lundi 14 novembre 2011

Rendez à César... Rendez à Dieu...

L’Evangile du XXIIème dimanche, « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » est bien connu. On peut dire qu’il est au cœur de la Révolution culturelle que représente le christianisme pour le monde. Il y a bien deux domaines distincts et deux autorités distinctes dans le monde, l’autorité politique humaine et l’autorité divine. Cela nous paraît une banalité d’affirmer ces deux choses et pourtant on a l’impression que les chrétiens – et les autres – n’auront jamais fini de scruter cette formule du Christ qui résume les conditions d’un ordre possible sur la terre.

Notre religion n’a rien à voir avec ce que les anciens Romains appelaient déjà « une religion civile ». Rendons à César ce qui lui appartient nous dit le Christ. Et l’Apôtre Pierre, commentateur de son maître, insiste : « Soyez soumis à toute autorité, même pénible ». Saint Paul nous en donne la raison : « Tout pouvoir vient de Dieu » (Rom. 13, 1). « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut » dit Jésus à Pilate.

Quelle est la limite de ce pouvoir civil ? L’autorité de Dieu. Les Premiers chrétiens l’ont dit et répété, on trouve cela déjà dans les Actes des apôtres : « Il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ». L’obéissance aux autorités politiques légitimes ne peut être véritable, ne peut être bonne que si elle n’empêche pas, que si elle n'interdit pas d’obéir à Dieu. Lorsque l’on a demandé à nos Pères dans la foi de rendre un culte à César comme à un Dieu, beaucoup ont préféré mourir plutôt que de mettre dans le Thuribulum les quelques grains d’encens qu’on leur demandait de faire brûler en l’honneur de César. Ils auraient pu faire de la casuistique et se justifier d’une faiblesse en se disant que ces grains d’encens n’avaient pas le même sens pour eux et pour ceux qui deviendront leurs persécuteurs. Ils auraient pu faire semblant de rendre un culte à César. L’ordre du Seigneur, son ordre formel les en a empêché : « rendez à César ce qui est à César ». Pas plus!

Il faut encore « rendre à Dieu ce qui est à Dieu »… Qu’est-ce que cela signifie ? Que Dieu ne veut pas nous contraindre à lui rendre hommage. C’est nous qui devons lui offrir la louange de notre piété. C’est nous qui devons « sanctifier son nom ». Terrible charge ! Immense responsabilité, qui constitue la sacralité chrétienne. Autrefois le sacré pouvait se trouver dans les choses. Aujourd’hui, par le Christ qui nous demande de « rendre à Dieu ce qui est à Dieu » le sacré se trouve avant tout dans cette injonction. Mais sommes nous capables de rendre à Dieu ce qui est à Dieu ? Sommes nous capables de reconnaître son autorité sur nous ? Sommes nous capables de nous reconnaître des devoirs envers lui?

Aujourd’hui tout est humain, trop humain et Dieu même n’est plus perçu que comme un moyen de satisfaire l’homme. Dieu doit permettre l’épanouissement personnel, comme un produit de consommation un peu haut de gamme… Nous lui rendons un culte ? C’est pour nous et non pas pour lui. Il faut que nous soyons capable d’inverser cette perspective qui est devenu la perspective naturelle du petit consommateur du XXIème siècle. Il faut que nous soyons capables de « sanctifier le nom de Dieu », de reconnaître son droit sur nous – et son autorité sur notre vie.

Cette autorité est bonne, elle est bénéfique, elle nous permet de donner le meilleur de nous-mêmes : « Pour moi, dit le Psalmiste, m’attacher à Dieu, c’est un bien ». Mais il ne faut pas se leurrer : cette autorité bénéfique, on ne triche pas avec elle. Parce qu’elle est absolue, elle nous demande un amour absolu. Parce qu’elle s’est donnée à nous en Jésus dans un amour absolu, elle nous demande de rendre amour pour amour et d’élever notre petite vie limitée aux dimensions d’un absolu de dévouement et de dévotion.

1 commentaire:

  1. Sanctifier nous-mêmes le Nom de dieu ou devenir "diffusif de dieu" comme "l'amour est diffusif de soi".

    Depuis quelques jours, m'arrête beaucoup une pensée que j'ai eue dans mon enfance.

    J'essayais d'imaginer quel timbre pouvait avoir la voix de dieu. Et chaque fois que je me posais cette question en conscience, je ne pouvais m'imaginer que Dieu eût une autre voix que la mienne.

    Revenant sur cette réminiscence spirituelle, je commençai par me dire que j'avais fait en la circonstance preuve d'un suprême orgueil. Or je ne pouvais me défendre de trouver que cela ne correspondait pas à mon sentiment de l'époque. Car en paraissant attribuer à dieu ma voix, se renversait la charge de la Preuve amoureuse: c'était dieu Qui ne Se dissimulait tellement pas à mon intériorité qu'Il m'attribuait Sa propre voix.

    Lors d'une conversation de restaurant entre mon meilleur ami (lui aussi d'enfance) et moi, je lui demandai:

    "si le visage est le reflet de l'âme, si les yeux en sont les fenêtres, que pourrait-on dire de la voix?"

    du tac au tac, il me répondit:
    "Que la voix est le son de l'âme."

    Son poitrinaire, thoracique, non de gorge, mais viril. Son en cage que j'entends par ma poitrine, dit Malraux, et que les autres entendent par leurs oreilles. Si, parce qu'Il est diffusif de Soi, l'Amour de Dieu attribue à ma voix parlée un peu du son de son âme, j'entends sortir de ma poitrine une Injonction virile qui me fait essayer de dire la Justice avec justesse. Avoir faim et soif de la Justice, c'est avoir le palais amère et languissant après l'altération virile de ce règne puissant.

    Sanctifier le Nom de dieu de sa piété, c'est obéir à sa voix qui ne nous confit pas en dévotion, si absolue qu'elle doive être recherchée. Dieu Est en nous Icône, source et voix. Son Amour ne peut être perçu hors de nous-mêmes, mais Il nous fait percevoir l'Hors-de-soi.

    Arrosé de la source divine, notre coeur-éponge est transparence à Sa pureté, que reflète le coeur Immaculé de Marie. Devant réfléchir Son Image, notre personnalité doit à la fois développer la photographie divine et irradier de Dieu. Eclairée de l'invisible Lumière de la voix divine, notre conscience doit faire sortir le Verbe de sa voix intérieure pour Le mettre sur nos lèvres. Mais seule, cette troisième dimension de l'inhabitation de Dieu en nous est vraiment verticale. Seule, la voix de dieu est Verticale en nous. Le Visage et la Source divine sont comme blottis en notre sein. La voix de dieu doit en sortir pour proclamer la louange de Sa gloire par l'écho que nous lui donnons.

    "si tu crois dans ton coeur... si ta bouche proclame... que Jésus Est Seigneur, tu seras sauvé", dit saint-Paul; et, de même que "la foi vient de ce qu'on entend", tes oeuvres la suivront, pourrions-nous ajouter.

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