Le psaume 30 brosse un tableau terrible de la condition humaine. Mais il est formel - au moins dans la version latine de saint Jérôme : Viriliter agite et confortetur cor vestrum, omnes qui speratis in Domino. Agissez de manière virile, dit l'Esprit saint aux croyants des deux sexes, et votre coeur s'en trouvera conforté. "Soyez viriles, mes filles" lançait en échos sainte Thérèse d'Avila. Il y a dans les écrits inspirés comme dans les écrits des saints la trace constante d'une mystérieuse logique de l'action : "Celui qui FAIT la vérité vient à la lumière" (Jean 3, 21). Cette logique de l'action renforce ceux qui la pratiquent avec foi, ceux qui vivent dans l'Espérance (omnes qui speratis in Domino, dit le Psaume). C'est véritablement ce en quoi consiste la virilité selon l'Ecriture, la capacité à mettre de côté tout état d'âme, toute peur, toute inquiétude, toute faiblesse, pour agir, quoi qu'il en coûte, de manière conforme à la foi qui est en nous. Cette action humaine rencontre, d'une manière indicible, la grâce de Dieu qui la fait être. Et c'est cette fusion sans confusion entre la grâce et la liberté, cet avènement de la liberté dans nos coeurs par la force adventice de la grâce qui fait le flamboiement de l'âme habitée par la foi.
Cela dit, attention : la virilité dont parle le psaume 30 n'a rien à voir avec la testostérone. Ou bien disons plus précisément qu'elle est son analogue surnaturel. Analogue ? C'est simple : lorsque Thérèse d'Avila enjoint à ses soeurs d'être viriles, elle ne leur demande en aucun cas de devenir des femmes à barbe ! Il y a c'est vrai, dans chacun des deux sexes, quelque chose de la perfection divine. Très tôt Dieu est comparé non seulement à un père (plus rarement qu'on ne le pense avant le Christ, qui est le premier Fils de Dieu) mais à une mère ("Si une mère pouvait oublier son enfant, moi je ne t'oublierai pas dit le Seigneur" Isaïe 60). Mais ni la féminité ni la virilité ne portent en eux-mêmes leur accomplissement ou leur perfection. Pas de perfection féminine sans une virilité qui la provoque. Pas de perfection virile sans une féminité qui l'adoucit. Dieu seul est parfait en lui-même.
La virilité spirituelle ou surnaturelle est donc analogique à la virilité naturelle. Mais, au moins si l'on fait confiance en ce schéma analogique que nous a légué Aristote et qu'a si bien illustré Cajétan, il faut reconnaître qu'en disant CELA, nous affirmons (c'est le secret de l'analogie) que la virilité spirituelle est vraiment virile, mais... autrement ! Elle n'est pas moins virile que la virilité naturelle et, en prime, elle est réellement accessible aux deux sexes, comme en témoigne Thérèse d'Avila. A l'opposé, notre société de femmelins (selon le néologisme cher à Proudhon) est une société qui a commencé par perdre, avec la foi et l'espérance, tout ce que j'ai appelé dans le premier paragraphe la virilité spirituelle. On y vit dans l'instant, sans fidélité à long terme, sans projet, sans destin, sans aucune manière de dominer le temps. La formule qu'Imre Kertesz avait découverte dans les camps de concentration nazis, "nous sommes des êtres sans destins" s'applique parfaitement à cette émasculation spirituelle que nous subissons tous dans la société instantanéique dans laquelle nous baignons.
Il est vrai que le christianisme a spiritualisé la virilité comme à peu près tout ce qu'il touche. Faut-il le regretter ? Non, puisqu'ainsi il a mis la virilité à la disposition des deux sexes.
Mais essayons d'aller au bout de l'objection. Il arrive fréquemment d'entendre : la religion chrétienne est une religion de femmes... Il est vrai qu'en tant qu'il est la religion du coeur, le culte de la charité, le christianisme a toujours été très ouvert aux femmes. L'amour est incontestablement naturel aux femmes. Il est, chez les hommes, plus volontaire (ne généralisons pas trop cependant !). Mais il suffit d'entendre à nouveau, dans saint Luc, les deux disciples d'Emmaüs disant au Ressuscité avec lequel ils font route depuis un petit moment, mais qu'ils n'ont pas reconnu : "Quelques femmes, qui sont des nôtres, nous ont il est vrai stupéfiés, nous disant qu'elles ont eu la vision d'anges qui le disent vivant". Ce sont les femmes qui annoncent la résurrection du Christ aux apôtres et, dans l'Ecriture, c'est Marie Madeleine qui le voit la première, au point qu'on l'appelle l'apôtre des apôtres.
Pour autant , si le coeur est notre féminité spirituelle à tous - homme et femme -, nous avons essayé de démontrer avec le psaume 30 que la foi et l'espérance sont des vertus viriles, qui parce qu'elles sont surnaturelles sont accessibles aux deux sexes. L'attitude du croyant - faite de foi, d'espérance et de charité - est donc spirituellement androgyne. Il retrouve ainsi une complétude qui existait dans le plan de Dieu avant que la sexuation ne devienne une coupure (selon le verbe latin secare), avant que le monde de l'homme et le monde de la femme ne deviennent deux mondes qui ne se rencontrent pas souvent.
Quant à ceux qui voudraient une religion virile au sens naturel de ce terme, ils sont effectivement servis avec l'islam : la polygamie (pas plus de quatre femmes légitimes dit le Coran) est une institution éminemment virile. Je dirais que l'homme est naturellement polygame. Par ailleurs (peut-être une musulmane me détrompera-t-elle) le paradis d'Allah me semble avant tout viril par les plaisirs qu'il offre. Troisièmement, la violence est la première manifestation du Sacré, comme Daesh entend nous en administrer la preuve presque chaque jour en ce moment. Enfin et surtout, cinquièmement, le Coran propose une foi sans la charité universelle qui va avec dans l'Evangile, la virilité de Dieu sans sa féminité avons-nous dit. Mais "la vérité sans la charité est une idole" comme dit Pascal. Isoler la virilité que représente la foi, en l'abstrayant de cette charité féminine, qui est pourtant le "seul accomplissement du précepte" dit saint Paul, c'est effectivement enfermer le Saint Esprit dans la testostérone. On a vu ce que cela avait pu donner le 14 juillet dernier avec Mohamed et sa virilité, au volant d'un camion de 19 tonnes.
Religion d'homme l'islam ? Assurément et c'est sa perte... Il n'est qu'une religion d'homme. Au contraire, dans le christianisme dit saint Paul, il n'y a ni homme ni femme car, spirituellement, il y a et la virilité intrépide de la foi espérante et la délicatesse féminine de la charité.
NB : Je parle ici du Masculin et du Féminin, le sujet que je me suis donné m'y oblige. Dans la réalité personne n'est le Masculin ou le Féminin. L'Homme ou la Femme archétypes n'existent pas. Ainsi, un couple n'est pas l'alliance de deux natures (masculine et féminine) mais de deux personnes, à savoir un homme et une femme, chacun comportant un étrange alliage de masculinité et de féminité spirituelles.