Par l'accueil reçu en notre maison de Rome où j'étais venu, sans grande conviction et plutôt crevé donner un cours sur la Somme théologique de saint Thomas d'Aquin.
Je parle dix minutes, vingt minutes, en cet après midi du jour des morts et je sens (on ne se refait pas, un vieux prof ça sent ces choses là ou bien ce n'est pas la peine) oui, je sens que la sauce est en train de prendre, que mes auditeurs, attentifs et d'abord extraordinairement silencieux en demandent plus... et je finis par proposer tout un système du surnaturel, suivant étroitement le commentaire donné par Cajétan à la première question, premier article de la Somme théologique. Plus le cours se complique, plus les objections fusent. c'est bon signe ! Ils en veulent plus, ils vont en avoir leur dose... et me voilà parti dans la Métaphysique d'Aristote et dans son double mouvement, formaliste (jusqu'au livre H) et existentiel culminanrt en lambda... Ils ne bronchent pas... je leur montre l'importance d'une ontologie duelle... Pourquoi ? Pour exposer le surnaturel chrétien dans sa puissance de salut comme une extension du domaine du réel. Le christianisme élargit le domaine du réel ou alors il n'existe pas ! Pour exposer cette libération, cet élargissement, cette rédemption, il faut utiliser l'ontologie fondamentale, la distinction entre l'essence et l'existence et la théorie de la puissance obédientielle. Je n'imaginais pas pouvoir exposer tout cela... Dans un certain détail... Je sais que demain je vais être bombardé de questions mais je suis heureux...
J'ai senti, dans ces quelque trois heures, un désir de vérité chez ces jeunes séminaristes, non pas une volonté de conformité à tout prix, non pas une exigence de correctness ecclésiastique (vous savez celle qui fait les apparatchiks épiscopables), mais un élan, une jeunesse de coeur, un enthousiasme qui réchauffe ma vieillesse...
De ma vieillesse justement, il va être question puisque j'ai pris une année de plus aujourd'hui. "Ils" m'avaient annoncé une soupe ce soir : "pour le jour des morts"... Ils ont comploté un repas merveilleux (non, je n'ai pas le culte des adjectifs...), où l'invention culinaire manifeste l'ingéniosité de l'amitié... Sans phrase inutile. Je pense au Psalmiste : O quam bonum et quam jucundum habitare fratres in unum...
Et je me dis qu'il y a dans cette comunauté de Rome quelque chose qui est rarissime dans les communautés (en relisant mon Cajétan pour une conférence sur les béatitudes, je m'aperçois d'ailleurs que c'est vrai à toutes les époques). Le plus difficile dans une Communauté, c'est le naturel. Il est à la Casa du Bon Pasteur à Rome... Irrésistible. Je n'en suis pas le seul témoin. Et je me répète saint Paul : "Contre de telles choses, il n'y a pas de loi".
Certains diront que je suis naturaliste en soutenant ce "naturel" fraternel... Les mêmes soutiendront qu'au nom de cette fraternité du Bon Pasteur, je passe à côté de l'honneur inappréciable qu'il y a à servir sur le vaisseau amiral, en uniforme ad hoc (ou Haddock comme vous voudrez)... Eh bien, je préfère un Dinghy fraternel à un vaisseau de haut bord qui prend de très haut même le drame de notre mère commune la Sainte Eglise. Le Dinghy a pour lui l'assurance tout risque des Béatitudes : Heureux les pauvres par l'esprit, car (déjà) le Royaume des cieux est à eux...
Ah, vous vieillissez (un peu) mais ne changez pas !
RépondreSupprimerVous commencez par nous faire du St Thomas, incontournable et essentiel, mais avec des mots qui nous échappent parfois ! Mais on vous rejoint sur le fond que Pourrat résume ainsi : "l'intelligence grandit avec le coeur" et l'amour de Dieu est effectivement une extension de notre connaissance et donc de notre être, et pas seulement intentionnel ?...
Et puis, vous nous faites un petit coup de polémique... mais je vous rejoins aussi ! Quelle prétention que de s'imaginer en vaisseau amiral de l'Eglise... Cela traduit un pb de fond : une perte du sensus ecclesiae en réalité... car les promesses d'éternité n'ont pas été faite à je ne sais quel vaisseau aussi somptueux soit-il, mais au Pape qui est la pierre sur laquelle est établie l'Eglise.
Et sinon, bon anniversaire, hein !
Sur le pont? en uniforme ad hoc? vous plaisantez cher Monsieur! Sur les navires d'importance (numérique), les intérêts en cause sont bien trop grands, on ne prend aucune chance à la manœuvre. On n'y emploie alors que des marins au style classique et attendu. Sur le pont? Vous auriez été consigné à fond de cale - éventuellement on vous y aurait occupé l'esprit en vous confiant la rédaction de quelque document appelé à un classement horizontal. Quand bien même... pour rester dans l'équipage vous auriez du vous faire petit depuis des années déjà - à force vous le seriez devenu.
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