dimanche 28 mai 2017

Mise au point sur la FSSPX

Il y a trois semaines, j’ai parlé 40 minutes à l’AFP, qui n’en a retenu que deux phrases : celles où j’explique que Mgr Fellay a un intérêt personnel à la réintégration de la FSSPX. 

Je maintiens et je développe : depuis le début, Mgr Fellay est « dans le cockpit », économe général avant même son ordination, évêque a 30 ans, supérieur général depuis si longtemps que la plupart de ses prêtres n’ont connu que lui. Son mandat actuel s’achève l’an prochain, mais si la FSSPX devient entre-temps une prélature personnelle, il n’aura plus à se préoccuper d’être réélu : elle sera comme son diocèse personnel, aussi longtemps qu’il durera.

Voilà qui peut expliquer les évolutions de Mgr Fellay sur la question. Je fais partie de ceux qui l’ont connu dans d’autres dispositions, je n’en ferai pas l’exégèse mais au fond les « mutins » les plus récents sont sanctionnés pour dire aujourd’hui ce que la FSSPX disait au début du siècle. Ce que leur reproche Mgr Fellay, c’est de continuer à prendre au sérieux, en 2017, ses propos de l’époque.

La réciproque est vraie et nous sommes quelques-uns à avoir été débarqués pour avoir pensé un peu trop tôt (et peut-être un peu trop haut) que la FSSPX ne devait pas développer une mentalité obsidionale.

Cependant, Dieu écrit droit avec nos lignes courbes. Je vous ai dit que l’AFP n’avait retenu qu’une minute de mes quarante, voici les 39 autres : Tôt ou tard la FSSPX sera réintégrée. Dans les faits c’est déjà le cas, le pape François ayant donné ce qui lui manquait encore : juridiction pour les confessions, et pour les mariages, la licéité de ses ordinations, et le pouvoir de juger ses prêtres en 1re instance.

Reste un dernier « coup de tampon » que la Fraternité acceptera parce que Rome accorde tout et ne demande rien en échange. La FSSPX insiste depuis toujours qu’elle est une œuvre d’Eglise, et voilà que le pape partage cette conviction – que demander de plus?

Je m’en réjouis pour la FSSPX, qui est le navire amiral du traditionalisme. JE M’EN REJOUIS SURTOUT ET ENCORE PLUS POUR L’EGLISE, qui depuis quelques années se réapproprie sa Tradition, par des petits pas… parfois décisifs. La libération de la messe traditionnelle est l’un d’eux, et la réintégration de la FSSPX en est un autre (plus de 600 prêtres… 1.500 personnes si on compte les religieux, les sœurs, et les communautés amies). Rome réintègre sa Tradition ! tout est dit, je m’en réjouis et vous aussi bien sûr.

jeudi 25 mai 2017

L'Ascension, une "non-fête" ?

Rien depuis la semaine sainte, rien depuis Pâques et nous voilà déjà à l'Ascension. Cette fête m'a toujours beaucoup marqué pour deux raisons : je me souviendrai toute ma vie du sermon du Père Huot de Longchamp sur l'Ascension qui signifie "cette vie commune entre Dieu et nous". Ces termes m'avaient proprement ravi, j'avais un peu plus de 20 ans et je n'avais pas compris ce dessein de Dieu. L'expression du Prédicateur fait écho à l'Evangile de ce jour : "Je m'en vais vous préparer une place, dit Jésus. Il y a des demeures, nombreuses, dans la maison de mon Père". Demeurer avec Jésus, c'est à quoi nous invitera, dans dix jours, l'Evangile de la Pentecôte : "Celui qui m'aime, mon Père l'aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure".

En même temps cette fête de la vie commune apparaît comme une anti-fête, parce que Jésus se sépare de nous et que cette séparation, sur terre, est définitive. La liturgie traditionnelle, toujours éloquente dans sa simplicité, propose un petit rituel que je ne manque jamais : après l'Evangile le célébrant éteint solennellement le cierge pascal, qui représente le Christ ressuscité. Pendant le temps de Pâques, le cierge est allumé à chaque messe, car c'est bien Jésus ressuscité qui se rend présent avec son corps et son sang visiblement séparé l'un de l'autre, avec ses plaies apparentes sur son corps glorieux, comme a pu le constater l'apôtre Thomas. Mais lorsque Jésus monte au Ciel, le cierge est solennellement éteint, on ne le rallume plus pendant la messe. Désormais le Ressuscité est assis à la droite de Dieu. Il n'est plus sur la terre.

Cette disparition du Christ, qui nous envoie son Esprit est très difficile. Notre quotidien croyant devient très difficile. L'Esprit on ne le voit pas, il agit silencieusement à l'intérieur de nous, Il nous transforme, mais c'est en secret. Il est partout, "à Jérusalem, dans toute la Judée, la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre"... mais le plus souvent incognito, répandant à l'intime de chacun, la foi surnaturelle, signe divin du bien humain. Le Christ n'est plus visible, ne sera plus visible sur cette terre, où pourtant son Règne arrive.

Ne nous désolons pas ! Jésus n'est plus visible, mais son Règne dans l'Esprit se manifeste chaque jour, ne serait-ce qu'à travers les fameuses "vertus chrétiennes devenues folles". Voyez l'affaire Hanouna. L'animateur a manqué de délicatesse envers les homosexuels, il doit - au minimum - s'en excuser...

"Seigneur est-ce maintenant que tu vas rétablir la Royauté en Israël ?". Nous comprenons bien que la parole des apôtres, qui semblent s'être mis tous ensemble (sun-elthontes dit le grec) pour poser cette question qui leur brûlait les lèvres, est comme l'explication involontaire qui traverse toute cette scène. Les apôtres qui posent cette question ne sont pas n'importe qui. Ils sont déjà les témoins de Jésus ressuscité. Il l'appelle "Seigneur", ils lui donnent, ce disant, son nom divin. Ils savent que ce Royaume est le but de la venue du Christ sur la terre. Il l'a revendiqué haut et fort devant Pilate (Jean 18) : "Tu le dis toi même, je suis roi. Voici pourquoi je suis né, voilà pourquoi je suis venu dans le monde, pour rendre témoignage à la vérité". La vérité et le royaume sont une seule et même réalité cachée. C'est sans doute cela qu'ils n'ont pas compris.

Pour eux, comme pour les intégristes musulmans d'aujourd'hui, le Royaume de Dieu n'est pas spirituel, il est terrestre : "C'est maintenant...". Pour ces juifs pieux que sont les apôtres, le Christ joue avant l'heure le rôle du Mahdi ou de l'imam caché. Oui, pour eux le Royaume de Dieu, c'est maintenant. ils n'ont pas pris garde au faut que Jésus parle plus souvent du "Royaume des cieux" pour signifier que ce Règne qui peut s'exercer  sur la terre, est avant tout spirituel et intérieur. La justice, c'est maintenant ; l'égalité c'est maintenant ; la solidarité c'est maintenant... Non ! Ce n'est pas maintenant. Attention de ne pas céder à la tentation de "temporaliser le Royaume de Dieu" comme disait Jacques Maritain. Sur terre, rien n'est parfait comme dit Madame Michu.

Ce qui se joue dans le temps, ce qui est représenté dans le vieil et magnifique octave de l'Ascension, indûment supprimé, c'est la spiritualisation progressive des hommes que Dieu a choisi comme des frères et des soeurs de son Fils. Le Royaume de Dieu vient chaque jour sans bruit dans le coeur de l'homme, chacun tâchant de se relier à "la vérité première" par une alliance définitive.