Pour réfléchir à cette question, le Contrat d'Union Civile est-il plus dangereux que le mariage ? je me permets de reproduire ici un article paru il y a 15 jours dans l'excellent journal Monde et Vie (abonnement promotion 50 euros à envoyer 14bis rue Edmond Valentin 75 007 Paris). A l'époque, Frigide Barjot n'avait pas encore pris ses distances par rapport à la Manif pour tous. L'article s'intitulait Le combat des dames. Je souhaitais montrer l'extraordinaire précision de Béatrice Bourges dans la question fondamentale de la défense du mariage...
Alors que Frigide Barjot vient d’envoyer quelqu’un au Maroc
pour défendre le droit des homosexuels dans ce pays, alors qu’elle revendique,
avec ses amis de l’UMP, la nécessité d’un Contrat d’Union Civile pour les
homosexuels, qui auraient tous les effets du mariage sauf l’adoption, il
importe de revenir sur ce qui est en jeu dans la Loi Taubira, à laquelle il ne
manque plus pour l’instant que l’onction du Conseil Constitutionnel pour être
promulguée.
Les circonvolutions de Frigide décrivent assez bien le champ
de ce qui est en question au fond : je dirais, la mare aux canards. A cet
égard, elle a cette propriété que l’on s’accorde à reconnaître à la grenouille qui annonce la pluie par ses
coassements. Plus on l’entend coasser, plus le problème est imminent. Aussi
bien doit-on aujourd’hui REFLECHIR avec elle et sur le Contrat d’Union Civile
et sur le droit des personnes homosexuelles.
Il y a eu le PACS, il y a le CUC… Les deux systèmes
procèdent du même individualisme viscéral et de la même idée simple : un
couple a besoin avant tout de reconnaissance sociale. Les homosexuels en
manquent, on doit leur en donner, « puisqu’ils s’aiment ». Il faut
donc inventer un système qui ne soit pas le mariage, qui ne donne pas droit à
l’adoption (l’enfant n’est pas un objet, il a lui-même droit à un père et une
mère[1]),
mais qui permette à la société de reconnaître les amours homosexuelles. Et
voilà le CUC, drôlement nommé. Vous êtes deux personnes homosexuelles ?
Vous vous aimez ? Cet amour, vous l’avez – socialement - dans le CUC…
Béatrice Bourges, Aude Mirkovic et Elizabeth Montfort, dans
leur dernier ouvrage, si précieux et si précis, L’effet dominos[2],
expliquent bien la nocivité de tels contrats, fondés uniquement sur une
reconnaissance sociale de l’affect : « Non, le mariage n’est pas la
reconnaissance sociale du couple (…) Si c’était cela, au nom de la
non-discrimination, toutes les personnes qui s’aiment devraient avoir le droit
de se marier, qu’elles soient deux ou plusieurs ». Ce modèle de contrat,
sanctionnant l’affect, est merveilleusement souple. Il permettrait que deux
personnes, que trois personnes, que quatre personnes puissent contracter une
union, donnant à chacune des droits sur les autres. La dimension naturelle
induite par la possibilité de l’union féconde des deux sexes est totalement
oubliée. La parentalité serait, dans cette perspective à envisager également de
façon purement contractuelle : Lionel Labosse, « enseignant », a
signé une tribune en ce sens au mois de mai dernier dans le très sérieux
journal Le Monde : « Le mariage monogame est biphobe et ceux qui ne
réclament que cela le sont aussi, en dépit de leurs tours de passe-passe
rhétoriques. Un contrat universel à trois ou quatre constituerait un cadre
idéal pour ce que l’on appelle l’homoparentalité » (cité par B. Bourges et
al.).
Vous ne savez peut-être pas ce que sont les biphobes ? Vous êtes comme
moi. J’ai consulté wikipédia et j’y ai trouvé cette définition admirable :
« La biphobie est le fait
d'avoir une attitude de peur, discrimination, ou haine des bisexuels, des
pansexuels ou des omnisexuels ». Et on peut lire en outre cette petite
précision : « La biphobie se rencontre indifféremment dans les
communautés hétérosexuelles ou homosexuelles ». Les homosexuels en effet
jalousent souvent leur camarades bisexuels, qu’ils soupçonnent de vouloir le
beurre et l’argent du beurre, la respectabilité et la paternité d’un côté, les
aventures de l’autre.
Mais cette fois, vous vous demandez peut-être ce que sont
les pansexuels? Voici Wikipedia: «La pansexualité (on utilise parfois le terme omnisexualité) est une orientation sexuelle caractérisant des
personnes potentiellement attirées sexuellement et/ou sentimentalement par
d'autres personnes, indifféremment du sexe anatomique ou du genre de
celles-ci». On trouve là aussi une petite note digne d’intérêt, qui
contribue à mettre cette querelle sémantique à son véritable niveau :
«La notion de pansexualité n'a pas été utilisée seulement pour parler des
humains. Le primatologue Frans de Waal l'a utilisé pour décrire le comportement
des bonobos». Voilà donc une autre manière de comprendre et d’exaucer
Dame Nature !
Si nous en restons à l’idée que c’est l’affect qui fait le contrat, il est
clair qu’il y a du pain sur la planche. Les partisans du PACS ou du CUC
devraient comprendre que lorsque l’on sépare totalement la réalité sociale de
la réalité naturelle, lorsque l’on scinde totalement reconnaissance sociale et
complémentarité naturelle l’une de l’autre, lorsque l’on veut considérer tous
les couples à égalité, alors que manifestement tous les couples ne sont pas
égaux devant la biologie, on va vers de véritables catastrophes sociales.
Lucien Labosse décrit cette catastrophe, sans qu’on ait besoin de forcer le
trait à sa place : «Pourquoi, dans une société démocratique ne
devrait-on pas laisser les personnes organiser leur vie privée par le biais de
contrats, au lieu de les obliger à rentrer dans des institutions standards
comme le mariage et le pacs? Un contrat universel rendrait possible des
unions dans lesquels chacun des contractants serait à égalité avec chacun des
autres».
Béatrice Bourges (toujours elle) note que aux Pays-Bas, on a
reconnu le mariage des personnes de même sexe dès 2001 et l’union civile entre
trois personnes en 2005. Dans cet acte de permissivité maximale, il y aurait,
paradoxalement, une formidable légitimité donnée aux pratiques polygame de la
communauté musulmane en France et en Europe. Une loi est-elle nécessaire pour cela ?
Un peu de logique peut suffire. Au Brésil, l’année dernière, l’union civile
d’un homme et deux femmes a été reconnue devant notaire à Tupa. Objectif
affiché par l’avocat des contractants : protéger les droits des
partenaires en cas de décès ou de séparation. L’argument est choc. Il me semble
que si l’on accepte cette logique de l’union civile, on va y venir très vite en
France. Pourquoi ? Au nom d’innombrables victimes de polygamies non
déclarées et mal gérées par exemple…
C’est donc la logique de l’union civile qu’il faut rejeter avec la dernière
énergie, si nous ne voulons pas que le Monde, notre humanité éduquée se
transforme en un vaste lupanar, où les bonobos eux-mêmes auraient du mal à
retrouver leurs petits… La régression civilisationnelle qui s’annonce à travers
cette idée – révolutionnaire, merci 1789 – du Contrat universel serait sans
doute sans exemple dans l’histoire de l’Humanité. Oh ! Il n’y aurait pas
besoin d’ailleurs d’en venir au Contrat universel du camarade Lucien Labosse.
L’utopie garde ses droits d’utopie ! Un système à options serait déjà
profondément subversif. Il suffirait de reconnaître à égalité d’une part
l’institution du mariage, qui nous vient du fond de notre culture chrétienne[3]
et qui a permis un progrès culturel considérable de l’humanité, et d’autre part
le contrat, polymorphe, adaptable à toute volonté, reconnaissant tout affect
d’une reconnaissance vraiment sociale. Ce serait déjà une belle pagaille.
D’ailleurs, on y va…
Reste la deuxième question posée par Frigide Barjot, celle du droit des
homosexuels. Là encore Béatrice Bourges apparaît autrement armée. Il suffit de
consulter son petit livre : elle soutient, avec toute raison que les
homosexuels n’ont aucun droit en tant qu’homosexuels. Le droit est le droit des
personnes. Il n’est ni homo ni hétérosexuel.
Frigide envoie ses ambassadeurs de
la Manif pour tous version consensuelle voir le roi du Maroc à propos du droit
des homosexuels. La démarche est étrange. Il est étrange d’abord qu’en tant que
Français aujourd’hui, ayant à gérer le bazar made in France, l’on se sente
concerné par le Maroc. Mais surtout la seule question à poser n’est pas celle
du droit des homosexuels, mais celle du droit des personnes, tout simplement.
Au nom du droit des personnes, il n’est pas possible qu’un Etat légifère sur
les comportements privés des uns et des autres, du moment bien sûr qu’il
respecte la liberté d’autrui. Certes le droit du Maroc, issu pour partie de la
charia, en dispose autrement dans un certain nombre de domaine. On peut regretter
par exemple que le droit à la conversion religieuse qui constitue l’article 17
de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ne soit respecté ni
au Maroc ni d’ailleurs dans aucun pays officiellement musulman. Dans le domaine
de la liberté sexuelle, il me semble que quelques unes de nos élites qui
possèdent de grandes villas au Maroc, sont bien placées pour savoir que la
plupart du temps le législateur ferme les yeux.
Mais alors pourquoi revendiquer
le droit des homosexuels… au Maroc ? Pour démontrer que l’on peut être
opposé au mariage pour tous et néanmoins réclamer des droits pour les
homosexuels, être attentif à la communauté homosexuelle et à ses revendications
communautaires. Mais justement, un Etat qui prétendrait donner des droits à la
vie privée des homosexuels pratiquerait une forme de discrimination
dommageable. Comme s’il jugeait (en bonus ou en malus qu’importe) des citoyens
en fonction de leurs mœurs…
Le propre d’un Etat de droit ? C’est de ne pas faire acception de
personne. Mais justement, direz-vous, les homosexuels déplorent une inégalité
face au mariage puisqu’ils n’y ont pas accès. Erreur ! Homosexuels et
hétérosexuels peuvent s’engager dans le mariage et aussi avoir des enfants.
L’Etat n’exclut personne du mariage au titre de son orientation sexuelle :
tout cela relève de la vie privée ! Plutôt que de parler d’un hypothétique
droit des homosexuels, prenons garde au droit des personnes et d’abord à leur
dignité en tant que personnes.
Droit à l’homosexualité ?
En marge du combat des dames, se pose la question non du droit des homosexuels – nous venons de montrer qu’il n’existe pas – mais du droit à l’homosexualité. Sur ce point la doctrine de l’Eglise est complexe. Autant un Etat, s’il n’est pas totalitaire, doit tolérer toutes les formes de vie privée, du moment qu’il n’y a pas abus de la liberté d’autrui, autant on ne peut pas dire que l’homosexualité, en tant que comportement qui s’écarte de la loi naturelle, puisse être jamais considérée comme un droit. Le Catéchisme de l’Eglise catholique écrit en effet : « Les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés. Ils ferment l’acte sexuel au don de la vie. Ils ne procèdent pas d’une complémentarité affective et sexuelle véritable. Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas » (n°2357). Il faut bien peser cette précision adverbiale : « en aucun cas ». Elle permet de comprendre que tolérance nécessaire n’est pas droit et que s’il n’y a pas de droit d’une putative communauté homosexuelle au sein de la communauté nationale, il n’y a pas non plus de droit des individus à un comportement qui apparaît en lui-même comme essentiellement déviant.
[1] L’union civile ouvre droit néanmoins (dans l’état actuel du droit français) à l’adoption simple, c’est-à-dire à l’adoption dans laquelle l’enfant connaît l’identité de son père et de sa mère naturels.
[2] Béatrice Bourges, Aude Markovic et Elizabeth Montfort, De la théorie du genre au mariage de même sexe, L’effet dominos, éd. Peuple libre 2013 128 pp. 8 euros
[3] Je ne dis pas judéo-chrétienne, car les juifs des temps bibliques reconnaissaient la polygamie. On pourrait dire néanmoins « biblique » car depuis Adam et Eve, le modèle n’a pas changé. En ce sens, il n’est pas spécifiquement chrétien.