vendredi 11 décembre 2009

Y a du pain sur la planche !

Merci de vos magnifiques contributions au débat sur la civilisation qu'a provoqué l'initiative populaire de Oskar Freysinger et sa victoire par 57,5% des suffrages. Mais du coup, pour bibi, c'est du boulot.

Je voudrais d'abord répondre au premier des anonymes à s'être exprimé et scandalisé sur le sujet. Voici le début de son intervention qui en résume la portée : "Je ne sais pas si c'est cela "être chantre de la civilisation chrétienne" que d'interdire les symboles d'une autre civilisation ...? Question sérieuse, ni ironique , ni critique, juste une réflexion que je me fais à la lecture de ce texte".

Je veux répondre.

D'abord sur l'expression "chantre de la civilisation chrétienne" que j'ai employée : elle a un petit côté solennel qui ne convient pas au personnage qu'il vaut mieux imaginer, vu son look décontracté et ses origines tyroliennes, côté paternel, piquer un yodel en tralalaïtou majeur que de jouer le chantre compassé face à l'harmonium. Imaginons Freysinger en yodler de la civilisation chrétienne ça suffira.

Interdire les symboles d'une autre civilisation ? Présentée comme cela, cette action n'a aucun intérêt et vous avez raison de vous en offusquer.

Je crois que le personnage cherchait plutôt, à travers cette votation, à poser une question, comme je l'ai écrit. Une question portant non sur les musulmans, auxquels la pleine liberté de culte est garantie, mais sur l'islam, qui est un système politique, avec la charia en clé de voûte, autant qu'il représente un ensemble de croyances. Nous avons eu mardi au Centre Saint Paul une magnifique conférence d'Annie Laurent, spécialiste de l'islam. Je vous recommande son livre : Les chrétiens d'Orient vont-ils disparaître? chez Salvator. Et le collectif qu'elle a publié voilà quelques années et qui s'intitulait Vivre avec l'islam? Annie Laurent est tout sauf une passionaria, ni Oriana Fallaci ni Anne-Marie Delcambre. C'est une Provençale expansive, avec une pointe d'accent qui sent la lavande. Elle nous a merveilleusement montré les chrétiens entre Israël et l'islam. Non pas l'islamisme, non pas l'intégrisme, mais l'islam qui dans tous les pays où il domine entraîne une instabilité politique tragique et une violence sociale inquiétante.

Pourquoi nos bien pensants se réfugient-ils tous derrière la fausse distinction entre les bons musulmans et les méchants intégristes ? Lorsque Sarkozy veut interdire le niqab, c'est la même chose. Il stigmatise les intégristes. Ce faisant, il s'en prend aux personnes (des musulmans, qui ont le droit de vivre leur religion) au lieu de s'en prendre au problème (l'islam qui est une loi communautaire et non une foi personnelle). Ce qui est intéressant chez Freysinger c'est qu'il ne s'en prend pas aux mosquées, pas aux personnes, mais aux symboles d'une religion incompatible avec la nôtre comme le montre le long calvaire des chrétiens partout où l'islam est dominant, aussi bien au Timor oriental qu'en Egypte ou au Kosovo (où bien des églises serbes ont été méthodiquement dynamitées). Freysinger ne dynamite pas les mosquées. Il pose une question sur un symbole qui est celui de la terre d'islam : dar al islam. Il pose cette question quand il est encore temps de la poser et ce sont ceux qui ne veulent pas qu'elle soit posée qui succombent à la peur.

Quant à la notion de civilisation, je crois que la civilisation est une. Je pense qu'elle a connu une apogée dans la synthèse alexandrine de l'hellénisme qui s'est transmise à Rome. Mais toutes les incarnations de la civilisation ne peuvent que se retrouver, comme le christianisme a aspiré les découvertes païennes antiques, comme l'islam a utilisé, pour construire de splendides mosquées, la science des chrétiens qu'il a colonisés... La beauté n'a pas de patrie parce qu'elle n'a pas de frontière. Parler "d'une autre civilisation" me semble donc (excusez moi) un abus de langage. J'ai visité l'Alhambra de Grenade avec l'impression poignante de me trouver devant l'une des merveilles du monde. Avec le même sentiment qui m'étreint lorsque je visite Versailles...

On n'interdit pas la civilisation, vous avez raison. Mais on peut et on doit poser les questions qui fâchent tant qu'il en est encore temps. Non pas pour s'en prendre à des personnes (fussent-elles intégristes, je ne les diaboliserais pas et les laisserai s'habiller comme elles l'entendent), mais pour réfléchir sur des symboles, qui représentent de véritables antagonismes : à Rome le Minaret de la Grande Mosquée est plus haut de quelques centimètres que la Coupole que Michel Ange a construite naguère au Vatican : ce n'est pas un hasard, c'est la revendication de la terre d'islam.

Tant que l'on imaginera que toutes les religions sont les mêmes, tant qu'on refusera de penser chacune dans ses différences et dans sa logique propre, on fera preuve d'aveuglement - qu'il faudra bien payer un jour ou pire: faire payer à vos enfants et à vos petits enfants. La véritable ouverture à l'autre passe par la connaissance de l'autre. C'est ce que ce débat nous apprend.

10 commentaires:

  1. J’ai l’impression qu’Antoine, qui est en recherche exigeante, oublie un peu que le christianisme, plus précisément le catholicisme ( comme l’orthodoxie d’ailleurs ) sont des religions de l’incarnation et de la communion des saints. Il parle de l’importance de la conversion des cœurs, fort bien, mais qu’est qu’une conversion qui n’agit pas sensiblement ? Une mère qui ne berce pas ou ne caresse pas son enfant, un couple, qui resterait à la conversion ou la consonance intellectuelle des cœurs sans s’embrasser, se caresser et s’étreindre ne serait pas un couple chrétien. Les personnes, moines prêtres, religieuses et autres consacrées prient aussi avec leur corps, leur genoux, avec lesquels ils affrontent à la pierre et prient aussi comme les laïcs d’ailleurs avec leur sens ; Demandons au Saint Jean de la Croix, et écoutons le cantique des cantiques.
    Quand au paysages, oui ils existent, ils sont façonnées de la main de l’ homme, nous rappelle Pierre Chaunu, nous avons des milliards d’hommes sous terre qui nous précèdent - aimait –il à dire- et quand ce sont des hommes chrétiens ils nous parlent encore aujourd’hui, nous chuchotent leurs prières à l’oreille, si nos prenons la peine de les entendre. De l’humble église à la Basilique somptueuse nous sommes reliés au chœur céleste grâce et surtout grâce à ceux qui nous précédent. IL ne s’agit jamais de défendre des époques passées avec leurs ombres et lumières qui ont fait leur temps, il s’agit de se relier à la source qui nous fait vivre. Et de savoir que notre foi ne serait pas la même si nos étions pas portés, ( des nains sur des épaules de géants) irrigués par ceux qui nous précédent, humbles ou grands saints, et que c’est la seule réalité de foi qui nous soutient.
    Notre foi a été asséchée par le protestantisme malgré de belles figures et le jansénisme et cerise sur le gâteau par une conception et une interprétation intellectualisante , desséchante et désincarné qui a fait de ravages depuis le concile, qui sous prétexte de faire murir notre foi qui serait immature, jette aux orties sans discernement du rayonnement secret, ce qui nous a précédé. Abandon des dévotions populaires, embrasser la Croix, par exemple ; des pèlerinages, et les magnifiques œuvres musicales inspirées par notre culture chrétienne, abandonné aux mélomanes, (on aimerait entre La Messe de Mozart aussi dans les offices !! mépris aussi de la liturgie réduite à un pur assentiment, non à une vibration qui unit le corps et l’âme. .
    Oui, nous prions avec notre corps, nos oreilles, nos mains, nos yeux, et même notre odorat. Et le goût aussi C’est cela qui est défendu, un peu confusément, il est vrai, en Suisse, dans la Croix du drapeau que défend Freysinger, dans le paysage auditif que l’on braderait comme le fait remarquer Grégori Solari, cette semaine dans Famille Chrétienne ;on a bien bradé les vêtements liturgiques, comme si la beauté et la somptuosité était un obstacle à la foi…
    Et les pierres des églises, les clochers et les croix que sont-ils sinon des pierres tissées et pétrifiées par nos prières depuis des siècles comme pour l’éternité. Ce n’est pas hasard que pendant la révolution française, en haine de la foi, et donc du Christ on a voulu démolir les églises. On n’a pas eu le temps. Ne le leurs donnons pas ce temps là aujourd’hui dans un angélisme, qui n’est pas chrétien, vis à vis de L’islam. Et qui ravit ceux qui la détestent. Oui un musulman sincère et pieux est infiniment respectable et nous devons l’aimer d e tout notre cœur, mais la civilisation e l’Islam ne peut que réprimer ou assujettir le Christianisme ou ses reliquats, et ne serait –ce que par respect de notre ami musulman nous devons lui dire , et vivre notre foi sans nous soumettre , sans oublier les cloches d’une église comme cela a été fait récemment en Ile de France !

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  2. Antoine II) je complète ma réponse trop longue pour le blog

    Cette foi pétrie de sens est populaire et bien tant mieux, mais Antoine ce n’est pas une idéologie. Ce n’est pas au nom d’une idéologie des pauvres ou des riches ( comme lui reproche déjà Judas) que Marie Madeleine a embrassé de ses cheveux et des ses larmes les pieds du Christ en déversant son précieux parfum, , c’est par pur amour et qui y a-t- de plus d’amour que celui qui s’exprime et s’incarne dans notre corps incarné, à la fois, totalement sensuel et totalement chaste, dans le cas de Marie-Madeleine , qui n’avait d’autre visée que le témoigner , à l’inverse de commentateurs réducteurs, qui veulent dénaturer son geste en la faisant épouser prosaïquement le Christ par la suite pour mener une petite vie popote, comme s’il était venu sur terre pour avoir cette vie là ; Oh les sagouins.. . ;
    Oui, Antoine, le Christ est qui a de plus important, et il est plus important que nos conceptions politiques. ( Que vous dénoncez, c’est votre droit, mais l’enjeu n’est pas là à mon avis . ) Dostoïevski qui toute sa vie a été un pèlerin du Christ, dont le visage surplombe son œuvre, a aussi dit par l’intermédiaire de Chatov un des héros des « démons » « Qui perd son peuple perd son Dieu, » Le peuple de Chatov n’est pas le populisme, ( c’et le peuple croyant qui est visé) c’est la vocation à retrouver notre foi sur le visage du peuple des croyants, ce qui était encore le cas de la Russie , il y a cent vingt ans , et aujourd’hui de la faire ressurgir sur ceux qui en Europe, gardent encore malgré eux la douce nostalgie quand ils en voient les traces sensibles menacés, même s’ils l’ont apparemment abandonnés . Ils sont maintenant au pied du mur et nous avec.

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  3. Merci de ce nouveau post, M. l'Abbé, c'est plus clair et merci à Henri pour ce long et beau commentaire, tout me touche mais je trouve ce que vous dites tous les deux poignant...

    Poignant, M. l'Abbé, parce que ce que vous décrivez est un combat de tranchée : nous devrions être à l'offensive, conquérir le terrain avec l'étendard du Christ au poing, et nous nous contentons de défendre notre pré carré au nom des symboles... Pourtant, ce ne sont pas les symboles qui comptent, ce sont les réalités et Henri a raison de dire que nous somme une religion de l'incarnation, du concret. Il faut revenir au principe et à l'essentiel, on ne combat pas au nom de symboles mais au nom de valeurs et au nom de l'Amour qui est tout sauf symbolique. En être réduit à sauver le drapeau quand le régiment est décimé... c'est le "tout est perdu, fors l'honneur" mais ce n'est pas le panache qui nous est demandé par le Christ...

    Plus précisément pour Henri, c'est une description vibrante du passé que vous me faites alors que la communion des saints, c'est la charité actualisée dans un Dieu éternel qui ne connaît que le présent, pas une charité sur des vieilles dorures ! Je suis d'accord avec vous sur notre besoin de sensible, qui soutient les sens, pendant que l'esprit se nourrit de la Parole de Dieu... Mais le sensible du passé devrait nous inciter à construire le sensible du présent et c'est ce que nous semblons incapables de faire, et c'est cela que je trouve poignant dans votre témoignage : faute de capacité à incarner le présent, nous nous réfugions dans le passé...

    Nous manquons de créatifs, d'imaginatifs, de prospectifs, de gens capable de dire Dieu et l'Amour avec les mots d'aujourd'hui et dans le contexte présent... Et nous nous réfugions dans le passé non comme un tremplin mais comme un refuge, une matrice originelle...

    L'esprit de conquête nous manque : conquérir notre vie pour Dieu et faire en sorte que tout se tienne, tout se rattache, aujourd'hui dans le Christ : omnia instaurare in Christo, hodie !

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  4. Peut-on se passer de symboles pour vivre la réalité du christianisme ? Si c’est le cas, l’idée même de civilisation chrétienne devient en effet absurde. Imaginons un instant l’absence du symbole de la croix. Avant que la réalité ne vienne peut-être (on en est heureusement loin) cruellement nous dispenser de cet effort d’imagination. Rêvons une foi dépouillée de tout signe d’expression, de toute référence temporelle et de tout repère stable. Donc de toute liturgie un tant soit peu cohérente. Accédons ainsi à la foi pure, à l’amour non déformé par le prisme du symbole. C’est sans doute une expérience possible dans le calme plat d’une génération privilégiée, qui serait soustraite aux aléas du devenir, à la confrontation, à l’hostilité. Echappant donc aux nécessités du politique. Quelque chose comme une communion des saints déjà accomplie. Le terme de l’aventure atteint sans qu’elle ait vraiment eu lieu.

    Mais l’incarnation a ses contraintes. Dans la perspective du Verbe qui s’est fait chair, comment ne pas voir que le symbole est lui aussi une incarnation, une forme féconde, un vecteur de transmission. On a pu songer un temps à la pertinence d’un christianisme allégé du principe même de tradition. Il semble que l’on en revienne. Les symboles sont des guides, rien de plus, mais y a-t-il rien de moins précieux que les guides. A leur actifs, la chiquenaude invisible qui permet certaines conversions, et sans doute plus encore les différentes étapes de cette conversion permanente que tend à être la vie chrétienne. Il parait bien difficile de faire l’économie du symbole. Les martyrs des temps héroïques, dont le sang atteste la réalité de la foi et de la charité, n’ont pas éprouvé ce besoin. Ramenés à l’essentiel par le fer des persécuteurs, ils ont moins perçu dans le symbole une vaine abstraction qu’un signe de reconnaissance, la force sensible et mystérieuse d’une analogie.

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  5. Après ces développements et commentaires vertigineux,j'sais plus quoi dire! J'sais plus comment vous parler d'une rencontre que j'ai faite, il n'y a pas trois jours et que je tiens pourtant absolument à partager avec vous.

    Buffet de la gare de Belfort, mercredi matin, débarquant d'un train de nuit qui me ramenait du Midi, et en attente d'une correspondance pour la ravissante ville de Baccarat, où vous ne devez pas manquer, si vous vous y trouvez, la petite église parée des magnifiques lustres, sortis tout droit de la Manufacture....et l'on se prend à rêver de ce que pourrait être une classe ouvrière, demeurée catholique...Bon, on garde ce sujet pour une prochaine fois!

    Il ne nous a guère fallu beaucoup de temps pour que nous engagions la conversation, un Monsieur d'un âge respectable et à l'allure très vieille France, que j'avisais en train de prendre son café-crème, et nous voilà partis à deviser gaiement sur la "Gôchunie", les syndicats, le marxisme et tout le tintouin. Ce Monsieur me raconta que devant prendre un avion à destination du Pacifique Sud, dans la soirée, à Roissy, pour rendre visite à l'un de ses enfants, il avait tenu, à juste raison, à partir très tôt, dès le matin, vu les grèves intempestives et il venait d'être prévenu de l'annulation du train qu'il avait prévu de prendre, ce qui lui en donnait presque le fou-rire!

    Bref, on s'amusait comme des petits fous et vint le moment, après une bonne heure si agréable passée ensemble, oû nous dûmes nous dire au revoir, sans doute pour ne jamais plus nous rencontrer, comme c'est souvent le cas, hélas, lors de ces rencontres si plaisantes, en voyage. Nous nous levâmes à regret, pour nous serrer la main et je vis son hésitation soudaine, tandis qu'il s'adressait à moi, dans un murmure: "Baccarat...Baccarat...oui, je voulais vous dire...mon oncle était prêtre...chef de réseau, pendant la Résistance, il échappa par miracle à une arrestation et en guise de représailles, sa jeune soeur fut arrêtée à sa place et... (il s'interrompît un instant)...fut fusillée là-bas...Il reprit, sur les cinq frères et soeurs, quatre sont morts pendant cette guerre, pour leur pays et leur Foi..."
    Il me serra vigoureusement la main, en ajoutant "je voulais vous parler d'eux" et moi, je restai muet et paralysé par la portée de cette confidence dont je ne me sentais pas digne.

    Ne sachant comment aborder vos si intelligents et puissants propos de ce soir, je suis très heureux de me contenter de vous faire partager, à mon tour, cette "confidence", en l'honneur de cette famille française. Oui, la France est bien réelle, nous ne l'avons pas rêvée, elle est là, toute vibrante de la Foi de ses aïeux, si jamais elle veut bien ne pas oublier ses vraies racines chrétiennes et ne pas s'illusionner des mensonges et des périls mortels dans lesquels On voudrait bien qu'elle s'anéantisse. Je l'ai rencontrée l'autre matin, gare de Belfort, tandis que le resplendissant soleil faisait mentir les frimas de l'automne et l'hiver qui approche, pour ensevelir à nouveau les antiques terres Lorraines, sous son manteau de neige.

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  6. Petite précision pour Antoine

    Merci Antoine de m’avoir lu avec sympathie mais je n’idéalise pas le passé et je ne veux pas du tout me réfugier en lui. ( Je n’ai pas oublié d’en signaler les ombres ) Si j’ai pu paraître en faire une description vibrante, c’est tout simplement que j’ai tenté de montrer qu’il vibre pour sa meilleure part en nous, qu’il s’actualise. Je me nourris de ce qu’il m’a apporté, c’est peut être cela aussi la communion des saints, être en communion permanente et bénéficier de l’intercession de ceux qui nous précédent, pour affronter le présent et avoir une démarche prospective, nos projeter dans un projet d’avenir, faire du passé un tremplin et non un refuge nous sommes bien d’accord. Et je me sens tout à fait de mon temps . Le sensible du passé n’est pas un poids pour le sensible du présent, il actualise notre liberté présente d’enfant de Dieu et ne nous rend inapte à incarner le présent.
    . Maintenant nous pouvons nous poser la question : la démarche actuelle qui domine, qu’on subit, n’est elle pas souvent régressive, incapable de nous projeter réellement dans un projet d’avenir, nous arcqueboutant sur le présent, sur la pure jouissance hédoniste individuelle, mais en refusant le passé ou le gommant ou en le diabolisant, nous prive d’intercession et nous rend infirme à transmettre la vie ?


    Enfin un dernier point : la charité n’est jamais prisonnière de vieilles dorures. Léon Bloy est parfois injuste, plein de scories, mais il a eu ce mot sublime :
    . « Un sou donné de mauvais cœur à un pauvre traverse les siècles ». A contrario la charité, la vraie traverse les siècles et les dorures, et ceux qui se dévouent actuellement dans diverses associations le savent bien

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  7. A Jean-Vincent : ce que vous dites est extrêmement profond et vrai, j'y adhère car je n'ai jamais dit qu'il ne fallait pas de symbole (à commencer par celui des Apôtres !) mon propos était inverse : il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre, il ne faut pas défendre le symbole au détriment de ce qu'il représente : il faut défendre le concret qui est derrière le symbole : le principe. Et il faut le faire de façon réaliste et donc politique, bien sûr. Sans doute le référendum sur les minarets est-il la bonne façon de le faire actuellement, mais ce que je déplore, c'est que nous en soyons arrivés à ce pauvre moyen... Je ne dis pas que c'est un mauvais moyen, c'est sans doute le seul qui corresponde au contexte... Mais le contexte est triste, c'est ce que nous révèle ce bien triste moyen !

    A Henri, merci de ces précisions qui "actualisent" votre propos et je partage aussi profondément ce que vous dites. C'est bien le passé qui enracine et qui aide à vivre dans le présent...

    Mais on dérive : et je vais finir par donner l'impression d'être un fieffé moderniste à tendance protestante alors que je suis plutôt nourri de culture classique et de tradition !
    Mon propos était à l'origine de souligner la tristesse qu'il y avait à se congratuler de ce référendum car il traduit en réalité, me semble-t-il, notre incapacité à faire de notre foi (l'essentiel qui se cache derrière le symbole) un vrai rempart contre l'Islam : je ne suis pas naïf, à Lépante il y avait toute une flotte de guerre, bien entendu, et un pape qui priait... Mais dans les commentaires sur la Suisse, j'ai eu l'impression qu'on se félicitait de la flotte en estimant qu'elle pouvait remplacer la prière ! Certes, ce n'était pas ce qui était dit, mais je trouve que sur ce blog de prêtre qui sait ouvrir des perspectives étonnantes, il manquait dans cette histoire la perspective sur Dieu...

    Sans doute ai-je trop longuement commenté pour livrer cette toute petite idée, mais au moins cela donne le plaisir de lire après l'Abbé, Henri, Jean-Vincent qui revient, et Thierry, + qq anonymes, chacun ajoutant une pierre à mon édifice de méditation quotidien : merci à tous !

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  8. "Y a du pain sur la planche" écrivez-vous dans votre métablog du 11 décembre. C'est bien mon avis lorsque je lis les commentateurs de la déclaration de Freysinger sur les minarets en Suisse. Dans votre réponse à ces commentaires, vous remettez les pendules à l'heure dans un langage droit, clair et vigoureux. Le refus de voir le danger mortel pour notre civilisation chrétienne me rappelle les discussions sur le sexe des anges attribuées à Byzance, alors que les Ottomans étaient aux portes de la ville, avec les conséquences qu'on sait. J'en sourirais en d'autres circonstances, mais ce sont nos descendants, et peut-être nous-mêmes, qui paieront l'addition des inconsciences. Seul Thierry voit juste lorsqu'il évoque son émotion suscitée par les confidences d'un vieux Monsieur sur le quai de la gare de Baccarat : pendant la seconde guerre mondiale, quatre personnes ont été fusillées, pas très loin de ce quai, pour leur pays et pour leur foi. Tout est dit dans cette tragédie pas vraiment antique, qui aurait pu être évitée si....
    Respectueuses amitiés.
    Willy

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  9. Finalement je suis d'accord avec Guillaume de Tanoüarn qui pose les vraies questions, même celles qui fâchent , mais je comprends aussi de mieux en mieux l'inquiétude et la recherche d'Antoine en dehors de tout confort intellectuel, et la correction fraternelle qu’il esquisse, et pourquoi ne pas l’accepter, si elle nous permet à notre tour de nous poser de vraies questions ? Oui, Antoine a aussi raison de souligner qu'on ne peut se contenter de se dire " catho", animé des meilleurs intentions et que les formes sensibles du passé chrétien auxquelles nous sommes plus que légitimement attachés ne nous dispensent d’aller au cœur de notre foi pour la faire vivre et être créatifs. Il ne faut pas rester à la périphérie de notre foi, être ceux qui jugent, être des « catholiques de banlieues » comme disait Graham Greene mais aller aussi au charbon. Comment ?
    ……. J’arrête là la discussion ne voulant abuser de l’hospitalité du blog mais comme Antoine, je dis merci à tous ceux qui ont fait avancer le débat. ..

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  10. Très touché, merci Willy mais je ne saurais accueillir votre approbation pour moi seul, alors que je viens plutôt ici, avec toutes mes questions sans réponses et que je lis avec ferveur de longue date, les commentateurs autrement mieux qualifiés que moi (Antoine, depuis sa vaste bibliothèque...je veux dire...sa vaste "cave à fromages"...lol... Henri, Jean-Vincent et ceux que j'oublie à l'instant, qu'ils me pardonnent) qui dialoguent si pertinemment avec le Père de Tanoüarn, lui-même "Patron" hors-concours, de ce Métablog si passionnant, qui nous apporte tant de soutien.

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