Après cette dernière prière publique à l'Agneau sacrifié, le prêtre se prépare personnellement à communier par trois prières magnifiques que chaque fidèle peut reprendre à son propre compte. Ces trois prières se caractérisent par un même sentiment d'humilité : "Celui qui s'abaisse sera élevé, celui qui s'élève sera abaissé", une humilité qui n'est pas proclamée (sauf dans la dernière des trois), mais qui est exprimé très fortement, sans que le mot ne se trouve jamais employé. Il est tellement difficile du point de vue de l'authenticité de proclamer : Je suis humble !...
"Ne regardez pas mes péchés mais la foi de votre Eglise". Voilà une prière pour tous ceux qui n'osent pas s'avancer vers le Seigneur, car ils s'estiment trop imparfaits, trop ordinaires, pour pouvoir retenir l'attention... de Dieu. Dans la prière, ils demandent au Seigneur de ne pas s'arrêter ni à leurs péchés personnels, ni à leur foncière imperfection, mais de "regarder la foi de son Eglise". "Ta foi t'a sauvé" disait Jésus aux malades qui imploraient leur guérison. On sent que la personne inspirée qui a composé cette prière pense à cela. Mais le prêtre doit s'estimer tellement peu de chose qu'il n'osera même pas mettre en avant sa propre foi. D'une certaine façon, il a raison ; peut-on dire valablement : je crois que je crois ? Non... Sur ordre de l'Eglise orante dans sa liturgie, au moment d'entrer personnellement dans le mystère, le prêtre ne se vante pas de sa propre foi, il invoque celle de l'Eglise tout entière.
Il y a un trésor des mérites de l'Eglise, qui sont aussi les mérites du Christ et de tous les saints. C'est dans ce trésor que nous allons tous puiser avant de communier, car ces mérites, s'ils sont ceux du Christ, sont aussi les nôtres. Il nous suffit de vouloir nous en revêtir pour y participer. "Ceux qui cherchent le Seigneur, aucun bien ne leur sera diminué". Il ne s'agit pas d'arithmétique, Dieu qui est le bien infini n'a pas besoin de faire ses comptes, il ne manquera jamais de rien, et surtout pas de nos propres bien : bonorum meorum non eges dit le Psaume. "Tu n'as pas besoin de mes biens".
Mais alors de quoi Dieu a-t-il besoin ? De notre participation cordiale, de notre collaboration, de notre AMEN. Et avant ? De notre appel : "Ne regarde pas mes péché mais la foi de ton Eglise". Avant de communier le Prêtre puise dans les trésors de l'Eglise, dans ses trésor de foi, car l'Eglise, maîtresse des sacrements et temple de la grâce, a la garde de choses qui la dépassent. "Je ne croirais pas à l'Evangile de Dieu si l'Eglise catholique ne m'y avait poussé" dit saint Augustin dans une formule célèbre. Notre foi s'appuie, notre foi s'enracine dans la foi de l'Eglise, sous peine de végéter dans une subjectivité stérile. L'Eglise avec toute son expérience historique maternelle, nous offre l'objectivité de notre foi, ce qui fait sa valeur devant Dieu.
En même temps, donc et fatalement - comment faire autrement ? - nous nous appuyons sur l'Eglise, arche du salut des sociétés humaines, notre foi s'appuie sur la foi de l'Eglise, et puis en même temps nous ne nous faisons aucune illusion au sujet des hommes d'Eglise. Quand le prêtre prie pour l'Eglise, il demande au Christ de la pacifier et de l'unifier. Pas de lui donner je ne sais quelle unité parfaite eschatologique, c'est-à-dire renvoyée à la fin du monde, non : il s'agit dans la même prière où l'on s'appuie sur la foi de l'Eglise, de lui donner l'unité dans la vérité qui lui manque aujourd'hui, la paix dans la charité qu'elle n'a pas et l'esprit de Dieu qui seul porte tout cela. L'humilité du prêtre qui va communier embrasse ici l'Eglise tout entière.
Mais l'humilité, justement, c'est la vérité disait Thérèse d'Avila.
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