On fait à nouveau beaucoup de bruit, ces derniers temps à Rome autour du dialogue. On sait que le cardinal Ravasi a choisi Paris, notre capitale, pour une extraordinaire expérience de dialogue entre chrétiens et athées, expérience qu'il nomme curieusement : le parvis des gentils (ce qui doit signifier que dans son esprit les chrétiens, qui discutent avec les gentils sont de vrais juifs ou même peut-être - la nuance n'est pas petite, elle est pascalienne - les vrais juifs).
Qu'est-ce que le dialogue ? Si la question m'était posée, je répondrais très naturellement : l'une des formes les plus riches de l'exercice de l'intelligence. il y a eu les dialogues de Platon. On peut aussi comprendre comme une pratique du dialogue la méthode dialectique de Thomas d'Aquin, rédigeant toujours d'abord les objections à sa propre thèses - dans sa Somme théologique - et y répondant scrupuleusement. Son disciple Cajétan fait de même (contrairement à d'autres grands commentateurs, beaucoup plus scolaires et analytiques comme Sylvestre de Ferrare ou Jean de Saint Thomas). Je pense aussi à Pascal, qui dans ses fragments entre très souvent en discussion avec un interlocuteur qui n'est pas forcément imaginaire, s'il reste anonyme, interlocuteur qui peut être Méré ou Miton ou quelque autre "libertin" joueur et mangeur de boudin le vendredi saint. Et puis - charité bien ordonnée... - je pense à notre metablog, sur lequel nous discutons de la manière la plus ouverte possible...
Si nous scrutons l'intelligence de la foi, il est donc bien naturel que nous entrions en dialogue... J'ai eu l'occasion vendredi dernier de rencontrer un authentique partisan du dialogue, Jean-Pierre Castel, auteur d'un livre, publié chez L'Harmattan et intitulé Le déni de la violence monothéiste. Ce personnage qui se présente comme un agnostique de culture protestante, polytechnicien et joyeusement autodidacte en matière philosophique et religieuse, cherche à entrer en discussion de manière systématique avec les clercs, qu'ils portent robe ou non, pour les convaincre justement de la gravité du déni. Selon lui, le monothéisme engendre la violence et les religions monothéistes ne veulent pas le reconnaître... Voilà le déni.
Il est plus actuel que jamais, ce déni, lorsque l'on se lance dans la rhétorique - souvent difficile il faut bien le dire - de la paix par les religions. Exemple ? Jérusalem - beata pacis visio - est moins que jamais une ville de paix. Heureusement que saint Paul a expliqué aux Galates depuis longtemps que "notre mère", à nous chrétien, c'est la Jérusalem d'en haut et que... "l'autre est esclave avec ses enfants".
Je vous reparlerai très vite de Jean-Pierre Castel et de la violence monothéiste. Je n'ai pas encore fini son livre. Mais on peut tout de suite se poser la question : quel dialogue pourrons-nous avoir ? Non pas un dialogue qui viserait à donner la foi ou à la fairte perdre, bref à convertir ou à... déconvertir : la foi ne se communique pas par l'eau du dialogue, mais par le feu du témoignage. Elle se perd quand elle devient obscure à elle-même.
Je crois cependant à un dialogue au sein duquel, sans peur, sans blocage intempestif, en respectant j'allais dire une sorte de règle non dite de fair play, chacun fait le bilan des ressorts profonds qui sont les siens. Il me semble que c'est un peu - salva reverentia - l'idée du cardinal Ravasi : retrouver une véritable paix mentale en refusant de céder à la facilité de la diabolisation de l'autre, qui a été l'horreur culturelle du XXème siècle. A cet égard on pourrait assez bien transposer les pages que François Furet a écrit sur l'antifascisme dans Le passé d'une illusion et les adapter à l'actuelle christianophobie.
La diabolisation est par excellence l'arme du diable. Son antidote ? C'est le dialogue.
Ma conviction c'est que cette paix des esprits ne mène pas forcément à la foi bien sûr, mais qu'elle est une condition nécessaire à la nouvelle propagation du christianisme : non pas une propagation par les armes ni par une quelconque forme de violence, mais une propagation par attraction, par une sorte de longue incubation. Le christianisme se diffuse comme le levain dans la pâte. Il ne s'agit pas pour moi de faire l'apologie de ce que l'on nomme l'enfouissement, la pastorale de l'enfouissement (qui a souvent utilisé pour se légitimer la parabole du levain). Non ! Cette pastorale est dépassée, et c'est tant mieux. Je crois simplement que si notre foi nous redevient claire à nous-mêmes, si nous sommes capables de l'exposer, sans peur ni blocage, sans cette rigidité qui est trop souvent le défaut dont Vatican II n'a pas guéri les prêtres... Eh bien ! Cette foi va faire des envieux... Elle redeviendra contagieuse.
Bien entendu il serait absurde que chaque chrétien prétende "entrer en dialogue". La mode du dialogue a fait des victimes et mis sur orbites un certain nombre de poncifs qui sont... des bêtises. Le dialogue n'est pas une chose facile : chacun son métier. En revanche le devoir de chaque chrétien est de se rendre claire à lui-même sa propre foi et de travailler pour cela. Nous allons fêter la chandeleure, fête de la lumière. Eh bien ! Cette foi que nous portons en nous elle n'est pas un boulet d'obscurités, elle est un jet de lumière. A nous de la comprendre toujours mieux, pour en vivre toujours plus... Et alors, sans le vouloir, sans le chercher, nous ferons à nouveau des envieux.
Qu'est-ce que le dialogue ? Si la question m'était posée, je répondrais très naturellement : l'une des formes les plus riches de l'exercice de l'intelligence. il y a eu les dialogues de Platon. On peut aussi comprendre comme une pratique du dialogue la méthode dialectique de Thomas d'Aquin, rédigeant toujours d'abord les objections à sa propre thèses - dans sa Somme théologique - et y répondant scrupuleusement. Son disciple Cajétan fait de même (contrairement à d'autres grands commentateurs, beaucoup plus scolaires et analytiques comme Sylvestre de Ferrare ou Jean de Saint Thomas). Je pense aussi à Pascal, qui dans ses fragments entre très souvent en discussion avec un interlocuteur qui n'est pas forcément imaginaire, s'il reste anonyme, interlocuteur qui peut être Méré ou Miton ou quelque autre "libertin" joueur et mangeur de boudin le vendredi saint. Et puis - charité bien ordonnée... - je pense à notre metablog, sur lequel nous discutons de la manière la plus ouverte possible...
Si nous scrutons l'intelligence de la foi, il est donc bien naturel que nous entrions en dialogue... J'ai eu l'occasion vendredi dernier de rencontrer un authentique partisan du dialogue, Jean-Pierre Castel, auteur d'un livre, publié chez L'Harmattan et intitulé Le déni de la violence monothéiste. Ce personnage qui se présente comme un agnostique de culture protestante, polytechnicien et joyeusement autodidacte en matière philosophique et religieuse, cherche à entrer en discussion de manière systématique avec les clercs, qu'ils portent robe ou non, pour les convaincre justement de la gravité du déni. Selon lui, le monothéisme engendre la violence et les religions monothéistes ne veulent pas le reconnaître... Voilà le déni.
Il est plus actuel que jamais, ce déni, lorsque l'on se lance dans la rhétorique - souvent difficile il faut bien le dire - de la paix par les religions. Exemple ? Jérusalem - beata pacis visio - est moins que jamais une ville de paix. Heureusement que saint Paul a expliqué aux Galates depuis longtemps que "notre mère", à nous chrétien, c'est la Jérusalem d'en haut et que... "l'autre est esclave avec ses enfants".
Je vous reparlerai très vite de Jean-Pierre Castel et de la violence monothéiste. Je n'ai pas encore fini son livre. Mais on peut tout de suite se poser la question : quel dialogue pourrons-nous avoir ? Non pas un dialogue qui viserait à donner la foi ou à la fairte perdre, bref à convertir ou à... déconvertir : la foi ne se communique pas par l'eau du dialogue, mais par le feu du témoignage. Elle se perd quand elle devient obscure à elle-même.
Je crois cependant à un dialogue au sein duquel, sans peur, sans blocage intempestif, en respectant j'allais dire une sorte de règle non dite de fair play, chacun fait le bilan des ressorts profonds qui sont les siens. Il me semble que c'est un peu - salva reverentia - l'idée du cardinal Ravasi : retrouver une véritable paix mentale en refusant de céder à la facilité de la diabolisation de l'autre, qui a été l'horreur culturelle du XXème siècle. A cet égard on pourrait assez bien transposer les pages que François Furet a écrit sur l'antifascisme dans Le passé d'une illusion et les adapter à l'actuelle christianophobie.
La diabolisation est par excellence l'arme du diable. Son antidote ? C'est le dialogue.
Ma conviction c'est que cette paix des esprits ne mène pas forcément à la foi bien sûr, mais qu'elle est une condition nécessaire à la nouvelle propagation du christianisme : non pas une propagation par les armes ni par une quelconque forme de violence, mais une propagation par attraction, par une sorte de longue incubation. Le christianisme se diffuse comme le levain dans la pâte. Il ne s'agit pas pour moi de faire l'apologie de ce que l'on nomme l'enfouissement, la pastorale de l'enfouissement (qui a souvent utilisé pour se légitimer la parabole du levain). Non ! Cette pastorale est dépassée, et c'est tant mieux. Je crois simplement que si notre foi nous redevient claire à nous-mêmes, si nous sommes capables de l'exposer, sans peur ni blocage, sans cette rigidité qui est trop souvent le défaut dont Vatican II n'a pas guéri les prêtres... Eh bien ! Cette foi va faire des envieux... Elle redeviendra contagieuse.
Bien entendu il serait absurde que chaque chrétien prétende "entrer en dialogue". La mode du dialogue a fait des victimes et mis sur orbites un certain nombre de poncifs qui sont... des bêtises. Le dialogue n'est pas une chose facile : chacun son métier. En revanche le devoir de chaque chrétien est de se rendre claire à lui-même sa propre foi et de travailler pour cela. Nous allons fêter la chandeleure, fête de la lumière. Eh bien ! Cette foi que nous portons en nous elle n'est pas un boulet d'obscurités, elle est un jet de lumière. A nous de la comprendre toujours mieux, pour en vivre toujours plus... Et alors, sans le vouloir, sans le chercher, nous ferons à nouveau des envieux.