est la vérité disait Thérèse d'Avila. 

mercredi 30 septembre 2020

Agnus Dei

La triple invocation à "l'agneau de Dieu" juste avant la communion marque que cette communion justement n'est pas seulement compréhensible à travers l'image du simple banquet divin mais que ce banquet est lui-même sacrificiel, qu'il anéantit le péché et qu'il donne la joie éternelle. Comme dans les sacrifices païens, la consommation de la victime est le dernier acte de ce sacrifice. Nous sommes autour de l'agneau de Dieu, comme les Hébreux en Egypte. A chaque famille, Moïse avait prescrit de le manger, avec des herbes amères, pour se protéger de l'ange exterminateur. Ce repas d'Ancien Testament est un repas pénitentiel, c'esst bien l'un des aspects de la messe.

Mais nous sommes autour de l'agneau de Dieu, comme en ce festin de noces, entrevu par Jean dans l'Apocalypse : "Heureux les invités au repas des noces de l'Agneau" (Apoc. 19, 10). Formule extrêmement insistante, écrite comme l'ultime béatitude, à laquelle l'ange ajouta : "Ce sont les paroles authentiques de Dieu" comme pour sceller d'un sceau définitif ce qui est dit. On a repris cette formule dans la nouvelle liturgie, Belle initiative ! Hélas on se contente de traduire : Heureux les invités au repas du Seigneur, en oubliant les noces de l'agneau. Dans la nouvelle édition italienne du missel de Paul VI, on vient de rajouter "les noces de l'Agneau", pour citer plus exactement le texte de l'Apocalypse.

Il est vrai que cet usage du mot "agneau" est énigmatique, cette expression "noce de l'agneau", cette formule "agneau de Dieu" sont difficile à comprendre. Il faut se rapporter au chapitre 1 de l'Evangile de Jean, dans lequel Jean Baptiste désignant Jésus s'écrie : "Voici l'agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde". Le Précurseur du Messie remplissait ainsi sa mission en discernant miraculeusement le messie et en exposant sa mission.Il pique la curiosité et il allume la flamme dans le coeur de ceux qui seront les premiers disciples de Jésus : Pierre et André, Jacques et Jean. Ces hommes ne s'y trompent pas : seul le Messie attendu peut être désigné par de tels termes. 

L'Agnus Dei, à la messe, reprend cette annonce de Jean-Baptiste : elle est placée avant la communion. Voici ce que vous recevez : l'agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde. Son sacrifice est propitiatoire, c'est purquoi l'on répond deux fois ; "Ayez pitié de nous". Comme à l'Offertoire de la messe, comme à la consécration, l'offrande de l'agneau nous rend Dieu propice. Enfin, la dernière invocation "Donnez-nous la paix" nous rapppelle que nous n'avons pas à nous inquiéter de savoir si Dieu nous aime puisqu'il s'est donné qu'il s'est livré à nous dans l'hostie et que ce don de soi est le gage d'un amour infini. La paix ? C'est cet amour infini de Dieu qui nous la donne, c'est parce que nous savons que Dieu nous aime jusqu'à se livrer lui-même, comme homme, sur une croix, qu'un tel amour est à couper le souffle et que c'est cet amour qui nous est donné à la communion, voilà ce qui fait notre paix. 

Dieu est le grand pardonneur et pas un flic qui cherche à nous prendre en défaut pour nous mettre une amende. La communion n'est pas comme la récompense de nos mérites supposés, mais"le gage de la vie éternelle" comme dit saint Thomas dans l'Office du Saint Sacrement. 

mardi 29 septembre 2020

La fraction du pain

Dans cette dernière partie de la messe qu'est la communion, c'est le sentiment de paix qui domine, une paix venue de Dieu, la paix du Seigneur, la paix du Christ, celle qui vient de lui et celle qui étreint le coeur de ceux qui communient à lui. Dans l'ancien rituel, le prêtre ne se contente pas de souhaiter la paix aux fidèles présent, il la leur souhaite, après avoir rompu le pain, selon le geste de celui que les disciples d'Emmaüs reconnaitront eux-mêmes à ce signe de la fraction du pain. Le prêtre est concentré sur les espèces consacrées, comme pour dire que la paix ne vient pas de je ne sais quel agencement heureux des événements du monde qui traduirait une bénédiction divine, mais que cette paix est surnaturelle, qu'elle vient du Christ présent au milieu de nous sous les apparences du pain et du vin et qui nous a définitivement réconciliés avec son Père par le sang de sa croix auquel nous allons communier et auquel pour l'heure nous communions tous spirituellement, 

C'est en tout cas ce que traduit cette invitation du prêtre, qui vient de rompre le pain pendant la closule per Dominum nostrum, par notre Seigneur Jésus-Christ. En rompant le pain pour l'offrir à tous au nom du Père, qui nous libère, il en garde un petit morceau qu'il va mêler au vin consacré, pour que "cette commixion et cette consécration du corps et du sang du Christ s'effectue pour nous qui la recevons dans la vie éternelle". Sur l'autel, les espèces sont divisés entre le pain et le vin consacrés mais il y a un seul Christ vivant avec son corps, son sang, son âme et sa divinité. Celui qui communie au corps du Christ reçoit aussi son sang, s'unit à son âme et baigne dans sa divinité. Celui qui reçoit un fragment de l'hostie reçoit le Christ tout entier.

Voilà ce que signifie la réunion des espèces consacrées, l'unité du Christ. Où l'on voit que la communion sous les deux espèces offertes à tous est une fausse question, puisqu'en recevant le corps du Christ vivant, nous recevons aussi son sang, et en recevant son sang nous recevons en même temps son corps. 

Tel est le mystère que l'on appelle depuis le quatrième concile de Latran (1215), le mystère de la transsubstantiation, mystère le plus spirituel qui soit, mystère qui se manifeste dans la matière divinisée. La substance du pain devient la substance du Christ, qui nous montre son corps (et non pas seulement un symbole du corps du Christ) et la substance du vin devient la substance du Christ qui nous montre son sang. De même dans le petit morceau de pain consacré qui est uni au vin consacré dans le calice, il y a déjà le Christ tout entier et non, au motif que ce ne serait qu'un fragment de l'hostie, une partie du Christ. La présence du Christ se trouve "tout entière dans chaque fragment visible des espèces consacrées", ce pour quoi, lors de la communion du prêtre et des fidèles, les ministres doivent faire extrêmement attention à ce qu'aucune parcelle ne se perde. De la même façon que le Verbe de Dieu s'est vraiment fait chair et que la chair du Christ est divine, car elle est attribuée à un homme qui est Dieu, de la même façon Jésus se fait pain rompu pour nous et cette apparence de pain est divine sur laquelle le Christ a dit : Ceci est mon corps.

"Quel est donc cet homme qui peut donner sa chair à manger ?" demandaient les juifs après le discours sur le pain de vie (Jean 6). Ici c'est le cas de l'écrire le spirituel est lui-même charnel" et l'on comprend pourquoi les disciples d'Emmaüs "le reconnurent à la fraction du pain", dans le moment le plus spirituel du mystère où l'on saisit à travers la fraction du pain que le matériel est lui-même spirituel, pour renverser la formule de Péguy.


vendredi 11 septembre 2020

Délivrez-nous de tous les maux...

Après la récitation du Notre Père, sa dernière demande - Délivrez-nous du mal - est amplifiée. Nous demandons d'être délivré du mal présent (celui que, trop souvent, nous ne savons pas nommer), du mal à venir, celui dont l'irruption possible nous paralyse. Mais nous réclamons aussi d'être protégés contre les maux passés, contre le remords qui, peut-être, nous hante. Le mal, sous toutes ses formes est le seul obstacle entre Dieu et nous, obstacle physique, obstacle réel si nous nous adonnons au mal, obstacle intellectuel lorsque nous cherchons à comprendre comment et pourquoi Dieu permet le mal. 

Le mal est un obstacle que nous ne vaincrons pas seuls. Le mal est un mystère que nous n'éluciderons pas seuls. D'où une nouvelle 'short list" de saints : la bienheureuse et glorieuse vierge Marie mère de Dieu, dont la gloire, matérialisée dans sa maternité divine, est justement de n'avoir jamais succombé à la tentation, saint Joseph son époux, attaché à elle par le lien terrestre le plus intime, le moins menteur, les saints apôtres Pierre, Paul , image double de l'Eglise, arche du salut dans l'atmosphère diluvial du mal triomphant sur la terre, et André le frère de Pierre. Pourquoi André en un tel moment ? Parce que pour résister au mal, il faut être accompagné ; la Vierge Marie, on peut dire que le Seigneur lui-même est avec elle, Pierre et Paul représente ce collectif, l'Eglise, à laquelle nous nous rattachons tous, dans la mesure où elle n'est pas elle-même atteinte par le mal (je parle non de la personne de l'Eglise mais de son personnel). Il y a le lien du mariage qui protège du mal (l'exemple est le mariage fait d'amour pur entre Marie et Joseph). Enfin il y a le lien familial en général, les frères et les sœurs. Ces familles ne constituent pas forcément autant de paradis sur terre, mais bon an mal an, elles transmettent des richesses culturelles et spirituelles : elles constituent un lien qui résiste à la désagrégation générale instillée partout par la culture de mort. Sans ces différents liens, liens avec Dieu, liens entre l'homme et la femme, lien dans l'Eglise et lien dans les familles, l'humanité disparaît, l'homme est de moins en moins homme et se souvient qu'il sort de l'animalité - animalité qui représente le cas de la guerre de tous contre tous, comme l'avait bien vu Hobbes.

Face au mal, que procure le bien ? La paix, qui est le signe par excellence de la cité de Dieu : "Da propitius pacem in diebus nostris". Donne la paix à notre temps traduit le nouveau missel. Il me semble que la prière  dans son original latin est plus modeste : elle ne prie pas pour l'impossible paix du monde, car le péché sera toujours là pour machiner la guerre sous une forme ou sous une autre. Ici la liturgie nous fait prier pour nous-mêmes, pour la paix dans les jours de notre vie : "Sois nous propice en donnant la paix à nos jours". C'est la grande force de ceux qui ont authentiquement tenté de faire le bien, qui ont été des hommes et des femmes de bien : ils reçoivent la paix en échange, celle de leur conscience bien sûr, mais aussi celle qui resplendit dans leur existence. 

La prière continue montrant que nous sommes dans la bonne interprétation, qu'il ne s'agit pas de la paix de notre temps, cet hypothétique cet impossible armistice historique, mais qu'il s'agit de l'oasis de nos existences christifiées : "pour que par l'oeuvre de ta miséricorde nous soyons soutenus, toujours libérés du péchés, établis tranquillement loin de toutes perturbations". Et l'on ajoute toujours la clausule : Au Père par le Fils dans l'Esprit : "Par notre Seigneur Jésus-Christ ton Fils, qui avec toi vit et règne dans l'unité du Saint Esprit pour les siècles des siècles".

Le prêtre dit tout cela en préparant la communion. La communion sacramentelle n'est pas le moment du scrupule où l'on se demande si l'on est digne ou indigne de participer au corps du Christ et de renouveler l'alliance en son sang. La communion n'est pas une récompense, elle est un remède. Tout dépend de l'état intime dans lequel nous nous trouvons ; avons nous besoin de ce remède ? Sommes nous prêts à l'utiliser contre nos péchés ? Alors soyons dans la paix, comme nous le demande la liturgie elle-même, une paix armée, une paix arrachée à la laideur du péché, la paix qui survient sur celui qui a compris que le Christ est son allié.

lundi 7 septembre 2020

Notre Père...

La prière que le Christ nous a apprise (Matth.6, 7-13 et Luc 1, 1-4 en version brève) vaut bien un commentaire ligne à ligne. Mais il sera court, tant il est vrai qu'il faudrait en faire un livre.

Appeler Dieu notre Père, non pas le père des plus parfaits d'entre nous, mais notre Père à tous, celui dont chrétiens ou non, nous pouvons tous nous revendiquer, ces deux mots suffisait à envoyer sainte Thérèse d'Avila en extase. 

Affirmer qu'il est Notre Père, c'est affirmer une indiscutable proximité de tout vivant sur la terre avec lui. Affirmer qu'il "est aux cieux", c'est marquer, en même temps l'infinie distance d'un Dieu infiniment proche mais aussi infiniment distant. Deux vérités contraires : impossible de sacrifier l'une à l'autre. Faire de Dieu un copain ? Oublier l'Infini entre nous ? Ce serait tout brouiller.

"Que votre nom soit sanctifié" : Dans la prière d'abord énoncer la vraie priorité qui est divine, d'abord prononcer le nom de Dieu. Tout peut aller mal pour nous, du moment que Dieu est sanctifié, qu'il est reconnu comme Dieu trois fois saint (voir le Sanctus), alors son règne est proche parce que sa volonté s'accomplit. Alors sa sainteté rejaillit sur l'homme qui y trouve lui aussi son bien, sinon dans ce monde, au moins dans l'autre. Comme disait la Vierge à sainte Bernadette : "Je ne vous promets pas d'être heureuse en ce monde, mais dans l'autre". Voilà ce qu'apporte la sanctification du Nom de Dieu : le respect du premier commandement, indispensable au vrai bonheur..

"Que votre règne arrive" : qu'est-ce que le Règne de Dieu ? Une partie de la sanctification de son nom. Attention : "Mon Royaume n'est pas de ce monde" dit Jésus à Pilate (Jean 18). Nous ne prions pas pour un hypothétique avenir radieux. Nous ne sommes, nous chrétiens, ni des millénaristes ni des idéologues, même si ce règne de Dieu a des aspects terrestre, hic et nunc, et que, tel le levain dans la pâte humaine, il est un agent (l'agent unique) du progrès moral de l'humanité. On peut dire que sur la terre le règne de Dieu progresse, mais qu'il ne se réalisera jamais que dans l'autre monde, lorsque toute justice sera rendue et toute miséricorde opérante. C'est ce que l'on appelle la Jérusalem céleste.

Que votre volonté soit faite sur la terre comme au Ciel : La volonté de Dieu, ici, c'est la dynamique créatrice, dont il a bien imprudemment et amoureusement confié l'exécution finale à l'homme. L'homme couronne la création de sa propre liberté ; cela s'appelle le progrès véritable. Le Christ, sauveur de l'homme, représente à lui tout seul cette humanité parfaite parce qu'en lui s'accomplit la volonté d'amour, la volonté sacrificielle du Père ; "Non comme je veux mais comme toi tu veux". "Que ta volonté soit faite", aussi sur la terre, comme elle est accomplie dans le Ciel, demande Jésus souffrant au Jardin des Oliviers. Cet amour-don qu'a vécu le Christ durant toute sa vie, mais principalement durant sa Passion,, voilà la volonté de Dieu pour chacun : "Celui qui veut gagner sa vie la perdra, celui qui perd sa vie à cause de moi la gagnera".

"Donnez nous aujourd'hui notre pain supersubstantiel" : Saint Matthieu parle du pain quotidien, la nourriture nécessaire pour chaque jour. Mais il emploie un terme qui est un hapax dans la langue grecque, un mot que l'on ne voit utilisé nulle part ailleurs, formé du préfixe epi- qui signifie au dessus de... et de ousios qui renvoie au verbe être. Le pain qui est au dessus, c'est la nourriture spirituelle, le pain de vie, le pain eucharistique. Ce n'est pas là une traduction révolutionnaire, c'est celle de saint Jérôme, qui traduit dans la Vulgate : le pain supersubstantiel, on dirait aussi : le pain surnaturel. Il faut nourrir le corps nous dit Jésus, mais, avec la même nécessité, il faut nourrir l'esprit. Et c'est pour cela qu'a été instituée la sainte Messe : pour ceux qui cherchent Dieu et qui ont besoin de nourrir leur recherche.

"Remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons à nos débiteurs" : Il n'est pas question d'offense, d'offensé ou d'offenseur dans le Notre Père, qui n'est pas un texte du XVIIème siècle. Beaucoup plus concrètement, comme ailleurs dans l'Evangile, il est question de dette : "Un créancier avait deux débiteurs : l'un lui devait 500 deniers, l'autre cinquante. Comme ils n'avaient pas de quoi payer, il leur remis à tous deux leur dette. Lequel l'aimera le plus ? Celui, je pense auquel il a été remis le plus répondit Simon - Tu as bien jugé" (Lc 7, 41). Nous sommes débiteurs vis-à-vis de Dieu, et des débiteurs insolvables. Le Christ est celui qui a payé nos dettes, nous remettant dans une relation d'amour avec Dieu, alors que nous étions avant tout des justiciables pour lui. Nul doute que nous ayons nous-mêmes à pardonner comme Dieu nous a pardonné dans le Christ ! Le "comme" nous pardonnons ne signifie pas à la mesure où nous pardonnons nous serons pardonnés. Dieu ne joue pas à cette comptabilité-là. Comme dit Julien Green, "il est le grand pardonneur" et il nous donne l'exemple, non l'inverse.

"Et ne nous laissez pas succomber à la tentation" : Tourne et retourne, on n'a guère trouvé meilleure traduction. On nous fait dire en ce moment dans les églises : "Ne nous laisse pas entrer en tentation", traduction assez laide (entrer en tentation, c'est du français bricolé). Par ailleurs, telle qu'elle est, cette demande (ne nous laisse pas entrer en tentation) est absurde car contre le plan de Dieu : le Christ lui-même est entré en tentation (pour reprendre l'expression consacrée aujourd'hui), et cela à deux reprises, au début de sa mission publique où l'Evangile nous dit : "Jésus est entraîné au désert pour y être tenté par le diable" : il va chercher le combat, combat qui est partie intégrante de sa mission ! Et à la fin de sa vie, à Gethsémani où il voulut ressentir "effroi et angoisse", alors que pas un soldat ne l'avait touché. Bien sûr que nous aussi, à l'image du Christ, nous entrons en tentation : c'est au programme, nous n'avons pas à demander le contraire. Mais nous demandons de ne pas entrer au coeur de la tentation (en latin inducere in : deux fois le même préfixe), c'est-à-dire de ne pas y succomber.

"Mais délivrez-nous du mal" : Bernanos sur son lit de mort, récitant le Notre Père avait eu cette glose horrible : "Oh oui ! Père ne me faites plus de mal". C'est tout ce que l'on appelle pudiquement le problème du mal qu'évoquait le grand écrivain : Dieu a voulu créer dans la matière un être spirituel. En contrepartie, dans sa justice, Dieu s'engage à donner à l'esprit une force suffisante pour ne pas laisser le dernier mot à la matière en décomposition (phtora dit saint Paul aux Galates : la corruption, la putréfaction). "Je crois aux forces de l'esprit" disait très bien François Mitterrand. Dieu nous délivre du mal en ne laissant pas le dernier mot au processus de décomposition, mais en nous faisant ressusciter, comme il a ressuscité son fils Jésus.



vendredi 28 août 2020

Fin du Canon et introduction au Notre Père

Le prêtre, récitant le Per ipsum, dessine trois croix avec l'hostie au dessus du calice, rythmant ainsi sa prière : per ipsum, première croix, et cum ipso, deuxième crois, et in ipso, troisième croix. Il ne s'agit pas de bénédictions, au sens précis de ce terme, car ces gestes ne bénissent rien ni personne. Là comme ailleurs, dans la consécration, il s'agit de désigner le Mystère, de rappeler que le Mystère se donne non comme une idée à l'esprit humain qui s'en saisirait pour l'abstraire encore d'avantage, mais comme une réalité participant miraculeusement à l'espace temps. Le rapprochement entre l'hostie et le calice, entre le corps et le sang du Christ, nous fait penser , après sa mort, à la résurrection du Seigneur avec son corps et son âme (le sang, c'est l'âme). Il est toujours vivant pour intercéder en notre faveur : la messe, c'est Jésus ressuscité qui offre son sacrifice pour nous les hommes, à Dieu son Père, dans l'unité du Saint Esprit. 

Après ces trois croix qui saluent ou qui désignent l'action du Christ ressuscité, le prêtre en décrit effectivement deux autres, plus larges, sur tout le corporal (ce linge amidonné sur lequel se déroule le sacrifice eucharistique) : après le mystère de la résurrection, le mystère de la Trinité : "A toi Dieu, Père tout puissant, dans l'unité du Saint Esprit". La prière du Fils exerçant sa médiation, résonne, elle appelle toute la Trinité : le Père auquel toujours nos prières s'adresse, et le Saint Esprit parce qu'il n'y a qu'un amour et que l'amour du Fils est l'Esprit saint. Ces cinq signes de crois tentent de désigner le mystère, la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur, comme dit saint Paul aux Ephésiens, mais le mystère dépasse tout ce qui le désigne et la messe nous entraîne de la résurrection à la Trinité, vers l'Infini, où il n'y a plus rien à montrer parce que tout est dans tout.

Omnis honor et gloria : Dieu a voulu s'abaisser vers le fini, nous dire son amour à travers les souffrances du Fils fait chair. Cette geste du Christ, quand nous l'apercevons dans son ampleur divine, nous coupe le souffle jusqu'aujourd'hui. Elle est au-delà de tous les computs, le temps ne saurait la mesurer. Mais elle est achevée, image mobile de l'immobile éternité qui, jusque dans la sainte messe reçoit le dernier mot, en accomplissant divinement tout honneur et toute gloire. Le Mystère se révèle dans la lumière de l'éternité. C'est en lui, sommaire de l'Amour de Dieu pour sa création, que se manifestent "tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles". Cette ultime clausule de la clausule - les siècles des siècles, expression que l'on trouve déjà dans saint Paul (I Tim. 1, 17) et qui participe sans doute des toutes premières liturgies - signifie que par la fidélité au rituel, nous sommes entrés dans l'éternité. Canon en grec signifie règle. Nous sommes rendus, avec l'Amen final, à la fin du Canon, nous avons célébré selon la règle et nous sommes éternifiés.

C'est ce respect pour la règle que l'on retrouve, introduisant la récitation du Notre Père : "Avertis par les préceptes salutaires et formés par l'institution divine, nous osons dire..." Nous osons dire quoi ? Notre Père. Nous osons, comme le Christ, nous adresser à Dieu comme à Notre Père...", nous osons face à lui, exciper de notre qualité de Fils, qualité inamissible que nous avons reçue au baptême et qui nous permet de célébrer son Mystère en vérité... Pour résumer : c'est la fidélité au règles du Christ, dans la récitation de la prière qu'il nous a apprise, qui nous donne toutes les audaces. En particulier l'audace de tutoyer le Mystère, qui ne nous échappe plus, puisque désormais, comme fils et filles de Dieu, nous en faisons partie. Nous y communions!

dimanche 23 août 2020

Par lui, avec lui et en lui...

Cette clausule solennelle du Canon, que l'on appelle aussi petite élévation car le prêtre élève l'hostie avec le calice, a été préservée dans toutes les nouvelles formules liturgiques, c'est dire son importance. Nous n'avons pas encore souligné le fait que toutes les prières du Canon se terminent avec cette conclusion : Per Christum Dominum nostrum. Le Christ est celui par qui tout est possible, celui par qui le salut est à portée de notre main. Par lui, nous sommes sauvés. Per ipsum. La closule solennelle du Canon : Par lui, avec lui et en lui reprend la conclusion de chacune des prières, per Christum Dominum nostrum, en l'amplifiant et en lui donnant tout son sens ou, nous le verrons, tous ses sens : mais s'il fallait tout dire d'un mot, l'épître d'aujourd'hui (12ème dimanche après la Pentecôte) dit très bien "l'assurance que nous avons devant Dieu par le Christ" (II Co.3, 4)

Per Christum Dominum nostrum répète-t-on dans le Canon ; Per ipsum, par celui-là même dit-on pour conclure ce Canon. Comprend-on bien ce que l'on dit, ce que l'on lit, ou ce que l'on entend ? L'idéal des Lumières va frontalement contre ce Per ipsum. La philosophie des Lumières refuse toute médiation, tout intermédiaire entre moi et ma vie. C'est ma vie, je la partage, j'en fais ce que je veux et tout s'arrête là. La vieille sagesse chrétienne pourtant s'était fondée sur l'observation des philosophes antiques pour déclarer, avec Platon dans l'Alcibiade mineur : "Il faut qu'un dieu vienne et nous enseigne". La Révélation de Jésus-Christ n'est pas facultative, elle est essentielle à l'accomplissement de l'humanité qui, en elle, et en elle seule pourra trouver sa vérité : "Sans moi vous ne pouvez rien faire" dit Jésus en saint Jean (15). Si l'homme reste en lui-même, il ne découvre que l'absurde, le vide, le néant. Les athées revendiqués comme Nietzsche, le savent bien qui font des efforts désespérés pour se susciter une foi athée à l'extérieur d'eux-mêmes, adoration de la nature en son éternel retour, glorification du grand Amen à la vie (en hébreu dans le texte de Nietzsche). Sur cette foi athée, on pourra se reporter aussi à la conclusion des Mots de Sartre qui exclut le salut par les oeuvres seules, ce qui revient à reconnaître le salut par une foi, qui dans son cas serait athée.  

C'est uniquement en sortant de soi-même, que l'homme peut se trouver soi-même. Ce qui est vrai dans l'ordre moral (chercher le bonheur de l'autre avant et pour le sien) est vrai aussi dans l'ordre intellectuel : il faut chercher la vérité en dehors de soi-même - Per ipsum et non per meipsum : par lui et non par moi, - si l'on veut  trouver quelque chose qui vaille la peine de vivre. 

C'est ce que l'on appelle la nécessité de la médiation. La liturgie tout entière est une médiation, inventée par le Christ, dont elle constitue en quelque sorte le testament (novi et aeterni testamenti). La liturgie est faite pour servir d'intermédiaire, de médiatrice : elle transforme le sacrifice de l'homme en sacrifice divin, elle rend agréable à Dieu les balbutiements et les émois d'homo sapiens. Elle rend l'homme capable d'aimer Dieu ici et maintenant, continuant la logique participative de l'incarnation.

L'incarnation - le mystère de Dieu fait chair - n'est pas seulement le mystère de la Paternité de Dieu, mais, comme nous en avertissait le prophète Isaïe, le mystère de la fraternité de Dieu, le mystère de Dieu avec nous - "Emmanu-el" dit Isaïe (7, 14) - et le mystère de nous avec Dieu, de nous avec  Jésus Christ fils de Dieu : "Ayez en vous les sentiments qui sont dans le Christ Jésus" nous dit saint Paul (Phil. 2, 5). Les sentiments ? Il s'agit d'une préparation psychologique au grand renouvellement, à la recréation dans laquelle Dieu s'est engagé. C'est ce que signifie que Dieu, que Christ soit avec nous et que nous soyons avec lui. Ces sentiments sont aujourd'hui dans le Christ Jésus, sentiments personnels, sentiments que nous pouvons et devons nous approprier personnellement. La révélation de Jésus Christ est ainsi la manifestation d'un monde d'émotions intérieures. Entre les sens et la raison, le judéo-christianisme crée le cœur. C'est par le cœur d'abord (le cœur intelligent cher au roi Salomon naguère) que nous communions avec Jésus Christ.

Mais, comme toujours dans la foi chrétienne, cette vérité personnelle s'écrit en grosses lettres quand, levain dans la pâte, elle atteint à l'histoire elle-même. Il s'agit alors non de vérité personnelle mais de rien moins que d'un monde nouveau, celui qu'appelle le livre de l'Apocalypse, en échos à Isaïe : "Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il demeurera avec eux. Ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec eux. Il essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus.Il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance, car le monde ancien a disparu. Et celui qui siège sur le trône dit : Voici, je fais toutes choses nouvelles" (Apoc. 23, 3-5).

Texte étrange et magnifique sur le problème du mal. Il a été choisi, dans le Missel, pour célébrer la dédicace d'une église. Il faut donc le comprendre d'abord par rapport à la liturgie, pour laquelle cette église est construite. C'est à la fin du monde, dans un grand nettoyage que Dieu fera toutes choses nouvelles. Pas avant ! Certains croient à mille ans de bonheur sur la terre (le millenium). Ce disant, ils n'ont réussi qu'à inventer ces religions séculières que sont les idéologies, prétendantr apporter le bonheur sur la terre : le bonheur ? "une idée neuve en Europe" disait le révolutionnaire Saint-Just, avec une sagacité qui sera meurtrière. En fait, avant la fin du monde, il faut chercher le bonheur absolu non dans la politique (ça fait des morts), mais dans la liturgie (cet acte divino-humain, le seul qui soit aujourd'hui de ce genre là, fait des heureux par la foi). Par la foi, nous vivons avec le Christ, au point de diviniser nos actions, en les christifiant, en les christianisant.

Quelle différence y a-t-il entre christifier et christianiser ? La christianisation a une dimension sociale, car l'homme est un animal mimétique comme dit Aristote : il se grandit en imitant ce qu'il voit faire à côté de lui. L'histoire de la christianisation est l'histoire de ce bain de chrétienté, dont on a dit beaucoup de mal parce qu'il a été très imparfait ("Les chrétiens sont moins bons parce qu'ils devraient être meilleurs" lance Chesterton). N'empêche ! Pendant deux mille ans, le vrai progrès, le progrès moral de l'humanité a toujours émané du christianisme, de cette imitation de Jésus Christ qui était présente dans les lois, qui était, en Occident, comme l'esprit des lois, au sens de Montesquieu. 

Voilà pour le commun des mortels, ce que signifie vivre en Jésus-Christ (in ipso) : améliorer son humanité, faire reculer l'instinct égoïste, faire progresser l'amour et l'ouverture, le souci, le respect des autres (premier stade de la charité explique Malebranche dans son Traité de morale). Telle fut, en concentré, l'expérience des jésuites dans les réductions d'Amérique latine, comme le montre le film Mission. Mais tel a été, tel fut le sens du progrès moral jusqu'au XIXème siècle. Le XXème siècle a voulu expérimenter le progrès sans Dieu : c'est devenu le siècle le plus meurtrier de toute l'histoire de l'humanité. Et le XXIème siècle ne sait pas méditer cette leçon de choses ! Nous ne sommes même plus capables de recevoir un cours d'histoire. Nous sommes au siècle de la déchristianisation ; advienne que pourra.

Mais il y a une autre manière de vivre en Jésus-Christ, c'est de mettre son honneur à s'approcher personnellement du Christ, dans la mesure où nous avons reçu son appel. Cet appel chacun l'entend à sa manière, c'est l'éclair du bien qui, à un moment ou à un autre passe dans notre vie, c'est le sentiment que le monde, si imparfait soit-il, est gouverné par la Bonté, c'est la conviction que le bien et la vie l'emporteront au final sur le mal et la mort, grâce à l'intervention de quelque chose qui est plus grand que la nature. Sébastien Lapaque a écrit une belle page, dans le Figaro de la semaine dernière (13 août) sur la vérité de la grâce, que développa avec tant d'éloquence Saint-Cyran, qui, lui-même, saisit et convertit le jeune Pascal.  Le night-cluber Thibault de Montaigu, après avoir écrit un Voyage autour de mon sexe (2015), va lui, le 27 août prochain, publier un livre simplement intitulé La Grâce (chez Plon) : à l'entendre, c'est au monastère du Barroux qu'il a vécu sa nuit de feu.

Il n'y a pas de mode d'emploi pour vivre christifiés, pour vivre en Jésus-Christ de cette manière-là. C'est toute la difficulté : l'initiative appartient à une autre Personne et nul ne saurait par ses propres forces susciter ce genre d'expérience mystique, que raconte aussi Eric Emmanuel Schmitt dans sa Nuit de feu (2015) ou Michel Houellebecq dans Sérotonine, aux deux dernières pages de ce livre (2019), répondant à la p. 171 de Soumission. Pourquoi, dans ces témoignages, rencontre-t-on tous ces romanciers et hommes de lettres ? Non pas parce qu'ils seraient plus aimés de Dieu, mais parce que leur métier est de trouver les mots, ce qui est particulièrement important et particulièrement difficile lorsque l'on est debout devant l'indicible et que seuls quelques mots sont encore utilisables pour parler de ce que l'on vit.

La christianisation est un phénomène historiquement observable, même dans les pires situations, celle de la traite par exemple, comme le montre le dernier livre de Bernard Lugan sur le sujet (éd. de l'Afrique réelle) : la traite du bois d'ébène par les Européens était inhumaine, mais les personnes n'étaient pas castrées comme le pratiquaient systématiquement les musulmans, responsables de la disparition sans postérité de millions d'Africains. L'exemple de la Traite atlantique (de ce respect de l'humanité malgré l'esclavage) dit bien les forces et les faiblesses de la christianisation. Faiblesse car l'esclavage demeure un crime contre l'humanité. Force, car même dans les pires circonstances, le respect des personnes créées par Dieu et pour Dieu n'est pas totalement oublié : les premiers articles du fameux Code noir rédigé sous la direction de Colbert, se préoccupe de ce que les esclaves noirs soient par ailleurs de bon chrétiens, baptisés et mariés comme leurs maîtres. Dans le christianisme, il n'y a pas de sous-hommes, car chacun est destiné à vivre pour le Christ, c'est-à-dire "par Lui, avec Lui et en Lui".

La christification est un phénomène mystique. Ce mot, "mystique", en grec, signifie "caché". On ne peut pas réduire le christianisme à une mystique, sans l'endommager gravement sous prétexte de purisme : peut-on cacher la religion du Dieu fait homme ? Mais, inversement, on ne doit jamais oublier la dimension  mystique du christianisme. Elle est présente en chaque personne chrétienne, en chaque individu qui s'approche du baptême, ne serait-ce qu'en intention. Aujourd'hui la grave crise de la transmission que nous vivons rend simplement plus fréquentes les conversions personnelles et plus facilement visible à l’œil nu cette dimension mystique, omniprésente dans le christianisme : présente, chers lecteurs, au fond de chacun et de chacune d'entre nous.

jeudi 20 août 2020

La messe pour le monde

La fin de la consécration est admirable : alors que s'affirme petit à petit, d'une prière à l'autre, la divinité du sacrifice de la messe, sacrifice terrestre et sacrifice céleste tout ensemble, alors que s'intensifie l'offrande sacrificielle jusqu'à être présentée comme "offerte par ton ange sur ton autel céleste" ; au même moment, ce même sacrifice déborde de l'autel sublime où il est offert en permanence et divinise tout ce qu'il y a de bon dans le monde créé. Jésus Christ est celui par qui, haec omnia, toutes ces choses, qui sont toujours des biens (semper bona), Dieu les crée, les sanctifie, les vivifie, les bénit et nous en fait l'offre.

 Deux interprétations sont nécessaires pour comprendre cette ample conclusion du Canon. qui se heurte au problème du mal.

L'oeuvre créatrice de Dieu est toujours bonne : "Et Dieu vit que cela était bon" dit la Genèse. La matière n'est pas l'origine du mal ; la matière n'est pas le résidu inassimilable au dessein divin qu'imaginaient les philosophes néoplatoniciens. Dieu a voulu créer le monde matériel mais ce n'est pas tout - deuxième niveau de lecture : il a voulu le sauver de sa fragilité. A travers le salut de l'homme, c'est "toute la création" qui est "dans les douleurs de l'enfantement", attendant le salut que Dieu lui conférera explique saint Paul aux Romains. Quel mystère insondable ! Non seulement la bonté de la matière est ainsi proclamée - mais, ce serait trop bisounours d'en rester là - : c'est la gloire de la matière qui va être manifestée à travers le salut apporté par Jésus au monde, et c'est "la gloire de la liberté des enfants de Dieu" qui va agir sur la création pour racheter le monde et le transfigurer dans la gloire et la lumière de Dieu. L'homme justifié et sanctifié est ainsi appelé rédempteur du monde, car la gloire des personnes sauvées rejaillit sur toute la création, sonnant comme une annonce ou un avertissement pour des cieux nouveaux et une terre nouvelle.

Dans son Commentaire du saint sacrifice de la messe déjà cité et qu'il a nommé L'idée de sacerdoce et de sacrifice, le Père Quesnel parle avec éloquence, au sujet de ce passage, de la divinisation des élus. Mais le chapitre 8 de l'Epître aux Romains est formel : il n'est pas seulement question des élus, c'est toute la création, dans un ardent désir, qui attend le jour du salut. Le Père Teilhard de Chardin parle avec raison de la Messe sur le monde (1923). Il me semble que ses élans renvoient à la fin de la consécration : "Je me prosterne, mon Dieu, devant votre Présence dans l'Univers devenu ardent et, sous les traits de tout ce que je rencontrerai, et de tout ce qui m'arrivera, et de tout ce que je réaliserai en ce jour, je vous désire et je vous attends". Ou encore de façon moins unilatéralement optimiste : "Ma Communion maintenant serait incomplète (elle ne serait pas chrétienne, tout simplement) si, avec les accroissements que m'apporte cette nouvelle journée, je ne recevais pas, en mon nom et au nom du Monde, comme la plus directe participation à vous-même, le travail, sourd ou manifeste, d'affaiblissement, de vieillesse et de mort qui mine incessamment l'Univers, pour son salut ou sa condamnation. Je m'abandonne éperdument, ô mon Dieu, aux actions redoutables de dissolution par lesquelles se substituera aujourd'hui, je veux le croire aveuglément, à mon étroite personnalité votre divine Présence".

La messe est une machine à faire des dieux. En elle, Jésus, venu jusqu'à nous pour nous emmener jusqu'à lui, nous recrée, ainsi que toute la création. Il nous sanctifie au milieu de toute sa création, à l'image de son Fils qui lui a fait cette prière : "Sanctifie moi par ton esprit" (Jean 17). Il nous donne sa vie ainsi qu'à tout l'univers, qui vit pour l'éternité dans la Pensée divine. Enfin il nous bénit de communier à son sacrifice pour le monde, et ce monde, les biens de ce monde, il nous en fait le don

Ainsi comme dit Descartes, s'inspirant de la Genèse (soumettez la terre), l'homme est comme maître et possesseur de la nature. Mais c'est de Dieu qu'il a reçu ce don et le don de Dieu, ça se respecte ! L'homme doit respecter la nature parce qu'elle est belle mais aussi parce qu’il s'agit d'un don de Dieu.

dimanche 16 août 2020

Pour nous aussi, nous pécheurs...

Tout pécheurs que nous soyons, nous sommes aussi, ô Dieu, tes familiers, tes serviteurs, nous avons organisé notre vie par rapport à toi, pour te servir. Ce qui nous fait te servir ? Non pas le calcul intéressé, mais l'espérance dans la multitude de tes miséricordes. Cette espérance, elle ne se situe pas en nous-mêmes, parce que nous aurions quelque chose de particulier à offrir, parce que nous serions intéressants pour Dieu d'une manière ou d'une autre, elle nous jette en toi, inconditionnellement, en toi Christ parce qu'il n'y a pas d'autre nom au Ciel et sur terre par lequel nous puissions être sauvés. C'est notre pauvreté, notre incapacité, non pas nos vertus ou nos exploits, qui nous rattachent à toi, qui que nous soyons. 

Que demandons-nous ? Dieu ? Non ; Dieu est trop grand. Nous demandons d'abord la familiarité avec les martyrs, nous approchons de Dieu, nous osons approcher de Dieu, en compagnie des martyrs. Le culte des saints, c'est le culte de ceux qui sont familiers de Dieu, culte qui exprime la crainte de s'élever immédiatement jusqu'à Dieu même. Quatorze d'entre eux sont cités. La liste à parité, sept hommes et sept femmes, a été mise au point par saint Grégoire le Grand. A l'origine, elle comptait des Pères de l'Eglise et d'autres saints célèbres de l'Eglise universelle, un peu comme la première liste de saints, cités avant la consécration . Dans la présente liste, ce ne sont pas les saints les plus connus qui ont été choisis, mais monsieur ou madame tout le monde, des martyrs, capables d'aimer Dieu plus qu'eux-mêmes, qui ont montré cet amour en offrant leur vie, et qui nous donnent l'exemple à tous.