mercredi 25 novembre 2009

Transsubstantiation à l’envers ?

Pas facile le titre de ce post. Pas de quoi attirer le client ! A ma décharge, l'expression que je trouve forte est d'Antoine et c'est à Antoine que je veux (essayer de) répondre ce soir. Et pas pour lui faire un dessin, quel qu'il soit, non ! Je vais essayer d'aller... au fond des choses... sur le sujet le plus difficile qui soit, mais aussi le plus essentiel et tant qu'on y est dans le vocabulaire théologique, le plus conssubstantiel... Ce sujet c'est...

Qu'allons nous devenir ?

Louis Rougier était un personnage extraordinaire, scientifique de haut vol, diplomate de talent et métaphysicien à ses heures. Il avait essayé de rabibocher le Maréchal Pétain avec Londres dans une romanesque mission secrète (ce qui ne lui a pas valu que des amis). Pour ce qui nous intéresse ici, il a écrit un gros livre sur la scolastique, dans lequel il dit en substance : si l'on parvient à montrer que la distinction essence/existence est du bidon le christianisme est mort. Rassurez vous il parlait beaucoup mieux que cela. Mais je tiens à ce livre, que je n'ai pas encore lu comme on lit quand on lit, mais qui m'a été offert en son temps, avec le commentaire ad hoc par mon ami Alain de Benoist, qui sait très bien, lui, où le bât peut blesser.

Quel rapport direz-vous entre Louis Rougier et ma question précédente : qu'allons-nous devenir ?

Nous sommes au coeur du sujet. Soit Louis Rougier a raison, il n'y a pas de distinction entre l'essence et l'existence, nous sommes ce que nous sommes (notre essence) et alors, simples mammifères supérieurs, nous sommes bons pour manger des pissenlits par la racine jusqu'au siècle des siècles (à moins que nous ne décidions de nous transformer plus poétiquement en fumée, reprenant involontairement la formule de l'Ecclésiaste : Vanité des vanités, tout est vanité et poursuite du vent).

Admettons, Antoine, que vous ne vous laissiez pas impressionner par l'Ecclésiaste. Vous me direz :

- Vous oubliez, M. l'abbé, que l'immortalité de l'âme, ça se prouve.

Je vous répondrai :

- Sans doute "ça" se prouve. Mais l'immortalité de chaque personne, l'immortalité personnelle de l'âme humaine, c'est plus compliqué (nonobstant ce qu'en dit Vatican I). On prouve facilement, parce que c'est un pléonasme, l'immortalité de l'esprit, cette étincelle promise en nous au Brasier de l'Esprit universel. Mais prouver que notre être personnel doive survivre... là...

A ce moment, il m'est difficile de me mettre à votre place pour continuer ce dialogue en votre nom. Je vais donc prendre votre place dans cet échange, tout en continuant à me répondre à moi-même... Et vous me direz si vous auriez réagi de la même façon... à ma place. Voici ce que je me dirais à moi même :

- Mais enfin, Guillaume, tu oublies que tous les hommes aspirent au bonheur, que ce bonheur, s'il existe, est nécessairement assuré pour toujours (qu'est-ce qu'un bonheur précaire ? Un malheur !) et que par conséquent, la vie éternelle pour ceux qui le méritent doit être au bout de tout cela.

- C'est manifestement, M. l'abbé, non seulement ce que dit saint Thomas d'Aquin (par ex. Ia Q. 2 a1 ad1m), mais ce que pensent les Egyptiens, avec leur idée du "kâ", pesé pour chacun par Anubis. C'est une aspiration humaine. Mais toutes nos aspirations doivent-elles être exaucées ? Moi j'aspire à être pilote de ligne... Mais il y a loin du voeux à la réalité...

- Cher Guillaume, tu la joues érudit, références et tout, mais ce jeu ne trompe personne... En réalité, l'Eglise enseigne que l'on peut démontrer par la raison l'immortalité de l'âme qui est un "praeambulum fidei". Cela doit nous suffire !

- Oui, M. l'abbé, l'Eglise l'enseigne. Mais l'Eglise n'a jamais dit qu'entre la certitude philosophique de l'immortalité de l'âme et l'évidence chrétienne de la résurrection des corps, on parle de la même chose. En réalité, seul le Christ, par sa propre résurrection, nous donne l'assurance de la résurrection de chacun, âme et corps : le corps dit saint Paul, semé corps psychique, ressuscite corps spirituel.

- Excuse moi, mais je crois que tu t'enfonces. Nous sommes partis de Louis Rougier...

- Et nous arrivons à Louis Rougier. Comment comprendre la résurrection des corps sans la distinction essence/existence ? L'essence ? C'est l'ensemble des déterminations qui font de nous ce que nous sommes selon la logique profonde qui est en nous. Ce n'est pas un scoop, nous sommes… des animaux (pas très) raisonnables. Mais si nous ne sommes que cela, il y a de fortes chances pour que tout ce qui est lié, dans notre vie à la matérialité de notre corps disparaisse. Que restera-t-il ? Si en revanche, nous admettons que notre essence se déploie dans la réalité selon son acte de connaître et d'aimer, selon la liberté qui nous anime. Bref, si nous reconnaissons que nous ne nous limitons pas à notre essence, alors nous pouvons supposer que Dieu, ressuscitant "nos corps de mort" (saint Paul), mettra en nous une puissance (exousia dit saint Jean dans le Prologue de son Evangile : potestas traduit la Vulgate), qui est une puissance de vie éternelle, que l'animal humain ne porte pas en lui...

Et là, Antoine, je vous repasse la parole, car cette parole est vôtre :

- Mais alors, la vie éternelle, est-ce une transsubstantiation à l'envers ? Saint Paul, que vous citiez à l'instant dit dans le même passage : "Nous ne mourrons pas tous, mais tous nous serons transformés". Qu'est-ce que cette transformation ? Va-t-on changer complètement ?

- Non. C'est tout l'intérêt théologique de la distinction essence existence. Notre essence individuelle (ousia en grec) demeure dans l’éternité. C’est notre existence, c’est notre vie qui est transformée… Nos désirs demeurent, notre vie intérieure demeure, c’est le milieu ambiant (le milieu divin dirait Teilhard) qui est différent et… qui va tout changer. Sur terre, nous étions toujours dans l’autoréalisation. Au Ciel, notre mode de réalisation est devenu un mode divin. Certes, nous vivons en Dieu dès ici bas (In ipso movemur et sumus dit saint Paul aux Athéniens citant le poète Aratus), mais nous n’en avons pas forcément conscience. De l’autre côté, lorsque se sera déchiré le voile de la chair, nous ne pourrons pas ne pas comprendre cela, soit en y adhérant et en nous laissant ainsi diviniser, en nous laissant emporter dans l’élan divin, en nous laissant conquérir par ce centre infiniment mobile qu’est Dieu, soit en le refusant et en nous condamnant nous mêmes au néant.

- Mais qu’est-ce que c’est votre néant ? Rien ! Berson disait que « l’idée de néant est un néant d’idée ». Si je vous suis, l’enfer (ou la damnation) n’est… rien !

- Il y a deux non-être, dit très bien Cajétan dans son Commentaire du De ente et essentia, tout comme il y a deux dimensions de l’étant (ens), l’essence et l’existence. Il y a donc le néant de l’essence et le néant de l’existence. Paradoxe : c’est le néant de l’essence (« l’idée de néant » dit Bergson lui-même) qui n’existe pas et qui est, de ce fait, un néant d’idée. L’enfer, c’est le néant de l’existence, c’est l’essence humaine individuelle, toujours semblable à elle-même, avec ses désirs et sa vie intérieure, mais cette essence ne peut exister en quelque sorte, elle n’est plus capable de s’actualiser, de se développer, de vivre. La damnation ou privation du Milieu divin conduit une essence humaine dans une non-vie et lui fait subir de ce fait un perpétuel déni d’elle-même. Rappelons, par parenthèses qu’il faut distinguer la peine du dam ou damnation et la peine des sens, qui n’en est que l’illustration ad usum animalium. Etre damné c’est d’abord vivre éternellement notre néant et l’éprouver comme néant à chaque instant.

- Vous nous montrer dans l’essence et dans l’existence deux catégories métaphysiques opératoires. Mais comment parvient-on à les distinguer ?
- Comme le souligne Cajétan, la distinction réelle entre l’essence et l’existence se prouve par l'expérience immédiate : autre chose, souligne-t-il, est de penser la santé et les conditions de la santé et autre chose d'être en bonne santé. Lui-même étant de santé fragile, il savait bien de quoi il parlait. Comme dirait Kant : autre chose est d'avoir cent euros dans sa poche et autre chose d'y penser très fort (il parlait d'une autre monnaie mais peu importe, c'est la même idée, monnaie unique ou pas). C'est de ce point que nous sommes partis, au quatrième cours du vendredi au CCCSP, pour comprendre comment l'homme recevait, avec la grâce, une participation réelle et réellement nouvelle à l'être divin, auquel il communique par l'intelligence et par la volonté, en vertu d'un libre décret divin qui a voulu se montrer aux hommes. C'est dans cette participation à l'être divin auquel rien n'est impossible que l'homme semé corps psychique peut ressusciter corps spirituel. Il reste identique dans son essence mais il se réalise dans « la bonne terre » dont parle l’Evangile, celle de l’Eternité.

mardi 24 novembre 2009

[conf'] mardi 24 Novembre 2009 à 20 heures - «Aperçus sur saint Luc, les richesses historiques et spirituelles du 'Codex Bezæ'»

Conférence au Centre Saint Paul (IBP à Paris) - Mardi 24 Novembre 2009 à 20 heures - «Aperçus sur saint Luc, les richesses historiques et spirituelles du 'Codex Bezæ'» - par Sylvie CHABERT D’HYERES - Participation aux frais: 5 euros, 2 euros pour les étudiants - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

lundi 23 novembre 2009

Eugène Green et sa religieuse portugaise

Je me demandais si je pourrais aller voir La religieuse portugaise, un film d'Eugène Green, sorti voici 15 jours et qui passe encore (pour combien de temps) dans un seul cinéma Rue Rambuteau... Je pensais à La religieuse de Diderot. Rien à voir ! Ce film, janséniste dans ses moyens d'expression, est "simplement" superbe.

Je n'emploie pas l'adjectif "janséniste" au hasard. L'héroïne de ce film, Julie de Hauranne, porte, précisément, le nom de Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint Cyran, auteur d'un sulfureux essai sur le duel et de lettres spirituelles, qui en font l'un des plus grands catholiques baroques. Ce personnage est à l'origine du mouvement janséniste, étant à Louvain camarade de chambrée d'un certain... Jansenius, dont il introduit l'oeuvre en France. Eugène Green, spécialiste par ailleurs de La parole baroque, n'a pas pu douer son héroïne de ce patronyme historiquement chargé sans quelque préméditation.

Il faudrait, pour vous présenter ce film et vous engager à aller le voir le plus vite possible (avant mercredi où il risque de disparaître de l'affiche) que je vous présente à la fois la forme cinématographique à laquelle Eugène Green a voulu sacrifier et le fond du récit, qui n'est rien d'autre que celui de l'aventure chrétienne de l'âme libre. Peut-être quelque liseur de ce blog pourra-t-il suppléer à mon incompétence...

- Vous cherchez quelqu'un - Je ne crois pas non.

Ce petit bout de dialogue, arraché au début du film situe la démarche de Julie. D'origine portugaise par sa mère, elle cherchait simplement à s'approprier la ville de Lisbonne, errant dans la nuit sans but. Ce "quelqu'un" qu'elle ne croit pas chercher, elle va le trouver, cette nuit-là, au fond d'une église ouverte en permanence et où prie justement... la religieuse portugaise. Elle entre. Elle sort presque aussitôt, troublée. Elle s'informe. On lui parle de cette religieuse comme de "la sainte". Elle revient irrésistiblement attirée par elle ne sait quoi, car sa démarche, signe de sa totale contemporanéité, n'est jamais explicitement religieuse et ne le deviendra pas. Elle revient encore, et cette fois, voit "la religieuse portugaise" disparaître de son champ visuel. est-ce un phénomène mystique ou médical ? Elle même, de peur, tombe en syncope. Lorsqu'elle revient à elle, la religieuse portugaise est penchée sur elle, attentive...

Le dialogue qu'elles ont à ce moment là est le coeur du film. On comprend que Julie a trouvé son double. La religieuse lui explique que les amours profanes, qu'elle enchaîne avec une véritable boulimie, sont, au moins comme symptôme, un même amour avec l'amour sacré qui attire toutes les nuit "la sainte" au pied de l'autel illuminé.

L'idée du double est orchestré de multiple façon : dans le scénario, Julie est actrice. Elle vient jouer dans un film (celui que nous sommes en train de regarder) le rôle d'une religieuse portugaise infidèle à ses voeux pour les beaux yeux d'un officier français de passage. Son face à face avec la religieuse portugaise lui fait comprendre la différence - qu'elle cherchait déjà obscurément - entre l'amour et les passades (elle dit : les passions et elle en souffre) qui sont les siennes. Mais c'est la religieuse qui lui donne le sens profond de l'amour : non pas disparaître en Dieu, mais enfanter. S'enfanter soi-même. Se découvrir. Et peut-être si l'occasion se présente, mais alors surtout pas au hasard, se donner. Quand on a compris cela et que l'on est Julie de Hauranne ou (c'est tout un) la religieuse portugaise) on ne peut se donner qu'à Don Sebastiaô.

Le caractère foncièrement janséniste du film se mesure dans les trois rencontres masculines que fait Julie en trois jours. Elle sauve le Comte par une sorte de grâce qu'elle n'a même pas conscience de lui donner. Mais a-t-on conscience de la grâce efficace quand on est janséniste ? Elle renvoie Martin à sa petite vie rangée (il n'est pas capable d'autre chose, le jansénisme version Saint-Cyran, est un aristocratisme), en l'engageant à ne jamais la quitter cette petite vie, et à ne pas quitter sa femme Marlène par la même occasion. Elle croise un beau jeune homme, "Don Sebastiaö" auquel elle inspire une passion foudroyante (est-ce la delectatio victrix des jansénistes) et elle remet leur union au caprice de la grâce et d'une troisième rencontre que les deux qui précèdent semble laisser nécessairement présager.

"Aller où Dieu mène et ne rien faire lâchement" disait saint-Cyran. Sa foudroyante découverte d'elle-même donne à Julie le courage d'adopter Vasco, le petit gamin qui va la sortir d'elle même et être son Amérique à elle.

Peu de temps pour vous parler de la forme si particulière de ce film, je veux souligner pourtant l'importance tout d'abord de la ville Lisbonne (magnifiques prises de vue), de sa musique, la Saudade, cette mélancolie qui même quand elle est chantée par une femme a quelque chose de secrètement viril et de non-sentimental. Il faut aussi dire quelque chose des techniques, les plus simples du monde, longs travelling sur les choses, qui affirment tranquillement leur masse d'ombre et de lumière, fréquent face à face des personnages, qui jamais ne pratiquent l'esquive.

En ai-je trop dit ? Ce film est suffisamment difficile pour que l'on puisse donner quelques clés. Eugène Green (qui se met lui même en scène comme le réalisateur du film que vient tourner Julie) a réussi là un chef d'oeuvre d'expressionnisme spirituel. Il ne parvient à cet expressionnisme qu'en sacrifiant toutes les facilités du quotidien, en supprimant les anecdotes et en se concentrant sur l'essentiel : les visages de ses personnages et les pierres de Lisbonne. La manière dont parlent les acteurs (en faisant les liaisons même lorsqu'elles ne sont pas nécessaires dans la langue courante) ajoute à cet expressionnisme une dimension rhétorique inhabituelle mais parfaitement maîtrisée, qui fait de ce film une "diaphanie" de lumière où triomphe encore une fois, au XXIème siècle,... la parole baroque.


[Note du webmaster] L'abbé de Tanoüarn me demande de mettre le lien vers la chanson Agua de Março de Elis Regina, dont parle Thierry ci-dessous, dans sa réaction. Les liens ne pouvant pas être activés lorsqu'ils sont en 'commentaires, je mets directement ici cette chanson.


samedi 21 novembre 2009

Pour Thierry et Antoine

Cher Thierry et cher Antoine,

Merci à tous les deux de me lire avec tant de sym-pathie, tant d'attention.

A Thierry, je dirai que je suis tout à fait d'accord avec la distinction qu'il fait entre la foi et la culture. Il y a encore en France des millions de gens qui sont de culture catholique et qui, comme votre motard, ne trouvent pas leur compte dans l'Eglise, soit à cause de la bêtise de certains paroissiens qui aimeraient tant garder le Bon Dieu pour eux (illustration curieuse du ressentiment décrit par Nietzsche et dont Nietzsche était d'ailleurs le premier à souffrir), soit à cause du caractère trop souvent stéréotypé et donc insatisfaisant de l'enseignement d'une Eglise qui a préféré le psittacisme conciliaire à l'intelligence catholique, soit encore parce que l'Eglise, désirant garder ses ouailles dans des communautés froides comme le Groenland, instaure, pour tout, un examen ou une préparation (si votre copain n'est pas trop loin de Paris, il peut toujours venir me voir ou m'appeler 06 15 10 75 82). Ne croyez pas que vous soyez le seul à souffrir de ces étroitesse boutiquières.

Beaucoup d'autres fidèles, des prêtres aussi en grand nombre sont scandalisé de ce petit esprit de propriétaires du bon Dieu, qui se manifeste, de manière différentes dans toutes les tendances catholiques. L'abbé Laguérie, inaugurant l'église Saint Eloi, il y a quelques années déjà, a fait un prêche tonitruant contre toutes ces manières de cacher le Christ à ceux qui le cherchent, cette focalisation des rombières sur les décolletés (on se demande bien pourquoi ça les intéresse ou plutôt non: on ne se le demande pas...), mais aussi cet esprit sectaire qui met"la communauté chrétienne" (ou la communion, c'est souvent la même chose dans ce langage antithéologique qui est devenu langage courant dans l'Eglise) au dessus de la recherche de la vérité. Voyez la parabole du Pharisien et du Publicain et vous saurez que ce ne date pas d'hier. Le Christ lui-même n'aimaient pas forcément "les paroissiens du premier rang" et qui entendent le rester, défendant leurs prérogatives contre leurs frères timides ou... traditionalistes...

Cette culture catholique, que vous avez si profonde, cher Thierry, il n'est pas possible qu'elle ne jaillisse pas un jour de vous comme une foi. Je ne dis pas cela parce que je chercherais à vous récupérer. Je ne sais pas qui vous êtes ni où vous habitez. Mais je sais que lorsque vous aurez trouvé votre langage, votre manière de dire la foi, au delà de "l'écran total" des mots usés, cette foi, on le sent quand on vous lit, elle jaillira en vie éternelle. Juste un conseil : lisez l'Évangile de temps en temps. Saint Luc d'abord peut être... Et saint Matthieu pour le discours sur la Montagne (chap. 5 et suivant). Et vous (chercherez d'instinct et) trouverez les mots pour reprendre à votre compte ce langage universel des Évangiles.

C'est cela la foi : recevoir une parole.

Cher Antoine, je ne pensais pas être si long dans ma réponse à Thierry. Je vous répondrai donc demain, tout en présentant le résumé du cours que j'ai donné ce soir sur la Somme théologique. Il ne faut pas moins qu'une petite promenade dans l'analogie des noms pour vous répondre de manière satisfaisante.

jeudi 19 novembre 2009

Auch compte un prêtre en exercice

«Il en va de la survie de la vitalité de l'Église gersoise» estime un article de Sud-Ouest, et on serait tenté de dire: de sa survie tout court. Car «dans le Gers comme ailleurs, la crise des vocations pastorales» a frappé. Alors les prêtres qui restent doivent s’organiser, se démultiplier.
 
Tel est le cas de l'abbé David Cenzon, «Auch ne compte plus qu'un curé en exercice», c’est lui, et la légende de la photo (reprise ici) précise même qu’il est «l’unique prêtre de la ville d'Auch». Il exerce son apostolat «sur une zone où dans des temps plus anciens, il y avait de quatre à cinq prêtres». Dans ces conditions, effectivement, «les prêtres ont donc tout intérêt à faire preuve d'organisation».

Autre prêtre du diocèse, l'abbé Charles Terran (4 paroisses sur ses épaules) fait bonne figure: «En s'organisant bien, on y arrive toujours». Il a «70 ans, bientôt 71». La «croisade contre le sablier de Chronos» dont parle Sud-Ouest («jongler avec des emplois du temps de ministre») a un autre sens plus triste.
 
Heureusement «la communauté des laïcs a accepté de leur prêter main-forte», l'abbé Jacques Fauré (Grand Auch) explique qu’il s’agit de «libérer les prêtres plus vite afin qu'ils puissent se rendre dans plusieurs églises dans une même journée». Autrement dit: pour que les prêtres puissent faire ce qu’eux seuls peuvent faire, il convient qu’ils ne soient pas seuls.

Cajétan à Lyon

Hier rapide aller retour à Lyon. Juste le temps de goûter le fameux saucisson... Mais surtout l'occasion de reparler de Cajétan, dans le cadre du séminaire de philosophie de mon directeur de thèse, Bruno Pinchard, en présence de plusieurs universitaires. Le débat, passionnant, déborde l'horaire. Je finis par croire que je vais trouver un "moyen court" pour initier le profane à Cajétan. J'y travaille, à ce Cajétan digeste.

Mais pourquoi Cajétan est-il inévitable direz-vous ? Parce qu'il est le seul à penser le christianisme comme un art de la métamorphose. Une partie du débat porta sur ce point et sur ce mot de métamorphose, qui, c'est vrai, n'est pas utilisé par Cajétan lui-même, mais définit fort bien la transformation de l'homme chrétien.

- Ne faudrait-il pas parler de "transfiguration", pour rester dans le vocabulaire du christianisme, alors qu'à l'évidence "métamorphose" nous en fait sortir ? me demande-t-on.

- Ce n'est pas seulement notre figure qui change, au contact du Christ, mais nous devenons sa propre hypostase. Nous sommes le Christ. Nous recevons sa vie (divine) et d'une certaine façon, il n'y en a pas d'autre qui vaille pour nous. Si nous ne recevons pas cette vie, nous ne pouvons voir Dieu... Nous n'accomplissons pas la destinée miraculeuse que Dieu a ouverte à notre esprit. Voilà Cajétan. Comment désigner cette christification qui nous attend sinon comme une incroyable métamorphose.

- Métamorphose signifie changement de forme. S'agit-il pour celui qui voit Dieu de changer de forme ?

- Certes pour Cajétan, les formes (ou les essences) sont immuables et inscrite dans le langage des hommes, au cas où le sommeil du philosophe les lui aurait fait oublier. En ce sens, si morphé signifie la forme, il n'y a pas changement de forme dans la vie éternelle. Nous restons ce que nous sommes. Mais nous le serons "divinement", parce que Dieu s'étant fait voir à nous, nous le voyons en participant analogiquement de sa divinité. Comme dit Cajétan "nous devenons Dieu intelligiblement"... Nous y participons dans notre être même. Ce changement d'être à l'infini, dans l'identité conservée de notre essence individuelle, peut bien s'appeler "métamorphose"...

J'ai été heureux de pouvoir rendre cet hommage à la puissance spéculative de Cajétan, dans la bonne ville qui avait fait de lui, en 1525, un citoyen d'honneur. Cajétan, Lyonnais au temps des traboules ? Nul doute que ce bourgeois de l'Italie méridionale se sentait chez lui à Lyon, à l'ombre des imprimeurs qui prospéraient à l'époque en cette ville et qui ne lésinait pas à publier son œuvre, en défense du luthéranisme. On ne refera pas la France, ni les Gaulois : Lyon la catholique avait tenu à faire de Cajétan son champion, malgré ou peut-être à cause des condamnations que portait contre lui l'Université de Paris depuis 1510...

Douelle, pour présenter la France

Jean Fourastié (économiste, commissaire au plan) avait écrit : «J'ai choisi Douelle pour présenter la France». Dans «Les Trente Glorieuses» (le titre est désormais d’usage courant) il comparait ce village avec lui-même, à 30 ans d’intervalle: au sortir de la guerre, et dans les années 70. Depuis, trente autres années ont passé. Marie-Pierre Subtil est journaliste au Monde – elle s’est rendue dans le village témoin et fait le point, dans un article assez joliment intitulé La France en son miroir. De cet article, nous ne vous parlerons pas ici.

Ce qui nous intéresse, c’est son articulet sur le prêtre qui dessert Douelle et une (grosse) poignée d'autres villages. Il est birman et s’appelle Natalé Khin Soe. A Douelle la messe a lieu désormais «un dimanche, un samedi et un mardi par mois». Par chance, Marie-Pierre Subtil était présente le bon jour de la bonne semaine, d’où cette partie religieuse de son reportage. Neuf personnes à la messe, «la plus jeune, ce mardi, Ginette, a 69 ans»; le dimanche ils sont «environ 70, mais de tout le canton». «Les enfants de choeur ont disparu au début des années 1990», quatre baptêmes dans l’année, dont «aucun Douellais». Il n’y a plus de catéchisme «faute de dame (ou d'homme) catéchiste».

Dans les années 70, à l’issue des ‘Trente glorieuses’, «seuls 15 % à 20 % de la population du village» assistait à la messe selon Jean Fourastié. Ils seraient actuellement «entre 3% et 4%» «On a changé de civilisation» résume un habitant, dont la femme est «responsable de l'équipe de 6-7 personnes qui préparent les cérémonies» - tous ou presque ont passé 80 ans.

Revenons au prêtre, Natalé Khin Soe («tout le monde l'appelle Natalé»). Il a eu un drôle de choc en arrivant dans la région. Dans son village de Birmanie «plus de 150 fidèles assistent à l'office qui a lieu tous les matins à 5 heures». A quoi sert-il ici? Les funérailles se passent en son absence, il dit «n'y être pour rien» et «appliquer les règles». Plus généralement il estime qu’«il n'est pas là pour apporter la Parole». Que fait-il alors ? «Chez les aînés, il dîne. Avec les jeunes adultes, il joue au volley. Aux enfants, il donne des cours de guitare.»

L’idée de Jean Fourastié, répétons-le: Que Douelle pouvait servir à illustrer la France. Et si c'était vrai, hélas?

mercredi 18 novembre 2009

Le miracle, pourquoi

C'était la conférence de ce Mardi au Centre saint Paul. Deux médecins, très différents l'un de l'autre, Luc Perrel et Philippe de Labriolle, formaient un bel alliage. Je n'ai pas le temps ce soir de vous faire un vrai Compte rendu. Je voudrais simplement saisir au vol une formule du docteur de Labriolle : "Le vrai miracle est un hommage au logos".

Je développerai cette formule au risque d'être infidèle à son auteur qui, lecteur occasionel de ce Blog, saura me détromper si je m'égare. il me semble que prise à la rigueur, cette phrase signifie que Dieu lui-même rend hommage au logos humain, en offrant à son jugement - parfois - le témoignage d'un miracle. A Lourdes, deux agnostiques ont réagi très différemment : Emile Zola a nié le fait dont il était pourtant témoin et il a écrit son Lourdes avec cette idée que le miracle n'existe pas. Alexis Carrel, prix Nobel de médecine, s'est converti.

S'il est avéré que "le vrai et le fait sont convertibles", comme le pensait Vico(1744), qui fit de cette formule le résumé de la sagesse des Italiens, alors on peut dire que par les miracles, Dieu rend hommage au logos humain et à sa capacité de "se faire" à tous les faits, à sa protéiformité, à sa malléabilité. Le miracle présente à nos sens une extension du domaine du réel. C'est un extraordinaire cadeau à l'intelligence humaine. Si on lit le petit traité d'Alexis Carrel sur la prière, on s'aperçoit que ce cadeau ne lui a pas été fait en vain, tant il est sensible à cette extension du diomaine du réel qu'est le surnaturel, extension habituellement invisible et seulement perceptible au coeur. Dieu sensible au coeur et pas à la raison disait Pascal. On comprend ce qu'il veut dire. L'horizon de la raison est limitée par l'expérience sensible. C'est le coeur qui peut entrer dans l'analogie et parler de Dieu, en balbutiant, et "autant qu'il lui est permis d'en parler" comme dirait Cajétan. Vis-à-vis de Dieu, nous n'avons qu'une licentia balbutiendi, pour reprendre sa formule.

Eh bien ! Le miracle, c'est un blanc seing divin donné un instant par l'intermédiaire des sens, à la raison, pour renforcer l'esprit de l'homme (cet esprit, noûs, que Pascal, après Augustin, appelle le "coeur") dans son élan vers l'infini. En ce sens, c'est bien un hommage que Dieu rend au logos humain, cette infime participation à son Esprit infini, ou une condescendance qu'il éprouve pour notre raison, "cette petite chose à la surface de nous mêmes" (Maurice Barrès).

mardi 17 novembre 2009

[conf'] mardi 17 Novembre 2009 à 20 heures - «Les miracles aujourd’hui à Lourdes» - par les Docteurs Luc PERREL et Philippe de LABRIOLLE

Conférence au Centre Saint Paul (IBP à Paris) - Mardi 17 Novembre 2009 à 20 heures - «Les miracles aujourd’hui à Lourdes, état des lieux et réflexions diverses sur l’utilité des miracles» - par les Docteurs Luc PERREL et Philippe de LABRIOLLE - Participation aux frais: 5 euros, 2 euros pour les étudiants - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

Heureux ceux qui pleurent...

Comme le souligne Cajétan dans son Commentaire de saint Matthieu, c'est la plus déroutante des Béatitudes. Et de citer l'Ecclésiastique au chapitre 30 : "Il n'y a aucune utilité à la tristesse".

Dimanche dernier, j'ai proposé un Commentaire assez classique de cette Béatitude. Assez classique par la force des choses ou la soudaine faiblesse de mes sources. Le livre de Dom Jacques Dupont sur les Béatitudes : 268 pages. Rien sur le sens de la troisième Béatitude. La Théologie morale du Nouveau Testament du Père Ceslas Spicq : rien non plus. Je fais donc un mixte des classiques, saint Thomas, saint Augustin... et l'inévitable Cajétan, très précieux en l'espèce une fois de plus.

Je souligne que ce qui rend triste, c'est le mal, que la conscience du mal était à la fois la conscience du péché (en nous ou autour de nous précise saint Thomas opportunément) et la conscience de la mort, le deuil de la vie. J'appelle à la rescousse saint Augustin qui insiste sur le fait que la Béatitude des larmes doit être rapprochée du don spirituel de science. Autant lorsqu'il rapproche la Béatitude des pauvres du don de crainte et la béatitude des doux du don de piété, saint Augustin me paraît un peu "forcer" le sens de son propre rapprochement, autant là le rapprochement s'impose. Il y a une science du mal, qui, en chacun de nous prélude à la bonne nouvelle du salut. Comment pourrions nous demander d'être sauvés si nous n'avons pas la science de tout ce qui nous manque pour cela. Cette science du mal, nous l'acquerrons plus facilement en regardant autour de nous qu'en nous regardant nous mêmes. Nous sommes mauvais juges de nous mêmes, soit que nous nous jugions trop bien soit que nous nous jugions trop mal. Il est si difficile de pleurer ses péchés avec autre chose que des larmes de crocodile. Mais autour de nous... Non pas tant chez nos voisins parce que nos voisins et nous, nous sommes trop liés pour être objectifs...

Mais le spectacle de l'histoire humaine est une extraordinaire introduction à ce don de science qui provoque les larmes... et la Béatitude. L'histoire humaine est un gigantesque gâchis qui, comme nous en a prévenu le Christ, nous présente une apocalypse à chaque génération : "Cette génération ne passera pas que tout ne soit accompli". Et c'est ce spectacle terrible de la puissance du mal dans l'histoire (voyez aussi dans la Bible l'histoire du peuple juif, avec les deux génocides qui y sont programmés, celui de Pharaon et celui de Cyrius dans le Livre d'Esther, et toutes les occasions manquées qui nous sont racontées), c'est cette lucidité que nous acquerrons au spectacle des horreurs de l'histoire qui nous sauvera de notre infatuation et nous permettra de recevoir le salut. Non comme un dû, mais comme ce sans quoi nous ne serons jamais que des animaux pas très raisonnables.

En développant ces perspectives tragiques... et salutaires, j'ai simplement oublié une autre forme de larmes qui produit aussi le salut, les larmes de l'émotion, les larmes qui nous transportent, les larmes qui expriment souvent... ce qui nous reste de vérité et de réceptivité au bien. Car le bien nous émeut autant que le mal nous effraie. Je pense aux larmes que l'on verse devant quelque chose de vraiment beau ou devant une prouesse vraiment belle. Celui qui nous inspire ces larmes là c'est toujours le Christ et ce mystérieux ressort au fond de nous même qui échappe à tout calcul et va spontanément au bien qui n'est pas lui, comme l'a noté saint Augustin avant Kant, oui ce ressort qui va de lui-même à plus grand que lui.

Sans ces larmes de l'émotion vraie, il n'y a pas de dépassement de soi et donc pas de vrai christianisme. En ce sens, oui, heureux ceux qui pleurent car c'est le Christ qui pleure en eux. La Vierge Marie est la reine de ces larmes-là.

dimanche 15 novembre 2009

MetaBlog: Recevez les nouveaux messages par mail

Vous l'avez peut-être vue, en haut à gauche de ce blog: une petite fenêtre jaune vous propose de recevoir par mail les messages nouvellement publiés sur ce blog. Entrez-y votre adresse, vous pouvez aussi tout simplement cliquer ici pour vous inscrire à la newsletter du MetaBlog. Oui, je sais, on dit: lettre d'information.

Radio Courtoisie - Libre journal de Catherine Rouvier, présenté par l'abbé de Tanoüarn, le 13 novembre 2009

Le libre journal de Catherine Rouvier, sur Radio Courtoisie, était présenté par l'abbé de Tanoüarn, vendredi 13 novembre 2009. Il y recevait notamment:
  • Boris Lejeune, sculpteur, peintre, poète
  • François Huguenin, essayiste, historien
  • Maxence Caron, professeur agrégé de philosophie, écrivain
  • ... que l'on peut entendre ici
et dans la deuxième partie:
  • Laurent Tollinier, historien, conseiller juridique, journaliste à Respublica Christiana
  • Gilles Roignant, permanent de la table de presse du Centre Culturel Saint Paul
  • Bruno Legrain, avocat
  • Gilles de Beaupte, professeur de lettres, association "Etudes rebatiennes"
  • Catherine Tattegrain, journaliste à Respublica Christiana
  • José Néri, prêtre
  • ... que l'on peut entendre ici.

samedi 14 novembre 2009

France-Vatican: "... une réelle perte d'influence..."

L’AFP en avait fait une brève – Le rapport des députés du «groupe d’études sur les relations avec le Saint-Siège» mérite tout de même un peu plus. Sous la présidence de Jacques Remiller («député UMP de l’Isère») une délégation a passé trois jours à Rome en septembre, «la dernière mission au cours de la précédente législature ayant eu lieu en décembre 2005 ». Parmi les objectifs: faire le point sur «l’état des relations entre la France et le Saint-Siège». Qui sont marquées par «une riche histoire commune», mais les temps changent et «l’influence de la France décline pour de multiples raisons» qu’ils expliquent par la suite.

Il s’agissait aussi de «recueillir la position du Vatican sur quelques questions politiques et diplomatiques». Les députés évoquent des positions proches de la France «sur de grandes questions» telles que «défense des droits de l’homme», la «crise irakienne» et «le regard porté sur la situation politique et sociale en Afrique». Une fois posée cette convergence sympathique, on arrive aux «autres questions de société», sont nommées le «respect de la création», «la sacralité de l’Homme», le «repos dominical». Rien qui fâche vraiment, veulent croire les députés, pour qui «le Vatican adopte des positions qui sans être divergentes de celles de la France reposent en fait sur une approche plus spirituelle.»

C'est le ton du rapport: feutré, prudent. On n’en fera pas grief à des élus presqu’en mission diplomatique, leur rôle n’est pas d’appuyer là où ça fait mal. C’est ainsi qu’ils n’évoquent pas le préservatif et la lutte contre le sida, un grand moment pourtant des rapports avec Rome. La France avait en mars 2009 fait part de sa «très vive inquiétude» (Ministère des Affaires Etrangères) quant à la position de Benoît XVI, Alain Juppé avait estimé que «ce pape commence à poser un vrai problème» et Xavier Darcos avait renchéri: «c'est criminel» sans toutefois demander de poursuites. C’était, de gauche à droite, à celui qui s’indignerait le mieux. Pour rappel: Jacques Remiller (l’auteur principal du présent rapport) s’était à l’époque nettement démarqué de ses amis politiques.

Il préfère évoquer, dans les «échanges récents», les «propos très clairs sur le concept de laïcité progressive» de Nicolas Sarkozy à Rome et suggère que François Fillon, quand il parle de «laïcité à la française», est sur la même longueur d’ondes que Benoît XVI appelant à «l’évolution du concept de laïcité » et à «une réconciliation entre la foi et la raison».

Les députés veulent aussi voir comme des «relations étroites» les «béatifications et canonisations de nos compatriotes» de ces dernières années, qui indiquent plutôt un lien… avec notre passé. De fait, on en vient directement à «la perte d’influence de notre pays». Exit le cardinal Roger Etchegaray, exit le cardinal Paul Poupard : «il n’y a plus que deux cardinaux au sommet de la hiérarchie de la Curie» [MAJ15NOV: encore s'agit -il d'une erreur: Jean-Louis Tauran est bien cardinal, mais pas Dominique Mamberti, systématiquement cité comme tel]. Aucun Français ne sort plus de l’Ecole des Nonces, ce qui «entraînera à terme la disparition des ‘voix’ françaises dans la diplomatie vaticane». Les députés avancent un choix des évêques de France qui ne seraient «pas favorables à ce que partent leurs meilleurs prêtres» avec comme conséquence rapide que «la politique vaticane ne sera plus marquée par l’empreinte française». Autres signes: la France a rétrogradé son ambassade auprès du Saint-Siège «en catégorie 3».

Viennent ensuite «les inquiétudes et les préoccupations du Saint-Siège», en premier lieu «le faible nombre d’ordinations (une centaine par an au regard des 600 à 700 départs annuels de prêtres)», du à la sécularisation mais aussi au fait que les «communautés [catholiques] ne semblent plus capables de susciter et d’accompagner les vocations», que «l’image du prêtre a changé», et que les prêtres de la génération précédente «ne sont guère enclins à promouvoir les vocations». Le rapport a beau être feutré, il contient quelques lames de rasoir. Et si un prélat donne en exemple un séminaire, pour son «adaptation […] aux profils humains, psychologiques et sociologiques des jeunes», c’est (hélas) celui de Madrid avec ses 250 séminaristes.

Vient ensuite «le refus de faire référence aux ‘racines chrétiennes de l’Europe’», et des «divergences en particulier dans les domaines de la bioéthique» - la «loi sur l’avortement» de 1975 est citée en toutes lettres. Les Romains, visiblement au fait des débats français, rappellent par avance «l’interdiction de l’euthanasie» que pose l’Église.

Concernant la «reconnaissance des grades et diplômes» un accord a été signé le 18 décembre 2008. Le rapport ne mentionne pas la polémique d’alors en France, mais lui règle son compte au détour d’une phrase («chaque contractant souhaite que ses critères de qualité soient aussi élevés que ceux de l’autre partie »). Et pour qui n’aurait pas compris, leurs interlocuteurs précisent aux députés que pour certaines disciplines «une ‘agence de qualité’ spécifique à l’Église catholique déterminera les critères de formation nécessaires à la reconnaissance de ces diplômes».

Sécularisation de la France, affaiblissement de son Église... la «réelle perte d'influence» de la France auprès du Saint-Siège semble réciproque.

Dans une seconde partie, les députés entendent faire le point sur les premières années du nouveau pontificat. Il s’agit «de ne pas comparer deux Papes successifs, aux styles personnels et de gouvernement différents», c’est la demande des «interlocuteurs de la délégation», mais enfin… on arrive très vite aux supposées «difficultés de communication du Saint-Siège». Il est certes plus facile de suggérer «une gestion imparfaite des dossiers en interne» ou une «impréparation de la communication» plutôt que de reconnaître que la société (en particulier française) ne veut plus entendre certaines choses. Que ce qui irrite, ce ne sont pas des propos qui «semblent avoir été sortis de leur contexte» mais bien le contexte, justement, le contexte de la société française de 2009. De même les députés choisissent-ils de penser, concernant «la levée de l’excommunication des évêques ‘lefebvristes’», que les crispations françaises tiennent au «cas d’un évêque dont les propos négationnistes étaient connus». Libre à chacun de s'efforcer à les croire.

Suit l’exposé des objectifs de l’actuelle diplomatie vaticane : «dialogue avec les musulmans» qui «s’est accéléré depuis quelques années» mais qui trouve ses limites «dans la diversité et l’éclatement du monde musulman», et qui reste difficile «car les conceptions religieuses diffèrent trop» ; adhésion de la Turquie à l’Union Européenne, le Vatican ne prenant pas partie mais estimant que «l’Etat turc ne reconnaît pas l’Eglise catholique comme une entité juridique» et que n’y est donc pas garantie «la liberté effective de foi et de pensée» ; relations avec la Chine, où toutes «les communautés sont en relation directe avec le Saint-Siège» y compris celles qui se réclament de l’Eglise officielle.

La troisième partie du rapport est consacrée à «la présence française à Rome», c’est-à-dire à un «patrimoine exceptionnel» essentiellement immobilier. Les «Pieux Etablissements» (c’est le terme consacré) témoignent d’un passé plus riche que le présent. Le «séminaire pontifical français de Rome» compte encore «environ 70 étudiants (50 français et 20 étrangers)». La délégation (c’est presqu’ainsi que se termine son rapport) y a assisté aux Vêpres «qui lui ont paru très émouvantes». L’écrire sans honte et sans chichis, dans un contexte français de surenchère laïciste ou de catholicisme honteux… merci à ces quelques députés.

jeudi 12 novembre 2009

Identité catholique...

Je suis impatient de connaître l'enseignement de nos évêques sur l'identité catholique, thème principal de l'Assemblée de Lourdes cette année. On attend sur le sujet un nouveau "Rapport Dagens" de vingt cinq pages. Il n'est toujours pas rendu public, plusieurs jours après la clôture des travaux de Nosseigneurs.

Comment savoir ? Reste Internet. Je suis allé surfer sur différents sites, glaner telle ou telle déclaration publique de Mgr Dagens, pour essayer de comprendre ce qu'il entend par l'identité catholique.

Il faut reconnaître qu'aborder ce thème au moment où M. Sarkozy a demandé à Eric Besson d'organiser un débat franco-français sur l'identité nationale... c'est amusant. Tout se passe comme si, parti du thème de la visibilité de l'Eglise dans la société actuelle, Mgr Dagens avait rencontré, incontournable, comme une statue du Commandeur, le thème terrible de l'identité catholique.

Comment va-t-il héler le Commandeur ?

Il répète à plusieurs reprises que ce qu'il cherche ce sont "les exigences durables de notre foi". Merveilleux adjectif, si branché, et qui, se substituant à l'adjectif "traditionnel" dit néanmoins exactement la même chose : il faut transmettre ce qui est durable et oublier ce qui est circonstanciel.

Ce qui est durable? C'est "l'exigence de vérité" qui est en chacun de nous dit l'évêque. Magnifique programme! Le désir de vérité est en effet le seul désir qui ne s'anéantit pas dans sa satisfaction, le seul qui survive encore et encore à nos satiétés consuméristes. C'est avec le désir de vérité au coeur que l'on va au Ciel.

Le grand souci de Mgr Dagens? il apparaît très clairement dans son Discours de réception à l'Académie française le 14 mai dernier. Il faut laisser ce désir de vérité s'exprimer dans son authenticité native et ne pas le perturber en se crispant sur toutes formes d'"intransigeantisme".

Ah! L'intransigeantisme... Une belle invention des sociologues du catholicisme, René Rémond, Emile Poulat, Gabriel Le Bras et quelques autres. Les étiquettes font les hommes. L'intransigeantiste, vous le sentez, c'est celui avec lequel on n'aimerait pas partager un voyage au hasard d'un compartiment de chemin de fer. Celui que l'on ne cherchera pas, au dégotté, à inviter pour boire un verre au comptoir. Pourquoi ? Il est intransigeant. Il est fixe sur ses positions, raide dans ses bottes. Droit comme un piquet, il est tenu par son costume amidonné, plus encore que par ses convictions. C'est qu'il a souvent un uniforme, barbours pour les hommes, Cyrillus pour les femmes...

Personnellement, je ne me reconnais dans aucune forme d'intransigeance, car l'intransigeance est toujours l'attitude de quelqu'un qui est perdu en lui-même et qui ne sait pas échanger avec les autres. J'avoue que, combattant de toutes mes forces contre l'autonomie kantienne en morale, je ne me vois pas enfermé dans une forme quelconque d'intransigeance. On a toujours besoin des autres, comme le rappelait Mgr Rey au micro de RCF dernièrement. L'enfermement en soi, que traduit l'attitude intransigeante, est forcément de mauvais conseil. Il me semble que, lorsque cette intransigeance est consciente d'elle-même, elle est toujours un reliquat de ce kantisme moral qui a formé, peu ou prou, nos grands parents. L'intransigeantisme, en ce sens, n'est pas plus traditionaliste que progressiste, pas plus catholique que laïc, pas plus de droite que de gauche. Il est haïssable, comme le Moi de Boileau.

Mais je crois qu'en nous appelant à redécouvrir l'exigence de vérité qui est en nous, Mgr Dagens nous invite à un véritable radicalisme chrétien, à un retour à nos racines chrétiennes, prises au sérieux.

Quelles sont ces racines chrétiennes ? Nos racines chrétiennes sont dans le texte de l'Écriture, tel que la Tradition nous le présente. Il faut prendre au sérieux, savoir prendre au pied de la lettre les mots de l'Écriture. Exemple ? J'en donnerai un seul. Il me semble de poids. Les paroles de l'ange à Marie que nous répétons dans chaque Ave Maria : Le Seigneur avec vous. Quelle puissance dans cet "avec"! La liturgie s'en est saisi et fait dire plusieurs fois chaque messe : Dominus vobiscum. Revenir aux racines, cela peut signifier revenir aux mots eux-mêmes, ces mots qui sont de Dieu, et se garder des traductions. Qu'y a-t-il de plus dérisoire que le subjonctif présent - ajouté dans les traductions françaises : "Le Seigneur soit avec vous". Non : dans la liturgie il n'y a pas d'optatif, que de l'indicatif. La liturgie se réalise en mode réel, pas au subjonctif. Le Seigneur est avec nous... La foi commence là.

Nos racines chrétiennes sont aussi dans une culture, à la fois philosophique, artistique, politique, sociale... Elles sont tout simplement dans le langage. Notre grand allié dans l'œuvre de l'évangélisation (en particulier dans l'évangélisation des musulmans), c'est la langue française qui met des mots et donc des idées chrétiennes (l'idée de la responsabilité personnelle, du service public, mais aussi et simplement la grande idée de l'être) dans la tête et dans le cœur de ceux qui la découvre. Quand on ne connaît pas le barrage culturel du laïcisme, la conversion va beaucoup plus vite avec ce radicalisme de la langue, avec ce culte des racines de la langue.

On ne saurait trop remercier Mgr Dagens d'avoir osé héler la statue du Commandeur et de nous avoir donné le courage de le faire à sa suite.

Laïcité à l'américaine

L’AFP nous emmène aujourd’hui dans le nord des Etats-Unis, dans un village qui depuis 28 ans organisait un «défilé de Noël». L’avocat de la municipalité (on est chez les Américains) suggérait de «rebaptiser les évènements en ‘défilé des Fêtes’, une appellation plus neutre» dans la crainte «que cette appellation chrétienne ne suscite des poursuites judiciaires» et donc des frais énormes. Et du coup ce sont les Eglises locales qui se fâchent, elles «ont promis de boycotter le ‘défilé des Fêtes’ s'il n'était pas appelé ‘défilé de Noël’.» Coincé entre la perspective de poursuites et l’annonce d’un boycott, le maire renonce au défilé tout court. Cette histoire est un peu surprenante pour nous Français, qui croyons souvent avoir le monopole d'une idiote 'laïcité à la française'.

mercredi 11 novembre 2009

Libéralisme : oui ou non ?

Beaucoup de monde ce mardi pour une conférence difficile dont le titre ne fait guère mystère du contenu : Résister au libéralisme.

Je suis chargé de poser quelques questions au conférencier, François Huguenin... qui n'en a pas besoin, tant son aisance éclate et tant son calme emporte la mise... Heureux les doux car ils possèderont la terre. Depuis que je propose chaque dimanche une conférence sur les Béatitudes (dimanche prochain à 18 H : Heureux ceux qui pleurent...), je constate autour de moi leur efficacité pratique. La douceur : il n'y a pas force plus grande, lorsqu'elle est non pas le résultat apprêté d'un équilibre glandulaire, mais l'effet d'une volonté ardente et d'une conquête... de soi ! Il y avait de cela, cher François, dans votre prestation.

Cette douceur vous donnait, pour expliquer des concepts difficiles comme celui du voile d'ignorance sur lequel je vais revenir dans un instant, une autorité étonnante. Une force de conviction ! Beaucoup dans la salle étaient un peu perplexes : pourquoi aller chercher l'antilibéralisme chez les Ricains. D'autres n'étaient simplement pas d'accord avec cette idée de "résister au libéralisme". Certains auraient volontiers résisté autrement qu'à travers le communautarisme et le renouveau théologique américain que François Huguenin nous présentait. le débat fut long et d'un excellent niveau. Mais je crois que chacun a pu trouver son compte dans le fil de la conférence.

Il a fallu d'abord définir le libéralisme. C'est John Rawls qui sert d'étalon ou de parangon. Le libéralisme de Rawls est issu d'une réflexion sur l'individualisme social nécessaire et sur le contractualisme que cela suppose. Chacun contracte avec tous en demeurant dans une ignorance volontaire de sa propre identité personnelle, chacun accepte de mettre de côté ses convictions fondamentales concernant ce qui est vrai et ce qui est bien, pour s'en tenir à une idée du "juste" qui sera purement politique.

Rawls, personnage émouvant par sa rigueur et sa bonne foi, tente de ne pas glisser dans les impasses de la laïcité à la française. Il aimerait trouver le moyen pour que ce consensus neutre ne corresponde pas à une neutralité forcée dans l'ordre axiologique ou religieux. Force est pourtant de constater que son système contractualiste se déploie toujours comme un système englobant, qui ne laisse rien subsister en dehors de lui...

Comment résister au libéralisme de Rawls ? François Huguenin ne s'attarde guère sur les libertariens, ces anarchistes "de droite" qui remettent en cause l'idée même d'un ordre politique, en jouant à chaque fois l'individu contre la société civile et la société civile contre l'Etat.

Il s'en tient à trois courants de pensée, qui ont ses faveurs : le courant néo-républicain, qui exalte la "virtu" (au sens machiavélien du terme) qu'il faut pour servir sa patrie et trouve dans cette "virtu" républicaine une véritable identité spirituelle, compatible avec l'individualisme social dominant ; le courant communautarien, illustré entre autres par John McIntyre, qui, pour retrouver un véritable "bien commun" professe la nécessité de respecter les communautés qui forment la Cité ; enfin les théologiens (en particulier John Cavanaugh, jeune et brillant représentant du courant Radical orthodoxie), qui posent avec courage le problème de la vérité hors duquel, au fond - c'est toute l'erreur libérale de penser le contraire - il ne saurait y avoir de politique respectueuse de l'homme, en particulier dans son rapport avec Dieu.

Sa cartographie intellectuelle des résistances américaines au libéralisme est très claire. Du point de vue de l'histoire des idées, son livre s'impose comme une synthèse magistrale. Il est bien évident, pour revenir à notre vieille Europe, que son regard est comme aimanté par l'œuvre du pape Benoît XVI qui converge étrangement avec ces résistances américaines au libéralisme.

Je suis heureux d'annoncer que j'inviterai François Huguenin vendredi à 18 H sur Radio Courtoisie, pour continuer notre conversation.

mardi 10 novembre 2009

[conf'] «Résister au libéralisme aujourd’hui, comment faut-il penser la communauté?» - par François HUGUENIN

Conférence au Centre Saint Paul (IBP à Paris) - Mardi 10 Novembre 2009 à 20 heures - «Résister au libéralisme aujourd’hui, comment faut-il penser la communauté?» - par François HUGUENIN - Participation aux frais: 5 euros, 2 euros pour les étudiants - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.

samedi 7 novembre 2009

L'oecuménisme radiophonique torpillé par le numérique...

Élodie Maurot est journaliste à La Croix. Elle nous parle technique: "d’ici à dix ans, toutes les radios devront passer de l’analogique au numérique", avec un nombre de canaux bien plus important.  Radio Notre-Dame demande donc que lui soit attribué un canal, pour elle seule. Jusqu'à maintenant elle partageait sa fréquence (100.7 en Ile de France) avec sa consœur Fréquence protestante "à raison de 75 % de temps d’antenne pour la première et 25 % pour la seconde".

Pour Radio Notre Dame, avoir son propre canal revient à émettre un tiers en plus, ce qu'elle peut facilement faire avec ses "3 millions d’euros de budget annuel, 40 salariés". Pour Fréquence Protestante, un canal en entier implique d'émettre quatre fois plus, c'est hors de  sa portée ("moins de 200.000€ de budget annuel, des animateurs bénévoles").

Autrement dit la collaboration actuelle est asymétrique: alors que la radio catholique peut se passer de l'apport protestant, la radio protestante ne peut exister qu'à la marge, appuyée à sa consoeur catholique.

Michelle Gaillard, qui dirige Fréquence Protestante, aimerait donc que les deux radios puissent "continuer ensemble sur le numérique". Elle dit avoir essuyé "une fin de non-recevoir" qui ne lui fait visiblement pas plaisir: "De cette conception de l’œcuménisme, nous prenons acte".

Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel est en charge de l'attribution des canaux. Par une étonnante facétie, il a proposé à Fréquence Protestante comme nouveau partenaire: "une radio associative de tendance ésotérique, spécialisée dans l’ufologie". Fréquence Protestante a fait savoir qu'il était "inenvisageable d’avoir un tel partenaire".

Le troisième cours...

...sur la Somme théologique a été... difficile. Un des plus difficiles de l'année, en espérant que cela ne refroidisse personne. Il s'agissait de parler de la simplicité de Dieu. Impossible d'aborder un tel sujet sans un minimum de technicité scolastique. Celui qui s'aviserait de dire que Dieu est simple, sans expliquer la perspective métaphysique dans laquelle il s'inscrit, risquerait fort de faire le jeu d'une religion obscurantiste où "tout est simple puisque Dieu est simple et d'ailleurs on vous l'avait bien dit cherchez pas"...

Ce que je veux dire : il n'est vraiment pas simple de prouver la simplicité de Dieu, ce que l'on peut exprimer, en guise de liminaire, de la manière suivante : simple ou pas, Dieu... c'est pas simple !

Depuis Platon et Aristote, qui eux-mêmes se sont servis chez ceux que l'on appelle les philosophes présocratiques (Parménide, Héraclite, Anaximandre et les autres), les philosophes bénéficient d'une sorte de trousse à outils conceptuels, largement renouvelée par Descartes et surtout par Kant. Ils ont un langage qu'il faut apprendre, comme on apprend une langue étrangère.

Dans ce cas, je me suis permis de remonter à Platon : il suffit de lire le mythe de la caverne pour s'introduire dans sa vision du monde. Pour cet aristocrate athénien, il y a, au centre de sa démarche, la perception des idées, ce "réellement réel" qui est soustrait à la matière et au temps, soustrait à la quotidienneté et qui n'est accessible qu'à la contemplation. Quant à la matière (avec son cortèges de mutations et de morts), elle n'est que le réceptacle des idées. lorsqu'on a compris cela, on ne doit penser qu'à une chose : se soustraire à l'emprise de la matière, s'enfuir, et par la contemplation échapper au sort lamentable des êtres matériels, promis à la corruption.

Aristote récuse cette déchirure entre la matière et l'idée (ou la forme), entre le tombeau de la matière et la jubilation qu'apporte la "vision" (eidos : forme, qui vient du verbe voir). Au livre H de la Métaphysique, il découvre la puissance et l'acte pour unir enfin ce duo monstrueux de la matière (qui est toujours une autre et qu'il appelle lui-même la région de la dissemblance) et de la forme (toujours semblable à elle même). Il invente cette formule prodigieuse pour garantir l'unité de la matière et de la forme en en conservant la dualité : la matière ? C'est la forme en puissance. La forme ? C'est la matière en acte. Au livre théta, il ajoute que l'acte est nécessairement antérieur à la puissance et ce disant, ce n'est pas tant à Platon lui même qu'il se rattache qu'à Parménide dont il est le digne fils spirituel. Si l'être est antérieur au néant, c'est parce que "être et penser sont une seule et même chose" et que la pensée conditionne manifestement tout être comme être tel. Il n'y a d'êtres qu'intelligibles. Tout ce qui existe a une forme. Et cette forme est en tant qu'elle est en acte ; elle n'est pas, elle reste latente, si elle est seulement en puissance. L'acte est donc bien antérieur à la puissance.

En se servant du mécano aristotélicien, saint Thomas va plus loin. Il le mixte avec un post platonisme endémique, en montrant qu'en chaque être l'essence et l'existence sont distinctes. l'essence ? Le "ce qu'est la chose". L'existence (esse en latin) ? L'acte à travers lequel une chose est ce qu'elle est. "actualitas omnium rerum et naturarum" dit saint Thomas. L'actualité des natures. Non pas seulement un accident ou un mode, le simple fait d'être qu'imaginait Avicenne. Non ! Comme le dit Cajétan, "l'existence de la substance c'est la substance". Son acte.

On peut caractériser tout étant de deux manières : comme une essence (une forme), avait dit Platon. Il avait bien raison. Comme un acte, une existence dit Aristote et cette perspective est forte, même si Aristote lui-même n'en tire pas toutes les conséquences.

Voilà l'état du mécano, quand Thomas en prend possession. Et là, il opère un véritable coup de force métaphysique. Ce coup de force, il ne faut pas se cacher derrière son pouce, il faut se le dire et se le redire, il est antiplatonicien. Il est conforme à la logique chrétienne la plus profonde. Thomas explique benoîtement, dans la Question 3 article 4, que l'essence est en puissance par rapport à l'existence (comme Aristote avait expliqué aux platoniciens que la matière était la forme en puissance, comme je l'ai rappelé plus haut). Pour Platon, les essences, ce sont les idées, le réellement réel, la seule chose qui compte. Thomas ne détruit pas les essence et l'ordre intelligible magnifique qu'elles décrivent à elles toutes, cet ordre qui avait tant séduit Platon. Mais il affirme que ces essences sont en puissance par rapport à leur être, ce qui permettra à Cajétan d'expliquer que toute réalité est duelle : forme d'une part, en puissance. Être (esse) en acte.

Après avoir posé les bases de cette ontologie nouvelle, ontologie de l'esse, il faut conclure le raisonnement sur la simplicité de Dieu.

En Dieu, dit Aristote, il n'y a nulle puissance, mais un Acte sans mélange. Eh bien ! En Dieu, l'essence infinie (qui de notre point de vue fini donne lieu à des myriades de représentations toutes vraies) n'est aucune forme de puissance. Elle s'identifie à l'Acte, à l'être, dans une absolue simplicité. Et c'est justement parce que Dieu est simple, c'est parce qu'en lui l'essence et l'existence s'identifient, que l'Être divin nous reste, par nature pourrait-on dire, absolument inaccessible, à nous qui sommes composés d'essence et d'existence et qui fonctionnons dans cette dualité.

C'est parce que Dieu est simple qu'il est incompréhensible...

vendredi 6 novembre 2009

Yingyan Huang: "Une histoire unique – La Bible à la lumière de 250 événements"


Oui, c'est très chouette, oui, c'est fait pour, mais non, ce n'est pas simplement de l'art moderne.«Yingyan Huang, nous apprend le site Fromageplus, est communication designer. Elle est née à Singapour, a grandi à Shanghai, et s’est installée à New York. Elle a mis son inventivité esthétique au service d’une sorte de synopse réinventée, qu’elle a nommée 'A single story – The Bible through the lens of 250 events'».

Et voici ce qu'en dit Yingyan Huang:
"J’ai choisi la Bible parce que c’est un récit historique et un texte littéraire sans équivalant. La Bible se compose de deux ensembles distincts –et cependant unis- de textes littéraires et historiques, l’Ancien et le Nouveau Testament. L’Ancien Testament contient 39 livres écrits sur une période de 1.000 ans avant la naissance de Jésus et le Nouveau Testament contient 37 livres écrits après la mort du Christ. Bien qu’elle soit l’œuvre de dizaines de personnes réparties sur plusieurs siècles, la Bible est cohérente et conséquente dans son message. Elle raconte une histoire unique, celle de Jésus Christ, figure centrale du Nouveau Testament et qui accomplit les prophéties et les alliances de l’Ancien Testament. Les 4 premiers livres du Nouveau Testament, les Évangiles, racontent 250 évènements touchant à sa vie, sa mort, sa résurrection. En les disséquant dans un tableau de références thématiques, qui met en relation tous les livres de la Bible, on montre un lien harmonieux entre les livres de la Bible et ces 250 évènements. En représentant les 250 évènements à la manière d’une montre, dans l’ordre chronologique, et les livres de la Bible en cercles concentriques, cette visualisation met en regard chaque livre par rapport à ces 250 évènements, et révèle le lien de chaque livre avec chaque évènement. Sur la carte, un cercle orange indique le récit évangélique d’un évènement spécifique. Un point bleu indique que le livre parle de l’évènement, tandis qu’un point orange met en avant que le livre mentionne les alliances de Dieu avec l’Homme. Pris dans leur ensemble, ces points illustrent la centralité du Christ, qui fait de la Bible un ensemble par les liens entre ses contenus."
Et voici ce que ça donne plus en détail:

A propos du Mur de Berlin : Vingt ans après...

...le 9 novembre prochain, vous pouvez bien sûr participer à la manifestation organisée par Bernard Antony à côté de l'Assemblée nationale, Place Edouard Herriot : 20 ans, ça se fête.

Vous pouvez aussi, les deux ne sont pas incompatibles, aller voir le très beau film de Radu Mihaileanu, Le Concert, un flash back sur l'époque Brejnev en Russie qui risque de ne pas plaire à tout le monde. Oh ! Le film n'est pas avare de clichés (les juifs font du trafic, les Tsiganes sont des voleurs, les Russes sont des pochtrons et les Français des gens civilisés mais parfaitement insignifiants. J'oubliais les Arabes, inévitables spécialistes de la danse du ventre) et les clichés font les gags, comme dans Rabbi Jacob, De Funès en moins. Pas besoin de se prendre la tête. On rigole... C'est la première réussite de ce film.

Mais il y a deux superbes acteurs, l'un, Andrei Filipov, chef d'orchestre déchu, aristocrate de la musique, alcoolique, mais intact, joué par Aleksei Guskov et l'autre, la soliste orpheline qui veut retrouver ses parents, Anne Marie Jacquet, magnifique Mélanie Laurent. Tous deux, Andrei Filipov et Anne Marie Jacquet, portent l'émotion (et la crédibilité) du film, servis par un scénario toujours sobres et... l'admirable... Concerto pour violon de Tchaikovsky. Tous deux sont magiques et font la magie du film. Les intellos et autres parisianistes penseront et diront que c'est trop facile. Qu'ils en fassent autant... et qu'ils arrêtent de nous raser avec de minables films à thèse qu'ils font passer pour du "cinéma d'art et d'essai".

Et qu'ils ne se laissent pas entraîner par des passions politiques qui sont bel et bien mortes. Le film nous balade de Moscou à Paris, du Kremlin à la Place du Colonel Fabien et il ne fait pas dans la dentelle. Sans prétention, Radu ne se gêne pas, à travers ce film, pour évoquer les petites horreurs de la période Brejnef, à l'attention d'éventuels "Ostalgiques" et autres mal guéris du communisme. Dans le film, la "foi stalinienne" du Manager (et la manière dont elle se transforme en prière à Dieu, mais oui) a quelque chose d'émouvant dans le décalage. De très juste aussi. Il n'y a aucune diabolisation : le même psychorigide qui, sur ordre, infligera à Andrei Filipov une humiliation publique pour marquer la fin de sa carrière et chasser les musiciens juifs du Bolchoï, sera celui qui organisera le fameux "Concert". Restent les persécutions brejneviennes (en particulier antisémites) et les déportations en Sibérie, toujours d'actualité en... 1981, date où se situe le film. Elles sont montrées crûment, avec ce grand Mensonge communiste qui s'écroulera un certain 9 novembre 1989. Les intellectuels toujours crieront à la caricature ? Mais c'est le régime et ce sont les troupes du communisme à travers le monde (Georges Marchais) qui devenaient des caricatures. Simplement, comme dans le conte d'Andersen, personne ne voulait s'en rendre compte, jusqu'à ce qu'enfin le Mur s'effondre, mettant tout le monde dans la nécessité d'inventer autre chose.

Existe-t-il d'autres Murs de Berlin, qui ne seraient pas encore tombés?

Il me semble qu'à sa manière Benoît XVI, dans l'Eglise catholique,institution souvent opaque, fait tomber un autre Mur, un Mur de silence (Ah Les silencieux de l'Eglise), de propagande unilatérale et de honte (je parle de honte à propos du vandalisme de ces années-là que l'on continue à couvrir en France). De quel Mur s'agit-il exactement ? Nous sommes aujourd'hui au pied du Mur qui entoure ce phénomène historique complexe que l'on a nommé Vatican II. Je ne parle pas d'un texte. Je parle d'un fait. Ils sont têtus, paraît-il et finissent toujours par avoir raison. Il faudra bien qu'un moment on constate que la fameuse repentance pourrait trouver là une occasion de s'exercer.

A ce moment-là... le Mur du silence sera tombé sous les coups d'une grande oubliée que l'on ne fera pas toujours taire : la vérité. Comme disait Soljenitsyne : Une seule goutte de vérité peut changer le monde. Sa goutte à lui a été L'archipel du Goulag. Il faudra bien, pour en guérir, que nous ayons, par le menu, le récit de "la Blessure", qui, plus que tous les textes et que toutes les opinions théologiques, divise encore les catholiques de France. Lorsque les fidèles applaudissent (comme à Marly le Roi), jusque dans les églises, aux mesures de rétorsion qui frappent leur frères traditionalistes, ils montrent une chose : il ne s'agit pas de théologie. il y a eu violence, il y a eu mensonge. Il s'agit 40 ans après de couvrir cette violence et ce mensonge. L'Eglise de France, au plus secret d'elle-même, c'est de cela qu'elle est malade. On le sent bien dans ce qui se passe en ce moment à Lourdes et autour de Lourdes à l'occasion de l'assemblée annuelle des évêques de France. Il faudra bien (et le plus tôt sera le mieux) que repentance se fasse pour que tombe le Mur.

Histoire que les syndics de faillite, qui un peu partout dans l'Eglise de France cherchent à effacer les traces, n'aient pas le dernier mot. Et que nous n'ayons pas... la faillite qu'ils nous programment.

mercredi 4 novembre 2009

Merveilleuse conférence de Maxence Caron...


... hier au Centre Saint Paul, suite à la publication au Cerf d'un livre de 1100 pages intitulé La vérité captive et sous titré De la philosophie. Le sous titre vient comme si l'enjambement était possible : c'est de la philosophie que la vérité est captive. Avec une audace déconcertante pour son jeune âge, Maxence Caron remet Dieu au coeur de la métaphysique. Il explique que c'est à partir du moment où la philosophie a renoncé à penser la transcendance du transcendant qu'elle a trouvé son véritable destin, celui qu'elle poursuit de manière caricaturale jusqu'à aujourd'hui : la canonisation de l'immanence, la mise entre parenthèses de tout ce qui n'est pas l'apparence, la sanctification de ce que Heidegger lui-même appelait Ereignis, la situation...

L'extraordinaire atout de ce jeune ambitieux du vrai c'est qu'il ne jargonne pas. Il n'enferme pas ses concepts dans je ne sais quel idiome crypté auquel n'auraient accès que les spécialistes. Il utilise parfois la phénoménologie, étant d'ailleurs lui-même un spécialiste de Heidegger, sur lequel il a écrit la seule synthèse (2000 pages) disponible en français. Il explique comment la donation ne saurait se réduire à elle même et comment le substrat qui demeure toujours au-delà du don et le permettant, est forcément, en tant que substrat, une Personne, celui auquel il faut d'une manière ou d'une autre attribuer les apparences qui ne sont pas toutes entières dans le déploiement de la conscience, qui ne sont pas réductible au Dasein, c'est-à-dire à l'homme prétendu berger de l'être, mais qui se disent d'une transcendance, qui est elle-même au-delà de ce qu'elle donne à voir dans un perpétuel transcendement d'elle-même. Cette transcendance, aperçue en une phrase par le jeune H. de Sein und Zeit est évidemment toujours autre que ce qu'elle donne à voir. Caron appelle cette altérité la différence fondamentale, qu'il substitue à cette différence ontologique heideggérienne, qui n'en est pas une, qui ne représente que l'insignifiance du néant ou son poids écrasant sur l'étant.

Pour Maxence Caron, que je résume bien mal sans doute, la philosophie est malade d'un discours sur Dieu qui se résume toujours à un discours sur son immanence, autorisant ultimement tous les relativismes. Pour délivrer la vérité captive il faut retrouver ce discours sur Dieu en lui-même, sur Dieu comme autre sur Dieu comme transcendant. Ce sont les poètes (Claudel Ronsard Dante) et les mystiques (le Père Chardon étonnamment cité, Bossuet, Catherine de Sienne etc.) qui détiennent la clé perdue : celle de la vérité délivrée. Et c'est... l'oraison qui pourrait être l'acte premier d'une philosophie sauvée d'elle-même.

N'hésitez pas à vous procurez, aux éditions du Cerf La vérité captive, De la philosophie. C'est un régal. On y trouve un souffle, une puissance qui a déserté depuis longtemps les philosophies de l'immanence.

mardi 3 novembre 2009

[La Croix / Le Figaro] Le casse-tête, comme l’appelle Mgr Lebrun

Journaliste au Le Figaro, Jean-Marie Guénois nous informe que "Dans les Vosges, on recrute des diacres". A le lire on comprend que des prêtres feraient mieux l'affaire, mais voila: "Le diocèse de Saint-Dié (Vosges) n'a aucun séminariste. La dernière ordination remonte à 2003." Le résultat est  que "les Vosges comptent donc 164 prêtres avec une cinquantaine en activité. Dont quatorze seulement ont moins de cinquante ans", parmi lesquels "sept viennent de l'extérieur du diocèse, membres notamment de la Fraternité Saint Pie X" soit la moitié des 'jeunes' tout de même. D'où la recherche de diacres permanents: "Le diocèse a décidé de lancer une campagne originale de recrutement de nouveaux diacres permanents. [...] À terme, le diocèse espère pouvoir en ordonner une dizaine."
 
La Croix se penche aussi sur le sujet: "De 'réaménagements' en 'redéploiements', de 'restructurations' en 'regroupements'" aucun diocèse n'échappe à la question: "Comment parvenir à maintenir la présence de l’Église dans un contexte de diminution drastique du nombre de prêtres et de difficulté à renouveler les équipes de laïcs?"
Mgr Lebrun est évêque de Saint-Étienne. Sa réponse: "initiation chrétienne et dialogue avec la société - vue sous cet angle, la question du nombre de prêtres et de paroisses n’est plus du tout la même." Certes.
A Toulon Mgr Rey fait un choix différent: "il est en effet largement fait appel à des prêtres étrangers et à des communautés nouvelles" parmi lesquelles "la communauté Saint-Martin". De plus le diocèse "insiste sur la nécessité d’encourager fortement les vocations". C'est à ce prix qu'il peut maintenir "un maillage paroissial le plus dense possible; autrement dit, un prêtre par paroisse".
Ailleurs il faut nommer des "laïcs délégués pastoraux" et recourir à des "liturgies dominicales organisées autour de la Parole de Dieu". Les laïcs engagés vieillissent, pour les remplacer il faut solliciter "y compris des personnes aux marges de l’Église, qui participent peu ou pas à la vie de la paroisse". Les fidèles tiquent un peu, Mgr Lebrun le reconnaît: "il y a parfois de l’incompréhension chez certains, notamment au moment des funérailles". Il choisit de leur dire que "oui, c’était mieux avant mais on ne peut plus."

J'ai été extrêmement ému...

Par l'accueil reçu en notre maison de Rome où j'étais venu, sans grande conviction et plutôt crevé donner un cours sur la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin.

Je parle dix minutes, vingt minutes, en cet après midi du jour des morts et je sens (on ne se refait pas, un vieux prof ça sent ces choses là ou bien ce n'est pas la peine) oui, je sens que la sauce est en train de prendre, que mes auditeurs, attentifs et d'abord extraordinairement silencieux en demandent plus... et je finis par proposer tout un système du surnaturel, suivant étroitement le commentaire donné par Cajétan à la première question, premier article de la Somme théologique. Plus le cours se complique, plus les objections fusent. c'est bon signe ! Ils en veulent plus, ils vont en avoir leur dose... et me voilà parti dans la Métaphysique d'Aristote et dans son double mouvement, formaliste (jusqu'au livre H) et existentiel culminanrt en lambda... Ils ne bronchent pas... je leur montre l'importance d'une ontologie duelle... Pourquoi ? Pour exposer le surnaturel chrétien dans sa puissance de salut comme une extension du domaine du réel. Le christianisme élargit le domaine du réel ou alors il n'existe pas ! Pour exposer cette libération, cet élargissement, cette rédemption, il faut utiliser l'ontologie fondamentale, la distinction entre l'essence et l'existence et la théorie de la puissance obédientielle. Je n'imaginais pas pouvoir exposer tout cela... Dans un certain détail... Je sais que demain je vais être bombardé de questions mais je suis heureux...

J'ai senti, dans ces quelque trois heures, un désir de vérité chez ces jeunes séminaristes, non pas une volonté de conformité à tout prix, non pas une exigence de correctness ecclésiastique (vous savez celle qui fait les apparatchiks épiscopables), mais un élan, une jeunesse de coeur, un enthousiasme qui réchauffe ma vieillesse...

De ma vieillesse justement, il va être question puisque j'ai pris une année de plus aujourd'hui. "Ils" m'avaient annoncé une soupe ce soir : "pour le jour des morts"... Ils ont comploté un repas merveilleux (non, je n'ai pas le culte des adjectifs...), où l'invention culinaire manifeste l'ingéniosité de l'amitié... Sans phrase inutile. Je pense au Psalmiste : O quam bonum et quam jucundum habitare fratres in unum...

Et je me dis qu'il y a dans cette comunauté de Rome quelque chose qui est rarissime dans les communautés (en relisant mon Cajétan pour une conférence sur les béatitudes, je m'aperçois d'ailleurs que c'est vrai à toutes les époques). Le plus difficile dans une Communauté, c'est le naturel. Il est à la Casa du Bon Pasteur à Rome... Irrésistible. Je n'en suis pas le seul témoin. Et je me répète saint Paul : "Contre de telles choses, il n'y a pas de loi".

Certains diront que je suis naturaliste en soutenant ce "naturel" fraternel... Les mêmes soutiendront qu'au nom de cette fraternité du Bon Pasteur, je passe à côté de l'honneur inappréciable qu'il y a à servir sur le vaisseau amiral, en uniforme ad hoc (ou Haddock comme vous voudrez)... Eh bien, je préfère un Dinghy fraternel à un vaisseau de haut bord qui prend de très haut même le drame de notre mère commune la Sainte Eglise. Le Dinghy a pour lui l'assurance tout risque des Béatitudes : Heureux les pauvres par l'esprit, car (déjà) le Royaume des cieux est à eux...

[conf'] mardi 3 Novembre 2009 à 20 heures - «Un nouveau système de la philosophie chrétienne» - par Maxence Caron

Conférence au Centre Saint Paul (IBP à Paris) - Mardi 3 Novembre 2009 à 20 heures - « Un nouveau système de la philosophie chrétienne » - par Maxence Caron, auteur du livre La Vérité Captive, coédité par Cerf et Ad solem - Participation aux frais: 5 euros, 2 euros pour les étudiants - La conférence est suivie d’un verre de l’amitié.