jeudi 31 mai 2012

Apprendre l'amour

Je m'ennuie de vous, chers internautes. Quinze jours de silence, c'est trop. Mais j'avais quelques gros travaux en cours, un livre de débat contradictoire sur Dieu ou l'éthique (le titre fait grincer des dents, non ?), des contributions que j'avais acceptées de donner à un Collectif sur le Vatican, un autre livre sur la nouvelle évangélisation auquel je collabore, sans compter le travail ordinaire. Enfin me voilà avec des tas de choses à vous dire et... oui un peu le trac : par où commencer après si longtemps, le webmestre ayant vaillamment alimenté le Blog presque chaque jour, ce dont je le remercie.

Justement peut-être commencer par lui. Je ne suis pas forcément d'accord sur sa vision de la Hollandie... ce pays très bas, très plat qui est le nôtre depuis le début du mois de Mai. Je crains que l'on ne réussisse pas de si tôt à dépasser le clivage droite/gauche. L'un de mes paroissien, très lancé dans l'action pour une France nouvelle et fervent partisan du nouveau président, m'explique que, de Sarkozy à Hollande, l'on passe de Carl Schmitt à saint Thomas d'Aquin, de l'hyperprésident au président normal, du décisionnisme politique à "l'ordre juste" et à la restauration de l'amitié politique, à travers la négociation que les différents partenaires sociaux seraient assez mûrs aujourd'hui pour mener à son terme dans une véritable harmonie. Dieu l'entende!

Je viens de voir un film très drôle, oui une comédie (ce n'est que cela) sur la persistance du clivage droite gauche en France. Ca s'appelle Le prénom. Patrick Bruel est excellent (je dirais dans son jus) en entrepreneur analphabète, riche et décomplexé (la France qui roule en 4X4), face à Charles Berling, prof charismatique à la vieille Sorbonne (oui Paris IV), socialiste de toujours, imbu de justice sociale et d'antifascisme, avec une nette tendance à se prendre au sérieux, je ne vous dis que ça. Lui, c'est la France qui roule en Scénic. Ce sont des amis de toujours, eux deux, mais alors jamais d'accord et illustrant de manière absolument contemporaine (c'est-à-dire par exemple au delà de tout enjeu religieux) ce que l'on appelle la guerre des deux France. Quand on pense que certains veulent faire l'économie de ce clivage et vont répétant : ni droite ni gauche. Je sors du Prénom, et je me dis : ce n'est pas demain la veille. Sarkozy/Hollande, y a pas : c'est clivant, ne serait-ce qu'au niveau du discours.

Ne vous fiez pas à la bande annonce. Allez voir Le Prénom : Vincent et Anna attendent un enfant. On s'étripe sur le prénom. Et c'est juste jusque dans les détails et puis, aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette pochade est un film à texte. Le dialogue est soutenu et ne traîne pas en longueur. On rit : de soi ? - Parfois.

Il y a un autre film pour lequel il ne faut surtout pas se fier à la bande annonce, c'est De rouille et d'os de Jacques Audiard, avec Marion Cotillard. Quand on regarde la B.A. on a l'impression d'un remake de Intouchables, le film au 13 millions d'entrée sorti en 2011, bourré à craquer de bons sentiments sur tout le monde. L'histoire de celui-ci ? Une bourgeoise qui dresse des orques à ses heures perdues dans un Parc aquatique est victime d'un grave accident. Elle a les jambes coupées par l'un de ces animaux, trop brusquement sorti de son lit. Évidemment le petit copain n'a pas demandé son reste. Elle se retrouve absolument seule : la souffrance fait le vide autour de soi. A qui parler ? Elle se souvient d'un videur, sorte de primate issu de la Diversité, qui l'avait gentiment ramené chez elle à l'issue d'une dispute arrosée. L'histoire peut commencer.

Lui va immédiatement répondre à son attente, en lui donnant la force de dépasser son infirmité, mais sans jamais faire de sentiment, juste avec la force de ces bras de boxeur pour la porter, avant qu'elle ne se fasse adapter des prothèses. Elle réapprend à vivre, à apprécier la vie, son nouveau mentor est toujours "opérationnel", disponible pour elle, prêt à payer de sa personne, évidemment au lit mais pas seulement. C'est plutôt, oui, un copain. La différence entre eux cependant est trop grande pour qu'il puisse envisager autre chose qu'une collaboration amicale qui s'étend à tous les domaines. Ce qu'il possède, ce qui le rend différent ? La délicatesse. Quand elle lui en parle, pur l'en remercier, il ne sait pas ce que c'est. Manifestement il ne connaît pas le mot.

La vie semble devoir les séparer. Et c'est le danger de mort dans lequel se trouve son gamin qui a faire réfléchir le Primate. Elle l'appelle pour lui demander des nouvelles. Il s'est cassé les mains (ses mains de boxeur) sur la glace. Jusque là il vivait la boxe comme une véritable obsession, une passion qui l'absorbait tout entier. Il n'était pas capable d'éprouver autre chose. L'accident de son gamin le sort de cette obsession et lui permet d'apprendre à aimer...

Il me semble qu'il y a là une belle vision de la souffrance qui rend sage et qui rend aimant. Souvenez vous : il y a quelques mois, je m'étais insurgé sur ce blog contre le film de Valérie Donzelli La guerre est déclarée, dans lequel la souffrance était juste vue comme l'occasion de poser une performance vitale. Pour moi cette confusion entre souffrance et performance avait quelque chose de sacrilège. En réalité, il y a un un mystère de la souffrance. La caméra de Jacques Audiard sait nous faire voir ce mystère? Pour lui c'est clair la souffrance accomplit chacun des deux protagoniste. Elle doit sortir de sa superficialité ordinaire. Lui doit découvrir dans sa délicatesse naturelle vis  vis d'une femme rencontrée par hasard et dont tout le sépare quelque chose de plus. Mais il ne le découvre vraiment, ce quelque chose, il n'apprend l'amour que dans l'épreuve que traverse son fils et après s'être cassé les mains (ses mains de boxeur) pour le sauver d'une mort certaine.

Voilà : je vous raconte tout mais je ne vous ai rien dit : il faut voir ce très beau film, qui porte un message si étonnamment chrétien (même s'il ne contient aucune référence chrétienne). Le chroniqueur cinéma de Monde et Vie, Champrun, dit qu'il se demande comment on peut changer de vie sans changer d'âme. Il est vrai que l'on ne PARLE pas de l'âme dans ce film, mais cette conversion à l'amour à travers la souffrance est certainement de l'ordre d'une grâce anonyme. "Celui qui FAIT la vérité vient à la lumière" dit l’Évangile de mercredi dans l'extraordinaire rite qui est le mien. Il me semble que ce verset d’Évangile convent bien au film de Jacques Audiard dont les dernières images d'ailleurs sont des images de lumière.

mercredi 30 mai 2012

[Echos Littéraires] «L'évêque était là» – Victor Hugo

Victor Hugo n’était pas particulièrement catholique, et s’il rend hommage aux vertus chrétiennes, c’est pour mieux les insérer dans sa grande religion de l’Homme. Cela étant posé, j’avoue que peu m’importent les intentions d’un auteur quand son texte est admirable. Voici sous la plume de Hugo un «Mgr Myriel», évêque de Digne-les-Bains, qui apparaît au début des «Misérables» et ne quitte jamais tout à fait le livre.
«Il arriva à Digne une aventure tragique. Un homme fut condamné à mort pour meurtre. C'était un malheureux pas tout à fait lettré, pas tout à fait ignorant, qui avait été bateleur dans les foires et écrivain public. Le procès occupa beaucoup la ville. La veille du jour fixé pour l'exécution du condamné, l'aumônier de la prison tomba malade. Il fallait un prêtre pour assister le patient à ses derniers moments. On alla chercher le curé. Il paraît qu'il refusa en disant: Cela ne me regarde pas. Je n'ai que faire de cette corvée et de ce saltimbanque; moi aussi, je suis malade; d'ailleurs ce n'est pas là ma place. On rapporta cette réponse à l'évêque qui dit: – Monsieur le curé a raison. Ce n'est pas sa place, c'est la mienne.

Il alla sur-le-champ à la prison, il descendit au cabanon du «saltimbanque», il l'appela par son nom, lui prit la main et lui parla. Il passa toute la journée et toute la nuit près de lui, oubliant la nourriture et le sommeil, priant Dieu pour l'âme du condamné et priant le condamné pour la sienne propre. Il lui dit les meilleures vérités qui sont les plus simples. Il fut père, frère, ami; évêque pour bénir seulement. Il lui enseigna tout, en le rassurant et en le consolant. Cet homme allait mourir désespéré. La mort était pour lui comme un abîme. Debout et frémissant sur ce seuil lugubre, il reculait avec horreur. Il n'était pas assez ignorant pour être absolument indifférent. Sa condamnation, secousse profonde, avait en quelque sorte rompu çà et là autour de lui cette cloison qui nous sépare du mystère des choses et que nous appelons la vie. Il regardait sans cesse au dehors de ce monde par ces brèches fatales, et ne voyait que des ténèbres. L'évêque lui fit voir une clarté.

Le lendemain, quand on vint chercher le malheureux, l'évêque était là. Il le suivit. Il se montra aux yeux de la foule en camail violet et avec sa croix épiscopale au cou, côte à côte avec ce misérable lié de cordes.

Il monta sur la charrette avec lui, il monta sur l'échafaud avec lui. Le patient, si morne et si accablé la veille, était rayonnant. Il sentait que son âme était réconciliée et il espérait Dieu. L'évêque l'embrassa, et, au moment où le couteau allait tomber, il lui dit: «– Celui que l'homme tue, Dieu le ressuscite; celui que les frères chassent retrouve le Père. Priez, croyez, entrez dans la vie! le Père est là.» Quand il redescendit de l'échafaud, il avait quelque chose dans son regard qui fit ranger le peuple. On ne savait ce qui était le plus admirable de sa pâleur ou de sa sérénité. En rentrant à cet humble logis qu'il appelait en souriant son palais, il dit à sa soeur: Je viens d'officier pontificalement.

Comme les choses les plus sublimes sont souvent aussi les choses les moins comprises, il y eut dans la ville des gens qui dirent, en commentant cette conduite de l'évêque: C'est de l'affectation. Ceci ne fut du reste qu'un propos de salons. Le peuple, qui n'entend pas malice aux actions saintes, fut attendri et admira.»

mardi 29 mai 2012

[Echos Littéraires] «Et bientôt tout le monde courbait l'échine pour l'Élévation» – G. Simenon, L’Affaire Saint-Fiacre

Dans le texte qui suit, le Commissaire Maigret assiste à la première messe du Jour des Morts. Non par piété, mais parce qu’une note l’a averti qu’un crime doit y être commis. C’est le début de l’«Affaire Saint-Fiacre», roman de Georges Simenon, qui écrivait pour le plus grand nombre. C’est qu’à l’époque (1933), l’atmosphère religieuse, et ses rites, et son rythme, faisaient partie du bagage du grand public. Lis donc, lecteur, et mesure ce qui a été perdu. [Signalé par Messa in Latino – via Benoît et Moi]
«Il y avait d'autres ombres qui convergeaient vers la porte vaguement lumineuse de l'église. Les cloches sonnaient toujours. Quelques lumières aux fenêtres des maisons basses : des gens qui s'habillaient en hâte pour la première messe. Et Maigret retrouvait les sensations d'autrefois : le froid, les yeux qui picotaient, le bout des doigts gelé, un arrière-goût de café. Puis, en entrant dans l'église, une bouffée de chaleur, de lumière douce ; l'odeur des cierges, de l'encens... - Vous m'excusez... J'ai mon prie-Dieu... dit-elle. Et Maigret reconnut la chaise noire à accoudoir de velours rouge de la vieille Tatin, la mère de la petite fille qui louchait. La corde que le sonneur venait de lâcher frémissait encore au fond de l'église. Le sacristain achevait d'allumer les cierges. Combien étaient-ils, dans cette réunion fantomatique de gens mal réveillés? Une quinzaine au plus. Il n'y avait que trois hommes : le bedeau, le sonneur et Maigret.
... un crime sera commis...
A Moulins, la police avait cru à une mauvaise plaisanterie et ne s'était pas inquiétée. A Paris, on s'était étonné de voir partir le commissaire. Celui-ci entendait du bruit, derrière la porte placée à droite de l'autel, et il pouvait deviner seconde par seconde ce qui se passait : la sacristie, l'enfant de chœur en retard, le curé qui, sans un mot, passait sa chasuble, joignait les mains, se dirigeait vers la nef, suivi par le gamin trébuchant dans sa robe... Le gamin était roux. Il agita sa sonnette. Le murmure des prières liturgiques commença.
... pendant la première messe...
Maigret avait regardé une à une toutes les ombres. Cinq vieilles femmes, dont trois avaient leur prie-Dieu réservé. Une grosse fermière. Des paysannes plus jeunes et un enfant... Un bruit d'auto, dehors. Le grincement d'une portière. Des pas menus, légers, et une dame en deuil qui traversait toute l'église. Dans le chœur, il y avait un rang de stalles, réservées aux gens du château, des stalles dures, en vieux bois tout poli. Et c'est là que la femme s'installa, sans bruit, suivie par le regard des paysannes.
Requiem aeternam dona eis, Domine...
Maigret eût peut-être encore pu donner la réplique au prêtre. Il sourit en pensant que jadis il préférait les messes de mort aux autres, parce que les oraisons sont plus courtes. Il se souvenait de messes célébrées en seize minutes ! Mais déjà il ne regardait plus que l'occupante de la stalle gothique. Il apercevait à peine son profil. Il hésitait à reconnaître la comtesse de Saint-Fiacre.
Dies irae, dies illa...
C'était bien elle, pourtant ! Mais quand il l'avait vue pour la dernière fois elle avait vingt-cinq ou vingt-six ans. C'était une femme grande, mince, mélancolique, qu'on apercevait de loin dans le parc. Et maintenant elle devait avoir soixante ans bien sonnés... Elle priait ardemment... Elle avait un visage émacié, des mains trop longues, trop fines, qui étreignaient un missel... Maigret était resté au dernier rang des chaises de paille, celles qu'à la grand-messe on fait payer cinq centimes mais qui sont gratuites aux messes basses.
... un crime sera commis...
Il se leva avec les autres au premier Évangile. Des détails le sollicitaient de toutes parts et des souvenirs s'imposaient à lui. Par exemple, il pensa soudain - Le Jour des Morts, le même prêtre célèbre trois messes... De son temps, il déjeunait chez le curé, entre la seconde et la troisième. Un œuf à la coque et du fromage de chèvre! C'était la police de Moulins qui avait raison! Il ne pouvait pas y avoir de crime! Le sacristain avait pris place au bout des stalles, quatre places plus loin que la comtesse. Le sonneur était parti à pas lourds, comme un directeur de théâtre qui ne se soucie pas d'assister à son spectacle.

D'hommes, il n'y avait plus que Maigret et le prêtre, un jeune prêtre au regard passionné de mystique. Il ne se pressait pas, comme le vieux curé que le commissaire avait connu. Il n'escamotait pas la moitié des versets. Les vitraux pâlissaient. Dehors, le jour se levait. Une vache meuglait, dans une ferme. Et bientôt tout le monde courbait l'échine pour l'Élévation. La grêle sonnette de l'enfant de chœur tintait. Il n'y eut que Maigret à ne pas communier. Toutes les femmes s'avancèrent vers le banc, mains jointes, visage hermétique. Des hosties, si pâles qu'elles semblaient irréelles, passaient un instant dans les mains, du prêtre. Le service continuait. La comtesse avait le visage dans les mains.
Pater Noster...
Et ne nos inducas in tentationem...
Les doigts de la vieille dame se disjoignaient, découvraient le faciès tourmenté, ouvraient le missel. Encore quatre minutes ! Les oraisons. Le dernier Evangile ! Et ce serait la sortie ! Et il n'y aurait pas eu de crime ! Car l'avertissement disait bien : la première messe... La preuve que c'était fini, c'est que le bedeau se levait, pénétrait dans la sacristie... La comtesse de Saint-Fiacre avait à nouveau la tête entre les mains. Elle ne bougeait pas. La plupart des autres vieilles étaient aussi rigides.
Ite missa est... La messe est dite...
Alors seulement Maigret sentit combien il avait été angoissé. Il s'en était à peine rendu compte. Il poussa un involontaire soupir. Il attendit avec impatience la fin du dernier Évangile, en pensant qu'il allait respirer l'air frais du dehors, voir les gens s'agiter, les entendre parler de choses et d'autres... Les vieilles s'éveillaient toutes à la fois. Les pieds remuaient sur les froids carreaux bleus du temple. Une paysanne se dirigea vers la sortie, puis une autre. Le sacristain parut avec un éteignoir et un filet de fumée bleue remplaça la flamme des bougies. Le jour était né. Une lumière grise pénétrait dans la nef en même temps que des courants d'air. Il restait trois personnes... Deux... Une chaise remuait... Il ne restait plus que la comtesse et les nerfs de Maigret se crispèrent d'impatience... Le sacristain, qui avait terminé sa tâche, regarda Mme de Saint-Fiacre. Une hésitation passa sur son visage. Au même moment le commissaire s'avança. Ils furent deux tout près d'elle, à s'étonner de son immobilité, à chercher à voir le visage que cachaient les mains jointes. Maigret, impressionné, toucha l'épaule. Et le corps vacilla, comme si son équilibre n'eût tenu qu'à un rien, roula par terre, resta inerte. La comtesse de Saint-Fiacre était morte.»

vendredi 25 mai 2012

Catholiques contre Hollande - nos erreurs

Maintenant que l’Election est passée, je peux vous le dire. La mobilisation catholique contre Hollande me semble entachée de trois erreurs, jusque sur ce blog, et voici lesquelles :
La question sociale est désertée
J’ai même lu que cet aspect des choses devait passer… après la famille. Mais c’est justement de «la famille» que se préoccupent les électeurs qui se demandent comment préserver le niveau de vie des leurs (nourriture, soins, logement), surtout quand c’est déjà chiche et qu’on entrevoit la dégradation. L’Homme ne vit pas que de pain – tout de même: il tient à son quignon.
Sont tenues pour communes des idées qui ne le sont pas
Si la question précédente est évincée c’est peut-être parce qu’on ne peut pas être de gauche, c’est entendu. C’est entendu? Oui, entendu et dit et lu et écrit… dans un certain milieu.

De même qu’il est «entendu» (à l’envie) que les prestations sociales sont de l’assistanat, que la fonction publique ne produit rien (au mieux), etc – je caricature à peine.

Bref: une vulgate qui laisse de coté toute personne ne l’ayant pas préalablement ingérée/digérée. Avec de telles restrictions de départ, on ne s’adresse… qu’à soi-même. C’est le contraire de l’esprit missionnaire.
La question écologique est balayée
Elle était à la mode il y a cinq ans – la crise aidant elle a disparu, comme un caprice qui ne serait plus de propos. C’est pourtant fondamentale: le mode de vie actuel repose sur la consommation massive d’énergie fossile non renouvelable. Or de plus en plus de peuples y accèdent: on va à la pénurie et on y va de plus en plus vite – et le pétrole montera à 500 dollars et plus du baril. Le caprice de riche? C’est justement de ne pas s’en pré/occuper.

Il y a aussi l’eau, les métaux rares, les terres arables, les paysages, la biodiversité. Créatures adorant leur Créateur, les chrétiens ne devraient pas négliger Sa Création.
Se conforter/se confronter ?
Poser les problèmes ne suffit certes pas trouver les solutions – mais ne pas les poser… encore moins. Il faut savoir si l’on souhaite se conforter en un discours communautariste («les cathos parlent aux cathos») ou se confronter aux questions de la Nation (telle qu’elle est en 2012).

jeudi 24 mai 2012

Et pan!

Je trouve dans «Lettre à Nos Frères Prêtres» (mars 2012) cette citation extensive de trois monstres sacrés de la variété française, tirée de «Le Forestier, Souchon, Clerc : la rencontre» (propos recueillis par Sophie Delassein, Le Nouvel Observateur, 27 octobre 2011) – Et c'est... comment dire? Jugez vous-même.
Alain Souchon : J’ai été élevé dans la religion catholique, avec communion, confirmation et tout le bazar. J’y prenais du plaisir, j’aimais bien rencontrer le prêtre qui s’occupait de nous au collège Claude-Bernard. Après, j’ai abandonné tout cela doucement. Ce qui ne m’empêche pas d’aller de temps en temps à la messe. Mais comme ça m’ennuie, j’y vais rarement. Je ne suis pas anticlérical comme Maxime.
Maxime Le Forestier : La musique dans les églises a mal évolué.
Alain Souchon : Je suis d’accord. Les cantiques ne sont pas bien…
Maxime Le Forestier : …Et ce depuis Vatican II.
Julien Clerc : Disons-le carrément, quitte à passer pour des réactionnaires : Brassens avait raison, c’était mieux avant quand la messe était en latin.
Maxime Le Forestier : Bien sûr. Ils avaient dix siècles de culture musicale, du grégorien, et ils ont effacé ça d’un trait de plume pour le remplacer par Les Prêtres, les trois oiseaux qu’on entend chanter sur les ondes.
Julien Clerc : Même à l’église, ce n’est pas terrible, les cantiques en français ne sont pas bons.
Alain Souchon : Mais même des trucs simples comme Je m’avancerai jusqu’à l’autel de Dieu, j’aimais bien. Maintenant, tout est gnangnan, moche.
Maxime Le Forestier : Ça ne peut plus durer : écrivons de la musique sacrée!
Alain Souchon : C’est pas idiot, on va se remplir les poches avec ça, mon gars!

mercredi 23 mai 2012

Une parole de sagesse - non plus de salut

Texte de l’abbé G. de Tanoüarn, publié dans Monde-et-Vie du 5 mai 2012, sous le titre «Encore le Concile», en marge d’une recension du nouveau livre de François Huguenin, Les voix de la foi.
Entre petites phrases, grands élans et lapalissades, le Saint-Esprit a parlé à l’Eglise durant le Concile. De quelle manière? L’histoire le dira certainement. Pour François Huguenin, en tout cas, l’effet du Concile a été de «desserrer la tension eschatologique». Il voit dans ce desserrement un progrès… de quoi s’agit-il? l’eschatologie, c’est le discours que l’on tient sur les fins dernières de l’homme. Desserrement eschatologique? il s’agit donc de moins parler des fins dernières ou en tout cas, et plus exactement, de ne pas les présenter comme un enjeu. La doctrine du salut universel n’a jamais été explicitement professée à Vatican II, elle est toutefois dans l’air que respirent les Pères conciliaires. Entrez dans l’Espérance, l’un des livres les plus aboutis de Jean-Paul II, contient l’idée que l’on ne peut pas savoir s’il y a même une seule personne en enfer. Que le salut ne soit plus un enjeu de la vie des hommes, que la conversion ne soit plus une urgence, que la foi ne soit pas nécessaire au salut, voilà autant d’affirmations qui s’abritent aujourd’hui couramment sous l’autorité protectrice de Vatican II. Elles contribuent à désactiver la vérité chrétienne, en en faisant non plus une parole de salut, mais simplement une parole de sagesse – comme une philosophie. François Huguenin se félicite de ce desserrement. J’y vois, moi, l’une des raisons de la désaffection universelle qui a touché l’Eglise catholique depuis un demi-siècle. Retrouvons l’Evangile dans sa roide simplicité : «Soyez vigilants car c’est à l’heure où vous n’y pensez pas que le Fils de L’Homme viendra.» On ne peut pas dire que le Christ ait contribué à desserrer la tension eschatologique. Comme dit saint Paul : «La charité devient pour nous une urgence».

mardi 22 mai 2012

Ce serait tellement plus 'gentil'...

Pas facile de résumer ce qui se passe dans le tradiland. Si je devais raconter les 7 dernières années, comme ça, je dirais que Benoit XVI a été élu pape et qu’il ramène l’Eglise à Sa Tradition. Jusqu’où ira-t-il et dans quel état d’esprit: je ne sais. Mais les historiens qui écriront dans 100 ans pourraient bien retenir son élection comme le tournant dans la crise actuelle – comme le signal du début de Sa restauration. (Mgr Lefebvre lui-même disait que la solution viendrait de Rome – il ne disait pas que cela se ferait d'un seul coup, à renforts de trompettes célestes et d'éclats de tonnerre).

Cette élection est un événement considérable, et l’onde de choc bouleverse tout sur son passage, en premier lieu nous les traditionalistes. Et voilà que la FSSPX est secouée à son tour, avec les accordistes qui pensent devoir rejoindre Rome, et les attentistes pour qui que le temps n’est pas encore venu. Que se passera-t-il? Je penche pour une réintégration dans quelques semaines, et des chocs et des contre-chocs, y compris dans les Églises des pays où la FSSPX est bien implantée.
Le mieux n'est pas le plus simple.
Le mieux, pour Rome, serait évidemment que l’ensemble du petit troupeau rentre à la bergerie, pour le salut de leurs âmes, et pour éviter que restent dehors ceux qu’on a invités à rentrer dedans. L’idée est de résorber le (danger de) schisme; si à ce moment se produit un schisme dans le (danger de) schisme, cela fait… désordre – que l’on me pardonne la trivialité du terme.

Mais il faudrait alors faire avec une FSSPX comprenant ses éléments les plus sceptiques. Il faudrait gérer les grincements de dents d’évêques français ou allemands, et leur expliquer que Mgr Williamson est leur frère en épiscopat. (Personnellement, je pense que ses propos de 2009 étaient une çonnerie majeure, que pour autant il ne se résume pas à cela... et que je dois beaucoup à ses enseignements).

Il serait tellement plus simple, pour Rome, d’accueillir une FSSPX purgée de ses éléments les plus… durs. C’est peut-être le sens du communiqué de la salle de presse du Saint-Siège, suite à la réponse de Mgr Fellay: «les cas des trois autres évêques de la Fraternité devront être traités séparément et individuellement». Ce serait tellement plus ‘gentil’, tellement plus commode d’accueillir la FSSPX si Mgr Williamson la quittait! Reste à savoir s’il voudra faire (aux uns et aux autres) ce petit plaisir?

A contrario, dans l’optique d’une réintégration de la FSSPX, il eut été catastrophique que la quittent ses éléments les plus conciliants. Telle est peut-être la clef du mauvais accueil fait à l’Institut du Bon Pasteur en 2006/2007... et années subséquentes. A l’époque une fraction de la FSSPX française pouvait envisager de rejoindre ce jeune institut. Ils ne l’ont pas fait, en partie parce que l’IBP n’avait guère de points de chute à leur offrir. Rome aurait pu intervenir, obtenir quelques prieurés dans des diocèses bien disposés: dégager un champ d'apostolat pour une bonne vingtaine de prêtres. Mais c’eut été autant d’accordistes de moins à la FSSPX.

mardi 15 mai 2012

Feu sur les accords

Que se passe-t-il dans le Tradiland ? Pourquoi cette inflammation générale ? Partout les pétards éclatent. Partout ? Disons sur une ligne qui va de Williamson à Carusi. Quel est le but de ces secrets trahis, de ces confidences claironnées, de ces supérieurs tournés en ridicule ? Quel est l'objectif des évêques fuitards et des curés en quête de martyre médiatique ? Empêcher l'accord. En 2009 déjà, souvenez-vous, Mgr Williamson avait tout fait pour empêcher la désexcommunication. Nous assistons aujourd'hui au Baroud des anti-accords, dont il est trop tôt pour dire qu'il s'agit seulement d'un baroud d'honneur ou encore du baroud du déshonneur. Dans la même ligne : le dernier éditorial de l'abbé de Cacqueray et le dernier numéro du Chardonnet (où d'ailleurs je suis pris à parti de manière particulièrement mesquine par l'abbé Puga, anti-accordiste de choc).

Les médias parlent de sécession. Mais ces gens-là ne peuvent ni ne veulent faire sécession. Ils veulent emporter le morceau (en s'appuyant sur plusieurs prêtres de l'IBP qui ont des intérêts partiellement convergents avec eux comme je l'ai indiqué dans Monde et Vie : voir le post L'abbé Pfluger a cent fois raison).

Le problème, c'est l'intégrisme. Oh ! Pas celui auquel s'en prennent les médias. Non ! Pas non plus celui que définissait le Père Congar en 1950 dans un appendice à la 2ème édition de Vraie et fausse réforme dans l'Eglise : "Est intégriste le catholique de droite". Cette diabolisation-là est ridicule et méprisable comme toutes les formes sans exception de diabolisation.

Je voudrais proposer un autre sens plus psychologique de l'intégrisme. Nous avions organisé un Colloque sur ce sujet avec l'abbé Héry il y a dix ans.

Le problème de ceux qui refusent a priori tout accord avec Rome ou qui d'une façon soi-disant plus subtile aimeraient cultiver une Troisième voie dont on comprend surtout l'égotisme, c'est qu'ils refusent - allez, je vais dire un gros mot - l'hétéronomie chrétienne. Ils veulent être eux-même les marqueurs de leur propre excellence, ils veulent être leur propre centre, alors que le centre c'est Rome, parce que le centre de l'homme... ce n'est pas l'homme, c'est le Christ. De façon assez admirable, dans la lettre aux trois évêques, c'est à cet intégrisme-là, à cet intégrisme autocentré que Mgr Fellay refuse de céder. Il note humblement que pour lui le statu quo entre Rome et Ecône aurait été préférable. Et puis il accepte la main tendue par Benoît XVI. Cette main, elle est trop ostensiblement tendue pour qu'on puisse se contenter de rentrer dans sa coquille. Il faut la saisir. Il faut sortir de soi pour la saisir. Je crois que la ligne de partage des eaux n'est pas telle Fraternité opposée à telle autre. Il y a d'un côté, dans tous les camps, y compris dans l'Eglise officielle, les intégristes égolâtres et de l'autre - dans tous les camps - ceux qui sont soucieux de ne pas être eux-mêmes leur propre centre, ceux qui s'en remettent concrètement au pape pour faire l'unité de l'Eglise.

Il y a un intégrisme de la messe de Paul VI. Ceux qui disent : accepter les traditionalistes dans l'Eglise, c'est récuser le combat de notre vie, "on" ne peut pas nous faire ça sont aussi des intégristes. Ils sont des modernes, qui refusent l'hétérocentrisme chrétien et qui se prennent eux-même pour le principe de l'unité et de la totalité catholique, sans se rendre compte qu'il n'y a pas d'autre totalité catholique que le Christ lui-même. Personne ne peut prétendre : je suis l'Eglise... Même pas le pape. Et Dieu sait si Benoît XVI tendant la main aux traditionalistes montre  que son pouvoir n'est pas totalisant, qu'il est simplement le Pasteur universel : l'homme de tous, pas l'homme d'un Parti. Et nous avons tellement de mal à comprendre son message qui suscitera toujours l'union sacrée des intégristes de tous poils - de droite et de gauche.

Tous ceux qui d'une manière ou d'une autre estiment qu'ils ont le monopole du christianisme se mettent - par intégrisme - hors d'état de comprendre le Pasteur universel et son catholicisme.

lundi 14 mai 2012

Bravo Rikiki : d'où vient le mal ?

Je trouve sur l'excellent Forum catholique, toujours bouillonnant, une analyse en forme de question posée aux traditionalistes. La voici intégralement, elle est signée d'un certain Rikiki, que j'ai dû connaître dans une autre vie (je veux dire dans la vie réelle, sous un autre nom) :
Avec ces déballages qui n'en finissent jamais au sein du clergé tradilandais, il y a de quoi désespérer. Nous sommes témoins de comportements atterrants : publication intempestive de courriers, règlements de compte par blogs interposés, rumeurs et procès d'intention. Ce n'est ni plus ni moins que de l'agit' prop' qu'on ne s'attendrait pas à voir chez des chrétiens! Le mal gangrène donc tout...

La FSSPX pas plus que l'IBP d'ailleurs ne sont donc pas gouvernés. La vie fraternelle semble ne pas exister. Les supérieurs sont publiquement désavoués. Ce qui unit n'est donc qu'une aigreur commune et l'envie d'en découdre, au point que rien d'autre ne semble pouvoir unifier ces communautés?


Je suis vraiment très affligé de ce spectacle grotesque de querelle d'egos démesurés.
Fermez le ban !  

La question posée par Rikiki est d'abord celle de savoir si Internet fait du bien, si les "déballages internautiques" sont positifs, si il est bon de faire état des rumeurs, si les polémiques publiques sont positives... L'avis de Rikiki est catégorique : "Le mal gangrène tout". Comprenez les "fuites" viennent maintenant non seulement de l'IBP mais de la Sainte Fraternité Pie X elle-même... Où va le monde ? Et surtout où va le Tradiland ? Sa prétention à "détenir la vérité" risque de se terminer en eau de bidet...

Jacques Bainville avait une formule, qui résumait trente ans d'analyse et d'histoire immédiate : "Tout s'est toujours très mal passé". Il ne faut pas que nous autres chrétiens nous ayons peur du mal. Nous savons bien que le mal est au programme. Comme dit saint Augustin : "S'il y a du mal, il y a du bien".

La Croix du Christ est le sommet de l'iniquité, un supplice accompli dans un raffinement de cruauté sans égal : l'interminable flagellation avec le flagrum romain - ces lanières terminées par du fer - et s'ajoutant à la flagellation, Jésus devenu la chose de ses bourreaux, puis la crucifixion, les mains et les pieds percés de clous... Mais la Croix est en même temps le signe efficace du Salut éternel, le commencement d'une nouvelle ère, le début d'un progrès moral sans équivalent dans l'histoire de l'humanité, qui a nom chrétienté. Nous constatons que, concrètement, le bien et le mal ne sont hélas jamais exclusifs l'un de l'autre. Le saint Curé d'Ars pleurait ses péchés et ce n'était ni un clown ni un acteur. Bref à tout ceux qui imaginent que "croire au bien" signifie croire qu'il existe quelque part sur la terre un bien exempt de tout mal, qu'ils essaient sur la Planète Mars, mais qu'ils s'abstiennent d'imaginer que leur idéal existe sur la terre.

Même le Christ... Il est l'Innocent par excellence et comme dit saint Paul dans la IIème Lettre aux Corinthiens, "Il s'est fait péché pour nous", il a pris sur Lui les conséquences de notre péché. Il n'a pas fui le péché, il a fait face.

Même la Vierge Marie... Son innocence est absolue, elle est pleine de grâce, totalement graciée (checharitoméné)... Et elle affronte le mal comme personne au monde. Voyez la pleurer à La Salette. Ces larmes de la Vierge, ce n'est pas du cinéma, c'est la continuation mystérieuse de l'oeuvre de son Fils, le glaive de douleur qui lui perce l'âme, comme le lui avait prédit Siméon. L'Apocalypse aux chapitre 12 et 13 nous présente la Vierge affrontant "le dragon, l'antique serpent", non pas dans un combat où elle aurait la haute main, mais dans un combat où elle doit fuir au désert : comme nous, nous avec elle.

Cher Rikiki, voilà la toile de fond... Maintenant quels sont les moyens humains de gérer le bazar ?...

Eh bien ! Nous sommes dans des progrès technologiques sans précédent, qui permettent à chacun (dans la mesure où il souhaite être un homme libre) de posséder le pouvoir d'exprimer cette liberté. Guy Sorman, en 1984, m'avait fait comprendre cela : la révolution technologique interdit désormais toute révolution politique. La révolution technologique est à droite. Je veux dire qu'elle est (pour l'instant encore) en faveur de la liberté individuelle (contrairement à ce que pensait George Orwell avec son Big brother). Il faut que les administrations et les pouvoirs mesurent ce changement profond qui est un fait. Comme l'expliquait notre Webmestre dans son dernier Post, tout ce qui est faisable sera fait. La technologie n'est pas une question morale.

En 2012, nous avons cette possibilité, Rikiki, moi et bien d'autres, de nous exprimer. Si je décidais de ne pas m'exprimer, je laisserais la place à ceux que cela ne dérange pas de s'exprimer. Il faut admettre (je sais qu'au Vatican on ne le comprend pas forcément) que l'on a changé d'époque. Nous nous battons avec les armes de notre époque qui ne sont pas plus mauvaises que celles des époques précédentes, mais qui font que le combat a changé considérablement.

Exemple ? On avait programmé le lynchage de Sarko à grands renforts de conditionnement médiatique. La résistance internautique a fortement limité la casse pour le candidat UMP. François Hollande, le candidat des Mosquées (à 90 % disent certains sondages) n'a pas la marge de manœuvre qu'il s'attendait à avoir après le Premier tour. Internet, en facilitant la communication et le débat d'idées, rend les peuples intelligents... Qui s'en plaindra ? J'espère que l’Église ne s'en plaindra pas.

Reste bien sûr à ne pas commettre de malhonnêtetés : publication de courriers confidentiels (comme ont fait les trois évêques actuellement à quia, ou certains spécialistes de la posture intégriste qui ne savent plus à quel saint se vouer).

En revanche, une parole franche n'est pas forcément subversive... Je ne parle pas des insultes (qui peuvent être franches mais qui ne sont que passionnelles et à fuir ou à mépriser). Je veux dire qu'une discussion vraie mérite toujours d'avoir lieu et Internet est le vecteur idéal. Que ceux qui utilisent des pseudos (à cause des comités de vigilance en tous genres) écrivent néanmoins comme si c'était sous leur nom... Qu'ils n'aient pas peur d'avoir à répondre de leur parole, puisque c'est la leur.

Les conditions préalables de l'accord entre Rome et la FSSPX constituent un vrai secret. Ce secret du Vatican, comme dit Monde et Vie, doit être gardé autant que de besoin. Mais en revanche, la culture du secret est une ânerie que la technologie actuelle pulvérise quoi qu'on fasse. Déjà Louis XV avec son secret du roi a plombé la Monarchie française en présentant l'alliance autrichienne comme un "complot royal". Aujourd'hui la culture du secret est insupportable et contre productive, parce que la technologie (les petits enregistreurs ou les appareils photos embarqués sur les téléphones portables) sera toujours plus forte que cette culture. On peut encore garder UN secret. On ne peut pas garder tout secret. Les complots n'existent pas, parce qu'ils sont forcément à ciel ouvert. Il n'y a plus de culture du secret.

Mais d'un point de vue moral, certains secrets doivent être gardés : secrets politiques (ils sont forcément peu nombreux et ne pourront être gardés que sur un temps limité). Secrets confiés ou secrets promis (comme certains comptes rendus de visite apostolique).

Et, si l'on observe ces précautions morales élémentaires, si, entre chrétiens, on se respecte véritablement, je suis persuadé que le Tradiland, loin de représenter un scandale comme le craint Rikiki, manifestera à tous ce que sera sans doute l’Église de demain : une Église hiérarchique certes (cela ne peut pas être autrement : c'est l’Évangile) mais une Église forcément interactive, dans laquelle ce que l'on avance engage celui qui  s'avance. Une Église où les fonctionnaires de Dieu ou les intrigants de tous pelage n'auront plus cours. Une Église qui doit faire la part de la transparence... Oui... Le moyen de faire autrement ?

samedi 12 mai 2012

Jeanne d'Arc : sa fête demain

Chaque deuxième dimanche de Mai, fête national de Jeanne d'Arc. Nous célèbrerons la messe en son honneur demain à 11 H au Centre Saint Paul. Jeanne est la sainte qui nous fait garder l'espérance quelles que soient les difficultés, celle dont la vie nous fait dire qu'impossible n'est pas français.

jeudi 10 mai 2012

Mgr Fellay a mille fois raison

Riposte catholique vient de publier une magnifique réponse de Mgr Fellay aux trois autres évêques de la Fraternité. Je n'en avait pas connaissance au moment où j'ai rédigé le post précédent. Cette publication est trop importante pour que je n'ajoute pas un post-scriptum à ce que je viens d'écrire. On sent qu'il y a dans la position du supérieur de la FSSPX une véritable et surnaturelle docilité au Saint Père, vicaire du Christ sur la terre, en particulier lorsqu'il reconnaît qu'on aurait pu humainement préférer le statu quo. Cette lettre est une bouffée d'air pur !

J'ai particulièrement goûté la manière dont Mgr Fellay allie "le réalisme" et "le sens du surnaturel".
Deo gratias !

Je donne cent fois raison à l'abbé Pfluger...

"L'abbé veut-il plomber l'IBP ?" demande Caroline sur le Forum Fecit. Non Caroline. Je crois que l'Institut du Bon Pasteur, qui avait suscité tant d'espérance, a du plomb dans l'aile, et il me semble de bonne médecine et de nécessaire humilité de le reconnaître. Les causes? Ce n'est pas la cause unique, mais c'est celle sur laquelle on peut agir : le positionnement ecclésial de certains de ses membres n'est pas clair, comme on peut le voir sur un site qui s'intitule lui-même Disputes théologiques (au pluriel). Et ce manque de clarté, on veut en faire une norme pour l'IBP, par toutes intrigues à portée.

Je ne parle ici bien sûr que de la partie émergé de l'iceberg. Je ne révèle aucun secret, mais je réponds à des textes qui courent sur le net, sur des blogs et des forums. Lorsque l'intrigue s'empare d'un coeur de prêtre, cela peut devenir comme une religion de surcroît.

En quoi cela nous concerne, nous laïcs? direz-vous. Comme je l'explique dans Monde et Vie, les révélations aussi fracassantes qu'anonymes et au fond insignifiantes de certains voudraient compromettre l'accord qui est en train d'être finalisé entre Rome et Ecône. Ceux, parmi les traditionalistes, qui sourdement s'opposent à l'accord craignent un bouleversement du paysage ecclésial. Personnellement je donne cent fois raison à l'abbé Pfluger, assistant de Mgr Fellay, écrivant, d'après le dernier papier d'Andrea Tornielli (voir Tradinews) que pour la FSSPX, "refuser l'offre du pape, c'est être sédévacantiste". Pour la FSSPX, refuser l'offre du pape, c'est effectivement ne pas considérer le pape comme le seul chef légitime de l'Eglise, c'est confondre la suppléance que la FSSPX a été appelée à revendiquer dans le passé avec, aujourd'hui une véritable et durable substitution de structure à structure. Bref ce que l'on appelle le schisme.

Pour couper court à la polémique et éventuellement lancer un débat salubre, voici, avec l'accord de Jean-Marie Molitor, l'article que j'ai publié dans Monde et Vie sur les accélérateurs de polémiques

Rome-FSSPX - Les accélérateurs de polémiques

La fuite sur Internet du Compte rendu de la visite canonique effectuée par la Commission Ecclesia Dei à l’Institut du Bon Pasteur n’en finit pas d’alimenter la polémique entre Rome et les prêtres de la FSSPX, au moment où l'accord doit se conclure.

Le 3 mai dernier, la Porte Latine diffusait largement un texte de l’abbé Petrucci, supérieur du district d’Italie, qui, s’appuyant sur la publication intempestive, via Internet, du rapport de la Commission Ecclesia Dei après la visite canonique de l’Institut du Bon Pasteur, soulignait « le problème de conscience »  qui se pose aux traditionalistes dans la conduite des négociations avec Rome. Pour ce prêtre, qui fut longtemps supérieur du Prieuré de Nantes, « la volonté de la Commission Ecclesia Dei » est de pousser à « l’acceptation au moins en principe de la liturgie moderne dans l’esprit du Motu proprio Summorum pontificum ». Il dénonce « des pressions progressives pour ramener les dissidents » - qui n’ont pas du tout envie qu’on les ramène.
 
Le rapport de la Commission Ecclesia Dei contenait en effet deux demandes sensibles : D’abord la suppression du terme « exclusivité »  dans les statuts de l’IBP à propos du rite traditionnel, qui serait considéré désormais comme « le rite propre » de l’Institut. On n’emploierait plus le terme « exclusif ». Ensuite, deuxième demande, à propos de la formation au Séminaire, l’idée qu’il faudrait désormais privilégier, par rapport à « une critique même sérieuse et constructive du concile Vatican II »  « l’herméneutique du renouvellement dans la continuité », telle qu’elle est exposée dans « le catéchisme de l’Eglise catholique ».

Ce même 3 mai, sur son site Disputationes theologicae, l’abbé Stefano Carusi, membre de l’IBP, insiste sur le fait que,  tout en marquant le plus grand respect à la Commission, il est possible de considérer ce Rapport non comme une succession d’ordres auxquels il faudrait obéir, mais comme l’exposition d’un certain nombre de demandes auxquelles il serait loisible de ne pas déférer. Parmi ces demandes, ajoute-t-il, il convient justement de refuser celles qui portent sur la messe traditionnelle et sur les changements à apporter dans l’enseignement donné au Séminaire sur le dernier concile.

Que veut l’abbé Carusi pour son Institut ? Il souhaite que l’IBP puisse « offrir un témoignage de la possibilité d’une position ecclésiale qui inclut les présupposés cités » à savoir « l’usage exclusif du rite traditionnel et la critique constructive du Concile ».

De façon très troublante, la position des deux prêtres italiens, celui qui est membre de la FSSPX, l’abbé Petrucci et celui qui est membre de l’Institut du Bon Pasteur, l’abbé Carusi s’identifient. Pour eux il est clair que, de façon maladroite, la Commission Ecclesia Dei fait pression sur une petite société religieuse pour mieux la « normaliser ». Rome dévoile ainsi à l’IBP les arrière-pensées que nourrissent les hiérarques à l’encontre de la FSSPX. L’IBP est en droit de refuser ces « conseils » romains en s’appuyant sur la lettre de ses propres statuts, apparemment mise en cause. La situation leur semblant grave, des prêtres de l’IBP considèreront qu’il est urgent d’aider la Fraternité Saint Pie X en rendant public l’exposé romain qui fait suite à la Visite apostolique.

Mais n’y a-t-il pas une autre lecture de ce document ? Je crois que, en particulier depuis que mons. Pozzo (et le cardinal Levada) ont remplacé le cardinal Castrillon Hoyos à la tête de la Commission Ecclesia Dei, on assiste à une lente prise de conscience de l’importance du problème doctrinal qui existe tout de même entre Rome et la FSSPX (et dans une moindre mesure entre Rome et l’IBP).

Quel est ce problème ? La reconnaissance de la légitimité de l’Eglise issue du Concile, du rite qu’elle célèbre et du catéchisme qu’elle enseigne. Comment peut-on être effectivement membre de l’Eglise catholique si l’on refuse en principe comme étant non-catholique, la forme rénovée du rite romain qu’elle célèbre ? Ou bien comment peut-on maintenir qu’il n’est jamais possible d’y assister, alors même qu’il s’agit d’un rite catholique et qu’on le reconnaît comme tel ? Il y a là une double incohérence qui compromet gravement l’intégration des traditionalistes dans l’Eglise et les fruits que doit porter cette intégration.

Il ne s’agit donc pas un instant pour la Commission Ecclesia Dei d’empêcher que l’IBP ne possède « comme rite propre » le rite traditionnel. Il ne s’agit pas non plus de lui interdire toute critique du rite rénové ou du Concile. Il s’agit de faire en sorte que, selon la formule de Cajétan, l’Institut du Bon Pasteur puisse « agir comme une partie dans l’Eglise » et non cultiver un esprit qui, quelles que soient les intentions, serait de facto schismatique. Pour agir comme une partie dans l’Eglise, l’Institut, nous dit-on, doit former ses séminaristes avec le Catéchisme de l’Eglise Catholique et doit jouir de son rite propre sans lancer l’anathème sur la nouvelle forme du rite romain (qu'elle garde néanmoins le droit et le devoir de critiquer). Est-ce trop demander ? Il me semble que c’est le minimum…

Au-delà du pilpoul doctrinal, la concomitance des derniers événements permet de remarquer une rencontre d’intérêt entre la branche « radicale » de l’IBP, représentée ici par l’abbé Carusi et ceux qui à la FSSPX ne veulent pas d’accord avec Rome. En effet, ceux qui, à l’IBP, ont l’ambition, le plus sérieusement du monde, de représenter « la Fraternité Saint Pie X dans l’Eglise » s’accordent spontanément avec ceux qui, au sein de la FSSPX, ne veulent pas que cette Fraternité puisse revenir dans le périmètre visible de la catholicité. Comme souvent, ici le billard est à trois bandes et une rencontre d’intérêt ne signifie pas des intérêts vraiment communs.

 Abbé G. de Tanoüarn IBP

 PS : Je me sens d’autant plus fondé à vous livrer mon analyse que celle de l’abbé Carusi a été publiée sur son site.

mercredi 9 mai 2012

Vertiges

A une époque ‘la route de la soie’ était longue et dangereuse – et d’un coût exorbitant. Ne venaient de Chine que des produits précieux : épices, porcelaines… et soie. On a depuis inventé les vraquiers – les plus gros transportent 330.000 tonnes. Soit, à chaque voyage, la charge portée par 5 millions de baudets. Et nous recevons de Chine jusqu’aux pavés de nos rues. Le vraquier, voilà qui explique la mondialisation, bien plus directement que l’«affaiblissement des États nations» ou que la «diabolisation» du colonialisme. Le vraquier (ou internet, ou tout autre moyen accélérateur de la mondialisation) dépend de la technique – et non de la politique.

Ensuite on peut discuter de savoir si la technique est bénéfique, ou néfaste… ou neutre, comme le pense Gorgias. Parlant de la rhétorique et de ses dangers, Gorgias dit qu’elle peut être mal employée, que cependant: «les criminels, ce ne sont pas les maîtres, ce n'est pas l'art non plus - il n'y a pas lieu à cause de cela de le rendre coupable ou criminel». Mais peu importe au fond que la technique soit neutre ou pas – ce qui compte c’est qu’elle soit.

Dennis Gabor est un physicien qui a travaillé par exemple sur les lampes à mercure, sur les réseaux neuronaux et sur les hologrammes, ce qui lui a valu le prix Nobel. Il a aussi laissé quelques pensées, dont celle qui veut que tout ce qui peut être fait, techniquement parlant, sera fait un jour ou l’autre. Autrement dit, vous pouvez mettre toutes les barrières légales que vous voulez, pour interdire par exemple… le clonage reproductif des mammifères. Mais si les connaissances se diffusent, de plus en plus de personnes sauront cloner, et quelqu’un finira bien par le faire. Nous pouvons aussi interdire la pilule abortive? Dans les jours qui suivraient, elle serait disponible sur internet. La politique peut l’interdire mais pas l’empêcher.

Restent les barrières morales - j'espère que vous en avez de solides. Nous vivons dans un monde de plus en plus ouvert – dont les possibilités techniques sont folles, et encore: elles s’accroissent de manière exponentielle. Il n’est pas certain que la morale suive au même rythme. C’est alors que plus d’un humain ouvre (ouvrira?) des yeux hagards, comme le fou dont parle Nietzsche, et se demande (demandera?) avec lui : «Dans quelle direction nous dirigeons-nous? … En arrière, en avant, de tous côtés? Y a-t-il encore un dessus et un dessous?»

Lutte des classes

D'abord vous dire que je reviens d'une très belle conférence de Mgr Athanasios au CSP. Quel charisme a cet évêque ! Les coptes au fond nous ramènent en quelque sorte à l'Eglise primitive. Un exemple à méditer.

Mais revenons à mon dernier post et à l'abondant courrier qu'il me vaut. J'ai sans doute abordé trop de thèmes trop vite dans ce Que faire dont le titre plagiait gentiment Lénine comme l'un d'entre vous s'en est avisé. Juste quelques réponses à vos premières réponses.

Sur Marine Le Pen : j'apprécie son naturel politique. Ecoutez-la face à Apathie sur RTL le 30 avril (de mémoire). C'est sublime. Même un vieux routier de la question tordue et un adversaire politique comme Apathie est obligé de subir le discours de Marine. C'est une femme (mesdames, vous savez bien que vous êtes les plus terribles). Elle a 44 ans. Elle fera certainement une grande carrière politique, si elle continue à travailler ses dossiers comme elle les travaille. Je trouve dommage qu'elle ne parvienne pas à comprendre que ce qui doit réunir tous les Français ce n'est pas je ne sais quelle conscience populaire (qui aujourd'hui tient du mythe ou du magot de brocante), mais tout simplement, comme le pensait son père, une sorte de nationalisme chrétien qui est le contraire de l'agressivité nationalitaire : la conscience, qu'on ait la foi ou non, de partager un trésor de culture et d'humanité qui vient du christianisme et qui nous définit comme Français. Que voulez-vous, quand Marine cite Robespierre (l'an dernier) ou Rousseau, moi ça ne me parle pas. Elle peut jouer la conservatrice du musée républicain, ça sent la poussière. C'est ringard (dans le meilleur des cas) et dangereux dans le pire, car une sémantique s'empare facilement de votre discours plutôt que votre discours ne s'empare d'elle.

Sur la Lutte des classes : cher Rudy, votre Warren Buffet est plein d'humour, c'est pour cela qu'il a découvert la vérité. La lutte des classes est une invention de la bourgeoisie. D'une certaine bourgeoisie, celle qui a abrogé les corporations par la Loi Le Chapelier... C'est -en France- la bourgeoisie voltairienne et au fond matérialiste, antichrétienne dans tous les cas. Pour elle les ouvriers sont... le matériel (Aujourd'hui DSK parle lui aussi du matériel à propos de ce qu'il est convenu d'appeler les travailleuses du sexe).

L'anonyme de 6H56 a donc raison de souligner que Marx n'invente pas la lutte des classes et qu'il la constate. Mais il ne fait pas que la constater, il l'utilise pour construire une réalité sociale nouvelle, en en faisant de cette lutte le moteur de la conquête du pouvoir et de l'abolition des classes le coeur de l'action politique communiste. Marx avait une conception de la vérité qu'il avait tiré du judéo-christianisme et laïcisé (en passant par Hegel). C'est sa première proposition sur Feuerbach, à laquelle il faut revenir sans cesse : "Il ne suffit pas de comprendre le monde, il s'agit désormais de le changer". Marx ne constate pas la lutte des classes, il s'en sert, comme les trotskistes aujourd'hui. Aller faire l'apologie de ce moteur douteux au nom de je ne sais quelle posture révolutionnaire, c'est absurdement ringard. On sait bien maintenant que les patrons ont intérêt à enrichir leurs ouvriers puisque ce sont leurs premiers clients. Je crois en outre que ceux qui aujourd'hui déterrent le cadavre de la lutte des classes comme les Indiens leur hache de guerre, ne font que manifester l'envie qui est au fond du coeur de tout homme (ce que saint Jean appelle la concupiscence des yeux). L'idée communiste, chère à Alain Badiou, n'a pas d'autre ressort, parce qu'il 'existe plus ni moujiks ni Lumpenproletariat - au moins dans nos pays.

Si maintenant les délocalisations ont été rendues possible, c'est d'abord à cause de l'affaiblissement des Etats nations, parce que l'on a au préalable diabolisé l'idée de colonisation (qui aurait pourtant empêché l'esclavage industriel) et parce qu'une dérèglementation mondiale s'est imposée. Le problème est ici politique d'abord. C'est à la politique de représenter une responsabilité face à l'économique. Aristote l'expliquait déjà. L'économie ne vivant que du gain, des désirs qu'il suscite avant et qu'il satisfait après, ne peut pas s'organiser elle-même. Sa mesure est l'infini propre au désir : apeiron disent les Grecs, chaos. La Crise économique a montré la nécessité d'un volontarisme politique (et, soulignons-le, dans ce volontarisme même il faut savoir s'arrêter)

Sur Remi Fontaine et sa défense d'un communautarisme chrétien, je ne comprends toujours pas pourquoi il utilise ce mot barbare si il ne veut parler que de la communauté chrétienne ouverte sur le monde (ce que j'ai appelé l'arche après Maurras, l'arche riche de tous les animaux de la création). Mais c'est à lui de nous l'expliquer. Il peut l'expliquer ici d'ailleurs. Je tiens moi, avec Ivan Rioufol, que le communautarisme c'est la guerre. Je tiens que ce que l'on a appelé absurdement le clash des civilisations n'est qu'une guerre des communautarismes. Je tiens que le nationalisme chrétien (principe de la civilisation européenne) est source d'harmonie et d'humanisation et qu'en lui se trouve le secret de la véritable laïcité (parce que la laïcité n'est pas compatible avec toutes les religions).

mardi 8 mai 2012

Que faire ?

"Il faut voter Hollande parce que cela va faire bouger la droite molle". Ce message d'un internaute en commentaire à notre post Voter n'est pas tuer, j'aurais bien envie de le reprendre maintenant en disant : alors ? François Hollande est élu avec 1 139 000 voix de plus que Nicolas Sarkozy. Il y a eu 2 130 000 votes blancs et nuls. Les Français ont préféré une culture de mort assumée, la lutte contre la famille, et toute l'idéologie d'un socialisme ringard aux mensonges les yeux dans les yeux du Petit Nicolas. Très bien. Et maintenant ?

Faut-il, comme Marine Le Pen, faire appel au Peuple avec une majuscule pour bousculer et pour détruire le Système ? Faut-il croire à une sorte de pureté du Peuple "souvent trompé mais corrompu jamais" comme Marine le fait dire à Jean-Jacques Rousseau dans son discours du 1er mai ? Pour certains, cela apparaît comme la solution. Le peuple fera le travail que les élites ne veulent pas faire, il reprendra son destin en main, il éliminera les corrompus, il reprendra le pouvoir abandonné au technocrates... Il changera enfin la situation, en nous faisant sortir de l'Europe et en nous permettant de retrouver notre liberté.

Calcul de révolutionnaires en charentaises ! Je ne crois pas à ce scénario et je suis réticent à utiliser ces catégories rousseauistes du discours politique. Le cher Thierry m'écrit que c'est parce que je méprise le Peuple. Pas du tout. Il n'y a pas l'ombre d'un mépris éventuellement "aristocratique" chez moi... Je ne crois pas aux aristocraties qui sont toujours des oligarchies et qui comme tels ne savent que se sucrer. Je ne crois qu'à la noblesse quand son honneur est de servir (fermez le ban).

Où nous mène aujourd'hui cette invocation au Peuple avec une majuscule ? A un nouvel avatar de l'idéologie. C'est tout le problème du populisme. Le peuple a ses marionnettistes. On le fait parler et très vite d'ailleurs il y a "le vrai peuple" (les jacobins, les membres du Parti etc.) qui a droit à la parole et le "faux peuple" vendu au système. J'ai très peur que ceux qui utilisent cette phraséologie (en poussant la sincérité jusqu'à nous donner leurs sources, en citant Rousseau) soient victimes de leur langage. Aujourd'hui ils ont gagné, comme le montre le chiffre des abstentions comparé au chiffre de la différence des partisans de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Que vont-ils faire de cette victoire ? Ils ne peuvent même pas la revendiquer publiquement. Où cela mène-t-il ? A une surenchère verbale destinée à masquer l'inefficacité du procédé. Pourquoi parlé-je déjà d'inefficacité ? Parce qu'en démocratie, on ne peut se dire "le peuple"avec une petite chance de l'emporter, qu'à partir de 51 % des voix.

Ce populisme revendiqué peut aussi mener tel ou tel à la vieille lune de la lutte des classes. Ainsi mon ami Alain de Benoist, dans son avant dernier livre Au bord du gouffre, réévalue-t-il hélas ce vieux concept qui porte la haine. Certes la différence entre les pauvres et les riches est en train de se creuser. Certes certains patrons du CAC 40 se font voter par leur Conseil d'administration des salaires mirobolants (à charge de revanche dans d'autres conseils d'administration). Certes ces salaires contrastent avec l'inefficacité de ceux qui se les octroient (voyez l'histoire de Tchuruk et d'Alcatel par exemple). Mais enfin il y a une chose que Marx n'avait pas comprise : le christianisme a définitivement aboli l'esclavage. Il n'y a plus dans les pays chrétiens de dialectique du maître et de l'esclave qui soit possible, qui soit envisageable. Les choses ne se passent pas forcément au mieux entre riches et pauvres, mais elles ne sont pas radicalisables. La lutte des classes n'a jamais porté de fruits. Ce sont les patrons chrétiens du Nord (dont Boussac prenant sur sa fortune personnelle pour payer ses employés est un ultime exemple) qui ont inventé les assurances sociales. En Allemagne itou. Et en Belgique.

Face au populisme, face à la tentation de gauchir l'irrépressible mouvement droitier qui s'empare de la société tout entière (un exemple paradoxal de ce mouvement droitier ? François Hollande refusant de descendre dans la rue avec les syndicats et leurs drapeaux rouges le 1er mai), que faut-il faire ?

"Quand les catholiques se mettront à travailler la France s'éveillera". Hervé Rolland, le patron du pèlerinage de Chrétienté entre Paris et Chartres dit bien l'urgence d'une entrée en résistance. Les catholiques ont commencé à se rendre audibles (de différentes manières) à l'occasion des deux spectacle christianophobes du Théâtre de la Ville et du Théâtre du Rond Point à la fin de l'année dernière. L'intensification prévisible des pressions en faveur de la culture de mort devra trouver les catholiques en ordre de bataille. La vraie radicalisation est là et non dans une invocation impuissante à la Lutte des classes.

Comment faire face au triomphe "du pire et des pires" ? Comment vivre cette radicalisation apocalyptique ou ce qui est en question, selon l'intuition formidable de Jean-Paul II c'est la vie et la mort, la culture de vie et la culture de mort ?

Au point où nous en sommes, il y a me semble-t-il trois issues, pour un catholique conscient de vivre en société en France au XXIème siècle.

La première, c'est la pratique au coup par coup du moindre mal en politique ; c'est ce que j'ai essayé de défendre à l'occasion de cette élection présidentielle. Il nous faudra sans doute continuer, alors que les législatives s'approchent. Le but : ralentir le triomphe mortel de l'individualisme mondialiste et consumériste.

La deuxième issue me semble impraticable, c'est celle dite d'un communautarisme chrétien. Les mots ont un sens. Le communautarisme n'est pas la communauté. Les communautés chrétiennes nous aident à vivre, le communautarisme tue parce qu'il enferme toute valeur à l'intérieur de la communauté. Ce n'est pas un hasard si d'un point de vue géopolitique aujourd'hui, le communautarisme, cela signifie prendre son parti de la guerre entre les communautés. Il y a 50 ans, au vue des exploits allemands, on pouvait dire "le nationalisme c'est la guerre". Aujourd'hui, la guerre entre les nations a presque disparu. Ce qui reste ? C'est la guerre entre les communautés. C'est la libanisation, la balkanisation du monde. Pourquoi transformer le christianisme qui foncièrement est un universalisme (un catholicisme comme disent les Grecs) en un communautarisme ? Pourquoi revendiquer un exclusivisme de la communauté chrétienne, dans laquelle se trouverait toute valeur, toute culture et tout avenir ? Que les islamistes revendiquent le communautarisme, c'est conforme au code génétique coranique, comme l'a démontré autrefois Alain Besançon. Mais cela n'a rien à voir avec la liberté évangélique. Nous les chrétiens, nous répétons après saint Ambroise : "toute vérité, quel que soit celui qui la profère vient du Saint Esprit". Du Saint Esprit au dessus de nous tous et en nous tous, et pas de la communauté X Y ou Z.

La troisième issue est celle qu'envisageait un certain Charles Maurras, dans une célèbre lettre à Pierre Boutang. Elle répond aux mêmes impératifs qui ont fait naître le communautarisme catholique. Mais elle y répond autrement. Dans l'atmosphère diluviale qui est la nôtre, nous pouvons dire comme Noé que "nous bâtissons l'arche hiérarchique, catholique, classique, humaine". L'arche, ce n'est pas le communautarisme parce qu'elle se sait elle-même provisoire et parce qu'elle est ouverte à toutes les sortes d'animaux que comprend la Création du Bon Dieu. Il n'y a dans l'arche aucun enfermement mais un salut à obtenir "à travers l'eau" comme dit l'apôtre saint Pierre lorsqu'il parle de Noé. Il faut faire comprendre aux catholiques et aux autres qu'il y a urgence si nous voulons transmettre, qu'il y a urgence à ce que sans nostalgie inutile, les transmetteurs actifs se regroupent.

La messe du dimanche matin, c'est cela : se regrouper, grâce la liturgie, pour mieux transmettre ce que l'on a reçu et non pas s'enfermer dans un communautarisme. Le Père Festugière, éminent helléniste, disait dans un petit ouvrage intitulé De la tragédie grecque : "Si on me demandait mon avis de vieil helléniste sur les raisons de la rapidité avec laquelle le monde romain se convertit au christianisme, je dirai que c'est à la charité qui animaient les premières communautés que l'on doit cela".

De plus en plus il apparaîtra historiquement que le christianisme vécu est la seule alternative vrai au consumérisme, au mondialisme, au matérialisme - bref : à la culture de mort.

NB : Sur "l'arche nouvelle" qu'il nous faut bâtir, voyez cet extrait de lettre de Charles Maurras à Pierre Boutang, un des plus beaux textes du Maître de Martigues et un des plus actuels.
"Nous bâtissons l'arche nouvelle, catholique, classique, hiérarchique, humaine, où les idées ne seront plus des mots en l'air, ni les institutions des leurres inconsistants, ni les lois des brigandages, les administrations des pilleries et des gabegies, où revivra ce qui mérite de revivre, en bas les républiques, en haut la royauté et, par-delà tous les espaces, la Papauté ! Même si cet optimisme était en défaut et si, comme je ne crois pas tout à fait absurde de le redouter, si la démocratie était devenue irrésistible, c'est le mal, c'est la mort qui devaient l'emporter, et qu'elle ait eu pour fonction historique de fermer l'histoire et de finir le monde, même en ce cas apocalyptique, il faut que cette arche franco-catholique soit construite et mise à l'eau face au triomphe du Pire et des pires. Elle attestera, dans la corruption universelle, une primauté invincible de l'Ordre et du Bien. Ce qu'il y a de bon et de beau dans l'homme ne se sera pas laissé faire. Cette âme du bien l'aura emporté, tout de même, à sa manière, et, persistant dans la perte générale, elle aura fait son salut moral et peut-être l'autre. Je dis peut-être, parce que je ne fais pas de métaphysique et m'arrête au bord du mythe tentateur, mais non sans foi dans la vraie colombe, comme au vrai brin d'olivier, en avant de tous les déluges."

[conf'] Mgr Athanasios évêque des coptes d'Europe...

Mgr Athanasios, évêque des coptes d'Europe, sera ce soir à 20H15 au Centre Saint Paul pour nous entretenir de sa communauté. Il revient du Caire où il a participé à l'élection du successeur de Chenouda III décédé après quarante ans de règne. Il nous parlera des persécutions qui recommencent contre les coptes et de l'avenir de l'Egypte après le printemps arabe. Notre devoir de catholique est de manifester notre solidarité envers les coptes persécutés par l'islam coranique. La montée des frères musulmans et des salafistes dans l'Egypte d'après Moubarak peut signifier le pire pour les 10 ou 12 % de la population égyptienne qui reste des chrétiens très fervents.
Participation aux frais de 5€ - un verre de l'amitié prolongera la conférence.

lundi 7 mai 2012

Pour en finir avec la politique

Nous avons reçu un message d'Alina Reyes à propos de notre polémique sur le vote. Je vais y répondre parce qu'il va dans le sens de beaucoup d'entre vous. Elle conteste apparemment le fait que j'aie pu qualifier un certain public catho de "stagnant" et de masochiste :
"Parler de masochisme suppose d'avoir lu Masoch. C'est un bon auteur, mais il faut le comprendre. Rien n'est moins masochiste que le fait de ne pas aller voter, si on ne le désire pas. Rien n'est plus sado-masochiste que les relations des Français avec les urnes, avec la République : voyez la Révolution. Sacralisation de la res publica, anathèmes et guillotine. Réclamer des lois éthiques et continuer à vivre dans l'iniquité, l'hypocrisie, la fourberie. Le masochisme, c'est ce goût de demander aux pouvoirs temporels ce qu'on est impuissant à trouver et accueillir en Dieu. Une démangeaison qui n'en finit pas".
J'avoue que je n'ai pas lu La Venus à la fourrure et que je n'éprouve pas d'attrait pour les Domina en tous genres. Je ne connais pas bien la personnalité de Léopold de Sacher Masoch, qui s'est toujours élevé contre le "masochisme" tel qu'il est décrit par les médecins (dont Freud) en disant que cela ne correspondait pas à son idéal de vie. Quant à Alina Reyes, elle a écrit des romans érotiques, puis un livre important sur sainte Bernadette et les apparitions de Lourdes La jeune fille et la Vierge et ensuite plusieurs livres témoignages sur la manière dont elle a découvert la foi. Elle cherche aujourd'hui, autant que je le comprends, à faire partager son expérience spirituelle, ayant discerné dans l'esprit (qui n'est ni le corps ni la psyché) quelque chose comme la vérité de l'existence.

Apparemment nos préoccupations politiques l'ont choqué. Est-ce digne de chrétiens ? Voici ce qu'elle écrivait sur son blog il y a quelques semaines. Je cite ce qui s'apparente à une profession de foi :
"Dans une démocratie, c’est l’Opinion et l’état de fait des mœurs qui dictent leurs lois aux législateurs, pour le meilleur et pour le pire. Des chefs d’État factices comme ceux que nous voyons se succéder n’y peuvent rien. C’est justement pour cela qu’ils sont élus. Le peuple n’est pas plus bête que ses élites. Les uns et les autres forment l’aliment de leurs propres mensonges, esprits cannibales. Mais quelque chose est beaucoup plus puissant que tout ce monde : l’Esprit de vérité qui travaille l’histoire, laissant tomber le pire où il s’entraîne lui-même, ré-agençant les forces dans le monde, sauvant le vivable en l’amenant vers son nouveau visage, sa loi révélée. Vivants, notre vie, nous avons le pouvoir de la donner, et personne ne peut nous la prendre : soyons heureux, nous le sommes".
La perspective d'Alina Reyes, je l'appellerais volontiers augustinienne. Pour elle, il y a la politique ordinaire, qui est un double mensonge (des gouvernés au gouvernant et du gouvernant aux gouvernés). Alina Reyes n'a pas, comme certaine blonde, la tentation de canoniser le peuple (ou de "l'émanciper") avant même de l'avoir entendu. Elle remarque (et cela est typique d'un certain augustinisme... inconscient) que le mensonge du peuple et le mensonge du politique vont à la rencontre l'un de l'autre et se soutiennent, l'un alimentant l'autre.

Par ailleurs, en tant que chrétienne, elle en appelle à "l'esprit de vérité". Oui l'Esprit saint travaille dans l'histoire, il est l'unique facteur - facteur occulte - d'un progrès moral de l'humanité, sans cesse compromis, mais irréversible, qui repose sur la révélation de la personne (ou si vous voulez de la responsabilité du sujet) et sur la révélation de la charité (l'inverse du désir naturel : consommateur ou cannibale).

Ces deux perspectives sur le mensonge universel et sur le progrès inéluctable, l'une "pessimiste" et l'autre "optimistes" se complètent comme les deux vérités contraires souvent invoquées par Pascal. La vie est faite de ces vérités contraires... Comme disait Bossuet dans le même sens : "Il faut tenir les deux bouts de la chaîne" (Je ne résiste pas à dire qu'Eugène Green a magnifiquement filmé cette thèse des deux vérités contraires sans accomplissement dialectique, sans la trop fameuse fumeuse synthèse hégélienne, dans son film Le Pont des arts).

La politique est ainsi la chose la plus importante du monde, celle où se décide le bien commun (quelque chose de supérieur à notre petit bien propre). Les militants politiques sont parfois des saints par l'oubli d'eux-même dont ils font preuve... Mais la politique est en même temps la chose la plus sale et la plus artificielle. N'est-ce pas Machiavel qui disait que l'oeuvre des politiques consiste à faire croire. Il faut donc admettre la politique, mais dans son ordre, admettre l'importance de la politique, mais avec la vérité contraire qui nous permet de maintenir la politique dans son ordre et de ne pas demander aux politiques des choses qu'ils sont incapables de nous donner.

Décidément, il ne faut pas confondre l'Etat et la Providence, ne pas jouer à être le patron d'un Etat providence. Mais cette confusion n'est-elle pas tout un certain socialisme ?

Cette démarche "socialiste" (humaine trop humaine) de providentialisme laïcisé est-elle du masochisme, comme le suggère Alina Reyes ? Elle me semble en tout cas aussi artificielle que les jeux de rôle de ce bon Léopold. Aussi fausse. Rien pour le coeur, rien pour la vie. Il faut en finir avec cette politique là.

dimanche 6 mai 2012

Mgr de Germiny communique... pour le 6 mai

Juste pour ceux qui estiment que les prêtres n'ont pas à se mêler du devoir citoyen qui est celui de tous. Voici ce qu'explique Mgr de Germiny, évêque de Blois, à ses diocésains, et qui, par la magie d'Internet peut être communiquer aussi aux lecteurs de Métablog.
J’estime de mon devoir d’évêque d’appeler, une fois encore, les électeurs à être cohérents avec leur foi.

Blois, le 4. V. MMXII

Chers amis, bonjour.

Le mois de mai est de retour. Avec la nature qui s’épanouit, chacun peut se nourrir d’espérance, la favoriser, la faire aboutir.

Le mois de mai, c’est le mois de Marie qui culmine au diocèse de Blois avec la fête de Notre Dame des Aydes, le 24 mai.

Le mois de mai, c’est la période où beaucoup reçoivent le sacrement de confirmation pour devenir les apôtres capables de répondre aux défis de l’heure.

Le mois de mai 2012, dans notre pays la France, revêt une tonalité particulière à cause des élections présidentielles. A juste titre les enjeux socio-économiques ont été fortement exposés par les deux candidats demeurés en lice. En revanche, silence total lors du dernier débat sur les droits fondamentaux de la personne humaine.

C’est pourquoi j’estime de mon devoir d’évêque d’appeler, une fois encore, les électeurs à être cohérents avec leur foi et ce sur deux points non négociables :
  • Droit des personnes âgées, malades ou dépendantes d’être accompagnées et soignées jusqu’au terme naturel de leur vie, sans acharnement thérapeutique ni euthanasie.
  • Droit des enfants d’être conçus et élevés par un père et une mère.
Relisez les programmes et décidez-vous.
Ne succombez pas à la tentation du vote blanc.
Que votre non à une culture de mort soit non.
Que votre oui à l’amour de la vie soit oui.
Chers amis, à bientôt. 
+ Maurice de Germiny
évêque de Blois



Ce message n'est pas ouvert à commentaire, son auteur s'intervenant pas sur le MetaBlog.

vendredi 4 mai 2012

Voter n'est pas tuer...

Je me serais bien dispensé de répondre à ces quelques catholiques abstinents anonymes, clercs ou laïques, qui viennent à grands trémolos et petits effets d’érudition, nous prêcher l’abstention, mais je ne m’en sens pas le droit. Depuis que j’ai l’âge de réfléchir, j’ai lutté contre les syndromes du désengagement sous quelque forme que ce soit. L’élection de dimanche est un excellent prétexte pour continuer.

Je viens de lire un curieux appel à l’abstention, qui se termine sur une considération littéraire : « Quand on demande à Dieu la souffrance, on est toujours sûr d’être exaucé » disait Léon Bloy paraît-il. Je fréquente peu cet auteur hoquetant. Il est trop personnel pour qu’on puisse prétendre qu’il est intéressant – à moins d’être soi-même dévoré de subjectivisme. Cette fois, il a excellemment caractérisé le masochisme. Celui qui pousse le manque d’instinct jusqu’à vouloir avoir mal, il ne mérite pas que la vie le protège et que Dieu s’occupe de lui. Je crois que ceux qui n’iront pas voter dimanche prochain pourront se répéter cette phrase bloysienne. Elle définit parfaitement le comportement maladif de ceux qui ne font rien pour éviter le mal présent et qui seront les premiers à jouer les victimes hoquetantes – après.

Quand on ne sait plus distinguer le mal et le pire, c’est qu’on a renoncé à vivre. La vie propose constamment ce choix. Ne pas être capable de le poser s’apparente au suicide. Exemple ? il vaut mieux avoir trop chaud que mourir de froid. Il vaut mieux mal manger que ne rien manger du tout etc. Pour cette élection il y a d’un côté un libéral et de l’autre un libéral socialiste. Vouloir vivre, c’est choisir ce qui fera le moins de mal. Si vous pensez que le moins mauvais est le libéral socialiste, eh bien ! Votez donc libéral socialiste. Mais ne vous en lavez pas les mains ! Ca sent la mort.

Sur le Salon beige, c’est un clerc anonyme, qui se sert de sa cléricature putative pour exhorter à l’inaction. L’inaction est le réflexe séculaire des catholiques en politique. Il suffit d’encourager ce vaste public stagnant dans ses vieilles habitudes de consentement à tout et d’inaction résolue.

L’abstinent ne voit pas que le vote en démocratie c’est comme le salut en religion. On ne peut pas ne rien faire. Ne rien choisir, c’est encore choisir : choisir celui qui est donné pour majoritaire, le laisser accéder au pouvoir, en l’y aidant par son non-vote.

Pour effrayer le bourgeois et le forcer à rester chez lui dimanche (la solution la plus facile d’ailleurs), le clerc putatif et anonyme, convié par La Hire sur le Salon beige, nous raconte une histoire de nazi. Voter, pour lui, c’est comme tuer une petite fille pour ne pas provoquer l’exécution de 100 otages. Et omnes rigolaverunt. Puisqu’il s’agit semble-t-il d’un clerc, je peux bien parler le latin de cuisine qu’utilisent les clercs entre eux. Talleyrand, clerc et mondain, aurait dit, lui, en parfait français : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ».

La comparaison, avec sa prétention à porter les choses à l’absolu, avec sa curieuse pratique de la reductio ad Hitlerum, voudrait nous faire croire que voter est un acte intrinsèquement mauvais. Mais voter est en soi un acte indifférent, d’autant plus que ne pas voter constitue un autre acte, tout aussi indifférent en soi. Je suis au regret d’avoir à écrire de pareilles lapalissades, mais enfin : voter n’est pas tuer. Tuer est un acte intrinsèquement mauvais, ce qui n’est évidemment pas le cas du vote. Quand on a à ce point perdu le bon sens, il est compréhensible de garder l’anonymat. Mais pourquoi polluer Internet et les réseaux de ses considérations pseudo-théologiques ? Et pourquoi citer Jean-Paul II et sa critique du conséquentialisme moral, alors qu’on ne sait pas soi-même discerner entre un acte qui peut être mauvais et un acte qui l’est intrinsèquement ?

jeudi 3 mai 2012

Si vous n'êtes pas polarisés par l'élection présidentielle...

...venez, samedi prochain, à 17H00, au Centre Saint Paul assister à une lecture concert : Edith Stein sous le signe de la Croix. Edith Stein est interprétée par Clémentine Stepanoff (qui joue en ce moment - dans le rôle titre - Ondine de Giraudoux au théâtre du Nord Ouest) et Marie Lussignol (qui tourne dans un film de Cyril Moreau, Insupportable).

Juive devenue chrétienne, philosophe devenue carmélite, déportée à Auschwitz et exterminée dans les chambres à gaz, Edith Stein, en religion soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix, a porté le magnifique témoignage de l'exigence du Logos. Beaucoup cherchent la sagesse comme un refuge. C'est sous le signe de la Croix et de sa folie d'amour, sous le signe d'une quête absolue de la vérité et du salut qu'Edith Stein a accompli sa philosophie au Carmel. Interdite d'enseignement par les Allemands, elle répond à cette interdiction par un don total d'elle-même. Partant en déportation, elle déclare à nouveau qu'elle offre sa vie "pour son peuple". Elle a été canonisée par Jean-Paul II en tant que martyre. "Le combat entre le Christ et l'antéchrist est ouvertement engagé, écrivait-elle dans ses Cahiers, en s'exhortant elle-même. Si tu te décides pour le Christ, cela peut te coûter la vie".

Longtemps assistante de Edmund Husserl, le grand animateur du mouvement phénoménologique en Allemagne, elle a eu le temps de développer une philosophie de l'Absolue et une anthropologie du féminin.On sent qu'elle a longuement médité les leçons des deux Thérèse, la grande Thérèse d'Avila, dont la lecture avait provoqué sa conversion dès 1922 et la nôtre (qui n'est pas petite) : Thérèse de Lisieux Voici un texte d'elle, qui me rappelle invinciblement le Manuscrit B de L'histoire d'une âme. Souvenez-vous, Thérèse de Lisieux : "Dans le coeur de l'Eglise ma mère, je serai l'amour et ainsi je serai tout". Voici comment soeur Thérèse-Bénédicte de la Croix, philosophe et mystique, comprend l'exclamation de la jeune carmélite normande et la développe :
"Lève les yeux vers le Crucifié. Si tu es son épouse, dans la fidèle observance de tes vœux, son précieux sang sera aussi le tien. Liée à lui, tu seras présente partout, comme il l'est aussi. Non pas ici ou là, comme le médecin, l'infirmière ou le prêtre, mais sur tout les fronts, en chaque lieu de désolation - présente, dans la force de la Croix. Ton amour compatissant, l'amour qui vient du Cœur divin, te portera partout et partout répandra son sang précieux - qui apaise, qui guérit, qui sauve"
 "Tu seras présente partout" : soif du coeur qui aime. Comment être présente partout et à tous ? En étant avec le Crucifié. Il y a là comme une dimension cachée du psychisme : "Mes études en psychologie m'avait convaincue que la psychologie est une science qui en est encore à ses balbutiement" écrit-elle dès 1933 dans son un essai autobiographique (Vie d'une famille juive). A travers la Croix, soeur Thérèse-Bénédicte a certainement cherché cette dimension nouvelle, à travers laquelle nous sommes tous renés et recréés. Voici ce qu'elle en écrit dans une étude sur Thérèse d'Avila :
 "La grâce confère à sainte Thérèse la parfaite santé de l'âme, ce qui se manifeste dans sa sérénité inébranlable, face à laquelle les psychologues naturalistes, qui considèrent les grâces mystiques comme des états d'hystérie, voient leurs théories rigoureusement réduites à l'absurde"
Edith Stein est une de ces héroïnes de la Croix, qui nous rappellent cette dimension nouvelle à laquelle nous sommes appelés, au-delà des resserrements, des étranglements, des angles morts de notre psychisme. Entendre ses poèmes samedi prochain, cela signifie essayer de partager cet élargissement du champ de vision, qui nous fait voir les choses non comme elles nous paraissent, mais comme elles sont : Spinoza aurait dit Sub specie aeternitatis : sous l'aspect de leur éternité. Sommes nous capables de voir ainsi le monde sauvé par la Croix, ou bien nous résignons nous à la mort ?

Un dernier mot : les actrices ont tenu à ce que l'entrée soit libre...

mercredi 2 mai 2012

Si je votais pour un discours (deuxième tour)

Grand rassemblement populaire:
l'Esplanade du Trocadéro était remplie.
En ce premier Mai, j'ai fait l'effort d'écouter Nicolas Sarkozy jusqu'au bout (son talent m'a rendu la chose aisée). J'ai essayé de faire la même chose pour Marine Le Pen, je vous avoue que je ne suis pas parvenu à la fin de son propos. Je n'ai pas pu... Dans les deux cas, je ne parlerais ici que du discours, je ne discuterais que des textes entendus, ainsi qu'on m'a appris à le faire pour les grands auteurs. Je sais bien : la différence entre un auteur et un politique, c'est que l'auteur est tout entier dans son texte, le politique non. Aussi bien, je ne fais pas de politique, je ne chercherais pas ici à sonder les intentions, à spéculer sur les applications futures, à prendre la main dans le sac ces prestidigitateurs du verbe que sont les politiques en démocratie. Ce n'est pas mon problème, ce n'est pas mon métier. Mais je vais essayer de dire ce qui m'a frappé dans ces deux discours bleu blanc rouge.

Le premier, celui de Marine Le Pen était, autant que je l'ai entendu, un discours de gauche, avec référence dès les premières minutes à Jean-Jacques Rousseau. Citation : "Jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe". Le "peuple trompé", c'est un vieux classique de la Parole droitière : "Ah bas les voleurs !" criait-on en février 34. Mais le peuple qui n'est pas corrompu, le peuple incorruptible, c'est nouveau, ça vient de sortir, je veux dire : ça vient de sortir à droite.

Est-ce Marine Le Pen qui évoque le peuple en le qualifiant d'incorruptible, ou bien est-ce moi qui tire cette expression du mot de Jean-Jacques qu'elle ne fait, elle, que citer ? Certes, elle ne parle pas en propres termes du peuple "incorruptible", mais elle emploie une autre expression, qui y fait fâcheusement penser. A deux reprises, à deux moments différents de son discours (deux moments au moins), elle a évoqué "la grande mission d'émancipation du peuple" que remplirait son Parti. Le peuple trompé par l'UMPS, mais non corrompu, n'attend que Marine (elle n'emploie pas l'expression "Front national") pour s'émanciper et régner de nouveau.

Le populisme de Marine Le Pen, comme l'expliquait Frédéric Rouvillois dans Causeur, est ici un démocratisme de gauche. Quand elle tonne contre les communautarismes (islamiques en particulier), elle a raison. Mais c'est pour y substituer quoi ? Un communautarisme national, un populisme de contrat social. Il ne s'agit pas seulement, dans la vague Marine, de permettre aux institutions juridiques de recevoir et d'exprimer la protestation et la colère du peuple, comme on l'a toujours imaginé à droite. Non ! Il s'agit de constituer le peuple, de lui rappeler son incorruptibilité native, de "l'émanciper" et de lui rendre le pouvoir.

Nous fêtons le troisième centenaire de la naissance de Rousseau (1712), mais ce n'est pas une raison pour le réhabiliter dans un populisme mythologique, qui, mis en pratique, ferait courir à la France des risques insensés. J'ai écouté volontiers le discours de Marine Le Pen à Ajaccio, j'ai écouté volontiers sa prestation au Forum Elle de Sciences Po, et je me disais : quel talent ! (avec quelques bémols sur le fond quand elle parlait de l'avortement mais aussi un coup de chapeau pour avoir obligé tous les candidats à revenir sur "les avortements de confort"). Mais là je me dis que les hommes (et les femmes) les mieux intentionnées peuvent devenir des victimes de l'idéologie qu'ils développent. Marine Le Pen veut le pouvoir, elle le dit et le redit. Mais quel prix est-elle prête à payer pour cela ?

Quel contraste avec le discours républicain de Nicolas Sarkozy. Je sais, c'est un discours, et un discours de campagne, qui plus est. Mais ce qui est dit est dit : aux cathos d'en faire leur miel, pour peu qu'ils commencent à se bouger.

Le président candidat avait déjà parlé des racines chrétiennes de la France. C'était dans les murs de Saint Jean de Latran, à Rome, lors d'une cérémonie honorifique au cours de laquelle il recevait son titre de "chanoine du Latran" (titre attaché traditionnellement à la fonction royale, puis à la fonction présidentielle). Cette fois, les mêmes paroles ont retenti en plein vent devant des dizaines de milliers de personnes, qui ont applaudi à tout rompre. Les voici, en français dans le texte : "Nous avons reçu de nos parents comme un trésor des territoires où se dressent partout des cathédrales et des églises. Personne ne nous interdira de revendiquer nos racines chrétiennes".

Je n'en cite pas davantage, voulant m'en tenir à ce qui me concerne directement. Les chrétiens se laisseront-ils impressionner plus longtemps par le black out révisionniste sur l'histoire chrétienne de la France ? Un (petit) exemple récent : le sixième centenaire de la naissance de Jeanne d'Arc a été retiré de la liste des commémorations nationales, au motif que le sujet était... confessionnel. Il a fallu (déjà) la visite d'un certain Nicolas Sarkozy à Domrémy pour sortir Jeanne de son placard de sacristie.

Entre le boniment dont certains accents sont contre-révolutionnaires et l'imposture d'un populisme révolutionnaire... mon choix d'électeur est fait pour dimanche. Le vôtre ? Pour vous laïcs, un espace est à prendre.

Si j'avais, dans 20 ans, à faire entendre à des jeunes un discours authentiquement français, je crois que le discours de Nicolas Sarkozy conserverait des valeurs pédagogiques indéniables sur cette France qui nous unit, que nous avons tous en commun. Le discours de Marine le Pen apparaîtra toujours plus comme marqué au fer rouge de l'idéologie, son populisme étant une des formes de la révolution rousseauiste, de l'insurrection rousseauiste contre le réel. Encore une fois, je ne parle pas ici des personnes, mais des discours, dans leur objectivité dérangeante.