La communion du prêtre est tellement importante qu'elle ne peut être omise dans la célébration de l'eucharistie. Elle est partie intégrante du rite de la messe. Les laïcs ne sont jamais obligés de communier, le prêtre si. Non pas qu'il soit toujours prêt personnellement à le faire mais parce que le rite l'exige. La messe serait incomplète sans la communion du prêtre. Dans le rite traditionnel elle est donc nettement séparée de la communion des fidèles qui par ailleurs est optionnelle non seulement pour tel ou tel individu, qui peut communier ou non (il est absolument libre), mais pour l'ensemble de l'assistance, dont il est juste nécessaire qu'elle soit représentée par un servant, qui lui-même n'est pas obligé de communier.
Cette communion obligatoire du prêtre est à l'origine de son devoir de sainteté : on disait couramment : le prêtre est un autre Christ. Il est l'homme qui communie au Christ, il est christifié. Avant d'être un leader de communauté, le prêtre doit être donné au Christ. Il a été à la mode dans les années 60 (je pense à tel texte de Jacques Maritain dans Approches sans entraves) de soutenir que le prêtre séculier (par opposition au religieux) avait un rôle purement instrumental ou fonctionnel, pour l'Eglise. Dans le même sens que Maritain et ses vieilles lunes, Mgr Wintzer déclarait récemment : "Le prêtre n'est pas un homme sacré. L'évêque non plus. Nous sommes des personnes qui ont été appelées pour un service, pour une mission" (RCF 8 mars 2019 cité par Cyril Farret d'Astié, Essai sur les 50 ans du missel de Paul VI p. 176).
C'est vrai ; Mgr Wintzer a en partie raison sur le service, mais il a tort sur le sacré. Le prêtre doit obéissance à l'Eglise car par sa fonction vis-à-vis des sacrements, il construit l'Eglise. Il est ministre au service de ceux qui ont besoin de ses services. Son rôle n'a rien d'original ou de personnel, il doit s'effacer pour donner les sacrements ou les laisser donner par un autre prêtre. Mais c'est bien lui qui les donne, c'est lui qui a pouvoir de consacrer le pain et le vin et de pardonner les péchés au nom du Seigneur, c'est lui qui baptise de façon ordinaire (lui ou le diacre), c'est lui qui bénit les mariages en en validant les deux ministres (lui ou le diacre), c'est lui qui donne le sacrement des malades comme le stipule l'épitre de saint Jacques en son chapitre 5, et quel rôle d'accompagner les fidèles jusqu'à la mort ! Mais ces rôles du prêtre, ces différentes fonctions, il ne les remplit que parce qu'au nom du Seigneur, il accomplit son sacrifice "pour la rémission des péchés". Avant même d'appartenir à une structure, si sainte soit-elle, le prêtre est ainsi vraiment l'homme de la messe, come l'avait bien compris Mgr Lefebvre : c'est l'homme qui vit ce qu'il célèbre : Imitamini quod tractatis ! Imitez ce que vous faites a-t-il entendu le jour de son ordination. Vivez ce sacrifice que vous portez dans vos mains. Communiez y, ou pour parler comme l'Ecole française de spiritualité : soyez en état de communion. Qu'à tout instant on puisse dire : sa générosité est celle du Christ. Elle nous fait penser au Christ.
Ainsi le prêtre, communiant au Christ, n'est pas un simple instrument. La conception instrumentale du sacerdoce, en vogue dans les années 50, est insuffisante. Il est l'homme qui vit le sacrifice du Christ, en communiant chaque fois qu'il le célèbre à ce sacrifice auquel il s'identifie. Ainsi peut-on dire qu'il n'est pas seulement instrument, mais aussi continuateur de Jésus Christ, achevant son sacrifice ("ce qui manque à la passion du Christ" dit saint Paul), en l'accomplissant jusque dans sa personne. C'est en ce sens que l'on peut comprendre le célibat du prêtre du point de vue spirituel. Le prêtre ne prie pas seulement avec des mots, il prie avec sa vie offerte en union et continuation de l'offrande du Christ. Le célibat est une participation, une communion au sacrifice du Christ. En ce sens chaque prêtre ajoute quelque chose à Jésus Christ, dans la manière particulière (unique) qu'il a de le vivre ou de communier à son mystère.
Vous me direz : ce que j'écris là est valable pour tout laïc : c'est vrai. Mais pour le prêtre cela vient de son office. Non pas d'une grâce particulière qui peut toucher effectivement n'importe quelle âme, mais cela vient de ce qu'il est et de ce qu'il ne peut pas perdre : le caractère ineffaçable par lequel il est uni, par lequel il communie fraternellement au Christ. Il n'a pas besoin de se poser des question ; comme prêtre, communiant au Christ ex officio, il est dans sa lumière et ne peut en sortir que par effraction.
On peut aussi penser que c'est pour cela que, dans la tradition catholique, seul le prêtre communie sous les deux espèces du corps et du sang du C hrist. Il est seul le communiant par excellence, alter Christus, sa communion au Christ est non seulement son être même (comme on peut le dire de n'importe quel bon chrétien), mais sa fonction sacrificielle (officium dit Cajétan), fonction qui le définit pour le temps et pour l'éternité.
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