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dimanche 31 mai 2009
le pélé dans tous les sens
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jeudi 28 mai 2009
[Abbé Henri Forestier] L'Institut du Bon Pasteur est-il charismatique ?
(Lettre aux Amis et bienfaiteurs du séminaire Saint-Vincent-de-Paul – Printemps 2009)
Saint Paul au chapitre 12 de la première épître aux Corinthiens, nous parle des «kharismata», les fameux «charismes», pour désigner ces dons particuliers que Dieu donne en vue de l'édification de l'Eglise. Tels furent les dons de faire des miracles donnés à certains saints, de tel type est aussi la grâce du sacerdoce, tel est encore l'esprit fondateur d'un Institut authentiquement reconnu par l'Eglise.
Ainsi il est arrivé que des évêques nous interrogent sur notre « charisme propre » : Que pensez vous apporter à notre diocèse?
Bien des fidèles aussi, plus simplement, se demandent quel type de prêtre nous voulons former: Comment seront les prêtres de l'IBP à venir?
La réponse se trouve évidement dans nos statuts, et .leur récente publication sur l’internet (cf. le blog de M. l'abbé Laguérie) nous libère d'un devoir de discrétion qui nous incombait jusque là.
Nous allons donc parler de ces statuts, et même les commenter pour. vous, non pas pour assouvir une curiosité déplacée, mais plutôt pour répandre, au nom de l'Eglise, la grâce fondatrice de l'Institut du Bon Pasteur, sa richesse, son charisme.
Deux phrases me retiendront particulièrement:
1°) (L'Institut est) soucieux de préserver la tradition de l'Eglise dans sa permanente actualité (Statuts II, 1).
Tout le monde sait que l'Eglise vit une crise, et une' crise profonde dont nous n'avons sans doute pas encore mesuré toutes les conséquences.
Voir cette crise est une chose mais qui travaille à en sortir? Qui a un projet pour l'Eglise, pour qu'elle revive?
Modestement, à notre place nous répondons: La tradition de l'Eglise est la lumière à laquelle il importe d'envisager l'avenir.
Voilà pourquoi nous voulons la liturgie traditionnelle intégrale et exclusive, voilà pourquoi au séminaire de Courtalain nous voulons former nos séminaristes avec saint Thomas d'Aquin, voilà pourquoi nous attachons une grande importance à l'étude des enseignements des Papes.
Mais cette tradition ne saurait être une simple étude et complaisance stérile dans le passé, elle doit être une lumière pour aujourd'hui!
Ainsi nos séminaristes étudient les problématiques d'aujourd'hui, ceux qui le peuvent seront invités à poursuivre leurs études pour pouvoir apporter davantage, déjà deux de nos professeurs et un diacre, poursuivent leur doctorat en philosophie, théologie et histoire.
Préserver la tradition de l'Eglise dans sa permanente actualité semble bien être la meilleure manière d'agere ut pars, comme aurait dit Cajetan: Agir comme une partie de l'Eglise, lucide et courageuse!
2°) - Le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis est le modèle parfait de cette vie essentiellement apostolique: esprit de service et d'oubli de soi qui est comme le secret de Jésus-Christ. Chaque membre est conscient d'être le «serviteur inutile », de même que l'Institut ne se considère pas comme une fin en soi, mais un moyen au service de l'Eglise, (Statuts 1,3.)
A première vue, l'idéal apostolique que décrit l'image du Bon Pasteur, est l'idéal de tout prêtre, comment y voir un charisme spécial?
Cependant sainte Catherine de Sienne dans ses oraisons voyait dans cet esprit de dévouement une grâce spéciale, qui n'est donc pas faite à tous. Elle écrit:
Je supplie donc, puisque tu inspires dans les esprits de tes serviteurs les désirs anxieux et ardents pour la réforme de ton épouse, et les fais crier en continuelle oraison, que tu exauces leur cri. (Oraison 7).
Dans notre formation, nous veillons à orienter les séminaristes vers l'apostolat futur, vers la soif des âmes. Nos professeurs ou intervenants extérieurs sont, le plus souvent, riches d'une grande expérience pastorale, des conférences ponctuelles exposent des sujets d'actualité, le contact avec les fidèles après la messe du dimanche, rappellent au séminariste le dévouement futur.
Cette grâce nous la demandons dans la prière, pour chacun de nous, pour nos séminaristes, pour qu'ils soient les pasteurs attentifs de demain, les bons et fidèles serviteurs que décrit notre Maître dans l'Evangile.
Ce charisme n'est il pas magnifique ?
Mais me direz vous, tout cela est beau, vos statuts aussi, mais ne sont-ils que lettre morte, pieuse pensée, ou réalité vécue et espoir pour demain?
Autant que peut juger l'humaine faiblesse, je pense et espère que ce désir (qui est un début de réalisation), et cette prière, existent au cœur de nos séminaristes.
Jugez par vous-même: l'un d'eux commentait récemment ainsi la douzième station du chemin de la Croix (La mort de Jésus) :
Mon Dieu ce rachat de la dernière heure, je l'invoque pour mes contemporains, beaucoup d'entre eux vous sont indifférents plus par ignorance et conformisme que par conviction. Envoyez leur des prêtres zélés, des travailleurs infatigables pour leur annoncer votre existence, votre amour envers eux et les joies qu'on éprouve à vous aimer et vous servir. Enthousiasmé par un tel projet, embauchez-moi ô Jésus, au nombre de vos travailleurs ...
Abbé Henri Forestier
recteur du séminaire Saint-Vincent-de-Paul
Esprit libre ou électron libre
Prenons l’obéissance, justement, l’obéissance comme vertu. Elle n’existe pas sans la liberté d’obéir. La vertu d’obéissance suppose en effet ce don mystérieux de la liberté, qui seule lui donne une forme vraiment humaine.
Saint Paul va plus loin encore, dans la célèbre formule que nous citions à l’instant : pour lui, là où manque la liberté, le Seigneur est absent. La liberté n’est pas seulement le signe infaillible qui permet de reconnaître et de qualifier comme tel un acte vraiment humain. C’est aussi la manifestation première de l’Esprit du Seigneur.
Quel est le rapport entre l’Esprit et la liberté ? Les Grecs ne pouvaient ni le comprendre ni même l’imaginer. Peur eux l’Esprit, Noûs, c’est une vision claire de tout ce qui est nécessaire dans le Kosmos. Le Noûs des Grecs nous renvoie à un rapport d’identité que l’on ne peut pas faire évoluer et qui ne varie jamais. Rien à voir donc avec la liberté. Tout est tiré de la nécessité. L’Esprit c’est ce qui ne peut pas être conçu autrement. L’Esprit, c’est ce qui ne peut pas advenir autrement qu’il est conçu. Rien de libre là-dedans !
Mais ce n’est pas de cet esprit-là (le noûs) dont parle saint Paul. L’Esprit dont il parle, c’est celui que l’on découvre dans la Bible, le souffle de Dieu : pneuma. Comment le définir ? C’est un élan. Le Christ déjà le définissait cet esprit comme essentiellement libre : « L’esprit souffle où il veut et tu entends sa voix mais tu ne sais ni d’où il vient, ni où il va » (Jo, 3). Là où est l’élan qui vient de Dieu, là se découvre pour l’homme la liberté véritable, non pas celle qui nous inviterait simplement à « devenir ce que nous sommes », mais celle qui nous pousse à nous surpasser, à nous transformer, à nous convertir.
Il est d’usage de se débarrasser de cette liberté chrétienne d’un revers de main, en traitant dédaigneusement d’électrons libres ceux qui tentent de vivre dans l’élan intellectuel et volontaire, cognitif et affectif que l’Esprit saint met en celui qui l’accueille. Quel erreur de désignation ! L’électron « libre », c’est celui qui, à proportion de sa « liberté », se désolidarise du noyau de tel atome et se trouve disponible pour toute combinaison atomique ou électrique.
L’esprit libre au contraire, n’est pas un esprit « en disponibilité », prêt à toutes les combinaisons, comme l’électron du même nom. S’il est libre, c’est parce qu’autant qu’il est en lui, il se solidarise avec le jaillissement de l’esprit divin, et, manifestant d’une manière ou d’une autre sa personnalité comme individuelle, imite activement le Dieu qui s’est défini lui-même comme une Personne : Je suis !
Abbé G. de Tanoüarn
[abbé Laguérie] Spécificité de L' I.B.P.
Car au-delà des querelles de personnes qui sont toujours aussi stériles que nuisibles, on voudra bien considérer que l’Institut du Bon-Pasteur se définit par ses statuts, avalisés par le décret d’érection et l’Autorité du Saint-Siège. Et par rien d’autre. Il n’est question, par après, que de fidélité ou non à ces statuts, dont l’examen ne relève ni d’un prêtre, fût-il du Bon-Pasteur, encore moins d’un laïc (!) mais des seuls supérieurs majeurs du-dit Institut. Vous pouvez donc "causer" autant que vous voulez sur l’Institut, vous ne l’engagez pas. Il n’est jugé que par ses statuts... que vous ne citez jamais parce que vous les ignorez. Quant aux digestions et autres transits intestinaux de tel ou tel, je m’en moque simplement, éperdument, définitivement. Si d’aucuns estiment en conscience devoir retourner à la FSSPX parce qu’ils avaient simplement imaginé un simple "remake" breveté, libre à eux. Le brevet ne fait pas tout, même s’il est fondamental au sens étymologique de radical.
Qu’il y ait une immense base commune, un genre nécessaire de toutes les sociétés cléricales : mais c’est une évidence! L’exercice du sacerdoce de Notre Seigneur Jésus-Christ, qu’elles s’efforcent toutes (on le suppose) de promouvoir dans les meilleurs conditions, comporte un socle impéré qui n’est rien d’autre que l’institution du Seigneur et sa mise en œuvre dans l’Eglise. Mais qu’il y ait aussi une spécificité légitime et souhaitable n’est pas moins évident. Genre prochain sans doute mais différence spécifique obligée.
Les traits communs des statuts respectifs de la FSSPX et de l’I.B.P. sont donc très nombreux, jusqu’à des citations intégrales de Mgr Lefebvre (ex : "la bonne mère du ciel..." ). Et c’est inéluctable, heureux. Qu’il y ait aussi de très notables différences, également.
L’esprit sacerdotal, entièrement centré sur le mystère du Christ-Jésus et le renouvellement de son sacrifice rédempteur se retrouve ici comme là. A la lettre, l’esprit "essentiellement missionnaire" (autre terme repris!) aussi. A ceci près que le chapitre de 1994 de la FSSPX en a donné une herméneutique si particulière qu’il en a changé totalement l’esprit sans oser en toucher la lettre : cette expression désignant alors la vie commune et fondant son efficacité sur la seule prière (comme Sainte Thérèse, par exemple, patronne déclarée des missionnaires). C’était le droit le plus stricte de la FSSPX en son organe suprême : le chapitre général légiférant légalement. Mais il fallait tout de même avertir les membres qu’ils aient individuellement à confirmer leur engagement sur cette base contractuelle substantiellement différente. Ce qui, pour n’avoir pas été fait, a produit les ruptures et les renvois qu’on sait. D’autant qu’en bonne logique, l’efficacité des dits missionnaires résident alors intégralement dans leur prière, ils devenaient des religieux. On le leur fit bien savoir, comme dit La Fontaine, en s’octroyant brusquement sur eux un pouvoir dominatif parfaitement invalide : ils eussent dû, pour cela, prononcer des vœux. Quant à ceux qui persévérèrent dans les termes des engagements qu’ils avaient signés, on les débarqua. Qu’ils soient dedans, qu’ils soient dehors, "on mit les plaideurs d’accord en les croquant l’un et l’autre"! (idem sup)
Je ne suis plus concerné par tout cela et je souhaite le meilleur à "notre" bonne vieille FSSPX, à laquelle je dois tant. Mais quand j’entends que l’I.B.P. serait la même chose, autorisée, je crois rêver. Ce sont les nostalgiques qui rêvent, pas nous. Pour se conformer, ad mentem, aux statuts de la FSSPX, il faudrait déjà savoir lesquels : avant ou après 1994 ?
Sur les points précédents, l’I.B.P. serait bien plus proche de l’original.
Mais beaucoup d’autres en font une réalité foncièrement différente de l’actuelle Fraternité ; que ça plaise ou non, c’est comme ça.
Que ce soit théologiquement. Exemples. Avec le Canon Romain, nous incluons la Résurrection et l’Ascension du Seigneur dans les "Saints Mystères" : on l’a vu nié explicitement par Mgr Tissier et très mal vécu un peu partout. Et ça vous change radicalement la vie (spirituelle) d’un homme. Nous travaillons à une interprétation du texte du concile Vatican II qui permette d’en préciser le seul sens acceptable au regard de la Tradition Catholique, plutôt que de répéter sans cesse que la liberté religieuse, l’œcuménisme et la collégialité sont des fléaux. Ils le sont, en effet, tels que vécus encore au quotidien. Mais répéter cela pendant encore quelques décennies nous parait totalement stérile quand, parallèlement, on ne s’efforce pas de sortir des ornières. Policièrement parlant il faut oser poser la question : à qui profite la crise ?
Que ce soit canoniquement. Nous recevons le droit de l’Eglise et le respectons comme tel. Je pourrais citer de nombreux exemples en lesquels ce sont nos adversaires qui en font fî. A commencer par l’application de Motu Proprio, mais aussi dans l’exercice de la juridiction ecclésiastique. Les ingérences indues et illicites d’une juridiction à l’autre sont monnaie courante aujourd’hui et presque un système généralisé de domination...
Que ce soit pédagogiquement, dans le cursus de la formation des séminaristes. Je ne reviendrai pas sur les motifs de mon renvoi de la FSSPX en 2004. N’empêche qu’ils recèlent un fondement (d’accord ou pas d’accord) qui ne s’est pas magiquement envolé et demeure bel et bien dans le cursus imposé ici ou là. Nos étudiants apprennent les bases réalistes de la philosophie et de la théologie, indispensables à une formation critique et à un amour du vrai qui ne se trouve que là. Mais ils sont initiés aussi aux systèmes de penser actuels, non pas seulement en une réfutation faite de l’extérieur d’un prêt à penser qui ne colle pas, mais en pénétrant ces erreurs dans leur ressort intime qui est celui d’une incommensurable vanité. A de très rares exceptions, le philosophe moderne éructe son moi instantané et n’intéresse personne que...lui. Mais il est dangereux. Il n’y a pas que Kant à réfuter, d’autant que l’ennui mortel que suinte ce philosophe le rend bien moins nuisible, tellement rébarbatif... Notre exégèse s’efforce de reprendre à bras le corps le texte sacré et d’en presser existentiellement la moelle, qui est le mystère du Christ. La prédication étant devenue un peu partout conventionnelle et pusillanime, il faut réactualiser impérativement notre lecture du texte sacré pour rendre au Saint-Esprit les marques et la liberté de sa violence historique... A plusieurs reprises, Mgr Lefebvre voulut supprimer de ses séminaires le cycle classique des traités de philosophie et de théologie au profit d’une lecture commentée de l’Ecriture et des Pères...eh oui! Les vieux, dont je suis, vous le diront. Il n’est jamais passé aux actes (trop d’oppositions) mais cette intention en dit long sur sa volonté de concentration sur l’essentiel et la hardiesse de ses vues pédagogiques...Vous comprenez qu’aujourd’hui les petits ignorants que titillent notre audace m’amusent beaucoup. Je partage avec saint Bernard et Mgr Lefebvre cette conviction que tout, sans exception, doit nous ramener au Christ, unique clef de notre destinée. Et que, de près ou de loin, aucune science n’a de consistance, qui ne nous parle de Lui. Pourvu, évidemment qu’on mesure aussi ce "de loin". J’ai su, autrefois, réduire les "baralipton" en "Bocardo" ou "Barbara", assez bien, au dire de mon professeur. Mais, passés mes dix ans de sacerdoce et la fulgurance de l’élan initial, j’ai du me débrouiller presque seul à redécouvrir, souvent à découvrir, "l’insondable richesse du Christ" dans la puissance et la cohérence des Evangiles à l’état brut, la charité et la violence des écrits apostoliques. Bruckberger (malgré son gaullisme épuisant!) m’a rendu plus de service qu’Aristote, je le dis sans aucun complexe. La routine et la répétition sont la mort de l’intelligence et de l’esprit, l’erreur assurée de l’une et le retrait de Dieu pour l’autre.
Que ce soit pastoralement encore. Il faudrait citer les deux-tiers de nos statuts et je vous invite à les lire. Ils sont empreints de toute la compréhension, la mansuétude, la miséricorde fraternelle que des frères d’armes se doivent réciproquement pour honorer la houlette de Celui qui les rassemble : le Bon (beau)-Pasteur. C’est là, et seulement là, qu’on pourra toujours légitimement nous reprocher de n’en faire pas assez et, disons-le, de manquer à nos statuts. j’y veille. La forte personnalité de mes confrères n’a jamais été pour m’inquiéter, bien au contraire ; pourvu qu’évidemment elle soit exercée là même et principalement où elle culmine: dans la bienveillance, la douceur, l’indulgence. Que chacun s’examine et que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre à l’un de mes confrères! J’ai toujours eu viscéralement et instinctivement l’horreur de l’esprit ecclésiastique et j’ai rédigé les statuts de l’Institut pour que n’y règne jamais cette méchanceté, ces magouilles cléricales, ces dénigrements par derrière, ces "ah, si vous saviez" ou ces "c’était à prévoir" que j’ai rencontrés un peu partout. Cherchez-moi ça dans l’Evangile! Nous ne sommes pas meilleurs que les autres. Mais au moins nos statuts nous interdisent évidemment et toute paresse et toute méchanceté, de sorte qu’un prêtre du Bon-Pasteur saurait, à Dieu ne plaise, qu’il y manque gravement à se laisser aller à ce qu’il faut bien appeler par leur nom : ces turpitudes cléricales. J’ai trop vu de ces remontrances qui "filtraient le moucheron et avalaient le chameau" pour m’y adonner. Quant aux divers précisions pratiques que comportent ces statuts, je citerai le Seigneur : "il fallait faire ceci, sans omettre cela".
Que ce soit politiquement, enfin. Dès lors que le Saint-Siège nous a fait l’honneur de nous reconnaître (et même s’il ne l’avait pas fait!) notre position ne peut-être autiste. Elle est résolument adaptée aux événements, joyeux ou douloureux, qui ponctuent la vie de l’Eglise. Elle ne se conforme pas au mal mais ne peut l’ignorer. Comme la charité "elle ne prend pas plaisir à l’injustice mais elle se réjouit de la vérité". Pas plus qu’on ne lui fera avaler l’immangeable, pas davantage nous tairons les évolutions magnifiques et inespérées de ces dernières années. Vous me direz qu’il n’y a rien là d’extraordinaire et que c’est l’expression du bon-sens. Oui, certes, mais certainement pas le mieux répandu du monde! Les idéologies sont encore bien vivaces, hélas. A gauche comme à droite. On peut toujours rêver les yeux ouverts que la crise que traverse l’Eglise est finie (allons-donc, ça se saurait) ou qu’elle ne soit pas soluble et partant qu’il n’y a rien à faire qu’à rester chez soi, bien enfermé. Nous tenons le chemin de crête entre ces deux gouffres et ceux qui veulent nous faire chuter, à droite comme à gauche, perdent leur temps. L’I.B.P. c’est tout sauf la politique de l’autruche : lucidité et hardiesse.
Vous voyez combien nous sommes différents!
--
Abbé Philippe Laguérie
mercredi 27 mai 2009
"... dans la charité du Christ..."
Avez-vous remarqué que certains termes servent, en plus de leur signification réelle, éventuellement fort belle... qu'ils servent à enfumer l'interlocuteur? Exemples:
- "négocier": terme valorisant pour le souscripteur d'un prêt bancaire. On dit "j'ai négocié avec mon banquier un prêt à 14,87%" au lieu de "l'employé a regardé son écran, c'était 14,87% comme ailleurs, j'ai signé". -- Autre version: "j'ai négocié le virage" au lieu de "j'ai tourné le volant parce que je n'avais pas le choix".
- "multimédia": (terme des années 90) réduction à une seul média (l'ordinateur) de toutes les activités humaines: travail, courses, drague, divertissement, militantisme, etc.
- "télé réalité": mise en scène irréelle de personnages surréels avec comme résultat des situations très très éloignées du métro-boulot-marmot-dodo des telespectateurs.
- "mort des idéologies": rengaine des années 1990 dans le monde médiatico-intellectuel issu de 1968. Plus facile à dire que "je n'y crois plus" ou "qu'est-ce qu'on a été cons!"
- "investissement": moins douloureux que dépense. "J'ai investi dans un nouvel ordinateur pour aller sur le Web2.0"
- "développement durable": expression qui suggère que le développement des activités économiques accompagne la préservation de l'environnement. L'expression s'entend moins par temps de crise - elle n'est pas durable.
- "conseiller financier": nouveau nom des vendeurs de produits financiers. Verra-t-on un jour des 'conseillers en lessive'?
Quel rapport avec l'objet de ce blog me direz-vous, et avec le titre de ce message? j'y arrive.
- "dans la charité du Christ et l'unité de Son Eglise": formule finale de la réponse d'un curé d'Ile de France qui indique que 'les conditions d'application' du motu proprio ne lui semblent pas réunies. Malgré le grand nombre de demandeurs, qui souhaitent une messe '1962', malgré leur implication dans la paroisse, malgré la stabilité du groupe, malgré des créneaux horaires libres, et malgré l'intérêt pour cette forme du rite d'un des prêtres de la paroisse.
Après la conférence...
Il faut aimer la lettre de l'Évangile et faire saillir les richesses de sens qui s'y trouvent cachées. Il faut veiller, avec un soin jaloux, à la scientificité, à l'exactitude de cette lecture, non par littéralisme ou par fondamentalisme, mais parce que le sens spirituel est décidément trop flou pour nous renseigner sur ce que Dieu nous demande vraiment et sur "ces choses cachées depuis la fondation du monde" qu'il nous fait découvrir dans la lettre du texte biblique.
Il y a un paradoxe à le dire mais allons-y gaiment : j'ai toujours préféré le Père Lagrange, de l'Ecole biblique de Jérusalem, à saint Augustin et au concert patristique... comme exégète. Saint Augustin est un éloquent maître théologien, mais la signification symbolique qu'il donne au 153 poissons de la deuxième pêche miraculeuse, au terme d'une savante arithmétique, ne m'a jamais vraiment intéressé. Le Père Lagrange s'est trompé parfois, mais sa lecture exigeante du texte sacré a toujours augmenté ma foi, en me donnant le bonheur de comprendre quelque chose du texte que je n'avais pas saisi par moi même.
dimanche 24 mai 2009
La vache qui sourit
"Qui a peur des origines chrétiennes?" - Sylvie Chabert d'Hyeres au Centre St Paul
Sylvie Chabert d'Hyeres a récemment publié L'Evangile selon Luc et les Actes des Apôtres selon le Codex Bezae Cantabrigiensis aux Éditions de l'Harmattan. Elle dédicacera son ouvrage. Un verre de l'amitié prolongera cetrte discussion.
Participation aux frais: 5€
samedi 23 mai 2009
vendredi 22 mai 2009
[la-croix.com] "Axel Kahn, un surdoué à l’université"
"Le généticien, devenu président de l’université Paris V René-Descartes, a pris une dimension intellectuelle qui excède largement le seul domaine des sciences [...]".
"Chacun de ses engagements successifs, Axel Kahn les a ainsi vécus pleinement. Engagement religieux d’abord. Enfant, ce fils d’une catholique pratiquante et d’un philosophe humaniste, fervent croyant, fait siens les préceptes de l’Église et accomplit toutes les étapes du parcours du croyant : baptême, catéchisme, communions, promesse scoute sur le chemin de croix de Lourdes, enfant de chœur… «J’avais une foi profonde. J’étais très pratiquant. Je voulais être prêtre.» Mais un changement de liturgie va avoir raison de cette belle résolution. Axel a 15 ans quand la messe passe du latin au français. «Je me suis aperçu que je ne croyais pas un mot de ce que j’ânonnais jusqu’alors sans comprendre… J’en ai conclu que j’avais perdu la foi.»"Bigre.
jeudi 21 mai 2009
Mise au point sur l'IBP
Le mot "intestin", employé comme adjectif, a pourtant un sens très précis : "ce qui a lieu à l'intérieur d'un corps social". Le corps social que forme l'Institut du Bon Pasteur, avec son supérieur, ses statuts et ses implantations est aujourd'hui parfaitement uni, malgré les oiseaux de mauvais augure qui depuis le début de cette aventure, en 2006, s'acharnent, ignorant le démenti constant des faits, à prétendre le contraire. Notre Institut a d'autant plus de mérite à vivre cette unité que la situation qui lui est faite dans les structures diocésaines, n'est pas facile, ce n'est un secret pour personne. Eh bien ! Les prêtres travaillent, chacun à son poste, je puis en témoigner. Les séminaristes se sanctifient, avec une force, une allégresse, qui ne peut venir que de Dieu, je puis en témoigner rentrant de Rome. L'Esprit saint s'est fait comme tangible durant la dernière retraite...
D'où viennent les dissensions puisque c'est là la vraie question que ne pose pas Ennemond. Cher Ennemond, les dissensions viennent... de chez vous et pas de chez nous.
Un très petit nombre de fidèles "amis" (une dizaine sur Paris tout au plus) ont rêvé que l'Institut du Bon Pasteur serait la Fraternité Saint Pie X bis. Pourtant rien dans ses statuts particulièrement audacieux (je pense à la question de la Formation des prêtres, je pense aussi à la spiritualité très neuve qui s'en dégage, je pense aux charismes particuliers que ses statuts portent et porteront en formant des prêtres qui n'ont pas froid aux yeux), rien dans son décret d'érection (où l'on nous demande, vis-à-vis de Vatican II cette herméneutique de continuité que le pape Benoît XVI a définie et que le site Disputationes theologicae vient de reprendre clairement sous la plume de l'abbé Héry), rien ne destine l'Institut du Bon Pasteur à être le clone d'une œuvre qui a illustré le passé récent de notre Eglise, mais qui démontre aujourd'hui, hélas un peu plus chaque jour, son incapacité à s'adapter à la situation nouvelle dans l'Eglise.
Aujourd'hui, c'est vrai, ces gens qui ont fait ce mauvais calcul sont en rage. Et, sans doute plus courageuse et moins élégante que d'autres, Armavir, paroissienne régulière de Saint Nicolas du Chardonnet, éructe tout ce qu'elle peut. Elle met en cause, pêle mêle, tout ce que les habitués de ce Blog ont pu y lire sans se choquer ou s'indigner, l'Ennéagramme, la chasteté, l'intellectualisme de la religion (qui fait que ma "terminologie" ressemblerait à celle de Hans Küng, que je n'ai jamais lu et elle non plus). Il y a un mois, quelques uns d'entre eux ont fait courir le bruit que je donnais la communion dans la main. Ben voyons ! L'"indic", mal renseignée, est d'ailleurs une autre paroissienne de Saint Nicolas du Chardonnet. Ah oui, j'oubliais, pour faire bonne mesure, on m'accuse aussi de piquer dans la caisse : quand on veut tuer son chien...
Mais le vrai problème de ces gens du dehors n'est pas dans cet inventaire à la Prévert de mes tares putatives. Depuis le début, cette petite clique milite, contre nos statuts, leur lettre et leur esprit, pour que l'IBP adopte dans sa pratique la thèse extrémiste, en vigueur à Ecône, selon laquelle la messe dite de Paul VI n'est pas une messe catholique. Ils entendent ne reconnaître aucune légitimité au Novus Ordo. Mais comme leur position n'est pas avouable, comme leur thèse est complètement décalée par rapport aux réalités ecclésiales élémentaires, ils préfèrent vous entretenir de la nocivité de l'Ennéagramme.
Conclure ! Il le faut : querelle il y a. Mais elle n'est pas intestine, les prêtres de l'IBP étant tenu à l'unité par leurs statuts. Elle oppose des laïcs, nostalgiques de la FSSPX et ceux qui, comme moi, l'ont quittée et savent pourquoi. (Je signale à toutes fins utiles que je n'ai pas été viré de la FSSPX, mais que j'en suis parti, en fondant le Centre Saint Paul, parce que l'évolution psychologique des supérieurs me semblait nous mettre tous dans l'impasse. La solidarité que j'ai manifestée à l'abbé Laguérie n'a fait qu'accélérer les choses).
Les fondateurs de l'IBP savaient parfaitement où ils allaient en créant cet Institut. Tant pis si quelques nostalgiques, ne l'ayant pas compris, répandent leur fiel et utilisent l'intrigue comme toutes les Minorités, en se servant par exemple du Forum catholique, ainsi qu'on vient de le voir dans la brillante polémique d'Armavir.
Si certains lecteurs se reconnaissent dans ces nostalgiques, qu'ils n'hésitent pas à poster leur commentaire. Mieux vaut discuter, et à ciel ouvert, qu'intriguer dans l'obscurité.
mercredi 20 mai 2009
TradSearch
mardi 19 mai 2009
Quid ergo erit nobis ?
"Nous qui avons tout quitté et qui vous avons suivi, qu'est-ce qui sera pour nous ? quid ergo erit nobis ?" La présence effective de Dieu aux côtés de son ministre.
Quand on y réfléchit, une vocation, c'est cela : la volonté de tout donner pour que nous reste TOUT, pour que nous reste Dieu. Admirable échange. Tu donnes à Dieu tes soucis, tes raisonnements, tes ambitions et tes désirs, et c'est de lui que tu reçois toute satisfaction.
Le célibat des prêtres n'a pas d'autre sens que cette logique du don. Sans le célibat, un prêtre, ne connaissant pas de la même façon le vertige du don total, risque fort de n'être qu'un fonctionnaire de Dieu, selon la formule heureuse d'un certain Eugen Drewermann.
Pour prendre une image très contemporaine, on ne peut pas vivre cette aventure chrétienne qu'est le sacerdoce aujourd'hui, si l'on n'a pas d'abord investi tout ce que l'on possédait. C'est l'histoire de la perle cachée dans un champ. Celui qui a compris que la perle était cachée, celui qui a entrevu la perle cachée est capable de tout vendre pour acheter ce champ.
Un serviteur du Christ, ce n'est pas un docteur en Israël, un savant ou un fonctionnaire efficace. Un serviteur du Christ, c'est quelqu'un qui s'est endetté pour acheter ce champ et qui doit y travailler nuit et jour pour retrouver la perle cachée.
Merci à Antoine, Jean-Vincent et quelques autres pour leurs contributions passionnantes autour de Vatican II, pour caractériser ce que j'ai appelé sa "religion". Je crois qu'il faudra que nous publiions tout cela sur papier. Alors que la maquette du premier numéro de notre nouvelle revue Respublica christiana, enfin achevée, me parvient à Rome par la magie d'Internet, il me semble que nous pourrions publier sur papier dans le numéro 2, à paraître en octobre, les pièces importantes de ce débat sur lequel je me réserve de revenir très bientôt.
Yves-Marie ADELINE ce soir au Centre St Paul: «Existe-t-il un mode oriental de pensée?»
« Existe-t-il un mode oriental de pensée ? »
Orient et Occident : Deux paradigmes dans l’histoire de la philosophie »
par Yves-Marie ADELINE
dimanche 17 mai 2009
Que dois-je en penser?
Je pense que… pourquoi pas au fond ? j’ai été pris à témoin il y a quelques temps par un survivantiste. Photos à l’appui il voulait me convaincre qu’il y a deux Paul VI. Un sosie aurait pris la place du vrai pour promulguer le nouveau missel. Paul VI n°1 serait toujours vivant, séquestré dans les caves du Vatican (clin d’œil au clin d’œil de Gide ?). Il aurait 110 ans mais «à Dieu rien d’impossible» me disait le survivantiste. Qui irait contre pareil argument ? CQDF.
Des histoires comme ça on pourrait en faire un catalogue. Le cardinal Siri a été élu pape en secret… Jean Paul I a été assassiné… rue du Bac, la Vierge en personne recommande que l’on aille à la messe «chez les lefebvristes»… la signature de Paul VI ressemble très approximativement au nombre 666 une fois retournée… Le processus est chaque fois le même: on emboîte trois citations, on juxtapose deux images, on prend un petit morceau de rien du tout et on en tire des conclusions stupides. Petits bouts de la lorgnette bienvenus ! Prime à la bizarrerie! Plus c’est anecdotique, plus c’est secondaire, plus c’est aberrant, et mieux ça marche. Le Christ a dit que les portes de l’Enfer ne prévaudraient pas? peu importe puisque nous avons Mélanie qui à la Salette entend le contraire.
Revenons à notre intervenant du FC qui se demande que penser de ces deux Lucies. Pour ma part je pense pouvoir dire sans trop insulter la théologie que quand c’est idiot ce n’est pas catholique. Et plus généralement: quand des chrétiens qui ont en main des cartes extraordinaires (les sacrements, le Credo, l’Evangile, 2000 ans de théologie, d’art et de philosophie) se mettent à s’occuper de telles sornettes, c’est le signe que la crise de l’Eglise n’épargne personne.
Il faudra que je pose la question à l’abbé. Mais?! on me fait remarquer qu’il a sur son nom les trois points fatidiques! Que dois-je en penser?
L’abbé de Tanoüarn invité d'Arnaud Guyot-Jeannin
samedi 16 mai 2009
Laon ? Quelle drôle d'idée...
Cette petite confusion n'a pas empêché les amis de venir nombreux (nous étions 70), d'abord à Notre Dame de Liesse, très beau lieu de pèlerinage à 15 km de Laon, avec une Vierge noire et une belle histoire qui fait de ce site un haut lieu du dialogue interreligieux tel qu'on l'aime... Je vous laisse la découvrir, tout l'heure je l'ai lue à notre assemblée, l'histoire de la belle musulmane convertie par trois chevaliers francs (l'histoire est tellement jolie qu'elle reste en l'air et ne dit pas lequel des trois aura su s'attirer les faveurs de la belle, pour couronner cette démarche spirituelle par un mariage). Trois enfants faisaient aussi, dans ce cadre prestigieux, leur communion solennelle. Deux la feront dimanche, à Paris. Ce ne sont pas des effectifs faramineux, je vous l'accorde, mais c'est ça aussi le Centre Saint Paul : une pastorale à la carte. J'ai toujours pensé que la liberté des enfants de Dieu n'était pas seulement un mot, pas non plus un droit subjectif, mais en tout cas un devoir ou une tâche.
Joli sermon de l'abbé Baumann sur la nécessité de vivre à contre courant. Bon à prendre pour les adultes. Mémorable pour les enfants.
La suite ? Eh bien, c'est le rocher de Laon, sa gastronomie simple mais efficace (vive la tarte au maroilles) et surtout bien sûr la splendeur de sa cathédrale et la beauté de l'abbatiale Saint Martin. J'avais en tête une récente visite à Soissons, la verticalité et la lumière de cette cathédrale, la nudité si altière de ce grand vaisseau gothique. la cathédrale de Laon, plus ancienne, moins exclusivement gothique, un peu moins haute, a une âme qui n'appartient qu'à elle. L'abbatiale Saint Martin, romane à l'origine, gothique finalement mais toute enromanée, possède une vraie chaleur.
J'en parlais à Patrick, un vieil ami, surgi de nulle part ce matin là pour nous accompagner à Laon. Il me répond par un éloge à la fois vibrant et original de l'art roman, qu'il présente comme "l'art humain", par rapport au gothique, trop vertical, trop lumineux qui essaie d'être divin et d'une certaine façon nous fatigue. Nous fatigue le cou par exemple. J'ai trouvé la remarque bien envoyée. Je vous en fait profiter. Ce serait la supériorité de Vézelay sur Laon. Alors que ces deux rochers sont comme deux montagnes saintes qui portent à la méditation, disons que la méditation champenoise est peut-être trop lumineuse pour notre acuité visuelle, elle nous laisse sur la nostalgie de ce que nous ne pouvons pas faire. Quant à La Madeleine de Vézelay, elle est haute, mais tellement proche avec ses jeux de couleurs sur les pierre. Elle figure l'élévation vers Dieu mais de façon humaine...
Pour ne pas être injuste avec Laon et parce que ce soir j'emporte encore les images de tout ce que nous avons admiré, disons que Laon, encore toute enromanée, m'a paru la plus humaine des cathédrale gothique. Exemple ? C'est la seule à voir deux de ses cinq tours ornées de quatre boeufs qui projettent fièrement leurs cornes vers le ciel. Souvenir d'un miracle auquel sont associées nos amis les bêtes.
Autre exemple ? C'est la seule dans le Bassin parisien où les cathédrales gothiques sont si nombreuses à posséder, parmi ces cinq tours, une magnifique tour lanterne, à la normande. Vous ne savez pas ce que c'est ? Faites un tour à Laon, ça vaut la peine.
vendredi 15 mai 2009
[Paix Liturgique] En 2010, un quart des séminaristes français seront de "Forme Extraordinaire"
La chute vertigineuse du nombre des séminaristes est, en France, un des aspects les plus angoissants de la crise religieuse. A la fin du Concile, en 1966-1967, ils étaient 4 536. Aujourd’hui, en 2008-2009, ils sont environ 740, soit une chute de plus de 80%.
Pour être plus précis, ils étaient : en 1966: 4 536 ; en 1975: 1 297 ; en 1977: 1 151 ; en 1996: 1 103 ; en 2000: 976 ; en 2005: 784 ; en 2006: 764 ; en 2007: 756. Les rentrées qui étaient de 900 en 1966, sont tombées à 200 dans les années de l’après-Concile et de la réforme liturgique, pour amorcer une petite remontée dans les années 80 (234 en 1990) et retomber régulièrement ensuite (133 en 2007). Le nombre des séminaristes parisiens qui était remonté à 100 dans les années 80, dépasse à peine 50 aujourd’hui, de même que le nombre des séminaristes du plus prestigieux des séminaires de France, celui d’Issy-les-Moulineaux – étant précisé que les séminaristes issus de la Communauté de l’Emmanuel résistent à l’érosion, à la manière d’une « valeur refuge », et constituent par exemple une part importante des séminaristes formés à Paris.
Pendant le même temps, est née une autre catégorie de séminaristes, destinés à devenir des prêtres célébrant la messe traditionnelle, essentiellement dans un premier temps, pour la Fraternité Saint-Pie-X. Les chiffres des années antérieures à 1980 ne sont pas connus. En revanche, de 1980 à 1988, en vertu d’un « effet Jean-Paul II », les rentrées dans les séminaires de la Fraternité Saint-Pie-X ont connu une baisse sensible, alors que les séminaires classiques, tels ceux d’Ars, Paris, Aix-en-Provence, étaient en croissance, sans pour autant enrayer une inexorable baisse globale. Puis, à l’époque du motu proprio de 1988, alors que se créaient des séminaires tridentins officiels, les rentrées dans les séminaires classiques ont commencé à baisser (Ars : 20 en 2007-2008 ; Aix : 9), cependant que les rentrées enregistrées dans les séminaires de la Fraternité Saint-Pie-X restaient stables. Puis, le motu proprio de 2007, avant même sa parution, produisit un nouvel effet de croissance des vocations vers l’ensemble des séminaires de rite tridentin (160 en 2007-2008 ; environ le même chiffre en 2008-2009, non compris, il va de soi, les novices des instituts religieux), le séminaire diocésain de Toulon qui accueille des séminaristes pour la forme extraordinaire bénéficiant de ce mouvement. Pendant ce temps, les autres séminaires sont tombés au plus bas étage jamais atteint (Paris : 63 en 2007-2008 ; Lyon : 19 ; Toulouse : 9 ; Agen, Pamiers, Belfort, etc. : 0) Tous les instituts Ecclesia Dei (reconnus par Rome), mais aussi la Fraternité Saint-Pie-X, prévoient une rentrée extrêmement importante l’année prochaine.
En 2008-2009, il y a, à quelques unités près, 740 séminaristes diocésains en France pour la forme ordinaire et 160 pour la forme extraordinaire (dont 40 environ pour la Fraternité Saint-Pie-X). Certaines corrections doivent être faites dans l’une et l’autre catégories : en ce qui concerne les séminaires diocésains, la première année, dite de propédeutique, n’est pas comptée, alors qu’elle est comprise dans les chiffres des séminaires pour la forme extraordinaire ; mais les séminaristes formés dans les séminaires diocésains de France ne sont pas toujours français (par exemple, les séminaristes asiatiques formés à Ars), et un nombre non négligeable des séminaristes du diocèse de Toulon – une quinzaine sur cinquante – sont destinés à la célébration de la forme extraordinaire. Par ailleurs, de nombreux séminaristes diocésains ne cachent pas leur sympathie pour la forme extraordinaire du rite romain et disent vouloir appliquer demain dans leurs futures paroisses le Motu Proprio de Benoît XVI.
S’il est difficile de quantifier ces séminaristes qui entretiennent des relations étroites avec les communautés Ecclesia Dei et qui apprennent à célébrer la messe traditionnelle, il n’en demeure pas moins que l’émergence de ce nouveau clergé va considérablement amplifier la tendance. En d’autres termes, quasiment un séminariste français sur quatre (et même un peu plus pour les raisons ci-dessus évoquées) est aujourd’hui destiné à la célébration de la forme extraordinaire.
Un séminariste français sur quatre formé pour la forme extraordinaire… tandis que le nombre de lieux de culte où est célébrée la forme extraordinaire de la messe ne représente quant à lui même pas 1 % des paroisses… Cette proportion déjà significative de un sur quatre n’est donc pas arrivée à son paroxysme et reste en pleine croissance. Dès lors que l’immense majorité des jeunes ne connaît pas cette forme liturgique faute d’y avoir accès dans leur paroisse, la comparaison reste relative. Plus la messe traditionnelle sera célébrée, plus les jeunes la connaîtront et par suite seront dans la possibilité de choisir. Il sera très intéressant de suivre cette évolution les prochaines années. Paix liturgique y reviendra.
jeudi 14 mai 2009
Elliptique, je suis parfois, mea culpa,
J'ai parlé d'anthropologie, de religion (même si le mot fait peur à Antoine), de comportement, bref j'ai cherché à donner un nom à une sorte d'existential, comme dirait le Père Rahner. J'ai indiqué le niveau où, me semble-t-il, se trouvait la différence entre conciliaires et abstinants du concile. Mais je me suis moi même abstenu, malgré tous ces noms impressionnants mis en batterie, de définir clairement ce qu'ils recouvraient. Là est l'ellipse. Elle est de taille.
Avec beaucoup de finesse, cher Antoine, vous portez la question plus loin que je ne l'ai menée et vous expliquez que le niveau auquel le Concile veut nous conduire est celui du chrétien adulte, mature dans sa foi, qui a moins besoin d'autorité et qui cherche plus d'intelligence de la foi. J'espère que je ne déforme pas votre propos. Je reconnais là quelque chose de la philosophie vraiment prophétique du Père Laberthonnière, sur laquelle je travaille en ce moment avec passion... dans les interstices...
Laurent, lui, me rappelle que j'ai bel et bien déformé ("à votre habitude" ajoutera-t-il sûrement) la conversation que nous avons eue dimanche midi. Il avait évoqué, en réalité, non l'infantilisme et la naïveté, mais l'infantilisme et l'impudeur. Le mot est fort. Je connais telle de mes contradictrices "irréprochable" qui risque de partir au quart de tour, mais je la rassure tout de suite : cette impudeur qu'évoquait Laurent n'a rien à voir avec les nuits parisiennes ! Il s'agit d'une impudeur toute spirituelle, et qui n'en est d'ailleurs que plus pénible.
Infantilisme : nous sommes loin de la "maturation" visée par Antoine. Impudeur : je crois que nous nous en rapprochons. Impudique spirituel, Laurent, est celui qui croit que tout s'explique (voyez que je ne vous oublie pas, même si vous me donnez, en off, un sacré fil à retordre : j'y réfléchis !). Impudique spirituel est celui qui, cherchant à connaître "le secret du roi" (Tobie) voudrait que tout soit clair, simple, exprimable. Allez disons le mot : que tout soit intelligible. Rationnel.
Comme si la foi, cher Anonyme dont la remarque d'une ligne demanderait dix pages de réponse, était uniquement de cet ordre, extrinsèque, claire et distincte, cartésienne, adulte, rationnelle. Antoine dirait : conciliaire. Non la foi est aussi une vérité que nous portons obscurément au fond de nous même et que nous ne pouvons découvrir tout entière, d'abord parce qu'elle est divine, mais aussi parce qu'elle travaille en nous, à nous changer selon la parole du Christ à saint Pierre, qui vaut mutatis mutandis pour tout chrétien : Un autre te ceindra et te mènera où tu ne veux pas aller. En tout cas : Un autre te mènera où tu ne sais pas...
Je vous remercie tous et chacun, et voilà que je ne dispose pas du temps nécessaire pour vous répondre aujourd'hui sur le problème qu'Antoine a posé. Il faudra bien situer le niveau anthropologique de la différence entre pratiquants et abstinents du Concile.
J'aurais aimé parler aussi un peu plus de l'impudeur, comme obstacle au tradismatisme ecclésial et de la pudeur comme caractérisant la religion traditionnelle. Ce mot d'impudeur - au sens spirituel du terme - me semble décidément plein de ressources, plein de sens. Le rationalisme (ce besoin de tout exposer, de tout comprendre) est-il la forme religieuse de l'impudeur ? La religion passe-t-elle toujours par une ontologie du secret ? Qu'en pensez-vous ?
C'est quoi le problème ?
Tout à l'heure j'en discutais avec un prêtre qui multiplie les contacts avec les diocèses et qui me dit : finalement le problème entre eux et nous n'est pas doctrinal, il est anthropologique, c'est-à-dire plus radical, plus profond encore qu'il n'y paraît. Cet ami ne dit pas souvent des gros mots comme "anthropologique". S'il l'a prononcé cette fois, c'est parce qu'il l'a cherché et qu'il l'a trouvé. Le différend n'est pas doctrinal, il concerne l'homme lui-même.
Dimanche midi, c'est un journaliste ami qui me propose le même genre de remarque, même si les termes employés sont différents. Il me dit, ayant une longue pratique de tous les milieux cathos imaginables : on considère souvent qu'il y a deux domaines dans lesquels l'opposition existe entre les traditionalistes et les autres : le domaine théologique et le domaine liturgique. En réalité, il y en a un troisième qui est plus important que les deux autres, c'est une certaine attitude. J'ai fait l'étonné pour qu'il développe sa pensée, qui me paraissait tout à fait perspicace et passionnante sur ce point : - Qu'est-ce que vous entendez par là ? Et il me répond : - Deux choses : une sorte de naïveté et un infantilisme, que l'on ne trouve pas chez les tradis et qui est fréquent chez les charismatiques. Cruel, mais...
Le rapprochement entre le prêtre et le journaliste me paraît s'imposer : le problème est bien "anthropologique", comportemental. Un problème d'attitude en définitive.
Et je me suis souvenu de la distinction que je proposais déjà dans Vatican II et l'Evangile, entre foi et religion. Le Concile n'introduit aucun changement dans le dogme de la foi (et pour cause : il se veut pastoral, comme l'explique l'abbé Héry ci-dessus), mais il invente une religion nouvelle, c'est-à-dire une nouvelle relation entre l'homme et Dieu (et par contrecoup un nouveau relationnel des hommes entre eux), religion, relation marquée par l'optimisme impénitent qui avait cours durant les 30 Glorieuses et qui s'est volatilisé aujourd'hui. La vraie question conciliaire n'est pas celle de la foi, mais celle de la religion : que devient le péché ? qu'en est-il des fins dernières (enfer purgatoire et paradis) ? Ou même : qu'est-ce que la foi, l'adhésion à des dogmes ou plutôt l'élaboration d'un projet de vie libre et libérateur ?
La réforme de la vie religieuse dans l'Eglise a véritablement commencé de manière officielle avec la publication de la dernière encyclique de Jean Paul II Ecclesia de eucharistia, qui insiste sur l'adoration, sur le sacré, bref sur des valeurs religieuses qui n'avaient plus vraiment cours dans des parties importantes de l'Eglise. Les documents qui ont suivi ont confirmé cette tendance, en particulier Redemptionis sacramentum de benoît XVI, qui comme son nom l'indique rappelle l'importance de la dimension sacrificielle de la messe.
Si elle en reste à des discussions purement théologiques, la FSSPX finira par tomber d'accord avec le Père Morerod et les théologiens du Vatican qui leur seront opposés. Voulez vous un avant goût de cet accord ? Voyez l'interview de Mgr Fellay dans le Nouvelliste du Valais, où le chef incontesté de la Fraternité saint Pie X accepte de considérer que l'Etat neutre est l'arbitre de la vie politique, dans le cas où la société est traversée par de grandes diversités religieuses.
L'essentiel n'est pas là. Mais peut-on parler de l'essentiel ? La destinée éternelle de l'homme, sa relation à Dieu, les signes qu'il utilise pour manifester sa relation personnelle avec Dieu et surtout l'appel que Dieu lance à chacun, voilà bien me semble-t-il ce qui est en question, ultimement. Aujourd'hui comme au temps des jansénistes, des jésuites et des quiétistes. Le diagnostic est plus crucial encore, car c'est la survie de la foi qui est en cause dans ces formes religieuses, que l'on tente vaille que vaille de réimporter aujourd'hui.
En tout cas, il y a urgence : "Lorsque le Fils de l'homme reviendra sur la terre, retrouvera-t-il la foi ?"
mercredi 13 mai 2009
[abbé Héry / Disputationes theologicae] "La Tradition n’est ni au-dessus, ni au-dessous du Magistère"
Monsieur l’Abbé Christophe Héry, vous avez été en 2006 l’un des protagonistes principaux de l’érection de l’institut du Bon Pasteur, lequel nous intéresse particulièrement pour sa position théologique, tout à fait singulière. Voudriez vous nous en parler d’une façon accessible et précise à la fois ?
Dès sa création à Rome le 8 septembre 2006 comme Institut de droit pontifical, le Bon Pasteur est placé sous les projecteurs en raison de son rite liturgique exclusivement traditionnel. Mais c’est surtout sa position théologique qui interpelle, par rapport au Concile Vatican II. Certains réclament que soit donné au concile « un assentiment sans équivoque». Or il n’y a pas d’équivoque dans notre position. Il s’agit d’une mission de veille théologique. Elle s’inscrit dans la clarté de la pensée du pape. Face au faux «esprit du Concile» qu’il a nommément rejeté le 22 décembre 2005 devant la Curie comme cause de «ruptures», «dans de vastes parties de l’Église , Benoît XVI affirme que le temps est venu de soumettre le texte de Vatican II à une relecture pour en donner une interprétation authentique, encore à venir.Comment une telle «critique constructive» du Concile est-elle possible, puisque Vatican II est un acte du magistère authentique, en pratique intouchable ?
Dans cette perspective, nous sommes invités par nos engagements fondateurs (signés le jour de notre fondation), à participer de façon constructive à un travail critique. Le débat fondamental, étouffé depuis quarante ans, s’ouvre enfin au sein de l’Église sans esprit de système ni de revanche, sur les points de discontinuité doctrinale posés par le concile Vatican II, sujets à caution.
Le concile est certes un acte du magistère authentique. Mais il n’est pas intouchable, puisque la «réception authentique» du Concile, selon le Saint Père, n’a pas encore eu lieu, ou n’est pas satisfaisante ; c’est donc qu’il est retouchable, via le processus d’interprétation. Il y a un espace de liberté laissé à la controverse théologique sur le texte du magistère conciliaire, restant sauve la Tradition dogmatique et apostolique…N’est-ce pas mettre la Tradition au-dessus du magistère?
La Tradition n’est ni au-dessus, ni au-dessous du Magistère. Dans ce même discours du 25/12/2005, notre pape a fustigé «l’herméneutique de discontinuité», qui oppose le magistère conciliaire à la Tradition. En effet, le magistère authentique ne dispose jamais de la Tradition à sa guise et n’est pas au-dessus d’elle : lorsqu’il statue de manière infaillible, il est ce que j’appelle la Tradition «en acte». Lorsqu’il ne statue pas de manière infaillible, comme la majeure partie de Vatican II, le magistère (même authentique) doit être interprété et reçu, sans rupture avec la Tradition, donc à la lumière de celle-ci.Pouvez-vous préciser en quoi la réception d’un concile permet d’en faire la critique constructive?
Quel sera pour vous le critère de ce tri et de cette interprétation ?Le problème posé par Vatican II est qu’il ne ressemble en rien aux précédents conciles. Ceux-ci présentaient des enseignements, des définitions du dogme, des condamnations d’erreurs opposées, qui obligeaient la foi. A l’inverse, renonçant par principe pastoral à toute prétention dogmatique (hormis la reprise de quelques points antérieurement définis par le magistère solennel), Vatican II ne s’impose pas à l’Eglise comme objet d’obéissance absolue pour la foi (cf Canon 749), mais comme objet de «réception».
Or la réception induit un processus d’interprétation. Pour un tel corpus de textes, celle-ci demande du travail, et surtout du temps. Le cardinal Jean-Pierre Ricard à Lourdes, le 4 novembre 2006, a précisé : « le Concile est encore à recevoir » (c’est-à-dire à réinterpréter). Et il a indiqué la direction à suivre : s’appliquer à « une relecture paisible de notre réception du Concile» et non pas «une lecture idéologique», notamment pour «en repérer les points qui méritent encore d’être pris en compte.» Ce qui signifie une vaste opération de mise en questions (au sens scolastique) ; d’éclaircissement (au sens de tri) entre ce qui vaut d’être gardé et ce qui ne le vaut pas ; et de plus, une interprétation correcte de ce qui peut ou doit être gardé.
Le crible à employer est évidemment, non pas la philosophie du jour, mais la cohérence, la compatibilité ou la continuité du magistère avec la Tradition. La Tradition en acte (foi et sacrements) inclut l’enseignement solennel des conciles antérieurs et des papes. Elle constitue, aujourd’hui comme hier, le lien essentiel et actif de la communion entre catholiques. Restant sauve l’autorité romaine - et la possibilité pour la théologie de progresser de façon critique en cherchant des réponses aux problèmes nouveaux, qui ne se posaient pas, par exemple, à Vatican I.Voulez-vous dire que Vatican II fournit une chance de réflexion critique et d’approfondissement pour l’Eglise ?
Il est indéniable que Vatican II pose à l’Église les questions essentielles de la modernité : la conscience, la liberté religieuse, la vérité, la raison et la foi, l’unité naturelle ou surnaturelle du genre humain, la violence et le dialogue avec les cultures, la grâce et l’attente des humains, etc. On ne peut aujourd’hui se contenter des réponses d’hier qui doivent prendre en compte les nouvelles problématiques. Mais le Concile date de 1965 et il n’est plus aujourd’hui un discours clôt sur lui-même. Nous le reconnaissons pour ce qu’il est : un concile œcuménique relevant du magistère authentique, mais non infaillible en tout point et, en raison même de ses nouveautés, en butte à certaines difficultés dans sa continuité avec l’Évangile et la Tradition.Est-ce le sens de la formule d’engagement que vous avez signée au jour de la fondation de votre institut : «À propos de certains points enseignés par le concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui nous paraissent difficilement conciliable avec la Tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique en évitant toute polémique. Cette attitude d’études veut participer, par une critique sérieuse et constructive, à la préparation d’une interprétation authentique de la part du Saint Siège de ces points de l’enseignement de Vatican II» ?
En effet, nous avons obtenu cette liberté de contribuer, à notre place, d’abord par des études et des publications internes à l’Institut, à ce travail titanesque de pointage des textes et des théories qui font difficulté depuis 40 ans, concernant non seulement le concile mais aussi les réformes liturgiques (ou autres) qui l’ont suivi. Nous préparons des études sur la liturgie, et sur des points litigieux classiques du Concile. La mise en place de sessions de travail et d’échange avec d’autres interlocuteurs reste à venir.La Fraternité Saint Pie X pourrait-elle aussi avoir un rôle semblable au votre dans ce travail de proposition vis à vis du Pape, qui reste toujours l’unique sujet du suprême pouvoir magistériel ?
Bien sûr ! Depuis la levée de l’excommunication des 4 évêques de la FSSPX, on imagine que les discussions doctrinales, jusqu’ici secrètes et informelles, vont pouvoir s’organiser avec l’aval du saint Père, et permettre aux interlocuteurs de faire valoir et d’échanger les arguments théologiques qui nourrissent la critique traditionaliste.Même dans une perspective de «continuité», les approches herméneutiques font l’objet de positions variées. Quelle méthode de travail adopter ?
En effet, l’herméneutique fait elle-même l’objet d’un débat préalable. Un tel travail supposerait d’abord de définir la méthode et les principes herméneutiques. S’agit-il de sauver le texte à la lettre coûte que coûte, comme un bloc infaillible, sacré et inspiré jusqu’au iota, à l’image de la Bible ? Un tel postulat pourrait mener à une forme de fondamentalisme conciliaire, ruineux pour l’Eglise. S’agit-il plutôt de retrouver l’esprit du texte, par delà la lettre ? Mais le Saint Père lui-même a écarté la revendication incantatoire de cet «esprit du Concile», indéfinissable et cause de tant de «ruptures» (pratiques, doctrinales ou liturgiques) au sein de l’Eglise. S’agit-il alors de retrouver l’intention des pères conciliaires, rédacteurs du texte ? Là se pose une sérieuse difficulté pratique : le texte de Vatican II est un patchwork, le résultat d’un compromis au sein d’une assemblée, entre plusieurs groupes de travail souvent opposés, ayant chacun tiré à soi le sens, d’une phrase à l’autre… Resterait à retrouver l’intention de Paul VI ? Ou bien celle de l’Eglise ? Mais l’intention de l’Eglise ne peut être que traditionnelle. Et de plus, l’Eglise ne s’est pas encore exprimée de façon « authentique » sur le sens à donner aux textes majeurs du concile posant de graves difficulté pour la transmission de la foi. C’est pourquoi le pape Benoît XVI, dans son discours du 22/12/2005, affirme revenir non seulement au texte du Concile, mais aussi sur le texte. Ce sera notre base de travail critique.
mardi 12 mai 2009
Merci à Bruno,
Vous m'invitez à réfléchir à l'hystérie, comme à une des postures que prend "le désir absent" dont je parle dans mon petit Jonas. Je ne m'y hasarderai pas. L'hystérie ? Cette attente qui n'attend (et ne respecte) rien ni personne. Ce désir qui refuse de se connaître. Cette disparition du Moi englouti par le Ca... La seule chose dont je sois sûr au sujet de l'hystérie, c'est qu'elle n'est pas toujours sexuelle et que l'hystérie sexuelle est la moins dangereuse de toutes. L'hystérie mystique... elle n'est pas aussi facile à dépister. Elle sait moins qu'une autre ce qu'elle veut...
Mais j'avais dit que je n'en parlerai pas. Si je vous remercie, cher Bruno, c'est surtout pour votre réponse à Martin à propos de l'Ennéagramme. Là vous faites carrément mon boulot et vous le faites bien en plus.
L'énnéagramme n'a effectivement rien à voir avec l'ordre surnaturel. Il n'a rien à voir non plus avec le préternaturel. Rien avec une quelconque gnose. C'est une tactique ingénieuse, c'est tout. Il ne faut pas forcément tout prendre au pied de la lettre, mais comme ouvre boîte lorsque nous avons le coeur noué et l'esprit tiède... oui, ça rend des services. Ca nous permet de nous reconnaître tel que nous sommes, avec toujours la vertu du type, ce vers quoi il nous faut tendre, mais avec aussi la passion du type, ce qui nous anime un peu malgré nous (j'allais dire volens nolens), notre pente préféré, celle que nous devons impérativement remonter ! On est un peu dans ce que les prédicateurs ignaciens appellent la recherche (naturel) du défaut dominant (qui n'a de soi rien à voir avec le péché le plus fréquent).
C'est tout cela que notre formateur va nous expliquer, avec sa clarté habituelle, samedi 6 juin prochain au Centre Saint Paul, de 10 H à 17 H. N'hésitez pas ! La méthode de l'Ennéagramme n'a rien à voir avec le terrorisme du Psy tout puissant. C'est une méthode active de connaissance (j'allais dire : d'autodécryptage) de soi.
samedi 9 mai 2009
Pour Cécile et Martin
Martin, je ne crois pas que votre inquiétude à tous deux (comme si vous vous étiez donnés le mot) soit digne d'un chrétien. Il faut dénoncer le mal et démasquer les périls lorsqu'on les aperçoit. Mais il ne faut pas prendre une attitude de repli et de suspicion dès que l'on ne connaît pas ce que l'on se sent devoir juger. Il ne faut pas oublier que la peur est une passion (l'une des plus fortes qui soient dans l'homme). Elle doit être combattue comme les autres passions et pour les mêmes raisons, pour laisser la place à un vrai jugement, c'est-à-dire à la prudence, choix des moyens qui permettent d'atteindre l'objectif poursuivi. (à suivre)
mardi 5 mai 2009
Une session Ennéagramme
Notre formateur préféré nous offre à nouveau une occasion rêvé de juger sur pièces et de découvrir cette méthode de connaissance de soi, qui, je le précise à nouveau, n'a rien à voir ni avec la psychanalyse ni avec les psychologies comportementales.
La session a lieu le samedi 6 juin au Centre Saint Paul (12 rue Saint Joseph 75 002. Métro: Sentier ou Grands Boulevards).
Pour ceux qui ont assisté à la précédente session : celle-ci présentera la suite. Comment on peut aller bien, comment on peut progresser dans chaque type. Dans le jargon: intégration et désintégration du type.
Pour ceux qui ne connaissent pas l'Ennéagramme, il y aura moyen de s'initier.
Renseignements: 01 40 26 41 78.
S'inscrire pour le repas de midi: 15 euros à l'ordre de ADCC
La morale au café ?
Je vais vous faire une confession : j'ai de plus en plus de mal à parler littérature. Ce soir nous donnions une séance en duo, avec Jérôme. La littérature était un peu aux abonnés absents. Le thème? Le désir. L'idée que nous avions? Reprendre les formules de Pierre Boutang dans Apocalypse du désir. Montrer que le nihilisme sur lequel débouche toujours le culte du désir est, dans sa radicalité, une sorte de "préface humaine trop humaine à l'Evangile".
Je passe rapidement sur nos deux conférences, celle de Jérôme parce que je n'ai malheureusement pas pu y assister. Celle que j'ai donnée, parce que je viens de vous en énoncer la substance. L'un et l'autre nous sommes passés de Deleuze, Guattari, Marcuse (pour Jérôme), de Freud (dans Métapsychologie) pour ma pomme à une défense et illustration du christianisme.
L'objection m'a laissé un moment sans voix. Et je me suis souvenu que c'était justement l'objection que je faisais à Pierre Boutang lui-même lorsque son livre est paru : risque de fidéisme. La foi débarque dans le nihilisme sans que l'on comprenne trop pourquoi... Pourquoi cette foi là, la foi chrétienne, plutôt qu'une autre ? Pourquoi le Christ plutôt qu'un autre ? Les apologètes rencontrent souvent ce type de raisonnement. Que répondre ?
Eh bien! Je crois que la philosophie aura toujours du mal à répondre. Il faut admettre la théologie dans la discussion. Il faut concevoir l'Evangile non comme un message génialement humain, faisant nombre avec tous les autres messages géniaux que l'humanité a pu porter. Il faut considérer l'Evangile comme le code génétique développé de notre métamorphose.
Le désir, si l'on reprend la description si juste qu'en donne Sigmund Freud dans Métapsychologie, mène à la satisfaction, c'est-à-dire à la disparition du désir, à une sorte de néant (d'où le fameux : post coïtum, animal triste, dont je précise que c'est du latin). En termes théologiques, cela donne : l'animal humain, qui s'est débarrassé des dons préternaturels que Dieu lui avait fait dans le Paradis terrestre, est réduit à sa monstruosité native. Désormais "le salaire du péché, c'est la mort". "Celui qui sème dans la chair récolte de la chair la corruption". Freud, de son côté, dans les Essais de psychanalyse, ne craint pas d'associer Eros à Thanatos (l'amour et la mort). Son pessimisme, qu'il le veuille ou qu'il ne le veuille pas, est foncièrement chrétien.
Qu'apporte le Christ ? Qu'est-ce qui rend le Christ unique et irremplaçable en cette occurrence, qui est... notre destinée ?
Certes, la charité, ce don qui permet au désir de se surpasser dans un objet qui lui survit, peut être pratiqué par des gens qui ne connaissent pas le Christ et qui sont chrétiens sans le savoir et sans le vouloir.
Mais nous ne pouvons être assuré de la victoire finale de la vie sur la mort que par la résurrection du Christ. Elle seule donne à la vie le dernier mot sur la mort. C'est à cause d'elle que le Christ est irremplaçable. Il est le seul à avoir gagné cette bataille. Et Il nous la fait gagner... si nous le voulons.
Tout à l'heure, messe pour une défunte au Parloir chrétien. J'ai pu me pénétrer de nouveau de cette promesse solennelle, qui m'émeut toujours, parce que je la prends... pour moi : "Celui qui croit en moi, même s'il est mort, vivra".
Au fond la seule réponse au nihilisme du désir sans entrave, c'est la résurrection du Christ et la foi qui nous y associe.
La foi n'est pas seulement un sentiment intérieur. Elle est le moyen de la grande métamorphose par lesquels les animaux pas très raisonnables que nous sommes deviennent éternels dans la vie même de Dieu qui est déjà celle du Ressuscité.