[par Hector] Il y a bien des lieux communs qui
affectent l’Eglise et dont l’opinion se nourrit. On les connaît. Ils tiennent
autant aux faits historiques (Inquisition) qu’aux institutions (célibat des
prêtres, etc.). Le mouvement traditionaliste, tel que perçu par le grand public, peut à lui seul résumer l’esprit de ces lieux communs
dont l’Eglise est victime. On peut dire qu’à ce jour sa nature reste peu ou mal analysée. Peu analysée, car les jeunes
générations ont une culture et une perception de plus en plus parcellaire du
milieu ecclésial ; mal analysée, car dans la tentation de la
classification, le traditionalisme serait la transposition au catholicisme
romain d’attitudes politiques situées à droite de l’échiquier. Au même titre
que le FN, encore situé à l’extrême-droite, ou que l’UMP, située malgré tous
ses doutes, à droite, le traditionalisme, ce serait logiquement la droite,
voire l’extrême-droite de l’Eglise.
Une telle vue est réductrice. Ce qu’une telle description oublie, c’est la question spirituelle. Or, ce qui est évacué par une certaine pastorale ecclésiale, c’est bien cet aspect, qui au demeurant n’est nullement politique! Si des fidèles franchissent les portes de chapelles, prieurés et autres modestes lieux de cultes, approuvés, tolérés ou récusés par l’évêque, c’est d’abord pour des raisons spirituelles, pour des raisons de foi. Prier, s’interroger sur la fin de sa vie, se poser des questions sur sa destinée est une chose ; adopter une position politique, définir un projet de société, dans des circonstances données, en est une autre. On peut aussi le dire d’attitudes dérivées : s’agenouiller à la messe, se confesser à un prêtre est une chose ; distribuer des tracts politiques, signer des pétitions ou faire du phoning en est une autre. En politique, on est davantage dans l’ordre de l’immédiat, des choix pratiques, qui s’appliquent à des situations données, nullement dans un rapport à son âme indépendamment de tout contexte.
Une telle vue est réductrice. Ce qu’une telle description oublie, c’est la question spirituelle. Or, ce qui est évacué par une certaine pastorale ecclésiale, c’est bien cet aspect, qui au demeurant n’est nullement politique! Si des fidèles franchissent les portes de chapelles, prieurés et autres modestes lieux de cultes, approuvés, tolérés ou récusés par l’évêque, c’est d’abord pour des raisons spirituelles, pour des raisons de foi. Prier, s’interroger sur la fin de sa vie, se poser des questions sur sa destinée est une chose ; adopter une position politique, définir un projet de société, dans des circonstances données, en est une autre. On peut aussi le dire d’attitudes dérivées : s’agenouiller à la messe, se confesser à un prêtre est une chose ; distribuer des tracts politiques, signer des pétitions ou faire du phoning en est une autre. En politique, on est davantage dans l’ordre de l’immédiat, des choix pratiques, qui s’appliquent à des situations données, nullement dans un rapport à son âme indépendamment de tout contexte.
Or, curieusement, si les fidèles
ont rejoint les rangs de ce qui allait devenir le mouvement traditionnaliste,
c’est bien parce qu’ils redoutaient une réduction du message spirituel à des
options purement politiques et temporelles. Si la crise de l’Eglise a fait
souffrir beaucoup de fidèles, c’est avant tout parce que des confusions avaient
été faites entre des attitudes spirituelles et des démarches temporelles (faire
la révolution, vouloir changer la société, etc.) avec réduction des premières
aux secondes. Les fidèles n’ont pas supporté que les homélies soient tournées
en prêche politique ou que le militantisme politique (et/ou syndical) soit
érigé comme l’étalon de la vie spirituelle. Sous prétexte d’aller de l’avant ou
d’ouverture au monde, des traits de la vie spirituelle furent évacués :
confession, dévotions, adoration du Saint-sacrement, etc. Sous prétexte
d’esprit évangélique, des notions comme la vie éternelle, le péché originel –
quand ce n’est pas le péché tout court -, la loi naturelle ou l’appartenance à
l’Eglise furent vidées de leur sens ou reléguées. Enfin, sous prétexte
d’humilité et de simplicité – attitudes qui mériteraient d’être mieux précisées
et non soumises à des interprétations démagogiques -, la visibilité de l’Eglise
par rapport au monde profane, donc temporel, a été atténuée : abandon de
la soutane et de tout signe religieux, dépouillement des églises,
transformation de la célébration liturgique en réunion associative ou festive,
etc. Si les réformes des années 1960 et 1970 n’ont pas été supportées par des
fidèles qui ont préféré faire le choix d’une résistance, c’est tout simplement
parce qu’elles évacuaient toute référence au surnaturel.
La question est plus
simple : les notions de péché, de rédemption, de contrition, etc.,
sont-elles de droite ? La
transcendance de Dieu et la permanence de l’Eglise peuvent-elles être annexées
à un camp politique donné ? Au temps des premiers chrétiens, bien des
concepts politiques actuels étaient clairement inopérants (la démocratie
parlementaire, la séparation des pouvoirs, la notion de représentation, le
concept de parti politique, etc.). En revanche, les notions de péché, de grâce,
de mort ou de rédemption étaient déjà d’actualité. Hier, comme aujourd’hui. Ces
notions sont de tout temps. De tout temps ? C’est justement le propre de
la… Tradition. Et de tout temps
aussi, les hommes se sont posés les mêmes questions sur la vie, la mort et le
sens de leur existence. Ils avaient beau vivre sous des latitudes différentes,
dans des milieux différents ou exercer des professions différentes : ce
sont bien les mêmes appels qu’ils ont reçu, les mêmes tristesses qu’ils ont
éprouvé et les mêmes espérances qui les ont nourris.
Comme il existe une gauche
hostile à tout aspect surnaturel, il existe aussi une droite qui ne goûte guère
au dépouillement évangélique. De même qu’il existe une gauche qui récuse toute
prière, il existe aussi une droite pélagienne qui refuse de voir que Dieu reste
le seul et véritable maître des temps et qui se réfugie dans l’activisme, etc.
De même qu’il existe une gauche qui rejette la morale comme un carcan, il existe une droite pour qui la
morale n’est qu’affaire d’utilité et de calcul, pour qui le mal ne saurait être
notion objective, et ce indépendamment du sujet qui le commet. Pour avoir vu
suffisamment d’esprits de droite dégagés de toute référence religieuse, je
m’interroge sur la pertinence qui tend à comparer les traditionalistes aux
militants de mouvements politiques, dont les comportements - outre le fait
d’être de moins en moins politiques… – sont encore moins religieux.
Plus précisément, le
traditionalisme a été une résistance à un
vaste mouvement de sécularisation affectant l’Église, qui s’exprime à une
époque où certains mouvements politiques actuels n’étaient pas sur le devant de
la scène. Pour nous limiter à l’exemple français, le mouvement traditionaliste
apparaît à une époque où le paysage politique (années 1960) reste marqué par un
condominium exercé par les gaullistes
et les communistes. Il se structure à une époque où le Front national - qui
n’apparaît qu’en 1972 - existe à l’état groupusculaire et réalise des résultats
électoraux microscopiques (années 1970). Enfin, il s’étend dans des régions qui
restent souvent imperméables aux succès électoraux du FN (années 1980), à tel
point que même Golias (dans un numéro
spécial sorti en 1991) dut reconnaître que la portion géographique du
territoire français la plus favorable au traditionalisme révèle une faible
implantation du FN. Enfin, le développement actuel du FN (début des années
2010) se fait encore dans des régions où la mouvance traditionaliste (Nord,
Picardie, etc.) est peu présente.
Quant aux exemples étrangers, ils sont encore plus criants : la
corrélation droite/traditionalisme est encore plus vidée de son sens, car,
outre l’absence de liaison entre les deux variables, on est en peine de trouver
une droite comparable à son homologue
française. Comment expliquer le développement de messes Ecclesia Dei, puis Summorum
pontificum, dans un pays (les États-Unis) étranger aux cristallisations
françaises de ces deux derniers siècles ? On peut descendre dans
l’hémisphère sud. Comment expliquer aussi le développement d’apostolats de la
FSSPX dans un pays (les Philippines) où peu de gens savent qui est Charles
Maurras et l’Action française ? Enfin, comment expliquer le succès de la
FSSPX ou de l’ICRSP dans des pays (d’Afrique noire) où l’on reste étranger aux
préoccupations de la survie l’Occident chrétien ? Le mouvement traditionaliste
mériterait d’être analysé à partir des préoccupations qu’il exprime, non de
phénomènes périphériques et conjoncturels, sans rapport avec la Tradition.
C’est un peu comme si on liait l’essor du mouvement traditionaliste à telle
mode musicale ou vestimentaire. À coup sûr, on friserait le ridicule.