Je poursuis la publication des conférences de Carême. Celle-ci correspond au dimanche de la Passion. J'y étudie la fameuse exclamation de saint Paul : Tout est permis !
Lorsque j’étais jeune homme, la morale avait forcément
mauvaise presse. Rigide, inadaptée, opposée à la liberté de l’individu, elle
était toujours déjà en faute (ce qui est un comble : prendre en faute la
morale !).
Aujourd’hui, au contraire, tout le monde à « l’éthique » plein la bouche. Il s’agit d’être citoyen et les citoyens sont forcément des gens moraux. Mais de quelle morale s’agit-il ? Celle qui met l’individu au dessus de tout… Bref, au nom de la morale, il faut accepter pêle-mêle la liberté des mœurs, la relativisation de la famille et l’idéologie du Gender.
On se demande s’il n’est pas plus grave de parler de morale à tous propos, au risque de déformer complètement les notions de bien et de mal, ou bien, comme autrefois, au temps de ma jeunesse, de refuser d’en parler.
Aujourd’hui, au contraire, tout le monde à « l’éthique » plein la bouche. Il s’agit d’être citoyen et les citoyens sont forcément des gens moraux. Mais de quelle morale s’agit-il ? Celle qui met l’individu au dessus de tout… Bref, au nom de la morale, il faut accepter pêle-mêle la liberté des mœurs, la relativisation de la famille et l’idéologie du Gender.
On se demande s’il n’est pas plus grave de parler de morale à tous propos, au risque de déformer complètement les notions de bien et de mal, ou bien, comme autrefois, au temps de ma jeunesse, de refuser d’en parler.
C’est, en tout cas, parce que la morale est mise à toutes les sauces,
qu’il devient urgent d’en parler du point de vue du Christ et de l’Evangile.
Quelle morale peut se dire chrétienne ?
La morale chrétienne apparaît avant tout comme une morale du
cœur, morale à la fois universelle (parce que le cœur, lorsqu’il est
suffisamment haut placé, bannit tout particularisme) et individuelle (parce que
le cœur n’est rien d’autre que le lieu ultime de la subjectivité). En tant que
morale du cœur, soulignons d’emblée que la morale chrétienne échappe à toutes
les catégorisations faciles ou purement matérielle : elle est fondée avant
tout sur l’intention[1].
Ce qui est bien, ce n’est pas tel ou tel acte par opposition à tel ou tel
autre, non ! C’est l’amour dans lequel on agit : « La plénitude
de la loi, c’est la charité » (Rom. 13, 10), affirme saint Paul.
Si nous parlons tout de suite de charité, nous n’évoquons
pas seulement une qualité humaine, mais nous faisons référence à une réalité
divine : « Dieu est charité » dit saint Jean dans son Epître (I
Jn 4, 8). Impossible d’humaniser « la divine charité » ! Par
conséquent, si l’on veut faire de la morale chrétienne une morale de la
charité, il faut supposer que cette morale est d’abord une morale de la grâce,
du don de ce Dieu, qui est charité. Nous avons vu, au chapitre précédent, que
sans la grâce il nous était impossible d’être libres, que c’était cet élan
intime, fait de lumière et de force, qui nous rendait capable du bien.
Il faut un peu préciser l’action de la grâce. Le nom de
grâce (charis en grec), si expressif pourtant, peut faire peur à ceux qui
imagineraient immédiatement une « récupération confessionnelle ».
Parlons-nous d’une morale confessionnelle, d’une morale qui serait uniquement
pour les chrétiens catholiques ? A Dieu ne plaise ! Je voudrais donc
partir de l’idée que tous les hommes, quelles que soient leurs appartenances,
reçoivent de Dieu la grâce suffisante pour se sauver. Cette proposition est de
foi. Premièrement : Dieu donne sa grâce à tous les hommes, sans faire
acception de personne. Deuxièmement : cette grâce est suffisante pour le
salut.
Mais elle est donnée de différentes manières.
Première manière, la plus ordinaire, la plus universelle,
même, devrais-je dire : à tout les hommes chrétiens ou non, pécheurs ou
héros, la grâce est offerte comme une impulsion, que les théologiens appellent
« grâce actuelle ». La grâce actuelle est ce goût du bien (d’une
bonté qui n’est pas purement rationnelle car elle suppose le don et l’oubli de
soi), qui nous pousse à agir au-delà de nos calculs et au-delà de nos désirs,
pour quelque chose qui s’affirme uniquement comme le bien que l’on doit
accomplir à un moment donné, ce bien vers lequel nous sommes poussés dans la
mesure où, reconnaissant sa transcendance par rapport à toute motivation
quotidienne, nous pouvons découvrir en même temps qu’il nous renvoie au Bien de
tous les biens, qui est Dieu.
Mais la grâce n’est pas seulement une impulsion. Elle est
tellement intime à notre organisme moral, comme nous avons déjà essayé de le
montrer, qu’elle fait corps avec lui, jusqu’à le modifier, et cela dans son
être même. On l’appelle alors grâce habituelle ou grâce sanctifiante, parce
qu’elle ne porte pas seulement sur tel ou tel acte en nous donnant la force de
l’accomplir, mais qu’elle nous transforme jusqu’à nous rendre saints de la
sainteté même du Dieu, dont elle est issue.
Quelle est cette transformation ? Comment se
manifeste-t-elle concrètement ? Saint Augustin l’évoquait d’un simple jeu
de mot latin : cupiditas, caritas.
On passe de la cupidité à la charité. La cupidité ? Ce mot (verbe latin : cupio) exprime le désir, mais alors un désir qui est un désir pour moi, un désir tellement "pour moi" qu’il détruit son objet en le consommant. Face à la cupidité, qu'est-ce que la charité ? La charité,
c’est le désir de l’autre comme autre. Cet autre désir, ce désir de
l’autre s’appelle l’amour. L’amour n’est donné qu’à ceux qui se remettent
entièrement à cet élan nouveau qui agit au plus intime d’eux-mêmes. On appelle
cette autre grâce la grâce « sanctifiante » parce qu’elle est celle
qui nous fait parvenir à une véritable imitation de Dieu, cette imitation dont
rêvait Platon dans le Théétète[2],
et que le Christ nous enseigne à réaliser par l’amour. C’est cette imitation
amoureuse du Créateur par la créature que l’on appelle la sanctification du Nom
de Dieu, dans l’Oraison dominicale. Voilà donc pour la grâce sanctifiante.
Dans tous les cas, que la grâce soit donnée comme une simple
motion, ou qu’elle soit donnée comme le commencement d’une nouvelle création,
comme le principe d’un cœur nouveau et d’un esprit nouveau en chacun, elle est
toujours personnelle.
Voilà d’ailleurs ce qui fait la beauté de la nouvelle
alliance, telle déjà que l’annonçait le prophète Jérémie :
« Je conclurai avec la
maison d’Israël une alliance nouvelle, non pas comme l’alliance que j’ai conclue
avec leurs pères le jour où je les pris par la main pour les faire sortir du
Pays d’Egypte (…)Voici l’alliance que je conclurai avec la Maison d’Israël en
ces jours-là : je mettrai ma Loi au fond de leur Etre et je l’écrirai sur
leur cœur. Alors je serai leur Dieu et ils seront mon Peuple. Ils n’auront plus
à instruire chacun son prochain, chacun son frère, en disant : « Ayez
la connaissance de Yahvé car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux
plus grands – oracle de Yahvé – parce que je vais pardonner leurs crimes et ne
plus me souvenir de leurs péchés » (Jér. 31, 31-34).
Saint Paul commente dans l’Epître aux Hébreux :
« « En disant alliance nouvelle, le Seigneur rend vieille la
première. Or ce qui est vieilli et vétuste est près de disparaître » (Hébr.
8, 13). Lorsque saint Justin de son côté, autour de 160, cite ce texte de Jérémie au juif
Tryphon, en lui demandant pourquoi il ne croit pas à cette nouvelle alliance,
annoncée dans les Livres saints d’Israël, il ajoute aussi ce verset d’Isaïe,
comme pour démontrer à ce Tryphon (manifestement une autorité dans la
communauté juive de l’époque) qu’il ne doit pas s’offusquer du caractère
novateur de la nouvelle alliance proposée par le Christ, puisqu’elle est
annoncée dans les livres de la grande bibliothèque hébraïque :
« Ecoutez-moi bien, vous qui
êtes en quête de justice, vous qui cherchez Yahvé, (…) Ecoute-moi bien mon
peuple ; tends l’oreille ô ma nation, car une loi va sortir de moi et je
ferai de mon droit la lumière du peuple » (Is. 51, 1 et 4).
Cette nouvelle loi est annoncée dont le rôle n’est pas de
façonner un peuple – ce peuple est déjà là et il est simplement pris à
témoin : Ecoute moi bien, ô mon peuple ! Le rôle de l’alliance
nouvelle, le rôle de la loi nouvelle est de montrer, de manifester à tous ceux
qui « sont en quête de justice » quel est le bien à faire. La justice
ne se trouve pas dans l’observance de la loi ancienne. Saint Justin revient
sur la Loi juive, et il se montre sévère. Moins sévère que saint Paul
affirmant que la Loi a été établi « en vue des transgressions ».
Moins sévère que saint Paul lorsque ce dernier semble expliquer que la Loi
ancienne engendre le péché[3].
Mais sévère tout de même, au point de porter ce jugement de fait sur la Loi
juive :
« Nous savons que les
commandements qui ont été imposés à votre peuple pour sa dureté de cœur n’ont
aucune importance pour la pratique de la justice et de la piété »
(Dialogue 46)[4].
La Loi ne sauve pas, la Loi ne change pas l’animal humain,
la Loi ne rend pas bons ceux qui se contentent de l’observer à la lettre. Tout
juste ferait-elle de nous les « sépulcres blanchis » dont parle le
Christ, blancs à l’extérieur et pourris à l’intérieur. Elle nous rend membres d’une communauté,
mais cela ne suffit pas à sanctifier. Seul le Bien sauve. Et il sauve à toutes
les époques de l’histoire du monde, comme le souligne encore Justin avec un
rien d’emphase :
« Si ceux qui ont fait le Bien – ce qui est bien
universellement, naturellement, éternellement – sont agréables à Dieu, ils
seront aussi sauvés par le Christ à la résurrection, comme les justes qui ont
précédés la Loi, Noé, Jacob, Enoch et les autres s’il y en eut, avec ceux qui
reconnaissent que ce Christ est Fils de Dieu » (Dialogue 45).
Ce qui est Bien
« universellement », c’est ce bien que chaque cœur peut appréhender
comme
sien, au-delà des
observances d’une communauté. Ce bien a pour premier critère la nature
humaine dans son
universalité. Mais en même temps, parce que ce critère, accessible à chaque
personne, dépasse les
individus pris isolément, il faut admettre que ce bien naturel est aussi
éternel et donc
divin. En ce sens, il devient méritoire de l’accomplir et, avant le Christ,
avant
la Loi, avant ou
après Moïse donc, quiconque a accompli ce bien possède la vie éternelle
parce qu’il est sauvé
par le Christ. Nous sommes ici devant l’un des tout premiers
enseignements
chrétiens, un enseignement primitif. Que nous dit saint Justin ? que tout
bien
vraiment humain est
en même temps un bien divin, que ce qui nous libère des limites de notre
humanité c’est ce
bien accompli avec cœur, un bien que chacun est capable de reconnaître,
même si tous ne sont
pas capables de l’accomplir.
Ce bien est accessible non pas à la raison qui calcule, mais
à la foi, en sorte que saint Paul peut écrire : « Tout ce qui n’est
pas issu de la foi est péché » (Rom. 14, 23), non pas qu’il faille une foi
explicite en Jésus-Christ fils de Dieu pour faire le bien. Ce serait excessif.
Cela consisterait à dire que ceux qui ne croient pas au Christ ne peuvent
commettre que le mal. Comme si le péché originel avait agi en tous les hommes
comme une sorte de tare capitale ! Un tel pessimisme est erroné. En revanche, il
est vrai de dire que le bien n’est accessible que par la foi. Ce bien universel
propre à la nature, qui est un bien éternel et divin, pour parler comme saint
Justin, ne peut être qu’un objet de foi, non un objet de calcul et encore moins
un instinct. Pourquoi un objet de foi ? Parce que c’est en tant qu’il est
un objet de foi qu’il peut devenir un objet d’amour, laissant libre celui qui
l’accomplit d’aimer ce qu’il fait ou de ne pas l’aimer.
On comprend pourquoi saint Paul a tellement insisté sur la
dialectique entre la foi et la loi. La première est antérieure à la seconde
puisque elle remonte à Abraham, « père des croyants » (Hébr. 11),
alors que la loi a été donnée à Moïse « quatre cent trente ans plus
tard » comme dit saint Paul. La foi seule est universelle, alors que la
loi définit un peuple et le limite Elle est universelle dans le temps puisqu’elle
est « la vraie lumière qui éclaire tout homme venant dans le monde » (Jean 1, 5).
Elle est universelle dans l’espace puisqu’elle ne se laisse enfermer dans
aucune communauté. Elle est universelle dans son objet qui est l’être universel
comme parlait Fénelon. C’est cet élan universel vers le bien universel qui
donne son nom à la foi. On l’appelle catholique parce qu’en grec, catholique
signifie universelle. Dans le plan de Dieu, cette foi universelle doit se
substituer à toutes les lois particulières ou communautaires, parce qu’elle est
seule capable du bien intégral (ou infini) qui est Dieu. Grandeur de la foi…
Et pourtant, dans le même moment, on peut dire aussi que si
la foi seule sauve, c’est parce qu’elle nous fait immédiatement prendre
conscience de son insuffisance :
la foi n’est pas un véritable savoir note Thomas d’Aquin. Et cette insuffisance
de la foi est aussi la nôtre, elle est en quelque sorte adéquate à notre
condition : nous sommes insuffisants devant le bien à accomplir. Nous en
sommes incapables par nous-mêmes… D’une certaine façon, c’est d’abord par cette
humilité que le chrétien dépasse la loi et ceux qui sont sous la loi et qui,
l’observant, se croient parfaits. L’enseignement constant de Notre Seigneur
Jésus Christ, c’est que l’observation de la loi rend orgueilleux et ferme les
cœurs au bien réel. Il suffit de penser à la prière du pharisien, face au
publicain, le collecteur d’impôts à la solde de Rome : « Tu es béni
Seigneur de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes qui sont menteurs,
voleurs, adultères… » (Voir l'ensemble de la parabole Lc 18, 9-14). Et le publicain : "Il n'osait même pas lever les yeux au ciel et se frappait la poitrine en disant : Ayez pitié de moi Seigneur car je suis un pécheur". Quelle éloquence dans ces deux portraits rapidement croqués au moment le plus intime de leur vie. Et la sentence tombe : "Je vous le dis celui-ci redescendit justifié dans sa maison plutôt que l'autre". Dieu ne se donne pas à ceux qui observent la loi, mais plutôt au Sans-lois comme ce publicain, apparemment traître à son peuple puisque il collecte l'impôt pour Rome.
Le Sans-loi est donc plus grand que celui qui possède la
loi ? Comment cela est-il possible ? Quel vertige ! Un vertige
libertaire qui est à l’origine du christianisme.
Saint Paul, délivré définitivement de la Loi par l’extase du
Chemin de Damas, a été plus qu’aucun autre saisi par ce vertige[5].
Il s’en confesse dans la Première Epître aux Corinthiens. « Tout est
possible » s’exclame-t-il (I Co, 6, 12). On doit même traduire : "Tout est permis". C'est le sens obvie de l'expression grecque qu'il emploie. Sachant que ce n’est pas
l’observance de la loi qui le purifiera, il a envoyé les 613 mitsvot par dessus
les moulins. Plus de loi ? « Tout lui est donc permis ». Il veut
dire par là que tout est en son pouvoir… Délivré de la Loi, il fait
l’expérience intime de la liberté. Mais cette liberté n’est pas forcément
profitable, ajoute-t-il aussitôt en véritable pré-moderne qu’il est. Nous
aussi, en Occident aujourd’hui, nous sommes des Sans-lois. Nous aussi, tout
nous est permis. Reste à avoir la maturité suffisante pour ajouter :
« Tout n’est pas utile, tout ne m’apporte pas, tout n’est pas profitable".
Voilà la formule morale qui convient parfaitement à notre société de
consommation, société à la fois hyper règlementée et sans loi : « Tout est permis mais tout n’est pas
profitable » : tout n’est pas bon.
Qu’est-ce qui n’est pas bon ? Ce qui rend esclave. Et saint Paul continue, pour faire comprendre sa première exclamation, bien difficile à saisir, sur ce qui est permis et ce qui est profitable. Il précise : « Tout est en mon pouvoir, mais je ne me laisserai moi dominer par rien ». Dans ce « Tout est permis » du Sans-lois (c’est-à-dire du Non-juif), il y a un vertige d’abord et puis il y a un piège. Ce n’est pas parce que « c’est permis » qu’il faut le faire, ce n’est pas parce que « c’est autorisé » par l'absence de la Loi, que c’est sans dommage ou sans danger. Je peux à tous moment, si je ne me surveille pas, devenir mon propre esclave. Reste cette première impression de liberté, qui est l’apanage du Sans-loi, ce moment où l’on peut faire l’expérience d’une incroyable responsabilité, la responsabilité du bien dont chacun d’entre nous, nous pouvons devenir une cause, si, dans la grâce de Dieu, nous le voulons.
Qu’est-ce qui n’est pas bon ? Ce qui rend esclave. Et saint Paul continue, pour faire comprendre sa première exclamation, bien difficile à saisir, sur ce qui est permis et ce qui est profitable. Il précise : « Tout est en mon pouvoir, mais je ne me laisserai moi dominer par rien ». Dans ce « Tout est permis » du Sans-lois (c’est-à-dire du Non-juif), il y a un vertige d’abord et puis il y a un piège. Ce n’est pas parce que « c’est permis » qu’il faut le faire, ce n’est pas parce que « c’est autorisé » par l'absence de la Loi, que c’est sans dommage ou sans danger. Je peux à tous moment, si je ne me surveille pas, devenir mon propre esclave. Reste cette première impression de liberté, qui est l’apanage du Sans-loi, ce moment où l’on peut faire l’expérience d’une incroyable responsabilité, la responsabilité du bien dont chacun d’entre nous, nous pouvons devenir une cause, si, dans la grâce de Dieu, nous le voulons.
[1] Ce que
souligne saint Thomas d’Aquin dans sa Somme théologique, par exemple IaIIae Q.
19 a5. Le Docteur angélique explique par exemple que celui qui croit que
forniquer est un bien et qui ne fornique pas commet une faute. Soulignons que
dans l’article suivant (IaIIae Q. 19 a. 6), le même Docteur insiste sur la
dimension objective de l’ordre moral (dimension objective au nom de laquelle
par exemple, forniquer est toujours un mal, puisque l’on ne peut unir les corps
sans unir les âmes et les destinées dans une société commune qui permet
l’éducation des enfants). Il y a dans ces deux articles comme deux vérités
contraires qui ne sont vraies que dans la mesure d’ailleurs où elles peuvent
s’opposer l’une à l’autre.
[2] PLATON, Théétète 176 a : He phugué
homoiosis theô. La fuite du monde est-elle une manière de ressembler à
Dieu ? Pas sûr. En revanche, si Dieu est amour, c’est par l’amour qu’on lui
ressemble.
[3] Sur
l’insuffisance de la Loi d’après saint Paul, je me permets de renvoyer à Une
histoire du mal, éd. Via romana 2013
[4] On trouvera
commodément le Dialogue avec Tryphon dans JUSTIN, Œuvres, éd. Migne 1993.
[5] Je pense en
écrivant cela à mon ami Pierre, m’expliquant qu’il est chrétien et qu’il n’a
rien à faire des dogmes, que de surcroît il récuse le sacrifice. Je lui
dis : « Il ne te reste plus qu’une vague morale humanitaire :
Aimez-vous les uns les autres ». Il me répond :
« Détrompe-toi : notre christianisme ce n’est pas Aimez-vous les uns
les autres. Cette expression n’est guère originale. Notre christianisme c’est
la liberté ». En cela (en cela seulement), il avait raison, comme saint Paul.