Après la messe, on fait la vaisselle, on appelle cela la purification des vases sacrés. Ce qui pourrait passer pour un geste purement utilitaire est élevé jusqu'à devenir un acte sacré, un acte de respect public du sacré. Il s'agit pour le prêtre de faire disparaître toutes les parcelles d'hostie consacrée qui auraient pu rester dans le corporal (tissu amidonné qui reçoit la grande hostie) sur le ciboire vide (qui contient les petites hosties destinées aux fidèles), sur la patène (sur laquelle repose la grande hostie après le Pater), dans le calice (dans lequel on absorbe les dernières gouttes de vin consacré avec du vin non consacré) ou encore bien sûr sur les doigts du prêtre.
Ce respect de l'eucharistie, ce respect de la présence réelle du Christ dans le moindre fragment de l'hostie tend à disparaître chez un certain nombre de prêtres. Dans la forme traditionnelle du rite romain, les prêtres, lorsqu'ils ont touché l'hostie gardent joints le pouce et l'index, jusqu'à leur purification après la communion. Tant il est nécessaire de marquer le respect de l'hostie et de tout ce qui y touche. Le moindre fragment de l'hostie contient le Christ total enseigne saint Thomas d'Aquin dans la séquence Lauda Sion. Cette théologie de la présence réelle, et la pratique respectueuse qui l'accompagne est une des victimes de la réforme liturgique,. La disparition ou l'amoindrissement des signes de respect donnés à la présence substantielle du Christ dans l'hostie laisse porte ouverte à cette théologie symbolique que le Suisse Zwingli au cœur de la pseudo réforme protestante du XVIème siècle, n'aurait pas renié. Attention : je ne veux pas dire qu'il y ait une théologie de la présence symbolique du Christ dans les textes de la nouvelle liturgie. Je dis que la pratique liturgique, les rubriques simplifiées et leur observation facultative tendent à constituer, parce que la surnature a horreur du vide, une nouvelle théologie purement symbolique de l'eucharistie. Théologie symbolique à laquelle d'instinct le peuple chrétien est rétif, comme l'avait bien compris un Luther en son temps, lorsqu'il maintint dans sa "Messe allemande" la théologie de la présence réelle, et cela, rappelons le, contre Zwingli. Il y a une logique de l'action, une logique de l'irrespect,, dont les ravages sont plus terribles en matière liturgique que la logique de l'idée. Même de l'idée ou de la théologie fausse.
Quelle est la différence entre présence réelle et présence symbolique ? Le symbole, c'est l'homme qui en décide. Il n'y aurait présence du Christ dans l'hostie qu'aussi longtemps que l'homme en décide, pendant la cérémonie par exemple mais pas en dehors d'elle (dans cette perspective on se passe de tabernacle, il n'y a pas de vénération de l'hostie en dehors de la messe, pas non plus lorsque l'on fait la vaisselle après la communion). Mais lorsque le Christ dit : "Ceci est mon corps", il ne propose pas un symbole ou une parabole, qui serait à prendre ou à laisser, au choix, Le Christ, c'est unique dans l'Evangile, impose cette présence, impose sa présence à l'homme. Dans le discours sur le pain de vie (Jean 6), on voit la réaction très négative de ceux qui, après avoir appris l'apaisement de la tempête, assistent au discours de Jésus ; "Quel est cet homme qui veut nous donner sa chair à manger". Ils s'en vont tous et il ne reste bientôt que les apôtres. A ses apôtres, le Christ ne dit pas : je vous ai parlé en figure, il faut comprendre, c'est une image un symbole. Il dit : "Vous aussi vous allez partir ?" Seul Pierre a le courage de prendre la parole: "A qui irions nous Seigneur, tu as les paroles de la vie éternelle". Autrement dit : Je ne comprends rien mais je crois".
C'est exactement ce que suscite en nous cette présence réelle du Christ dans l'hostie : "Je ne comprends rien mais je crois". Je crois que la Parole du Christ : Ceci est mon corps, ceci est le calice de mon sang est plus forte que les apparences. Ce n'est pas ma dévotion à l'eucharistie qui fait la présence (comme dans le cas d'un symbole religieux), c'est la parole du Christ qui commande ma dévotion à son eucharistie.
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