jeudi 19 novembre 2009

Cajétan à Lyon

Hier rapide aller retour à Lyon. Juste le temps de goûter le fameux saucisson... Mais surtout l'occasion de reparler de Cajétan, dans le cadre du séminaire de philosophie de mon directeur de thèse, Bruno Pinchard, en présence de plusieurs universitaires. Le débat, passionnant, déborde l'horaire. Je finis par croire que je vais trouver un "moyen court" pour initier le profane à Cajétan. J'y travaille, à ce Cajétan digeste.

Mais pourquoi Cajétan est-il inévitable direz-vous ? Parce qu'il est le seul à penser le christianisme comme un art de la métamorphose. Une partie du débat porta sur ce point et sur ce mot de métamorphose, qui, c'est vrai, n'est pas utilisé par Cajétan lui-même, mais définit fort bien la transformation de l'homme chrétien.

- Ne faudrait-il pas parler de "transfiguration", pour rester dans le vocabulaire du christianisme, alors qu'à l'évidence "métamorphose" nous en fait sortir ? me demande-t-on.

- Ce n'est pas seulement notre figure qui change, au contact du Christ, mais nous devenons sa propre hypostase. Nous sommes le Christ. Nous recevons sa vie (divine) et d'une certaine façon, il n'y en a pas d'autre qui vaille pour nous. Si nous ne recevons pas cette vie, nous ne pouvons voir Dieu... Nous n'accomplissons pas la destinée miraculeuse que Dieu a ouverte à notre esprit. Voilà Cajétan. Comment désigner cette christification qui nous attend sinon comme une incroyable métamorphose.

- Métamorphose signifie changement de forme. S'agit-il pour celui qui voit Dieu de changer de forme ?

- Certes pour Cajétan, les formes (ou les essences) sont immuables et inscrite dans le langage des hommes, au cas où le sommeil du philosophe les lui aurait fait oublier. En ce sens, si morphé signifie la forme, il n'y a pas changement de forme dans la vie éternelle. Nous restons ce que nous sommes. Mais nous le serons "divinement", parce que Dieu s'étant fait voir à nous, nous le voyons en participant analogiquement de sa divinité. Comme dit Cajétan "nous devenons Dieu intelligiblement"... Nous y participons dans notre être même. Ce changement d'être à l'infini, dans l'identité conservée de notre essence individuelle, peut bien s'appeler "métamorphose"...

J'ai été heureux de pouvoir rendre cet hommage à la puissance spéculative de Cajétan, dans la bonne ville qui avait fait de lui, en 1525, un citoyen d'honneur. Cajétan, Lyonnais au temps des traboules ? Nul doute que ce bourgeois de l'Italie méridionale se sentait chez lui à Lyon, à l'ombre des imprimeurs qui prospéraient à l'époque en cette ville et qui ne lésinait pas à publier son œuvre, en défense du luthéranisme. On ne refera pas la France, ni les Gaulois : Lyon la catholique avait tenu à faire de Cajétan son champion, malgré ou peut-être à cause des condamnations que portait contre lui l'Université de Paris depuis 1510...

3 commentaires:

  1. Oui, c'est compliqué la philo, et la théologie encore plus ! Donc l'homme serait appelé à l'hypostase du Christ ? vous devriez développer un peu cela, car même si St Paul l'a dit 'Dieu s'est fait homme pour que l'homme se fasse Dieu', c'est sans doute l'essentiel du catholicisme et ce que l'on nous explique le plus mal (ou pas du tout) en catéchisme...
    S'agirait-il, pour l'homme, d'une sorte de transsubstantiation à rebours ?...

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  2. Intéressé par ce que vous dites de Cajetan. La formule du christianisme comme "art de la métamorphose" est brillante. Préparant une conférence sur Léon X, il me serait agréable de montrer la gravure de la confrontation Cajetan- Luther. Pouvez-vous m'indiquer la source de cette gravure? Merci d'avance et au plaisir de vous lire plus avant. Laurent de Weck, professeur d'histoire au lycée de Neuchâtel en Suisse

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  3. C'est un tableau d'Anton von Werner, de 1865. Si vous lisez l'allemand vous en apprendrez plus sur la page: http://kunstkommtvonkoennen.blogspot.com/2008/12/anton-von-werner-teil-1.html

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