mercredi 30 septembre 2015

Synode : il faut écouter le pape

Beaucoup se demandent de quoi sera fait le prochain Synode sur la famille. Dans l'avion qui le ramenait des Etats-unis, le pape, répondant à Jean-Marie Guénois, journaliste religieux au Figaro, a invité les fidèles à se référer à l'Instrumentum laboris, paru depuis le 20 juin dernier. Cet "instrument de travail" propose en effet comme un sommaire des questions qui seront discutées au Synode et indique déjà de quelle manière elles pourront trouver une solution. La Croix a fait paraître sa propre traduction du n°123 de l'Instrumentum laboris, faisant le point sur l’épineuse question des divorcés remariés. Je la cite. 

On y distingue comme deux camps : « Les uns suggère un parcours de prise de conscience de l’échec et des blessures qu’il a produites, avec repentance, une éventuelle vérification de nullité de mariage, un engagement à la communion spirituelle et la décision de vivre dans la continence. D’autres par voie pénitentielle, entendent un processus de clarification et de nouvelle orientation, après l’échec vécu, accompagné d’un prêtre ainsi délégué. Ce processus devrait conduire l’intéressé à un jugement honnête sur sa propre condition, sur laquelle le prêtre puisse aussi mûrir son évaluation, afin de faire usage de son pouvoir de lier ou de dissoudre, selon la situation ».

La première position apparaît déjà comme caricaturale, puisque l’on ne dit rien de l’accélération (nécessaire) des procédures de nullité et que l’on ne précise pas que « la décision de vivre dans la continence » permet aux époux séparés de recevoir la communion sacramentelle.

L’exposé de la deuxième position n’est pas beaucoup plus clair. L'Instrumentum insiste sur « une évaluation du prêtre », qui du coup « pourra faire usage de son pouvoir de lier ou de dissoudre ». Quel pouvoir ? Qu’on dise, comme les orthodoxes,  que l’évêque, successeur des apôtres, a le pouvoir de lier ou de délier (cf. Matth. 18, 18), passe encore ! Mais que l’on confère ce pouvoir au simple prêtre, qui aura pu « évaluer » son client… C’est dérisoire ! 

Evidemment les tenants d'une évolution nette de la pastorale du mariage diront très haut : je ne touche pas à la Loi du mariage, elle reste intangible, elle sera toujours enseignée à ceux qui veulent se marier. Mais en faisant appel au simple prêtre délégué, on donnera un droit à l’exception et, tout en paraissant ne pas y toucher, on videra la règle de sa signification… Là encore, cela se fera au mépris de ces laïcs chrétiens qui se sont efforcés quoi qu’il en coûte de vivre leur foi dans le cadre de la discipline traditionnelle de l’Eglise, issue directement et sans faux col de la Parole du Christ.

On avait beaucoup dit que la réaction forte des cardinaux conservateurs allait épargner à l’Eglise de nouveaux déchirements lors du deuxième synode sur la famille en octobre prochain. La publication précise de l’Instrumentum laboris indique tout le contraire. Ecoutez le pape et lisez-le !

(Une première version de cet article est parue dans le numéro d'été de Monde et Vie. Je n'ai malheureusement pas eu besoin de beaucoup le modifier ici)

vendredi 25 septembre 2015

Réponse à ma nièce sur Mgr Vesco et sur les divorcés remariés

Mgr Vesco évêque d'Oran s'est fait remarquer pour des positions très en pointe sur l'accueil sacramentel des divorcés remariés. Il vient de publier un petit livre sur le sujet aux éditions du Cerf, intitulé Tout amour véritable est indissoluble. J'avoue que je n'avais pas particulièrement travaillé cette question du synode. Mais ma chère nièce (elles sont toutes mes chères nièces) me demande via FB ce que je pense des thèses de cet évêque. Une occasion de réfléchir et d'essayer de parler vrai sur un sujet très passionnel. Je lui ai donc envoyé une réponse et je me suis dit que les lecteurs de ce Blog pourraient peut-être s'intéresser à la teneur de cette réponse et entrer en débat sur ce sujet comme le souhaite notre cher pape.

Le titre tout d'abord : malgré une indéniable charge affective, il m'évoque les propositions de logique formelle et les syllogismes en BARBARA, CELARENT, DARII, FERIO et BARALIPTON... Tout amour vrai est indissoluble. Or il s'est dissout. Donc il n'était pas vrai... Je crois que c'est dans ce cas de figure que veut nous emmener l'évêque d'Oran... Mais il y a une autre inférence, qui n'est pas un syllogisme : Tout amour vrai est indissoluble. Un amour vrai ne peut donc pas être dissout...

Mais qu'est-ce qui fait qu'un amour est "vrai" ? Le ressenti ? Quand on pense que Caroline de Monaco a fait annuler son mariage à Rome (le fac simile du verdict est paru dans Match à l'époque) parce qu'au moment du consentement elle souffrait d'"un complexe érotico-émotif" (comprenez : elle était vraiment amoureuse... et donc dépendante... Et donc aveugle...). Difficile de SAVOIR ce qu'est un amour vrai dans la mesure où par définition la passion amoureuse brouille toute objectivité.

J'aurais tendance à me répondre à moi même sur ce point : il n'y a que deux solutions pour être sûr d'être dans l'amour vrai avant que la passion (forcément égotique, jalouse, propriétaire, inquiète et j'en passe) ne s'en mêle : le coup de foudre d'une part, qui dévoile une mystérieuse affinité, sans qu'aucune forme d'intérêt n'ait eu le temps de brouiller le jugement. Et la lente reconnaissance mutuelle d'autre part (très belle description de cette lente évidence de l'amour dans Il était une ville de Thomas B Reverdy). "Mon amour, c'est mon poids, mon inclination" disait Augustin... Il est normal d'en prendre conscience petit à petit.

Mais avouons-le, tout cela reste encore très subjectif. Il y a donc ceux qui pensent, comme Denis de Rougemont dans ce livre sublime qu'est L'amour et l'Occident (en particulier en sa septième partie) que la vérité de l'amour est encore plus importante que l'amour. Je veux dire que l'authenticité des circonstances de l'engagement mutuel est plus importante que la loterie à laquelle il a été donné à chaque époux de participer. C'est que l'amour n'est pas seulement un état d'âme, c'est aussi une institution dans laquelle il faut prendre en considération non seulement le couple mais les enfants. Le véritable choix amoureux est donc irréversible, quelles que soient les traductions sentimentales (parfois très approximatives, bourrées de contre-sens) auxquelles il a pu donner lieu au cours de toute une vie. Cet amour-là seul est inconditionnel : il ignore les conditions - auxquelles il est soumis pourtant. Il est nécessairement unique (ce qui ne veut pas dire qu'il ne peut pas y en avoir deux dans une vie, ils resteront uniques profondément différents l'un de l'autre...) Vous en avez un magnifique exemple (non chrétien) dans Ma nuit chez Maud d'Eric Rohmer (film disponible sur you tube).

Je crois que ceux qui se marient à l'Eglise aujourd'hui comprennent parfaitement cela. C'est ce caractère inconditionnel qu'ils viennent chercher en Dieu, au pied de son autel. Il y a eu autrefois beaucoup de "mariage à l'Eglise" reposant sur un défaut de foi et une volonté de reprendre simplement des coutumes familiales. Ce n'est plus vrai aujourd'hui. Même les non-chrétiens ou les moins chrétiens qui demandent un mariage à l'Eglise le font avec - au moins - cette foi dans leur amour qui le rend inconditionnel. Le temps peut abîmer tout cela. Assueta villescunt. Mais il y aura toujours le ressort de l'unicité, qui, à moins d'un accident l'emportera. Les incompréhensions peuvent obscurcir le moment de l'engagement : il faut tout faire pour en sortir.

Maintenant, il y a encore tous ceux qui vous disent : je ne le connaissais pas, je la découvre, c'est insupportable, invivable. En principe les grâces du mariage sont là pour aider les conjoints à faire ce genre de découvertes, qui du pervers narcissique, qui du sauteur, qui du maniaque etc. Encore l'Eglise accepte-t-elle pour déclarer nul de plein droit un mariage contracté devant son ministre, de reconnaître un critère d'immaturité au moment du consentement (voilà qui doit expliquer le cas de Caroline que nous évoquions en commençant). Le pape François vient de permettre que dans les cas évidents de nullité, l'évêque du lieu puisse en 45 jours rendre une reconnaissance de nullité. C'est appréciable ! Souhaitons qu'un certain nombre d'évêques apprennent ainsi à prendre leurs responsabilités de pasteurs

Reste-t-il encore des cas que la loi ecclésiastique n'aurait pas prévu et qui peuvent souffrir (allez même injustement) de la discipline ecclésiastique. C'est fatal. Platon l'expliquait déjà : une loi, aussi précise soit-elle, ne peut jamais tout prévoir. Il suffit pour que la loi soit juste qu'elle s'applique ut in pluribus dirait Thomas d'Aquin, dans la plupart des cas.

C'est en ce point qu'intervient, péremptoire, Mgr d'Oran. Je n'ai pas lu son livre, mais dans un entretien  avec Céline Hoyeau (qui fait bien son boulot), il exprime assez clairement son état d'esprit. Ce qu'il veut dire ? Il faut adapter la loi aux personnes. "Une doctrine vraie, dit Mgr Vesco, ne peut pas entrer en contradiction avec la vérité des personnes". Doctrine ? En l'occurrence, il s'agit d'une loi... Et, encore une fois Platon le disait déjà, une loi vraie, parce qu'elle est universelle, eput entrer en collision avec la vérité de telle personne, dont les spécificités n'auront pas été prévues.

Il n'y a qu'un cas où la loi et la vérité des personnes n'entrent jamais en collision, c'est lorsque c'est Dieu qui juge. Le Jugement de l'âme devant Dieu dont parle l'évêque, jugement que la théologie appelle le jugement particulier, est un jugement dans lequel "la vérité de la personne" ne saurait s'opposer à la sentence portée par Dieu notre Juge. 

Mais l'Eglise est aussi une société humaine. Elle a une loi pour les hommes qu'elle a le devoir de faire respecter. La vérité de la personne ? La personne elle-même ne la connaîtra vraiment ("connais toi toi-même") que devant Dieu Se prévaloir d'une vérité qui est seulement un ressenti dans l'instant, ce n'est pas suffisant ! Non seulement ce n'est pas suffisant, mais c'est dangereux. Si on prend Vesco à la lettre, on fait TOUT sauter. Il n'y a plus de loi, il n'y a que "la vérité de la personne" dans toutes ses ambiguïtés. 

La discipline de l'Eglise romaine n'est pas suffisante pour faire face aux cas particuliers ? C'est vrai, mais alors qu'au moins les évêques prennent leurs responsabilité et au nom du 'Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans les cieux" qu'ils prononcent eux-mêmes un divorce chrétien (comme le font les évêques grecs dans certains cas exceptionnels depuis des siècles), cette pastorale de l'exception (ou de la miséricorde) sera moins nocive que cette destruction de toute loi au nom de "la vérité de la personne". Autre chose est de dire : une loi a ses exceptions soigneusement notées par un juge qualifié... comme le font les Grecs... et autre chose de dire comme Vesco : il n'y a pas de loi qui tienne face à la vérité de la personne. Là on est carrément dans le refus de la loi... Dans l'anomie plus que dans l'anarchie. Mais l'Eglise peut-elle renoncer à être le temple des définitions du devoir ?

lundi 21 septembre 2015

Quelques conseils pour la Rentrée littéraire

Je n’ai pas tout lu, non pas encore. Mais je puis vous donner ma sélection, qui n’a pas grand chose à voir avec celle du Goncourt. Des livres à lire. Des livres qui racontent notre monde et le voient sous une lumière que nous n’avions pas forcément saisie, qui ne nous avait pas nécessairement impressionnés. 
Je proposerais d’abord le livre de Thomas B Reverdy, Il était une ville (éd. Flammarion). Cette ville c’est la grande capitale de l’automobile américaine, le symbole mondial du fordisme et de la révolution industrielle au XXème siècle : Detroit. Aujourd’hui, des quartiers entiers sont devenus autant de friches industrielles où s’ébattent bandes et gangs. Une image de cette catastrophe mondiale, le néo-libéralisme. Mais l’amour fleurit sous les décombres, un amour délicatement évoqué, comme un poids qui incline ceux qui se le portent… Et voici une phrase de Reverdy… sur la communion des saints : « Georgia prie souvent sainte Rita et Marie aussi ; elle est catholique, c’est une religion où l’on peut s’adresser à des gens, de vraies gens comme elle, qui ont vécu et souffert, c’est important pour Georgia : elle ne saurait pas quoi dire à Dieu… » 

Deuxième recommandation qui n’est pas un deuxième choix : c’est du grand ! Sorj Chalandon travaille au Canard enchaîné, mais son livre, Profession du père (éd. Grasset), ne fait pas dans l’humour. C’est une bombe d’émotion. Le père ? Il est sans profession mais il prend toute la place : « - C’est la guerre ! Mon père a claqué la porte d’entrée. Il a crié ces mots sans enlever son manteau. Il a répété « la guerre » sur le seuil de chaque pièce. Le salon, la salle à manger. Nous étions dans la cuisine, ma mère et moi. - C’est la guerre. Mon père, immense, occupant tout le chambranle. J’épluchais trois carottes, ma mère préparait un poireau. - Qu’est-ce que tu racontes ? Il l’a regardée, sourcils froncés. Ma mère et ses légumes. Il était mécontent. Il annonçait la guerre, et nous n’avions qu’une pauvre soupe à dire. » Le vrai sujet du livre, on l’aura compris, n’est pas cette guerre annoncée (pour l’Algérie française), mais la tyrannie d’un père fou auquel Sorj Chalandon a sûrement donné quelques traits du sien qui communique sa folie à ceux qui l’aiment. La mère en devient autiste à force de soumission… Et le fils aurait pu finir comme un petit fou, à force de ne jamais rire de rien. Un roman sur la folie où il n’y a pas un mot de trop. 

Troisième proposition : L’inconstance des démons (Robert Laffont) par Eugène Green, un livre qui touche au sublime, c’est-à-dire à la foi, par le « détour » du mal… Il s’agit d’un polar métaphysique qui a pour cadre le Pays basque, un pays où les sorcières des temps jadis sont toujours là, avec boucs et balais, car nul ne pense plus à les brûler. Un pays qui vit de la bienveillance de Mari, la déesse Mère que le christianisme n’a jamais vraiment voulu éradiquer, un pays aussi dans lequel on va rencontrer l’esprit du mal, car, pour Eugène Green, penseur baroque de la dualité, le bien lui-même ne trouve tout son prix et ne découvre sa paisible constance que lorsqu’il est mis en face de l’inconstance des démons. Satan dans les Lettres ? C’est un grand classique, que l’auteur traite ici avec cette intelligence profonde du réel qui surpasse nos monstrueuses et plates « raisons ». 

C’est tout simplement incroyable : dans La nuit de feu (Albin Michel) Eric-Emmanuel Schmitt nous fait le récit circonstancié de sa conversion. Conversion à quoi? A qui? A la foi en Dieu. Pas une demi conversion ni une demi croyance : « Je suis né deux fois, une fois à Lyon en 1960, une fois dans le Sahara en 1989 ». Ce livre est l’histoire circonstanciée de cette deuxième naissance. Imaginons au départ un improbable duo, un rédacteur (Eric Emmanuel) et un producteur débarquant à Tamanrasset pour faire un film sur Charles de Foucault, l’officier sybarite, devenu ermite dans les monts du Hoggar. Au programme du séjour une semaine de trekking dans le désert avec l’ascension du Mont Tahat, sur le toit du Sahara, à 3000 mètres d’altitude... Au retour l'agnostique prof de philo est devenu croyant. Il gère l'après : « Lorsque l’on a connu la sollicitation de l’invisible, on se débrouille avec ce cadeau. Le surprenant dans cette révélation, c’est que malgré l’évidence éprouvée, on continue d’être libre. Libre de ne pas voir ce qui s’est passé. Libre d’en produire une lecture réductrice. Libre de s’en détourner. Libre de l’oublier. Je ne me suis jamais senti si libre qu’après avoir rencontré Dieu, car je détiens encore le pouvoir de le nier. Je ne me suis jamais senti si libre qu’après avoir été manipulé par le destin, car je peux toujours me réfugier dans la superstition du hasard ». Ainsi est ce livre : franc, sans apprêt, irréfutable et pourtant absolument libre. Dieu est comme une aventure entrevue, qu’Eric-Emmanuel a accepté de vivre. 

samedi 19 septembre 2015

Qu'est-ce que la miséricorde ?

Le pape François nous offre une année jubilaire d’un nouveau genre, l’année de la Miséricorde. Occasion pour nous de réfléchir à ce que Dieu nous donne au-delà… La Miséricorde, c’est tout ce qui est au-delà… Au delà de la justice… Au-delà de nos projets et de nos revendications… Au-delà de ce que nous croyons vouloir et de ce que nous imaginons… Au-delà de ce que nous désirons…

Il y a un terrible malentendu sur la miséricorde. On en fait le fourrier du laxisme. On y voit le recours des gagne-petit et des pisse-pas-loin. On en fait un équivalent céleste du low-cost. C’est tout le contraire.

On croirait même y voir la justification d’un Dieu réputé impuissant, le Dieu sans aucune connaissance du mal cher au Père Garrigue, le Dieu qui cache son ignorance et son impuissance derrière une infinie bonasserie, sous le signe du « quand même » et qui finit par sauver tout le monde et par aimer les pires. Parce que c’est d’instinct, surtout les pires.

Erreur !

La miséricorde est intelligente. Elle a toute l’intelligence du Cœur de Dieu. Elle procède d’un cœur à cœur, le cœur de Dieu, tout contre notre cœur et sachant y faire jaillir l’ultime étincelle du bien… La miséricorde ne dit pas : « Quand même ». Elle dit : « Au moins » et elle mène à plus, toujours plus. Le Pardon, qui est le grand acte de la Miséricorde, n’est pas une manière de caler devant le mal. Celui qui pardonne passe à la vitesse supérieure. Il aime plus et il transmet son amour. Ou alors ce n’est pas la peine. Ou alors le « pardon » ressemble trop à de l’indifférence ou à de l’oubli, ces formes dérisoires, ces formes dénaturées du pardon.

La Miséricorde nous pousse à aller au-delà parce qu’elle est une Puissance de Dieu en nous, qui transforme et rectifie : « Tes péchés seraient-ils rouges comme l’écarlate, je te ferai blanc comme la neige » dit le prophète Isaïe. Il faut que nous nous mettions dans l’élan de cette puissance. Il faut que nous la laissions agir en nous, que nous nous donnions la quantité de silence nécessaire pour la sentir agir en nous… Ne méprisons pas la miséricorde comme si c’était l’alibi des minus habens. Cherchons-la, parce qu’en elle se manifeste le souffle de l’Esprit, dont nul ne sait d’où il vient ni où il va, mais que chacun peut trouver en lui-même, comme la puissance qui lui permet de se dépasser. La miséricorde ? C’est l’esprit de ce dépassement, l’esprit du sur-homme ou de la sur-femme qui dorment en nous : la miséricorde que l’on reçoit et celle que l’on donne.

Abbé G. de Tanoüarn

lundi 14 septembre 2015

Pierre Barnerias, cinéaste du surnaturel

Demain au Centre Saint Paul pour la rentrée des conférences, nous recevons à 20 H Pierre Barnérias auteur du film M et le troisième secret de Fatima. Il nous montrera des extraits de son film et répondra à toutes nos questions...

Voici ce que j'en disais sur ce Blog au moment de la sortie du film :
Cette fois pas de doute : il y a un cinéaste, Pierre Barnérias, qui a osé faire ce film sur le troisième secret. Ce n'est plus radio-bigote. Ca existe en vrai. Marc est volontaire pour aller le voir une deuxième fois, parce que, me dit-il, "je t'avoue que je n'ai pas tout compris". Rendez-vous est donc pris Rue Saint-André des arts. Deux heures. On voit à peine passer le temps au cours de ce documentaire qui nous emmène aux quatre coins de la Planète, dans une enquête un peu échevelée sur... le surnaturel chrétien, et plus précisément sur le miracle catholique. Tout y passe : les images "interdites" de la messe au cours de laquelle, Mgr Decourtray officiant, l'hostie était restée dix centimètres au dessus de la nappe d'autel pendant un quart d'heure ; les icônes qui suintent de l'huile, non seulement en Syrie mais en banlieue parisienne ; la foudre qui tombe sur le Vatican au moment de la démission de Benoît XVI. Barnerias raconte. Il accumule. A vous de juger, semble-t-il nous dire. Je me tourne vers Marc, optimiste : "D'accord à 80 % - A 60 % tu veux dire". Je ne chipoterais pas : on n'est pas à 20 % près. Je dirais même : s'il n'y avait que 10 % de dur, 10 % d'irréfutable... Cela suffirait ! Je m'abstiens pour l'instant d'expliquer cela à mon voisin : le film n'est pas fini. Ca continue, un peu genre "Des racines et des ailes" me précisera Marc. C'est vrai, c'est du gros cinéma. Mais il y a des trucs... Impossibles! 
Cette miraculée de Lourdes, d'abord, handicapée et réparée, qui ne croyait pas à son propre miracle et qui nous explique cela le plus naturellement du monde : "J'ai bien senti qu'il y avait quelque chose, mais je n'ai rien dit. J'ai eu trop peur qu'on se f... de moi. Divorcée, remariée, pourquoi moi ?" Ce miracle n'a d'ailleurs pas été reconnu par la Commission ad hoc, mais la miraculée est impressionnante. Jean-Pierre Mocky aurait dû avoir l'honnêteté de rencontrer des gens comme cela avant de faire son film idiot. 
Dans l'architecture foisonnante du film, cette femme n'est d'ailleurs qu'un exemple, une illustration devrais-je dire. Le journaliste qu'est Barnerias enquête sur le miracle de l'huile à L'Haÿ-les-roses. Ca, si j'ose dire, je connais déjà. J'ai vu, nous avons visionné il y a quelques années au Centre Saint Paul la cassette de mon ami Nicolas. Un tel miracle était arrivé dans sa famille près d'Alep. On sait ce que ce pays est devenu depuis. La Vierge demande à ces gens de ne pas avoir peur. Barnérias, huissiers à la clé, authentifie le caractère inexplicable de ce fait. 
C'est alors que notre cinéaste sans peur et sans reproche s'intéresse à Fatima. Il nous raconte la danse du soleil, devant 60.000 personnes, croyantes et incroyantes, qui ont laissé des témoignages. En fait, c'est le troisième secret qui l'intéresse : officiellement d'après le cardinal Ratzinger, à l'époque préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, ce secret consiste en la vision par les petits voyants d'un homme en blanc tué à coups de fusil. La vision est aujourd'hui publiée. Elle concerne l'attentat d'Ali Agça contre le pape Jean-Paul II en 1980, souligne le cardinal. Bref, la prophétie a eu lieu : circulez rien à voir. Barnerias ne se satisfait pas de cette explication. Il remarque d'ailleurs que lors de sa dernière visite à Fatima (visite à l'occasion de laquelle le secret avait été dévoilé), alors que le cardinal Ratzinger avait donné cette explication sensée rassurante, Jean-Paul II, lui, sur la grande esplanade du Sanctuaire, avait fait un sermon apocalyptique... Comme s'il voulait se faire l'écho, par là, du véritable message de Notre Dame. 
Qu'en est-il ? 
L'enquête devient intense. Barnérias part à Kito au Japon où le visage d'une statue de la Vierge a été marquée de taches de sang. Le Japon, nous l'avions vu au début du film, c'est le pays de Notre Dame de la bombe, cette statue mystérieusement épargnée par l'apocalypse de Nagazaki, en 1945, alors qu'elle se trouvait presque à l'épicentre du rayonnement monstrueux de la charge nucléaire. Au Japon, à Akita, la Vierge se confie à une religieuse sourde, que nous voyons au cours de ce film (pas une allumée, c'est sûr)... Et elle pleure des larmes de sang. Mais cela ne suffit pas à Barnérias. C'est à Rhode qu'il aura ce que j'appellerais sa clé de l'énigme. Une convertie, Vassula Ryden, a eu l'occasion de voir Mgr Ito, évêque de cette ville d'Akita, qui est justement le lieu des apparitions japonaises. Mgr Ito sortait de chez le cardinal Ratzinger. Il lui avait confié le secret de Notre Dame d'Akita. Le Préfet l'avait gardé pendant une nuit. Il lui avait rendu le lendemain sans commentaire : "Eminence, vous voulez envoyer un enquêteur sur place pour que l'Eglise se prononce sur les apparitions - Je n'ai pas besoin d'enquêteur. Ce secret correspond parfois mot à mot au secret de Fatima". Il s'agit donc bien d'événements terribles qui vont toucher l'humanité et d'une crise de la foi qui est sans précédent. 
La cause semble jugée. Le cardinal Ratzinger a cru devoir finasser à propos du secret, mais il ne croit pas lui-même à la version qu'il a rendue publique. Cette réserve permettait sans doute de ne pas effrayer les populations et de ne pas démoraliser ce qui reste de l'Eglise. 
Dans son film, Barnerias ne fait pas d'explication de texte. Il montre. Et il nous laisse conclure. 
Personnellement, j'avais publié dans la lettre Pacte, il y a douze ans une analyse du troisième secret tel qu'il avait été révélé par le cardinal Ratzinger. Pour moi, il est authentique. La vision est authentique. Mais "on" a enlevé le commentaire de cette vision, pour pouvoir, en toute tranquillité identifier l'homme en blanc du texte que nous possédons avec le pape Jean-Paul II en invoquant l'attentat de 1980. Oui, cette vision est probablement authentique, elle est rédigée de la main de Soeur lucie. Mais elle est incomplète. Que signifie cet homme en blanc qui défaille? Est-ce en sa vie qu'il est menacé ou dans sa fonction : il nous aurait fallu le texte. Dans les trois secrets, à chaque fois, il y a d'abord une vision, puis un commentaire. Le commentaire du dernier secret manque. Il est très probable que ce commentaire commençait par ces mots du dernier mémoire, qui ont comme échappé à Soeur Lucie : "Au Portugal se conservera le dogme de la foi". Mais ailleurs? Le dogme de la foi... Qui peut comprendre, comprenne.
Un  beau débat en perspective au CSP demain.

mardi 1 septembre 2015

"La Miséricorde n'exclut personne"

En ce 1er septembre, le pape François vient de publier une Lettre au cardinal Renato Fisichella à propos de l'année de la Miséricorde, année jubilaire dont le Successeur de Pierre veut qu'elle soit, parmi les hommes, pour tous ceux qui le souhaitent avec un coeur sincère, un signe efficace de la Miséricorde de Dieu, qui s'étendra du 8 décembre 2015 au 20 novembre 2016 :
L’approche du Jubilé extraordinaire de la Miséricorde me permet de me concentrer sur certains points sur lesquels je considère qu’il est important d’intervenir afin de permettre que la célébration de l’Année Sainte soit pour tous les croyants un véritable moment de rencontre avec la miséricorde de Dieu. Je désire en effet que le Jubilé soit une expérience vivante de la proximité du Père, permettant presque de toucher du doigt sa tendresse, afin que la foi de chaque croyant se renforce et que le témoignage devienne ainsi toujours plus efficace.
Ma pensée va, en premier lieu, à tous les fidèles qui, dans chaque diocèse ou comme pèlerins à Rome, vivront la grâce du Jubilé. Je désire que l’indulgence jubilaire soit pour chacun une expérience authentique de la miséricorde de Dieu, qui va à la rencontre de tous avec le visage du Père qui accueille et pardonne, oubliant entièrement le péché commis. Pour vivre et obtenir l’indulgence, les fidèles sont appelés à accomplir un bref pèlerinage vers la Porte Sainte, ouverte dans chaque Cathédrale ou dans les églises établies par l’évêque diocésain, ainsi que dans les quatre basiliques papales à Rome, comme signe du désir profond de véritable conversion. De même, j’établis que l’on puisse obtenir l’indulgence  dans les sanctuaires où est ouverte la Porte de la Miséricorde et dans les églises qui sont traditionnellement identifiées comme jubilaires. Il est important que ce moment soit uni, avant tout, au Sacrement de la Réconciliation et à la célébration de la sainte Eucharistie par une réflexion sur la miséricorde. Il sera nécessaire d’accompagner ces célébrations par la profession de foi et par la prière pour ma personne et pour les intentions que je porte dans mon cœur pour le bien de l’Eglise et du monde entier.
 Le pape enfin ne veut exclure aucun fidèle de cette année de la Miséricorde pour laquelle il donne pleine juridiction aux prêtres de la Fraternité Saint Pie X pour confesser validement qui le leur demandera :
Une dernière considération s’adresse aux fidèles qui, pour diverses raisons, désirent fréquenter les églises où les offices sont célébrés par les prêtres de la Fraternité Saint Pie X. Cette Année jubilaire de la Miséricorde n’exclut personne. Certains confrères évêques m’ont fait part en plusieurs occasions de leur bonne foi et pratique sacramentelle, unie toutefois à la difficulté de vivre une situation pastorale difficile. J’espère que dans un proche avenir, l’on pourra trouver les solutions pour retrouver une pleine communion avec les prêtres et les supérieurs de la Fraternité. Entre temps, animé par l’exigence de répondre au bien de ces frères, j’établis, par ma propre disposition, que ceux qui, au cours de l’Année Sainte de la Miséricorde, s’approcheront, pour célébrer le Sacrement de la Réconciliation, des prêtres de la Fraternité Saint Pie X recevront une absolution valide et licite de leurs péchés. 
M’en remettant à l’intercession de la Mère de la Miséricorde, je confie à sa protection la préparation de ce Jubilé extraordinaire.
Je crois qu'il nous faut, comme le pape, nous en remettre à l'intercession de Marie pour l'Eglise dont elle est, elle, l'image la plus parfaite dans son coeur et dans son corps de Sauvée.