mardi 19 juillet 2011

Du curé à bouffer? un vieux plat rechauffé!

Le problème avec le blasphème: pour le dénoncer il faut l’énoncer, le plus souvent. Prenez l’oeuvre d’art récemment exposée à Avignon: la montrer, c’était tout dire. Mais la montrer, c’était aussi reproduire cette dégueulasserie – Pas question. D’où le dilemme, face aux attaques qui se multiplient. Si l’on ne dit rien, on est complice? et si l’on dit, on fait exister. Protester, s’énerver? c’est rentrer dans le jeu du provocateur – et y occuper très exactement la place qu’il nous réserve. Non merci.

Aussi n’est-ce pas ma réaction que je vous livre aujourd’hui, mais celles des lecteurs du quotidien «Libération». C’est que nous sommes dans ce que nos voisins allemands nomment le Sommerloch – ce trou estival marqué par une actualité pauvre, des rédactions désertées, et des lecteurs qui de toute manière s’en fichent. Cependant: il faut bien continuer à produire un contenu, ne serait-ce que pour mettre du liant entre deux pages de pub. Alors deux journalistes de Libération ont écrit un petit texte (« Tous en Cène »), sorte de divagation sur Jésus, sur un ton qui emprunte au Petit Nicolas plus sûrement qu’aux Monty Python.

Pierre Desproges disait que l’on peut rire de tout mais pas avec tout le monde. Pour ma part je crois surtout qu’on ne peut rire que de ce qui est drôle – et que ce n’est pas ici le cas. Par contre les réactions des lecteurs sont intéressantes – je vous les livre. Il y en a trente-cinq à cette heure. Je ne prends pas en compte ceux des «libénautes» qui n'ont qu’un ou deux commentaires à leur actif – ils se sont trop évidemment inscrits pour l’occasion et ne sont pas représentatifs. Je ne garde que les habitués, certains en sont à leur 193e, 255e, voire 2946e commentaire – voici ce qu’ils écrivent :

(ils écrivent, en gros, que c’est être rebelle à bon compte que de s’en prendre à l’Eglise catholique en 2011)
  • «c'est trop facile donc quel manque de courage»
  • «beaucoup de méchanceté gratuite contre des gens qui ne vous menaceront pas, ne vous feront rien si ce n'est quelques courriers de protestation»
  • «Chacun ses idoles et les plus récentes auront toujours leurs défenseurs qui se croiront rebelles en crachant sur la tombe des idoles presque déjà mortes»
  • «les hypocrites et les lâches qui se donnent des airs d'insolence me donnent franchement envie de gerber»
  • «ça y est, [les auteurs] vont pouvoir aller bruncher tranquille, ils ont fait leur petit exercice de résistance citoyenne et d'insoumis en tirant sur l'ambulance catho?»
  • «Evidemment ça sent un peu le recuit mais bon, pour se faire la main et séduire les bobos en mal de sensations fortes pourquoi pas.»
  • «La lecture de certains articles de Libé est salutaire, mais celle-là est un exemple de fausse "rebel attitude" qui n'est même pas drôle.»
  • «deux pauvres tâches qui se sentent pousser des couilles, qui veulent se donner des airs de rebelles affranchis de la morale chrétienne»
  • «Ca m'énerve de plus en plus ces simili subversifs qui tapent encore sur l'Eglise, sur l'armée et sur la Nation, alors que ça fait 50 ans que toutes ces institutions ont perdus tout pouvoir...»
(…et aussi que le vrai courage serait de taper ailleurs)
  • «Le ton est beaucoup moins moqueur quand il s'agissait de faire un cahier de cinq pages célébrant le début du ramadan l'année dernière. Il doit y avoir des religions au dessus des autres.»
  • «Mais là où le spectacle gagnerait en grandeur et en vrai courage ce serait en faisant la même chose avec Mahomet.»
  • «Ne critiquer que le catholicisme parce que l'on sait très bien ce qui arrive dans le cas du judaïsme (procès ou cassage de gueule par la LDJ) ou de l'islam (menaces de mort parfois exécutée), souligne le manque de courage des auteurs.»
  • «Oseriez vous le même spectacle sur la religion juive et sur l’islam, chiche!»
  • «Nul doute que si Gérard Lefort et Mathieu Lindon ne se seraient pas risqués à une telle prose avec pour sujet les religions juive (ils seraient déjà en procès) ou musulmane (ils seraient probablement en mesure de vérifier l'existence de Dieu).»
(… ils écrivent, enfin, que le pamphlet est un genre qui nécessite du talent)
  • «Si le potache peut se permettre la vulgarité, il ne peut pas se permettre la médiocrité...»
  • «et en plus c’est mal écrit...»
  • «un ramassis de vulgarités qu'aurait renié Hara-Kiri»
  • «N'est pas Cavanna qui veut...»

Je reprends : de manière unanime, les libénautes écrivent que c’est être rebelle à trop bon compte que de s’en prendre aux cathos aujourd’hui, que le courage serait de viser plus sensible. Plusieurs rappellent leur scepticisme, leur athéisme. Tout de même, encore bouffer du curé? nous sommes en 2011, ils n’apprécient pas qu’on leur ressorte de vieux plats réchauffés, nappés d’une vieille haine recuite.

4 commentaires:

  1. j'ai connu en 1970 à Reims, des anticléricaux qui hurlaient en entendant sonner les cloches et jetaient des quartiers de mouton cru dans les églises le vendredi saint.
    Et vers 90, des potaches de lycée qui se racontaient encore des blagues " scato-eucharistique"...Où en sont -ils, je ne sais.
    Ce sont des gens "de base"...peut-être aujourd'hui tiennent-ils les mêmes propos que les libénautes...
    Par contre, les "artisses" les "médiats" , la crème, quoi, les gens supérieurs ...sans parler des blasphémateurs en acte en Europe, aux USA, en Amérique latine...s'en donnent à coeur joie...sans guère de réaction( et comment réagir, quand on ne sait pas...???)
    Au fond, c'est salutaire: car s'il n'y avait que les libénautes, on pourrait croire qu'effectivement le cadavre ne bouge plus ...

    Pour ma part, je préfère nommer les blasphèmes: cela ne me dérange pas.Mais je ne le ferai pas ici pour respecter la pudeur et la piété du "mestre"... Pas tant pour "nommer l'ennemi" et le faire reconnaître dans ses armes, que parce que mon "âme à moi", souillée comme elle l'est, n'est pas toujours si loin de ce qu'articulent les ennemis du Christ .. souvent faute de trouver de la force et de la ferveur chez...Ses ( prétendus ou auto-proclamés ) amis.
    Car qui Adore encore??? Avec feu et ferveur???
    jusqu'à aller dans les rues crier sur les toits la Joie de la Libération par la Vérité toute entière ... Je ne vois pas. Même pas au Vatican ..

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  2. "Bouffer du curé", ça doit rester le privilège des catholiques praticants, je suis sérieux. J'avais un ami qui disait (et sa formule me faisait rire) :

    "Laissez-moi bouffer du curé, ça me soulage."

    Il allait à la messe à peu près tous les jours et souvent, à la suite, dans d'autres "petites chapelles", les mêmes que fréquentait Léon Bloy et qui vidaient son portefeuilles.

    Reste la perte des valeurs. Je l'ai résumée dans ce tercet (qui ne rime pas):

    "Les pieds sur le frein arrière,
    la bourgeoisie restrictive
    a perdu la bataille du verbe".

    Elle l'a perdue parce qu'elle était restrictive, coinsée et nantie. Du moins avait-elle le mérite de rappeler les valeurs. Maintenant que ce sont les valeurs subversives qui sont au pouvoir depuis l'après 68, leurs balises nous manquent.

    Mais si l'on réfléchit plus loin, on peut quand même se poser une question:
    "A quoi conduirait, si elle était possible, la restauration de la société d'avant?"
    A la restriction, au rétablissement de l'interdiction du divorce dont la permission n'a pas eu que des conséquences néfastes, à la perte de cette liberté des moeurs qui nous a au moins élargis en ce que nous y avons conquis la possibilité d'être fidèles par choix et que nous y avons acquis une "liberté de parole" que nous n'aurions pas, si la société était restaurée dans l'intégrité du respect de la loi naturelle. Or la liberté est une valeur ou au moins le besoin cardinal de l'homme. Alors, quelle solution? La fidélité ou la liberté?

    Autre phénomène intéressant à relever : c'est que les soixante-huitards, qui ont rendu la société plus libre dans un premier temps, commencent à avoir peur de la liberté. Comme ils deviennent précautionneux, jusqu'à faire de "la précaution" "un principe!"
    "Quand on a peur, on n'est pas libre et quand on est libre, ça fait peur" (mgr gaillot)

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  3. Merci Mr l'Abbé pour cette compil... cela m'a fait gagner beaucoup de temps.

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  4. On pourrait ajouter un proverbe de circonstance : "à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire". Cela résume à merveille l'ensemble de ce qui ressort des opinions recollées des habitués de libé.

    Merci Monsieur l'Abbé d'avoir dénoncé sans montrer.

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