mercredi 11 mai 2022

le doux hôte de notre âme

 Des trois personnes de la Sainte Trinité, le Saint Esprit est le plus proche de nous, car il est celui qui nous fait faire l'expérience de Dieu. Sans cette expérience, expérience de calme, de paix de bonheur, de désir inextinguible, expérience qui peut commencer par un : il y a forcément quelqu'un ou encore par un : il est impossible que Dieu ne soit pas, oui sans ce "sens de Dieu", il n'y a pas de foi adulte. Je pense à saint Pierre devant Jésus transfiguré sur le Mont Thabor. L'apôtre s'écrie : "Seigneur il nous est bon d'être ici, si tu veux faisons ici trois tentes...". Dans l'Ancien Testament Dieu est terrible, qui subsisterait devant sa fece ? Dans le nouveau, la présence de Dieu est agréable ; il faut éprouver cette sensation de bonheur où l'on reconnaît le Saint Esprit. 

On peut être fasciné par la personne du Christ, on peut aimer Marie, la Vierge mère par qui tout est arrivé, on peut aussi aimer l'Eglise de l'ordre, l'Eglise catholique, ses dogmes et ses lois, si l'on ne fait pas l'expérience du Saint Esprit, on ne pourra jamais dire que l'on aime Dieu de tout son coeur de toute son âme et de tout son esprit, pour reprendre les mots bien connus du Deutéronome. Autre chose est d'être intéressé par la question religieuse, par les personnages de l'Evangile, par l'histoire de la Révélation (c'est bien, il y a un début à tout),et autre chose d'avoir un jour, une heure ou même une minute senti la joie du Saint Esprit, "cette joie que personne ne pourra nous ôter" d'après l'Evangile de Jean, cette joie par laquelle et dans laquelle nous sommes ignifugés contre l'enfer. 

Tel est le don du Saint Esprit aux créatures que nous sommes. Ce don qui consiste à laisser vibrer en soi la parole de Dieu - "Nos coeurs n'étaient ils pas tout brûlants lorsqu'il nous expliquait les Ecritures ?" se disaient les disciples d'Emmaüs après avoir croisé Jésus ressuscité (Lc 20). "Qu'est-ce qui empêche que je sois baptisé ?" dit l'eunuque de la reine Candace d'Ethiopie après avoir entendu le diacre Philippe lui expliquer le chapitre 53 d'Isaïe (cf. Ac. 8, 27 sq.). Ces trois personnages, les deux disciples et l'eunuque sont habités par le même enthousiasme.

Ce sentiment de joie nous est donné dès que nous nous mettons à la recherche de Dieu et dans la mesure où nous jouons, avec sérieux, le jeu de la quête de Dieu. "Contre de telles choses, il n'y a pas de loi" dit saint Paul (Gal. 5, 23). Contre l'Esprit saint, il n'y a pas de loi. "A quiconque parlera contre le Fils de l'homme, il sera pardonné, mais à quiconque blasphémera contre l'Esprit saint, il ne sera pas pardonné" (voir Lc 12, 10). Car c'est l'Esprit saint qui s'unit à notre esprit pour crier : Abba ! Père !" (Rom. 8, 16). Blasphémer contre le Saint Esprit, c'est détruire son propre esprit, en s'interdisant d'aller à Dieu de quelque manière que ce soit. Si notre esprit est faussé, nous n'avons plus rien à attendre et ne pouvons prétendre à une vie avec Dieu.

jeudi 5 mai 2022

Quel Esprit

L'Esprit saint, c'est l'Esprit de Dieu, fécond ou fertile comme Dieu est créateur, intelligent comme Dieu est Esprit, aimant comme Dieu est amour, paisible comme Dieu est la tranquillité de l'ordre. N'oublions pas que Dieu est partout, que son Esprit est l'être de toutes choses, l'existence de chacune. Même au commencement du monde, nous dit le Livre de la Genèse, "l'Esprit planait sur les eaux". L'introït de la fête de la Pentecôte dit joliment cette présence de l'Esprit en toutes choses : "Ce qui contient toutes choses (l'Esprit) a la science de la voix". Le Tout nous parle ! ou bien, et c'est la même chose, il nous fait rêver toujours d'un ailleurs infiniment présent, dans une analogie poétique sans cesse recommencée. Toutes choses nous parlent de Dieu. Une pâquerette, tout comme les espaces infinis du Cosmos dont le silence n'est effrayant que lorsque l'on ne sait plus reconnaître dans cette infinité spatiale, ou plutôt dans cet espace sans cesse en expansion, l'image muette de l'Infini divin : "Les Cieux racontent la gloire de Dieu" (Ps. 18), et ce silence même est la première introduction à la connaissance métaphysique, connaissance qui nous fait participer à l'Esprit divin.

Avons nous besoin que l'on nous envoie l'Esprit saint ? Avons nous besoin que le Christ nous envoie l'Esprit saint alors que déjà Il est partout ? Oui... Nous devons aspirer "aux fruits de l'Esprit" comme dit saint Paul (Gal). Il faut que nous prenions de l'Esprit toujours vivant en nous, une conscience plus aigüe, c'est-à-dire plus intime, conscience de sa présence, qui est la foi. Il faut que nous le retrouvions car, par la distraction du péché originel, nous l'avons perdu. "Le Père qui est au Ciel donnera l'Esprit saint à qui le lui demande" (Luc 17, 13). C'est en quelque sorte le résumé de la liturgie du baptême, plusieurs fois répété lors du baptême d'adulte : "Sors esprit impur et cède la place à l'Esprit saint consolateur". Nous avons toutes les raisons du monde de préférer "l'Esprit bon" à l'esprit impur. La tristesse nous avertit lorsque l'esprit impur risque de l'emporter. Notre désir alors devient à lui-même sa propre fin. Et quand la satisfaction du désir est sa seule fin, alors le néant l'emporte sur tout, l'amour se dissipe, le but du désir est simplement la suppression de l'excitation. La mort donc, précise Freud : thanatos. Saint Paul l'avait dit déjà depuis longtemps : "le salaire du péché c'est la mort" (Rom. 6, 23). Il n'entendait pas par là je ne sais quelle indignité du péché de chair (souvent dans sa lunette). Mais il suggérait la mort du désir charnel lui-même, par l'épuisement de la satisfaction.

Lorsque l'on dit que la nature a horreur du vide, c'est vrai aussi pour l'Esprit : si ce n'est pas l'Esprit bon, si ce n'est pas l'Esprit saint, ce sera l'esprit impur, ce sera l'animalité en nous qui parlera pour tout se soumettre et tout détruire ou plutôt pour tout réduire au néant de la satisfaction. Nous pouvons immédiatement prendre conscience de cela. Mais si nous voulons nous sauver nous mêmes, nous ne nous sauverons pourtant pas par nous-même, mais en faisant appel à l'Esprit saint pour faire sortir l'Esprit impur, ce faux, ce mauvais infini qui nous obsède.

L'Esprit saint est toujours à l'inverse de ce que nous sommes, comme le signifient merveilleusement les paroles de la Séquence Veni Sancte Spiritus, le jour de la Pentecôte : "Dans les travaux, vous êtes le repos, dans la chaleur l'ombre, dans la détresse, la consolation. (...) Sans la puissance divine, il n'est rien dans l'homme, rien qui soit indemne. Lavez ce qui est sordide, arrosez ce qui est sec, guérissez ce qui est blessé. Assouplissez ce qui est rigide, réchauffez ce qui est froid, redressez ce qui est dévié". L'esprit est toujours en contre-position de nos défaillances. 

Pour le recevoir, il faut et il suffit de reconnaître nos lacunes, nos manques, nos carences... Non pas dans une humilité théâtrale ou compulsive, mais simplement parce que c'est la vérité de ce que nous vivons, une vérité anthropologique : la chair va au néant, vérité découverte par saint Paul, exaltée par saint Augustin et redécouverte dans ses Essais de psychanalyse par Freud, pour qui malheureusement la Pentecôte n'est pas la fête de l'Esprit saint, comme elle l'est pour les chrétiens, mais la fête des cabanes, ou la fête des tentes ; une allégorie de la cure analytique ces cabanes dans le désert ? C'est en tout cas un peu ce qui ressort des deux saisons de la série d'Arte En thérapie, pas inintéressantes par ailleurs.