vendredi 31 janvier 2014

Instruction publique: Chouette, les familles se réveillent.

[par Marie-Pierre] J’avais il y a quelques temps déjà montré ici que la théorie du genre ne figure pas dans les programmes de l’Education Nationale. Il y a autour de ce thème plusieurs initiatives plus ou moins convaincantes, dont certaines relèvent d’une légitime lutte contre les préjugés, et d’autres sont empruntes d’une idéologie tarée. Cependant, je le redis, rien dans les programmes. Et penser qu’on enseignera la masturbation à la Maternelle (ne riez pas, je l’ai lu!) relève du fantasme. Au risque de décevoir quelques craintes, j'ajoute qu'on ne projette pas de porno gay pour occuper les petiots quand les instits ne savent pas quoi faire (entre leur grève et leurs jours de RTT).

Cependant, la rumeur se répand, qui veut que le gender s’introduise à l’école. Avec pour corollaire le succès inattendu de la JRE (Journée de Retrait de l’Ecole) initiée par Farida Belghoul. Concrètement, un jour donné, des parents n’envoient pas leurs enfants à l’école, et c’est ainsi qu’à Colombes, à Montpellier, à Sarcelles, il a manqué jusqu’à des 20 ou 40% de l’effectif. J’en suis ravie, et je vous en dirai la raison.

Vincent Peillon, Le Point et la FCPE se demandent «qui veut affoler les parents» ou «d’où vient la rumeur». Ils ont bien sûr la réponse: à la base du mal se trouve l’extrême droite la plus nauséabonde, celle qui ne vomit pas Dieudonné, voire même qui participe à @LaManifPourTous. La seule question qui vaille sur cette rumeur est cependant de savoir pourquoi «ça prend».

Pour qu’une légende marche, il faut que qu’elle intéresse les masses (ésotérisme, violence, maladie, perversité, etc) et qu’elle corresponde à une crainte (plus rarement : à un espoir) déjà en place. Ce que nous dit le succès de ces Journées du Retrait, c’est qu’à Colombes, à Montpellier, à Sarcelles… un nombre significatif de familles tient l’équipe en charge de l’Education Nationale pour une bande de dégénérés. Qu’à tout le moins, ces familles n’ont pas confiance. Et peu importe au fond qu'elles aient tort ou raison.

A partir de là, le Ministre peut convoquer qui il veut, il peut alterner le ton rassurant et le ton menaçant, il peut descendre dans l’arène ou monter sur l’estrade, peu importe. Qu’il promette tout ce qu’il sait : la confiance ne se décrète pas. Il n’empêchera pas que l’on minore ses propos d’une petite formule subversive (Par exemple : «Peillon a réfuté catégoriquement tout enseignement de la théorie du genre ; enfin… on se comprend» ou encore «Le gouvernement tient à rassurer les familles qu’il n’y aura d’enseignement à la sexualité… Qu’ils disent».)

En quoi cela me ravit-il? Rassurez-vous, Ce n’est pas à 63 ans que je deviendrai anarchiste. Mais j’ai vu raconter tant de fariboles aux familles (que tous les postes sont pourvus, que l’on n’a plus guère besoin d’enseignants spécialisés, que les personnels malades sont tous remplacés, qu’une consultation a lieu sur l’Ecole du 21e siècle, etc) que je ne suis pas fâchée de les voir se réveiller, fut-ce pour une raison largement fantasmée. Et encore plus, les voir se réveiller là où j’enseignais, c’est-à-dire loin des beaux quartiers. 

Pendant ce temps, que se passe-t-il dans les écoles? Mon petit doigt me dit que les collègues concernés doivent être bien ennuyés. Par ce que les enseignants, et encore plus les directeurs, cherchent à construire une alliance avec les familles des élèves, parce que la confiance réciproque et la sérénité sont une condition sine qua non pour que les enfants puissent apprendre, surtout dans les zones difficiles.

Il ne m’étonnerait donc pas que quelques initiatives soient déprogrammées, au minimum déclinées sur un mode plus soft. Bref, que les familles, en criant au choléra (qui n’existait pas) s’évitent le rhume (qui existe tout de même un peu).

Monsieur P. appelle les différents professionnels à «convoquer» les parents des absents pour leur «expliquer» et... les «avertir». Cependant, l’Education Nationale est régie par des textes. Les familles peuvent être convoquées «au niveau de l'établissement» à partir de «3 demi-journées d'absences non justifiées dans le mois», et «au niveau de la Direction des services départementaux de l'éducation nationale» à partir de «4 demi-journées dans le mois». Le reste est fanfaronnade.

L'Education nationale à la sexualité

Ils veulent tenir la France par le sexe... C'est vraiment l'impression que donne le branle-bas de combat organisé, comme une sorte de parade, autour de la question du genre à l'école. Que signifie cette nouvelle polarisation, digne des années 70 sur l'éducation sexuelle à l'Ecole et la nécessité de commencer dès la Maternelle ? On devrait être en train de voir naître un nouveau tabou dans un pays lobotomisé, qui se laisse littéralement endoctriner par la Correctness. Sur cette question délicate entre toutes, qui, rappelons-le, a à voir, et ce n'est pas pour rien, avec le péché originel, on est en train de nous dire ce qu'il faut penser et qu'il ne faut pas penser autre chose. La Pensée unique se met en place. Bientôt nous n'aurons plus le droit de rien dire contre. Profitons donc de la liberté qui nous reste...

Pas si facile une pensée unique autour de la sexualité...

Attention d'abord : le message du Gouvernement ne devra pas tourner autour du genre, dans la communication politique, on ne devra pas utiliser le mot genre (Peillon l'a dit, il y a plusieurs mois déjà, c'était sur le Salon beige). Il vaut vraiment mieux parler d'égalité. Ca passe mieux !

En effet, la question du genre est en elle-même fort complexe, elle ne passe pas dans la population... Elle a été pensée, avant tout,  pour offrir aux étudiant-e-s de multiples et fort alambiqués sujets de thèses : personne ne croit en l'infaillibilité de Judith Butler grande prêtresse des Gender studies qui pourrait concourir pour le prix de l'universitaire la plus jargonneuse du monde. Il importe donc aux politiques de mettre le genre de côté, histoire de mieux communiquer. Chacun-e à leur manière la ministre du droit des femmes Najat et le ministre de l'Education nationale Vincent s'y emploient, l'une disant maladroitement que le genre n'existe pas et l'autre affirmant qu'il n'est pas d'accord avec cette théorie. De fait, le gouvernement n'avouera jamais qu'il se sert de la théorie du genre, mais il entend enseigner, oh ! bien plus que les banales matières du programme (l'instruction c'est ringard, d'ailleurs les élèves ne savent plus rien). Mais il faut s'en occuper, en faire de bons citoyens qui votent socialiste, et on va leur enseigner quelque chose de beaucoup plus important que les mathématiques ou le français : l'égalité. L'égalité, c'est pratique : personne ne peut être contre. "L'égalité c'est l'âme de la France" disait le candidat Hollande en préface à ses 60 propositions de campagne.

Qui peut oser dire qu'une femme n'a pas les mêmes droits qu'un hommes ? La charia ? Sans doute : en matière de témoignage juridique, en matière de droit de répudiation et de droit du mariage, c'est le cas. Mais nous sommes en République, avec une culture chrétienne. L'égale dignité de l'homme et de la femme est un dogme social depuis deux millénaires.

Seulement voilà, l'égalité, pour ces nouveaux "penseurs", c'est bien plus que l'égale dignité chrétienne, c'est aussi une haine farouche pour toutes les formes de différence, la différence la plus élémentaire, qui est la différence sexuelle, ne faisant pas exception. Ainsi peut-on dire qu'il y a deux formes de féminisme, l'un sympathique, l'autre non. Il y a celui qui revendique la différence féminine, celui-là est grand : il est chrétien. Et puis il y a l'autre féminisme, le féminisme honteux, qui veut faire disparaître les différences entre les hommes et les femmes, comme si la femme était un homme comme les autres. Il s'agit de rien moins que de contraindre Dieu (ou l'hypothèse qui pour "eux" en tient lieu) à revoir sa copie. C'est ce féminisme-là qui est enseigné et rendu pratiquement obligatoire. Dans cette perspective, l'égalité n'est pas l'égale dignité mais l'indifférenciation. Et le couple n'est pas le couple formé par deux individus de sexe différent, qui pour cela sont complémentaires. Non ! Le couple est indifférent.

Au fond on en arrive à ne faire aucune différence entre le Père et la Mère, les deux pôles constitutifs de toute psychologie humaine, le secret de fabrication hors duquel les petits d'hommes seraient des petits monstres. Le législateur en veut particulièrement en ce moment à la dignité de la mère (comme d'ailleurs à la dignité du père). Père et mère doivent être parent 1 et parent 2. Pour cela, sur le congé de maternité de trois ans, jusqu'ici réservé à la femme qui a deux enfants rapprochés, on a enlevé six mois, qui peuvent être pris par le conjoint deux (homme ou femme, parent de l'enfant ou non qu'importe : il s'agit juste de l'équipe éducative, plus de ce noyau vital ringard qu'on appelle famille). Autre joyeuseté, que l'on trouve dans le même projet de loi : l'expression "gérer en bon père de famille" est supprimée du code civile. Le père de famille ? C'est affreusement ringard, alors que les familles sont devenues des équipes éducatives de proximité au contenu non différencié.

Quand on pense que ces beau principes d'égalité (ou d'indifférenciuation) seront enseignés dès la Maternelle, avec les supports éducatifs qui existent déjà : Jean a deux papas ; Papa porte une robe ; deux mamans pour Mohamed ; Zazie a un zizi etc. Il y a de quoi faire froid dans le dos. On comprend Farida Belghoul et le succès de son projet de retrait de l'école, qui a touché lundi dernier 20 % des enfants de Meaux. Nous sommes devant l'idéologie de la mondialisation dans un nouvel avatar : après le refus de la spécificité des croyances, après la promotion de toutes les délocalisation, après la diabolisation de la différence nationale, voici le sexe au purgatoire (ou au placard). Dès la petite enfance on interdira les épées de chevaliers et les robes de princesses. Seul l'individu asexué aura droit d'exister. Le nouveau puritanisme est là : interdit d'être un homme, interdit d'être une femme, interdit de séduire. La relation se limitera à la pénétration, l'amour ne sera qu'un droit de jouir de toutes les manières... Et voilà comment on fera des citoyens bien dociles, Aldous Huxley l'avait compris... depuis 1931.

vendredi 24 janvier 2014

Farceurs! [par RF]

[par RF] Hier encore le curé et l’instituteur laïcard défendaient, chacun à sa manière, la même morale naturelle. Les temps ont changé ; aux yeux du plus grand nombre, les notions qu’ils chérissaient sont aujourd’hui démonétisées (l’honneur), ridicules (la pureté des mœurs), voire odieuses (le patriotisme).

En même temps, sont apparus d’autres mots: tolérance, attitude républicaine, comportement citoyen, etc. Et comme les iconoclastes vieillissent aussi, leur discours s’est rigidifié en une néomorale, avec ses néovaleurs qui nous bercent de néomoraline.

Je ne suis donc pas surpris que les néomoralisateurs aient conservé jusqu’à l’hypocrisie qu’ils prêtaient (généreusement) à leurs prédécesseurs. En voici trois exemples:
Les ‘valeurs républicaines’, leur ‘respect des personnes’, et la novlangue qui s’y rattache? Nos lecteurs qui suivent la campagne parisienne auront constaté le traitement réservé à Madame Kosciusko-Morizet. Elle qui a donné tous les signes de coolitude et de branchitude, qui a revêtu la panoplie complète de l’«élue républicaine», et qui pensait s’attirer en retour quelques égards… Raté! Elle rencontre au contraire une agressivité inédite dans l’histoire parisienne récente. A ce niveau de violence on ne peut plus dire que ses adversaires l’attaquent: ils la conchient. 
Le droit des femmes, la défense des sans-grades, etc? L’affaire DSK parle d’elle-même. Dans cette affaire sans doute classique de gros bourgeois abusant d’une domestique, le premier réflexe fut de faire corps avec ‘Dominique’, de la gauche jusqu’à Christine Boutin qui ‘savait’ que «Dominique Strauss-Kahn a été victime d’un piège». Quant à la femme de chambre africaine, on assurait dans des talk-shows qu’elle n’était «pas très claire» (kolossale finesse!) 
La liberté absolue, le droit des femmes à avorter? Ce sont régulièrement les mêmes défenseurs de l’IVG qui voient l’embryon comme un amas de cellules… mais qui parlent de «petites filles assassinées» en cas d’avortement sélectif, du fameux généricide (en Chine, 124 garçons pour 100 filles – seul le Liechtenstein fait pire).
Bref, la question n’est celle de nos rapports à cette néomorale, mais de savoir si ses promoteurs y adhèrent, ou s’il d’agit d’une farce?

mercredi 22 janvier 2014

Avortement : le Régime déterre la hache de guerre

24 janvier 2014: François Hollande
rend visite au pape François
dans une "ambiance glaciale" (huffingtonpost)

La question de l'avortement paraissait largement derrière nous. 40 ans après... Mais le Régime, cultivant quelques sordides calculs politiques, a décidé d'en remettre une louche. En 1974, Simone Veil ministre de la santé avait beaucoup insisté sur le fait que l'avortement était une loi dérogatoire, qui venait soulager la détresse des femmes. On tue des embryons, nous expliquait-on à l'époque, mais c'est pour soulager des femmes, qui ont été violées ou qui sont dans une grave situation financière. Et l'on poursuivait : "Honte à vous si vous ne reconnaissez pas la détresse des femmes". Aujourd'hui, c'est devenu une honte de parler de détresse des femmes...

Pourquoi ? Alors que l'Espagne revient en arrière et réserve les cas d'avortement légaux à des détresses physiques ou morales avérées, nous, nous refusons toute limite au droit à l'avortement qui est considéré du coup comme un droit des femmes sur leur propre corps. Du même ordre qu'un piercing. "C'est comme aller chez le dentiste" a déclaré élégamment la supportrice du nouveau projet de loi, notre ministre du droit des femmes, Najat Vallaud Belkacem, jouant la provocation délibérément.

Pourquoi est-ce devenu une honte de parler de détresse des femmes ? Je vais hasarder une explication qui tient toute dans le dicton : "Il ne faut pas parler de corde dans la maison d'un pendu". La détresse des femmes, elle n'est pas tant avant l'avortement qu'après. Détresse morale : j'ai vu des femmes de 70 ans (et pas une seule mais plusieurs) pleurant en accusant au confessionnal un avortement commis quarante ans auparavant. Vous comprenez : il ne faut plus parler de détresse des femmes à propos d'avortement, cela évoque vraiment trop de chose.

Attention, il n'est pas sûr que l'on ait droit d'évoquer sur un blog ce genre de détresse. Silence on avorte. A partir de dorénavant - une centaine de députés aux ordres de leurs partis en ont décidé ainsi -  il ne sera plus légal de dissuader une femme d'avorter. Ce domaine sera purement et simplement soustrait à la liberté d'expression, puisque le délit d'entrave (réservé pour l'heure aux entraves physiques à l'avortement) tend à devenir maintenant un délit englobant toute entrave morale et toute propagande anti-IVG (en particulier sur Internet).

On sait très bien comment les choses se passent dans l'application de ces lois liberticides. Les condamnations sont d'abord légère, puis de plus en plus tatillonnes et finalement il devient impossible d'évoquer seulement l'avortement comme un problème. Son innocuité absolue sera alors devenue un dogme républicain. La loi aura été votée - c'est un signe - un 21 janvier 2014. Le sang appelle le sang, le crime appelle le crime et les privations de liberté... s'enchaînent logiquement les unes aux autres.

Nous avons eu ce mardi soir au CSP une magnifique conférence de Jean-Marie Leméné. Superbe. Marquant. Comment se fait-il qu'il restait encore une dizaine de places assises ? Il a insisté particulièrement sur l'importance des nouvelles lois bioéthiques de 2011. Et je tombe à l'instant sur un twitt de François-Xavier Bellamy, le jeune philosophe pro-life ; il résume bien la question de son côté : "L'embryon se trie, se manipule, se commercialise, et maintenant se sélectionne à volonté. La France est donc, très concrètement, eugéniste". Aristote l'était déjà (Livre 7 de sa Politique : nécessité d'exposer les enfants mal formés pour ne pas qu'ils soient une charge à la Cité)... Quant on bazarde le christianisme, on tend d'une manière ou d'une autre à canoniser l'inhumanité.

lundi 20 janvier 2014

Texte "de Huxley" (1931): C'est plutôt embarrassant... [par RF]

[par RF] Il y a quelques jours je publie un texte absolument prophétique, «dont la saveur vient de ce qu'il date de... 1931», que l’on trouve sur «d'assez nombreux sites de la réacosphère» de droite comme de gauche, et qui est tiré du livre «Le Meilleur des Mondes, d’Aldous Huxley». Assez rapidement  on me signale qu’il manque une phrase sur la sexualité… je vérifie et j’observe qu’elle est parfois mentionnée et parfois non parmi les 20.000 occurrences trouvées par Google.

Je me reporte au livre que j’ai lu il y a plus de 30 ans et… je n’y trouve pas la citation. Du reste, ce n’est pas du tout le même style : «Le Meilleur des Mondes» est un roman. Sur les indications de l’abbé, je vérifie dans «Retour au Meilleur des Mondes», un essai d’Huxley de 1958… sans plus de succès.

En même temps, un lecteur (Roger) m’indique que le terme ‘formater’ l’étonne. Dans ce contexte, il ne serait apparu en français que via l’informatique. Le traducteur n’a pas pu l’employer en 1931. Les doutes grandissent encore quand je trouve la partie juste avant celle que je cite: «Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées». Hitler comme archétype du dictateur? Pour le coup, ça ne colle plus du tout avec la date «1931».

C’est une lectrice (Véronique) qui m’apporte la réponse : ce texte ne date pas de 1931 mais de 2007, il n’a pas été écrit par Huxley mais par Serge Carfantan. Philosophe et prof de philosophie, Carfantan a relu «Le Meilleur des Mondes», auquel il trouve un caractère visionnaire «stupéfiant, presqu’inquiétant». Carfantan se permet alors, selon son propre terme, une prosopopée, c’est à dire une figure de style qui fait parler par exemple un mort, un animal, etc.

Le résultat, c’est ce texte qui depuis deux ans tourne en boucle sur internet, et que le MetaBlog a repris la semaine passée, contribuant ainsi à l’intox. Il s’agit bien d’un récapitulatif fidèle de thèmes qui se trouvent chez Huxley, cependant ce texte «stupéfiant» quand il est écrit en 1931 l’est moins quand on connaît la date: 2007. Mes excuses, donc, à tous nos lecteurs. 

Si quelqu'un a le courage de signaler la boulette (collective) à tous ceux qui l'on faite...

vendredi 17 janvier 2014

Le mystère de notre destinée

J'ai toujours été fasciné par l'Evangile des Noces de Cana que nous lirons dimanche prochain. C'est comme un mystère, dans lequel chaque élément dit quelque chose à celui qui cherche. Je ne prétends pas avoir tout compris, mais en rédigeant ce texte pour notre Bulletin hebdomadaire, j'ai eu l'impression d'avoir trouvé quelques clés, que je vous demande d'essayer. Vous me direz dans les commentaires ce que cela ouvre (ou n'ouvre pas) pour vous.

Les noces de Cana, dont nous lisons l’Evangile ce dimanche, doivent être comprises dans la même perspective que le baptême du Christ et que la fête de l’Epiphanie : celle de la manifestation de Dieu à notre humanité. Etant présent à un mariage, sur une intervention de Marie sa mère qui s’aperçoit que les amphitryons vont manquer de vin, le Christ change l’eau en vin. Il faut comprendre la signification de ce premier miracle, qui, en quelque sorte contient tous les autres.

Un détail peut nous y aider : où se trouve l’eau ? « Il y avait là six jarres qui servaient aux purifications des Juifs ». Jésus dit : « Remplissez d’eau ces jarres ». Le changement de l’eau en vin signifie le passage de l’ancienne alliance (les purifications des Juifs) à la nouvelle, qui justement est placée, en un autre passage, sous le signe du vin, Jésus disant à ses apôtres : « Je ne boirai plus avec vous du fruit de la vigne jusqu’à ce que je le boive, nouveau, dans le Royaume de mon Père » (Matth. 26, 29).

Comment caractériser la nouvelle alliance ? Est-ce une ivresse psychique, une expérience spirituelle, que certains auraient (les Born again de l’évangélisme américain par exemple) et que d’autres n’auraient pas, ceux qui n’ont pas (encore) pris conscience de la nécessité de leur baptême ? – Non, la nouvelle alliance n’est pas d’abord une expérience spirituelle donnée à certains et pas à d’autres. La meilleure preuve ? Le baptême des petits enfants, qui n’ont aucune expérience psychologique, mais qui, par l’intermédiaire de leurs parrain et marraine, reçoivent le don de Dieu, même s’ils n’en ont pas conscience. On peut prouver aujourd’hui que la toute primitive Eglise a baptisé les petits enfants. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas d’âge pour initier la transformation la plus importante de notre vie.
Dans la Nouvelle alliance, l’homme reçoit un statut nouveau et une nouvelle dignité, un nouvel être. Il se définissait simplement comme un animal plus ou moins raisonnable. Il devient un fils ou une fille de Dieu, il reçoit la vie de Dieu, non pas une vie biologique, mais une vie qui se manifeste, nous y reviendrons, dans les trois vertus de foi, d’espérance et de charité et qui se prolonge dans une participation aimante et éblouie à l’éternité divine.

Cette métamorphose de l’homme définit le christianisme tout entier. Le christianisme est la religion de cette métamorphose, que l’on peut appeler « salut » ou « conversion ». Le miracle de Cana, le changement de l’eau en vin opéré par le Christ, est la métaphore de cette métamorphose. Ainsi contient-il tous les autres miracles, qui ont pour fin de manifester ce pouvoir de divine métamorphose, que possède le Christ sur notre humanité : « A tous ceux qui l’on reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu ».

Cette transformation s’effectue dans le secret. Elle échappe au marié imprévoyant. Elle échappe aux invités. Personne ne sait d’où vient ce vin nouveau. Mais « les serviteurs, eux, le savaient puisqu’ils avaient puisé l’eau ». C’est dans le service de Dieu, dans l’obéissance au Christ que demande la Vierge Marie (« Faites tout ce qu’il vous dira ») que nous prenons conscience de ce que nous sommes et de cette transformation qui s’est accomplie secrètement, divinement en nous. La vérité du Christ serviteur se manifeste pour nous dans notre propre vie et dans la qualité de notre propre service. Nous ne devons pas être seulement les invités superficiels, inconscients de ce qui s’est passé. En tant que chrétiens, nous sommes du côté des serviteurs, nous avons compris le caractère incomplet de la loi (les six jarres) et nous découvrons ce vin nouveau comme le vin de la foi, la foi des serviteurs qui, fidèlement, « remplissent d’eau ces jarres » sans comprendre ce qu’ils font, mais auxquels la lumière est donnée : « les serviteurs eux savaient ».

Il ne faut pas non plus nous laisser abuser par l’idée commune, courante, que sur la terre rien ne change, que le plus beau est forcément dans la jeunesse, que la nature est toujours soumise à l’entropie d’une lente dégradation, que le vieillissement est une loi sans exception. Le bon vin n’est servi qu’à la fin, remarque le Maître du repas. Quelle invitation au progrès spirituel ! Aujourd'hui, nous n’avons encore rien vu. C’est à la fin que nous boirons le vin nouveau dans le Royaume du Père. Gare aux impatients !

C’est à la fin que sera manifeste l’union pour laquelle nous sommes faits. Ce mariage auquel le Christ est invité par hasard est l’image de l’union que notre vie projette du fond d’elle-même, l’union nuptiale à l’Infini, à l’Eternel, sans laquelle notre destinée, incomplète, est comme absurde. Toutes les unions humaine doivent être autant d’évocation de cette union ultime sans laquelle nous demeurons vains et vides, dans l’affirmation dérisoire de notre seul… Moâ.

mercredi 15 janvier 2014

Je suis d'accord avec François Hollande...

Non je ne suis pas d'accord avec François Hollande pour légaliser l'euthanasie, comme il a annoncé en avoir le projet lors de son grand oral devant les journaliste, hier, dans la Salle des fêtes de l'Elysée. Non je ne suis pas d'accord pour que l'on prive les familles françaises de 30 Milliards d'euros pour en faire le réservoir d'une ristourne aux entreprises citoyennes qui embaucheront pour faire baisser le chômage.

Mais je suis content que Caroline Pigozzi (journaliste à Paris-Match) ait souligné qu'il avait demandé une audience au pape fin janvier et que lui, François Hollande, ait répondu que le pape "grande autorité morale peut être précieux notamment sur le dossier syrien". Précieux ? Providentiel, plutôt, pour une France qui est la seule Puissance occidentale à se courber devant l'argent des Séoudiens 'auxquels elle vient de vendre des armes) et des Qatari, sans craindre le ridicule. 

Mais surtout, donnant ma conférence sur Dieudonné ce mardi soir au CSP, j'avais projet d'insister sur le fait que la loi française (à travers la loi Gayssot de juillet 1990) continue à favoriser une concurrence mémorielle de mauvais aloi, en ne faisant allusion - en matière de négationisme - qu'à la négation des chambres à gaz et autres crimes contre l'humanité antisémites. Dans une France qui est aujourd'hui (en particulier dans les zones urbaine) une mosaïque de cultures, il est impensable de ne pas protéger les musulmans de toute stigmatisation personnelle et les chrétiens de la triste christianophobie qui sévit en ce moment dans l'hexagone. Le génocide rwandais (1994) et le génocide des arméniens et des chrétiens d'Orient sont aussi grave dans le principe, que le génocide juif et ne peuvent être niés. La France diplomatique soutient d'ailleurs (au moins à l'occasion) la nécessité de reconnaître le génocide arménien - malgré le refus affiché par la Turquie actuelle.

Eh bien ! A ma connaissance, c'est la première fois qu'un président en exercice évoque et condamne précisément certains actes christianophobes commis l'année dernière à Paris, ceux que l'on prête aux femens ukrainiennes et à leurs émules française, parmi lesquelles - côté supportrice - Caroline Fourest, et - côté praticiennes - Eloïse Bouton. Le 20 décembre dernier, en effet à La Madeleine, cette jeune femme se livrait, seins nus devant l'autel, à un avortement mimé, en abandonnant sur les marches deux foies de veaux, censés représenter son foetus. Elle se voulait la 344ème salope, référence à un certain Manifeste, qu'il était du dernier chic d'avoir signé il y a quelque 45 ans, à Saint Germain des Prés, pour faire son coming-out de femme ayant avorté. Dernier chic la posture d'Eloïse Bouton, qui entendait ainsi protester contre un rétrécissement de la loi libéralisant l'IVG en Espagne ? Quelle horreur ! 

François Hollande y fait allusion assez clairement en ces termes (pris au vol tout à l'heure pendant la Conférence de presse) : "Il y a des actes antichrétiens, avec des personnes qui pensent que l'on doit aller s'exhiber dans les églises. Aucun de ces actes ne doit être accepté". Bravo François. Tu parles d'or. Reste à faire...

Caroline Fourest ne s'y est pas trompée. L'antichrétienne de choc a twitté tout à l'heure : "Le lobby catho tient sa victoire. Hollande ne sait plus faire la différence entre racisme et blasphème. Grave" C'est que Caroline est restée archéo. Elle ne voit pas que, comme l'explique Pierre André Taguieff dans son Dictionnaire du racisme, le racisme évolue dans notre société. Nous en sommes aujourd'hui, dans le multiculturalisme de fait qui caractérise la société française, à "un racisme sans race", qui passe par le mépris systématique de la culture de l'autre, c'est-à-dire de ce qui pour l'autre est sacré. Si l'on veut éviter la concurrence mémorielle, avec des conséquences qui pourraient être dramatiques pour la paix sociale, il s'agit de respecter et de faire respecter ce qui est sacré pour l'autre.

D'après Caroline Fourest, le racisme est grave et le blasphème n'est pas grave. Mais justement le blasphème est une forme de ce racisme sans race qu'est le mépris systématique de la culture de l'autre. Et si l'on accepte de faire objectivement un peu d'histoire de l'Eglise, on est bien obligé de considérer que les juifs n'ont pas eu le monopole de la culture du mépris à leur encontre. Il y a une culture du mépris contre le christianisme (qui est parfois le fait des mêmes personnes tant l'antijudaïsme et l'antichristianisme peuvent paraître liés chez certains). Elle est mortifère, non qu'elle ait provoqué un génocide en Occident, c'est vrai, mais elle contribue à désocialiser les chrétiens en général, les prêtres en particulier, souvent montrés du doigt à cause de cette légende noire.

lundi 13 janvier 2014

De quoi Dieudonné est-il le nom

Demain mardi au Centre Saint Paul, je réfléchirai avec vous sur Dieudonné en vous présentant le mini-dossier que nous avons proposé dans Monde et Vie. Au-delà de l'anecdote, le phénomène est révélateur.
 
Cette affaire va bien au delà d’un simple fait divers. Ce qui est en question c'est la manière dont est encadrée la liberté d’expression des Français. Il s'agit de déterminer ce qui est vraiment sacré dans notre société. Valeurs de la république ? Valeurs de l’élite ? Le terme de valeurs porte quelque chose de désespérément subjectif. La question sera toujours qui apprécie ces valeurs et pourquoi. Au-delà des valeurs, ce qui compte c'est le bien de chacun et le respect dû à tous.
 
L’une des questions les plus urgentes aujourd’hui dans la mosaïque des communautés que forment notre France multiculturalisée c’est d’éviter à tout prix une concurrence mémorielle qui pourrait aller beaucoup plus loin - dans la violence - que ne l’envisagent les protagonistes de cette affaire.
 
Abbé G. de Tanoüarn, Centre Saint-Paul, 12 rue Saint Joseph 75.002. Métro Bourse ou Grands Boulevards

vendredi 10 janvier 2014

[verbatim] "On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique." [par RF]

[par RF] [Attribution erronée à Huxley - voir l'erratum] Sans commentaire inutile, je livre à votre lecture ce bref extrait repris d'assez nombreux site de la réacosphère, et dont la saveur vient de ce qu'il date de... 1931.
«Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes. L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. 
Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité, et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. 
Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des informations et des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique.

Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux. En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté.»
Texte de 1931? oui, et vous l'avez reconnu, c'est "Le meilleur des mondes" d'Aldous Huxley

mercredi 8 janvier 2014

L'intégrisme, péché contre l'Esprit ?

A propos du schisme, j'écrivais dans le post précédent : "C'est donc avant tout un état d'esprit, impliquant une volonté personnelle, puisque c'est un péché contre l'Esprit qui est charité". Benoîte, dont vous lisez souvent les commentaires profonds et/ou documentés conteste que le schisme soit un péché contre l'Esprit. Elle me répond :
"Péché contre la Charité, contre l’Esprit (qui est charité) ? Vous y allez peut-être un peu fort dans le sens où le péché contre l’Esprit est tout de même celui qui ne croit pas à l’Esprit…. Pas si simple. Nous avons tous des lacunes dans notre Foi. Avoir des lacunes n’est pas forcément pécher contre l’Esprit. La frontière est mince, mais est-elle pour autant dépassée ? J’ajouterai qu’il y a aussi péché contre la Foi : En effet NSJC nous ordonne de laisser pousser ensemble le bon grain et l’ivraie. Ce n’est donc pas à nous de faire le tri. C’est Lui qui le fera puisque Il l’a dit".
Je sens bien que, comme beaucoup, chère Benoîte, vous tendez à faire du péché contre l'Esprit quelque chose de rare, d'exceptionnel. Le Christ n'a-t-il pas dit que ce péché ne serait pas pardonné ? Mais au fur et à mesure que vos réflexions se projettent à l'écran, vous reconnaissez que l'on n'est pas si loin, avec le schisme (péché mortel dit la théologie morale) du péché contre l'Esprit. Le péché contre l'Esprit ? C'est le péché qui mérite l'enfer, celui qui n'est pas pardonné. Pourquoi ne l'est-il pas ? Parce que l'esprit étriqué du pécheur rejette jusqu'au bout la douceur et la générosité du Saint Esprit et préfère son propre cours au cours divin.

Avez-vous fait un jour, chers amis blogueurs, cette expérience du "lâcher pour Dieu" ? Vous ne comprenez pas tout, vous ne contrôlez rien, mais vous vous sentez bien, vous sentez que vous avez bien fait, que vous avez essayé de faire le bien... A ce moment-là, vous avez échappé au péché contre l'Esprit.

Je ne condamne personne à l'enfer, Dieu m'en est témoin. Mais quand André Frossard définissait l'intégriste comme "Celui qui veut faire la volonté de Dieu que Dieu le veuille ou pas", il me semble que l'on n'est pas loin du péché contre l'Esprit. Méfions nous, intégristes patentés ou intégristes sans le savoir (intégriste laïque, intégriste maçonnique etc.), le péché contre l'Esprit nous est beaucoup plus naturel que nous ne l'imaginons. Il consiste toujours à préférer notre esprit propre au Saint Esprit, parfois sous apparence de bien, d'autres fois dans un endurcissement redoutable, l'endurcissement du juste, qui fait de lui un meurtrier (voir saint Paul sur le Chemin de Damas, ne respirant que haine et menaces, comme l'écrit son ami Luc dans les Actes des apôtres)..

Cela étant dit, vous avez raison, Benoîte, de préciser que "nous avons tous des lacunes dans notre foi". Et que nous ne sommes pas pour autant en état de péché contre l'Esprit. La parabole du bon grain et de l'ivraie nous appelle à la tolérance, vertu chrétienne : "Laissez les pousser ensemble jusqu'à la moisson", c'est-à-dire jusqu'à la fin du monde. Nous avons le temps ! Mais à un moment de notre vie, il faudra bien que nous nous abandonnions, que nous nous laissions emporter par l'Esprit divin. Sauf à commettre l'irrémissible péché contre l'Esprit.

mardi 7 janvier 2014

La confession de Scribe

Sur le Forum catholique, mon ami Scribe vient de rédiger une déclaration symptomatique du malaise de ceux qu'il appelle lui-même les "pidistes". Occasion de cet aveu un peu triste ? L'abbé Chautard vient de ressortir une nième vieille "étude" visant à démontrer que personne n'est catholique sauf lui (je dis lui, parce que son "étude", en particulier sur la position à prendre face au droit canon de l'Eglise n'est même pas celle de la FSSPX). Voici ce que dit Scribe avec un sens catholique profond :
"Il est particulièrement étonnant de voir ces attaques [des abbés X ou Y] à un moment précis où se joue l'avenir de la FSSPX. Je regrette, moi qui l'ai tant défendue, de la voir se livrer à des manœuvres que je n'estime pas digne d'une œuvre dédiée à Dieu. Je pense ainsi signer mon "testament" pidiste car ces propos me seront à tout jamais reprochés. N'oublions jamais que Mgr Lefebvre nous qualifiait de porteur de la tradition (mais juste porteurs). Nous ne sommes ni ne serons jamais l'Eglise. Tout au plus pouvons-nous essayer d'influer".
Il me semble que tout membre de la FSSPX qui se respecte devrait être en accord avec Scribe.
La Gauche chrétienne crie : "Nous sommes l'Eglise". Elle n'en a pas le droit. La droite chrétienne pense : "Nous sommes l'Eglise", mais cette pensée n'est pas légitime. Mon cher Cajétan expliquait il y a cinq cents ans que le constitutif formel de l'appartenance à l'Eglise consiste dans le fait d'agir comme une partie dans l'Eglise : agere ut pars. Ceux qui pensent qu'appartenir à l'Eglise, c'est agir comme le tout (agere ut totum in Ecclesia) sont de fait schismatiques. Ceux qui estiment qu'il est de leur devoir, en fonction de ce qu'ils ont reçu, d'agir pour "influer" (c'est le mot de Scribe), ceux là qu'ils aient tort ou raison, sont fils de l'Eglise qu'ils veulent servir (sans jamais prétendre s'en servir).

Ce sont des considérations que j'ai souvent développées dans Certitudes il y a maintenant quinze ans. Parce qu'elles remontent au principe même de ce corps biologique (de ce corps surnaturel) qu'est l'Eglise, elles sont applicables aujourd'hui comme au XVIème siècle. Le schisme n'est pas un état qui vous tombe dessus sans que vous compreniez pourquoi. Il ne suffit pas d'une sentence portée. Le schisme est un péché contre la charité dit Thomas d'Aquin (IIaIIae Q39). C'est donc avant tout un état d'esprit, impliquant une volonté personnelle, puisque c'est un péché contre l'Esprit qui est charité. De ce point de vue, je me garderais bien de dire que la FSSPX est schismatique. Mais, par une revendication maladroite d'un monopole de la vérité, certains de ses membres propagent, volens nolens, une culture du schisme qui est dangereuse.

Tant qu'il s'agit d'influer pour le meilleur, il ne saurait y avoir de schisme. Mais quand il s'agit de revendiquer le monopole du bien, le schisme est là, avec le pharisaïsme qui le caractérise si souvent : 'Tu es béni Seigneur de ce que je ne sois pas comme le reste des hommes..." dit le pharisien dans sa prière, en méprisant le publicain qui est à deux mètres en arrière.