vendredi 15 juillet 2011

Suivre les programmes sans enseigner le "gender": fastoche!

Tugdual Derville n’est pas un extrémiste et ses articles de France Catholique ne sont pas des brûlots. Mais on sent sa colère quand il écrit qu’à nous parents «l’Etat ne nous facilite pas la tâche», que «l’Etat nous met des bâtons dans les roues». C’est que «l’Etat», par le biais des programmes de biologie de Première (séries L et ES), imposerait le «Gender à l’Ecole». En conséquence de quoi : «Pour décrocher leur bac, [nos] enfants devront… vanter la masturbation générale». Bigre!

Tugdual a raison de s’indigner et de tirer à vue. Encore faut-il viser la bonne cible. Or les manuels sont une chose, les programmes en sont une autre. Je m’explique: les livres sont produits par des éditeurs (commerciaux) qui rémunèrent des auteurs pour les écrire – ils ne sont pas officiels, ni même estampillés par le Ministère. Je l’explique à un ami qui m’avoue sa surprise: puisque le livre est fourni par l’établissement, il le pensait officiel. Eh bien non! Les manuels ne sont pas officiels, pas plus que la craie du tableau ou que les crayons distribués aux enfants. Il n'y a pas d'imprimatur ni de nihil obstat républicains.

Ce qui est officiel, ce qui relève de l’Etat, ce sont les programmes. Niveau par niveau, ils indiquent les notions et les contenus, avec quelles limites, et les compétences exigibles. Dans le cas qui nous (pré)occupe, inutile de reproduire ici les manuels – ce n’est pas mon sujet. Voyons les programmes – je cite la notion générale: «La mise en place des structures et de la fonctionnalité des appareils sexuels se réalise sur une longue période qui va de la fécondation à la puberté, en passant par le développement embryonnaire et foetal.» Voici la notion, citée in extenso, avec comme ‘limites’ que ni la «protéine TDF» ni le «gène SRY» ne sont à connaître (ouf!). Jusque là, rien qui fâche.

Voyons les «compétences exigibles» qui accompagnent la notion: «Expliquer … les étapes de différenciation de l’appareil sexuel au cours du développement embryonnaire». Et aussi : «Différencier, à partir de la confrontation de données biologiques et de représentations sociales ce qui relève : de l’identité sexuelle [d’une part, et] de l’orientation sexuelle [d’autre part] qui relève de l’intimité des personnes.» C’est cela que l’on attend d’un lycéen, et pas de ressortir telle page de tel manuel.

On m’objectera que sans être officiels, les éditeurs sont très proches du Ministère de l’Education Nationale. Certes – mais seuls les programmes ont force de loi. Et les enseignants sont libres de leurs supports. Rédiger un cours complet est un travail considérable mais on peut procéder par patchs: Achetez un manuel de SVT (Sciences et Vie de la Terre), utilisez les pages qui ne vous posent pas de problème (rayonnement solaire et photosynthèse, reproduction du cerisier, etc). Écartez celles qui vous chagrinent (‘Devenir homme ou femme’ par exemple) et rédigez à la place un support qui vous convienne. Idéalement, mutualisez votre travail.

Ayez les programmes sous les yeux. Justement, ils vous demandent de privilégier les «données biologiques» (hormones, appareils reproductifs, etc) dont relève l’«identité sexuelle» (être un homme - ou être une femme). Pour ce qui est de l’«orientation sexuelle», les programmes viennent à votre secours en spécifiant qu’elle relève de l’«intimité des personnes». Vous n’avez pas à vous appesantir, vous êtes prof de bio et pas psy. Et puis c’est tout.

(il y a aussi d’autres solutions que j’ai lues sur www : quitter le système scolaire français, invoquer une objection de conscience, considérer une bonne fois pour toutes que tout est foutu,... – faites votre choix)

Mise à jour du 16 juillet: je réponds ci-dessous (voir les commentaires) à quelques objections et remarques.

8 commentaires:

  1. Il y a trois ou quatre jours, j'écoutais une interview particulièrement passionnante, sur Rfi, de Monsieur Henry de Lumley, l'une des plus éminentes personnalités du monde de la Recherche, avec un R, ne serait ce que par sa découverte -il y a presque jour pour jour, quarante ans- du crâne de l'Homme de Tautavel, dans les Pyrénées Orientales mais sa carrière, comme chacun sait, est remplie de bien d'autres découvertes scientifiques, fort fécondes.

    Evidemment, il parle comme personne de l'évolution de l'Homme mais son unité de mesure est en millions d'années, excusez du peu.
    Il termina sa brillante intervention (avec le plus grand naturel et simplicité, d'ailleurs) par une réflexion qui me laissa songeur.

    En espérant que je ne déforme en rien sa pensée, il posa LA question qui lui semblait aujourd'huî fondamentale: l'espèce humaîne saurait-elle, maintenant que nous en sommes au "village planétaire", se doter..."d'UNE ÉTHIQUE GLOBALE" afin de pouvoir survivre etc. etc.

    Je ne sais si c'est exactement dans la lîgne du sujet que Marie-Pierre nous a si bien exposé et proposé mais je vous lîvre tel quel, cet aspect des choses, un poînt névralgique de plus à explorer, à la lumière de nos vieilles chandelles, qui continuent néanmoins à nous rassurer, dans la nuit...

    Comment tout cela finira-t-il? Dieu seul le saît, si j'ose dîre!

    RépondreSupprimer
  2. Je suis enseignant en primaire et bien d'accord avec vous. Depuis toujours je pioche çà et là et fais moi-même mes leçons. Les raisons de ce papillonnage sont variées, insuffisances pédagogiques ou au contraire complications inutiles, idéologie etc. Je n'ose imaginer ce que ce doit être dans le secondaire, certes en biologie, mais en histoire, philo et tout ce qui peut "formater" les esprits.
    Cordialement
    Pascal

    RépondreSupprimer
  3. En théorie, Marie-Pierre semble avoir raison. Pour ce qui est de la pratique, il en va autrement. La bête avance ses pions à petits pas, et accepter que nos enfants aient entre les mains les livres pondus par une nomenklature de l'édition, n'est-ce pas déjà capituler ?
    Certains diront qu'après tout, nous, les parents, pouvons encore maîtriser l'éducation de nos enfants, leur expliquer que oui, c'est écrit dans les livres de classe, mais non, il ne faut pas prendre ces théories pour de l'argent comptant ; et puis que nous pouvons inscrire nos enfants dans des écoles saines qui ne sont pas celles de la ripoublique, et puis... Il n'empêche que 90 à 99 % des enfants vont rentrer de l'école un jour pour expliquer à leurs parents que le genre est déterminé autant par l'orientation sexuelle que par l'identité sexuelle, et comme ces parents pas plus bêtes que nous n'auront aucun argument à leur opposer, l'on se sera encore plus enfoncé dans la révolution culturelle destinée à briser les familles et la nation. Il faut voir les dégâts déjà commis avec le racisme.
    Et puis si l'Etat n'est pas responsable puisque ce n'est pas dans le programme, c'est tout de même avec notre argent que ces ouvrages sont financés via nos impôts, lorsque ce sont les établissements scolaires les achètent, quand ce n'est pas nous qui sommes obligés de les acheter !
    Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une démocratie dénaturée, et c'est la loi du nombre qui s'applique ; par conséquent, les inepties propagées par une population largement majoritaire apparaîtront tôt ou tard comme des vérités scientifiques si nous ne les combattons pas dès aujourd'hui.

    RépondreSupprimer
  4. Mon message a été repris sur le Forum catholique. Un certain Jejomeau me donne raison, pour expliquer aussitôt après que dans le cas qui nous préoccupe: un «jury […] sera mis en place concernant le ‘genre’» - et que les élèves devront passer «un oral» qui durera «une vingtaine de minutes». Je réponds qu’il n’en est rien. Sur ce cas précis justement: les élèves de Première accèdent à la classe suivante (Terminale) en fonction de leurs résultats de l’année. Ces résultats sont évalués par leurs propres enseignants. Un enseignant de biologie qui suit les programmes (et n’enseigne pas le ‘genre’) ne se verra pas doublé par un jury qui n’existe pas, dans un examen qui n’existe pas non plus.

    Vient ensuite Jean Ferrand, qui estime que «les écoles catholiques devraient refuser le manuel imposé par l'éducation nationale», et aller jusqu’à «faire appel aux institutions européennes pour abus de pouvoir». Je répète que les enseignants sont libres de choisir un manuel – ou non. Exactement de la même manière que les touristes qui visitent Paris ont le choix de leur guide (Michelin, Routard, etc), et peuvent aussi n’en acheter aucun.

    Vient aussi Hugues – à la différence de pas mal de gens qui parlent du sujet, il a mis son nez dans les textes il estime que: «L’Editeur Belin ne s'est pas fourvoyé dans ce délire». On parle bien de Belin, fondé en 1777, l’un des principaux éditeurs scolaires français. Que Belin ne parle pas du ‘genre’: voilà qui dit assez que l’on peut coller aux programmes sans entrer dans la théorie du ‘genre’.

    Vient enfin Souris Verte – elle estime possible de «présenter l'affaire intelligemment aux élèves». Elle propose de «profiter de ce cours pour leur montrer l'inanité de cette théorie». Chère Souris Verte! Je suggère quant à moi de profiter du cours de biologie pour enseigner aux élèves la biologie, selon ce qui est prévu au programme – et non pas pour lutter contre une théorie qui n’y figure seulement pas.

    Au final, et au risque de lasser, je répète : l’Etat n’impose aucun manuel, et ne fait pas figurer la «théorie du genre» dans ses programmes. D'aucuns ont du mal à s'en consoler: ils tenaient une cible à leur mesure.

    RépondreSupprimer
  5. [Message du webmestre] Chère MP – le message de Jejomeau sur le Forum Catholique donne un résumé de votre texte : «on pourrait ne pas enseigner la ‘théorie du genre’ telle qu'elle est prévue». Alors que vous dites exactement le contraire : que la théorie du genre N’est PAS prévue.

    Jejomeau sur le Forum Catholique donne aussi un lien vers votre texte sur le MetaBlog. Cependant: le message de Jejomeau a été vu 234 fois depuis deux jours. Les statistiques du MetaBlog indiquent que 9 personnes seulement ont cliqué sur ce lien qui renvoie vers ici. Les autres (225 personnes) ne l’ont pas fait.

    Il est illusoire de penser ‘répondre’ à des gens qui à plus de 95% ne vous ont seulement pas lue.

    RépondreSupprimer
  6. Merci à notre Webmestre d'avoir bien voulu publier mon premier post, un peu décalé (en apparence seulement) par rapport au sujet de Marie-Pierre.

    Marie-Pierre, vos commentaires de 19h20, sont fort précieux. Finalement, vous prêchez l'optimisme, en considérant que nous aurions toute latitude pour écarter la théorie du genre.

    En citant Henry de Lumley, je souhaîtais plutôt, quant à moi, évoquer le rouleau-compresseur de la pensée unique et bientôt mondiale, si ce n'est déjà fait, qui se manifeste dans de multiples endroits, interstices, débats, repoussant toujours plus loin nos racînes spirituelles, y compris dans la bouche des plus intelligents, tel Monsieur de Lumley.

    Une "éthique globale" en devenir, qu'est donc d'autre qu'une religion universelle laÏque, qui s'imposera à tous, quelle que soit son origine, sa race, sa religion (reléguée au rang des particularismes, comme celui de porter une cravate ou se vêtir d'un sari)?

    Je crains que vous ne soyez candîde et n'aperceviez que la question des programmes ou de ce qui est réellement "prévu", "officiel" ou non, dans cette question secondaire de la théorie du "Gender" ne relève que des détails d'application d'un plan autrement plus vaste, qui englobe celle-ci, au service d'une captation généralisée des esprîts et accessoirement, des âmes!

    RépondreSupprimer
  7. cher Thierry, il est certain que n'est pas pour le mieux, et que nous ne sommes pas dans le meilleur des mondes.

    Cela dit, il y a deux manières de voir les choses: soit nous développons une mentalité obsidionale (nous sommes assiégés et entourés d'ennemis - aménageons notre ghetto en attendant la fin - qui est proche).

    Où alors: il convient d'être vigilant sans virer parano. En particulier: il convient de ne pas se tromper de cible.

    Revenons à l'Education Nationale: elle a assez de défaut pour qu'on l'accuse en plus de faire lire du porno aux 'enfants' (l'Ars Amatoria d'Ovide au programme du bac) ou d'imposer le "gender" au bac.

    RépondreSupprimer
  8. @ Bien d'accord avec vous, cher Anonyme de 01h58 (vous êtes couche-tard comme notre Webmestre et moi, je vois!): le pire est de tomber dans la mentalité d assiégés. Presque déjà la défaîte annoncée!

    En ce sens, Marie-Pierre a fort bien fait de mettre les points sur les i. (je vous concède être un peu parano., sur les bords mais avouez que ce n'est pas sans raîsons!)

    RépondreSupprimer