vendredi 15 novembre 2013

Désobéir par devoir ?

Alors que la cote de popularité du président Hollande est tombé à 15 % et qu'il faudra sans doute inventer une mesure pour des sondages qui tomberaient en dessous du niveau de la mer - quelque chose comme une cote d'impopularité une fois qu'on a constaté que toutes les cotes de popularité sont mal taillées - il me paraît opportun de réfléchir à la vieille question de la désobéissance civile, telle que le Catéchisme de l'Eglise catholique l'envisage.

Question difficile et qui, dans notre République, semble aujourd'hui purement théorique.On lit par exemple dans le CEC : "On est moralement tenu de résister aux ordres qui commandent un génocide" (n°2313). Je pense qu'aucun de mes lecteurs (absolument aucun) ne peut contester que l'ordre de génocide doit être refusé et combattu. - En France me dira-t-on, cela ne risque pas d'arriver... - Il ne faut jamais dire jamais... La question de l'identité est aujourd'hui au coeur des débats. Demain son traitement peut devenir agressif, éruptif, meurtrier... Il faut se tenir prêt, comme chrétien, à refuser un ordre ouvertement immoral et violent. L'obéissance n'est pas toujours une vertu.

Je pense irrésistiblement à tel passage du Procès Eichmann à Jérusalem. L'un des derniers nazis, arrêté par l'Irgoun en 1961, allait être jugé en 1962. Hannah Arendt avait été envoyé par The New Yorker, un gros magazine branché de la Côte Est, pour couvrir l'événement. En méditant sur le procès de l’Obersturmbahnführer (lieutenant-colonel) Eichmann, responsable des infrastructures ferroviaires de la déportation des juifs, elle est surprise de l’insignifiance de ce bourreau. Le procès avait lieu à Jérusalem. Il fut précédé de très longs interrogatoires, auxquels Eichmann se plia de bonne grâce, comme pour se faire valoir auprès de ceux qui avaient la charge de le faire parler. Elle a dépouillés minutieusement toutes les pièces. C’est ainsi qu’elle cite ce compte-rendu des paroles d’Eichmann au moment de sa première condamnation en 1961. L’accusé proteste : « Le tribunal ne l’avait pas cru, quoi qu’il eût toujours fait de son mieux pour dire la vérité. Le tribunal ne le comprenait pas : il n’avait jamais haï les juifs, il n’avait jamais voulu que des êtres humains fussent assassinés. Il était coupable parce qu’il avait obéi, et pourtant l’obéissance était considérée comme une vertu. Les dirigeants nazis avaient abusé de sa vertu » (éd. Folio pp. 399-400). 

Ce qui frappe dans cette déposition étrange, de la part de quelqu'un qui a loyalement organisé le convoyage de centaines de milliers d'individus vers des Camps d'extermination, c’est le type de conscience qui accompagne "l’aveu", ou plus exactement la gangue d’inconscience qui l’entoure. Eichmann ne se reproche rien à lui-même. Il se réduit volontiers lui-même à une pure fonction de rouage dans une machinerie. Parce que ces crimes ont été commis dans le cadre d’un système légal, il se trouve exonéré non seulement d’en payer le prix mais d’en ressentir la moindre responsabilité personnelle. Il serait plutôt satisfait d’avoir accompli un travail important, au service de ceux qui lui ont fait confiance. Faut-il dire qu’il est victime d’une idéologie mortifère ? Sans doute, mais en précisant bien qu’Eichmann n’a rien du fanatique endoctriné, de l’idéologue bétonné ni non plus du menteur cynique. Il est même involontairement comique à cause de la naïveté ou de la fatuité de ses réponses. 

Hannah Arendt, après avoir patiemment présenté ce dossier dans tous ses détails, conclut elle-même : "Nous sommes bien obligés de noter qu’Eichmann a agi précisément selon le sens inné de la justice que l’on pouvait attendre de lui. Il a agi selon la règle, il a examiné l’ordre qui lui était donné du point de vue de sa légalité manifeste, c’est-à-dire de sa régularité". Victime du système ? Il est en tout cas purement légaliste. Il a de bonnes raisons de penser qu'il est couvert par la loi. La loi civile se substitue pour lui à la loi morale. "Selon lui, observe finement Hannah Arendt rentrant dans la peau du criminel, il n’avait pas besoin de s’en remettre à sa conscience puisqu’il n’était pas de ceux qui ignorent les lois en vigueur dans leur pays". Pas besoin de sa conscience ! La loi civile pourvoit à tout. Le drame d’Eichmann, au fond, c’est qu’il ne pense pas. Il applique la règle. Il est régulier, discipliné, obéissant et cela lui suffit. Le terme familier de “lobotomisé” semble lui convenir.Il est lobotomisé de la conscience.

Pour une fois la reductio ad Hitlerum fonctionne bien ici : elle permet de comprendre qu'il existe un problème d'obéissance ou de désobéissance civile et que ceux qui ne le voient pas, qui ne l'imaginent même pas comme Eichmann, peuvent être gravement coupables, selon le domaine d'obéissance qui est le leur et dans lequel ils se sont réfugiés. Actuellement les questions de respect de la vie humaine de la conception à la mort naturelle et de respect de l'ordre naturel [il faut un homme et une femme pour faire et pour élever un enfant] sont des questions sur lesquelles la conscience doit parler avant l'obéissance à la loi civile.

Mais le CEC nous fournit aussi un paragraphe de Gaudium et spes, la Constitution de Vatican II sur l'Eglise dans le monde de ce temps, qui élargit notablement la perspective et multiplie les cas dans lesquels on est susceptible de se résoudre à la désobéissance civile : "Si l'autorité publique, débordant sa compétence, opprime les citoyens, que ceux-ci ne refusent pas ce qui est objectivement demandé par le bien commun. Il leur est cependant permis de défendre leurs droits et ceux de leurs concitoyens contre les abus de pouvoir, en respectant les limites tracées par la loi naturelle et la loi évangélique" (GS74 §5 cit. CEC n°2243). Dans le paragraphe suivant, il est expliqué dans quelles conditions il peut être légitime de recourir aux armes. Ces conditions sont restrictives, mais même cette résistance-là l'Eglise l'envisage éventuellement comme un devoir. 

Certains esprits chagrins penseront que comme c'est Vatican II qui l'a dit, il faut se garder comme de la peste de cette doctrine "libertaire". En réalité, il s'agit bien de la doctrine de l'Eglise. Reste à travailler sur les applications concrètes. Je veux bien croire qu'elles sont fort peu nombreuses. Mais elles existent : à parler en général, disons qu'un pouvoir qui travaille habituellement pour le mal commun perd sa légitimité en démocratie. En République au contraire, il la garde, puisque ce pouvoir lui a été légalement conféré par le peuple. C'est la même chose dans une Monarchie de droit divin, mais dans ce dernier cas, le pouvoir a été conféré par le hasard de l'hérédité. Les Ligueurs catholiques qui, au XVIème siècle, refusaient que ce hasard de l'hérédité puisse conférer le pouvoir à Henri de Navarre, prince (plus ou moins) protestant... Ils étaient anti-monarchiques à tendance thomisto-démocrate : le bien commun d'une population majoritairement catholique passait avant le respect des lois de dévolution de l'autorité. 

Aujourd'hui, notre Monarchie a accouché de la République. On retrouve le même absolutisme, et donc la même absence de souplesse, l'impossibilité de remettre en cause le verdict ancien du Suffrage universel, malgré les difficultés du Pouvoir et ses 15% actuels. Ce serait anti-républicain de contester l'autorité du gouvernement nommé par le Président. Antirépublicain, nous ne le serons pas. 

Mais passerons-nous un jour, nous autres Français, de l'absolutisme républicain à la pratique démocratique ? Ce n'est pas sûr. Il faut déjà en parler et le moins que l'on puisse dire est que les circonstances sont favorables.
Au CSP, conférence de l'abbé G. de Tanoüarn, mardi 19 novembre à 20 H 15, sur La désobéissance civile (Thomas d'Aquin, Hannah Arendt et notre bel aujourd'hui).

23 commentaires:

  1. La question peut se ramener à ceci: si Eichmann était un criminel, alors nous le sommes tous, puisque nous acceptons l'avortement (sauf le courageux Dr Dor) et le finançons par nos impôts. Sans parler d'autre abominations comme les guerres stupides et meurtrières déclenchées tous les 20 ans par la République (à chaque fois qu'elle est aux abois). Si, par contre, nous sommes innocents, alors Eichmann l'était aussi. Inutile d'ailleurs, de convoquer la "reductio ad Hitlerum", vieille ficelle usée, on pourrait aussi évoquer Créon en face d'Antigone, ou de Gaulle face à Bastien Thiry.

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    1. Nous sommes tous des rouages d’entreprises diverses dont certaines sont bonnes, d'autres neutres, et quelques unes criminelles. La question est de savoir si, placés à tel endroit, nous faisons du zèle (ou pas) pour que marche bien ce qui est bien, et que marche mal ce qui est mal.

      Si j'ai bien compris, ce qui a été reproché à Maurice Papon, ce n'est pas tant d'avoir eu des responsabilités durant la guerre - c'est de s'être montré... efficace. L'occupant demandait par exemple des trains pour déporter. Dans certains coins, ces trains n'arrivaient ni au bon moment, ni au bon endroit, des wagons manquaient, etc. Avec Papon, rien de tel, ça roulait.

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  2. Pourriez-vous traduire en français courant ce mot : CEC

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    1. Dans ce contexte, CEC renvoie au "Catéchisme de l'Église catholique".

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  3. "...Ce serait anti-républicain de contester l'autorité du gouvernement nommé par le Président. Antirépublicain, nous ne le serons pas. "
    Il me semble que la légitimité passe avant la légalité. Et donc, a fortiori, vous reconnaissez comme légitimes toutes les Républiques puisque légaliste.
    Antirépublicain j'étais, je suis et je serai toujours.
    La seule façon de passer de l'absolutisme républicain à la pratique démocratique demeure dans la restauration de la Monarchie absolue ( dans le sens latin du terme : indépendant de), anti-parlementaire et décentralisée.

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  4. J'ai lu un peu vite c'est vrai, mais rien de nouveau depuis Antigone, c'est bien ça?

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  5. En somme, il suffirait de faire la "grève du zèle" pour se donner bonne conscience?
    Pourquoi ne pas reconnaître plutôt que l'on est devant un dilemme? A certaines heures nous sommes proches de Créon, à d'autres heures, nous sommes proches d'Antigone. Quand on a un caractère naturellement rebelle (ce qui est mon cas) on est plus souvent proche d'Antigone,...sans pour autant être certain de persévérer jusqu'au sang dans cette posture et sans être certain qu'elle est forcément toujours la bonne. Dans le cas contraire, lorsqu'on est naturellement discipliné, on a le culte de l'obéissance, ce qui -à moins d'avoir choisi la vie monastique- n'est pas toujours la bonne attitude non plus. L'obéissance est parfois le prétexte dont se couvre la paresse d'esprit et la lâcheté.
    Il s'agit donc bien d'un dilemme, et c'est au cas par cas, individuellement, qu'il appartient d'essayer de le résoudre. Evitons les généralisations hâtives, par lesquelles nous nous donnons bonne conscience, surtout avec l'histoire contemporaine (les trains, les wagons, Papon, Eichmann...)

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    1. "il suffirait de faire la 'grève du zèle' pour se donner bonne conscience?"

      --> Je crois que votre commentaire de 16H38 est une réponse au mien de 10H56... auquel cas: NON. Vous n'avez pas saisi mon propos.

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  6. Moi je crois que, dans les lois de Dieux, il y a tout ce que nous devons comprendre pour savoir bien agir. Nous devons résister aux ordres qui mènent au mal.
    Un nazi, comme mentionné ci-dessus, a commis des crimes parce que, en conscience, les a accepté.
    Le problème des gouvernements actuels c´est qu´ils ne se soucient pas vraiment avec les gens, avec le peuple, mais avec leurs propres intérêts personnels. Cela se produit pratiquement dans le monde entier.
    Mais nous, chrétiens, nous connaissons la différence entre le bien et le mal : donc, il faut protester contre le mal et ne pas le tolérer.
    Cela paraît simple ? Mais ce n´est pas : lorsque on tolére les abus, les crimes, la violence, et quand on n´ouvre pas la bouche pour se plaindre, lorsque nous restons silencieux face à l ´injustice, nous pouvons nous devenir cumplice de tout cela.
    Le problème n´est pas dans le régime républicain ou monarchiste : le problème est dans le coeur humain : quand il veut faire le mal, il le fait.
    Prende des armes résout les problèmes ? Je ne crois pas. Si chacun lutte par un monde plus honnêt, plus humain, plus généreux, les choses vont commencer à aller mieux.
    Si chacun commence par lui-même, dans leurs relations uns avec les autres. Nous avons dans la histoire du monde des gens qui ont fait cette différence. Avec un comportement de générosité, d´un véritable amour.
    C`est, en outre, ce que nous a préché le Christ : « Si vous avez de l ´amour les uns aux autres, tout le monde saura que vous êtes mes disciples. » Rien de plus à ajouter.
    (Pardon pour le mauvais français. Ce n`est pas ma langue habituelle.).
    Merci de tout ce que vous écrivez, M.l ´abbé.

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  7. MAG2T, vous dîtes « …qu’il faut se tenir prêt, comme chrétien à refuser on ordre immoral et violent. » Soit ! Peut-être avez-vous déjà débattu sur ce blog du rétablissement de la peine de mort, subrepticement glissé dans la CEDH au Traité de Lisbonne le 13.12.2007. (l’article 2, paragraphe 2, de la CEDH) confirmé à Rome trois ans plus tard à la barbe de tous les citoyens européens. Pour moi cet argument est relativement nouveau, mais confirme bien que tout a été adroitement pensé pour juguler l’opposition à l’Europe et à sa mafia. Voici le texte :
    «La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire:
    a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;

    b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue;

    c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection.»
    Cela fera donc 16 ans (le 13 décembre) que cet article attend patiemment d’entrer en application. Il laisse entendre qu’il est possible de répondre aux manifestations en tirant sur la foule. D’après A. Shachtschneider professeur de droit, ce traité dans sa totalité (je pense spécialement à l’article 104 qui oblige les états à s’endetter auprès de banques privées) « justifie la résistance », crise financière et économique aidant (crise provoquée par les auteurs de cette politique européenne). Ce juriste clairvoyant voyait déjà le changement sémantique d’une résistance civile en « insurrection ». C’est à ce moment là que la loi européenne ci-dessus citée rentera en vigueur. Si, de leur côté, les chrétiens prennent aussi les armes, cela s’appellera la guerre ! On parlera d’état d’urgence et le tour sera joué ! Avant de réfléchir philosophiquement sur la question, je resterai pragmatique car j’entrevoie assez clairement un déroulement de ce genre. Mr Hollande, à mon avis, espère être encore en fonction en 2015. Cette échéance est pour lui capitale. En effet à l’application de l’alliance atlantique il obtiendra l’aide de milices américaines de police privée qui eux n’auront aucun scrupule à tirer sur la foule. Les américains ont eux aussi une loi dans ce genre mais bien plus extrême encore qui à long terme, avec cette alliance risquerait d’entrer en vigueur chez nous. Il s’agit de la possibilité d’instaurer la loi martiale à la suite d’un cataclysme naturel, économique ou social. Bob Bauman déclarait déjà en 2001 : « … Two years ago I and others called attention to a dangerous provision slipped into an omnibus appropriation bill that gave the President of the United States the unprecedented power to deploy the U.S. military for domestic duty within the United States as he sees fit." Despotisme ou tyrannie ?

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  8. Dieu seul sonde les reins et les coeurs. la justice des hommes - procès Eichmann, Papon, Pinochet, Pétain, etc. - n'est pas toujours juste. elle sert souvent d'exutoire, de vengeance, de recherche de bouc-émissaire.

    pour ce qui est de notre attitude / action personnelle, nous devons choisir de faire le bien et d'éviter le mal. ce n'est pas toujours simple ni facile.

    et quand bien même nous nous efforçons d'être moral, l'action collective qui résulte de la somme des actions, ou inactions, individuelles n'est pas toujours bonne, juste, efficace.

    et pourtant, que nous le voulions ou pas, nous sommes embarqués dans la même galère, nous sommes plus ou moins responsables, du moins, dans la société de l'information, responsabilisés.

    quant au régime, il en est qui favorise en effet plus ou moins le bien commun. d'après St Thomas, la monarchie (ou la royauté ?) est le meilleur régime, qui n'empêche pas la règle de fonctionnement démocratique. au contraire, la république est volontiers totalitaire. ici joue le génie propre des peuples. les contre-pouvoirs voulus par les républicains américains sont volontiers dépassés maintenant. la république françaises s'est pensée dès l'origine comme totalitaire, de combat, et ce d'autant qu'elle a été pensée et imposée dans le sang par des esprits totalitaires. le ver est dans le fruit. on récolte ce qu'ils ont semé.

    "les parents ont mangé des raisins verts, les enfants ont les dents gâtées". peuvent-ils se révolter ? contre qui ? contre quoi ? se révolter contre gouvernement actuel ne ferait qu'effleurer le problème. le gvt actuel est un symptôme, pas la cause unique du mal.

    Marthe Robin a prophétisé : la France tombera très bas ... à mon avis, elle ne se relèvera que lorsqu'elle se convertira.



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  9. à propos de Antigone, Eichmann etc. : la question est de savoir à qui on obéit. Antigone obéit à une loi au-dessus de la loi politique, Eichmann obéit à la loi du politique. les Apôtres disaient de même, il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. et pour nous ? individuellement nous pouvons obéir à notre conscience, mais cela se traduirait comment ? faire la grève de l'impôt ? voter avec ses pieds ? manifester ne sert à rien s'il n'y a pas de casse, de violence. débattre ? la démocratie (française) c'est "cause toujours". prier ? le mal en face n'est pas que politique, mais aussi et surtout spirituel.

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  10. désobéissance....passer par les armes....faudrait vous faire soigner.

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  11. tous ces propos douteux, frisant l'extrémisme, flirtant avec elle assurément, me déçoivent, M l'Abbé, à l'heure où la Vierge Marie a sauvé l'IBP en la personne de son chef, permettant à ce dernier de faire une paix profonde et durable, en ce moment mise à mal par cette désolidarisation d'avec l'Eglise Catholique, qui, elle, essaie de pacifier les esprits : avez vous perdu la tête ? je vous le dis, dans environ six ans auront lieu d'autres élections et je les vois mal parties. ce serait vraiment dommage de perdre la bonne direction que vous aviez prise, celle de l'unité, en communion avec l'Eglise.

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  12. Je ne peux m’empêcher de vous faire partager encore une fois une citation des « possédés » de Dostoïevski car écrit en 1871, il colle parfaitement à ce que nous vivons. On y reconnaît très bien la tyrannie de la liberté absolue : (Je dédie cet extrait à notre gouvernement !)
    « …Partant de la liberté illimitée, j’aboutis au despotisme illimité…
    Chacun appartient à tous, et tous à chacun. Tous sont esclaves et égaux dans l’esclavage. Couper la langue à Cicéron, crever les yeux à Copernic, lapider Shakespeare… Des esclaves doivent être égaux ; sans despotisme il n’y a encore eu ni liberté ni égalité, mais dans un troupeau doit régner l’égalité… Ha, ha, ha ! Vous trouvez cela drôle? À bas l’instruction et la science ! Il y en a assez comme cela pour un millier d’années; mais il faut organiser l’obéissance, c’est la seule chose qui fasse défaut dans le monde. La soif de l’étude est une soif aristocratique. Avec la famille ou l’auteur apparaît le désir de la propriété. Nous tuerons ce désir: nous favoriserons l’ivrognerie, les cancans, la délation ; nous propagerons une débauche sans précédents, nous étoufferons les génies dans leur berceau. Réduction de tout au même dénominateur, égalité complète. Mais il faut aussi des convulsions ; nous pourvoirons à cela, nous autres gouvernants. Les esclaves doivent avoir des chefs. Moi, je suis un coquin et non un socialiste, ha, ha ! Écoutez, je les ai tous comptés. Le précepteur qui se moque avec les enfants de leur dieu et de leur berceau, est des nôtres. L’avocat qui défend un assassin bien élevé en prouvant qu’il était plus instruit que ses victimes et que, pour se procurer de l’argent, il ne pouvait pas ne pas tuer, est des nôtres. Les écoliers qui, pour éprouver une sensation, tuent un paysan, sont des nôtres. Les jurés qui acquittent systématiquement tous les criminels sont des nôtres. Le procureur qui, au tribunal, tremble de ne pas se montrer assez libéral, est des nôtres. Quand j’ai quitté la Russie, la thèse de Littré qui assimile le crime à une folie faisait fureur ; je reviens, et déjà le crime n’est plus une folie, c’est le bon sens même, presque un devoir, à tout le moins une noble protestation. .. Mais maintenant la débauche est nécessaire pendant une ou deux générations, – une débauche inouïe, ignoble, sale, voilà ce qu’il faut!... »
    Et pour répondre à Anonyme de 20h40, non nous ne sommes pas tous « plus ou moins » responsables des crimes des autres ! Nous sommes tous solidaires dans le péché car comme je l’ai entendu dans un sermon dimanche (hier) le prêtre expliquait fort bien la chose en disant que le crime d’autrui c’était aussi le nôtre car nous sommes tous pêcheurs. Et d’autre part je ne suis pas d’accord avec le sempiternel discours sur le bien et le mal ! Si nous ne passons pas du stade éthique au stade religieux (comme dirait Kierkegaard)… Pas moyen d’être chrétien. Suivre les Evangiles c’est y ajouter autre une valeur. Se convertir, c’est aller dans une autre dimension que celle qui a fait cette civilisation. On touchera le fond avant que les gens comprennent, ça c’est sûr !



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  13. Bravo, Benoite, pour cette superbe citation, qui répond si bien à notre sujet. Ceci dit, Benoite pourrait-elle me donner un truc pour lire "Les Possédés" sans que le roman vous tombe des mains avant la page 50? Peut-être faudrait sauter d'emblée à la seconde partie du livre ?

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    1. Chère Lysistra,
      Il faut rentrer dans le monde de Dostoïeveski , oui cela demande un effort, mais on est récompensé devant une richesse inouïe et prophétique. Je pense à ce conte africain où une vieille apprend aux jeunes gamins impatients comment casser la noix de coco avec une pierre pour en goûter le lait avant de s'échiner avec leurs dents en vain..

      Merci à Benoîte de cette superbe citation, qui à elle seule, résume les " Démons" ou plutôt en donne le là. On a vraiment l'impression que ce qu'il a vu , on a refusé de le voir. Pourtant Lénine , qui reconnait son talent ne s'était pas trompé. Dostoïeveski était et reste son vrai adversaire, ennemi pourrait -on dire- qu'il insulté- comme il reste l'adversaire absolu de tous ces démons qui s'agitent devant nous , au sens propre et figuré. .

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  14. pour en revenir à l'époque , la première moitié du vingtième siècle, il faut préciser que l'obéissance , si ce n'est la docilité, faisait partie de l'éducation.L'ordre hiérarchique était capital et il n'était pas admis de discuter les supérieurs.
    Les gendarmes et policiers qui travaillaient sous l'occupation ne discutaient pas les ordres donnés.
    Maintenant , peut-on dire que cela va mieux? L'idéologie a remplacé la hiérarchie et la docilité pour ne pas dire la servilité est encore plus grande , qui s'appuie sur l'air du temps. Voir l'avortement nommé IVG et présenté comme une avancée de civilisation et de liberté et bientôt l'euthanasie prônée par les mêmes qui n'ont pas assez d'indignation pour les nazis qu'ils imitent.
    Il n'y a plus d'examen de conscience et les dérives avancent insidieusement.
    Un verre d'eau suffit à éteindre un incendie qui mobiliserait des casernes de pompiers , sans succès peut-être.

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  15. 1. Je ne suis pas sûr que la "reductio ad Hitlerum" soit ici nécessaire, puisque la Résistance est l'équivalent de la "désobéissance civile". Mais puisque vous prenez les exemples de Papon et d'Eichmann :

    a) Est-ce qu'un cheminot n'était pas aussi coupable qu'un Papon? Moins responsable, mais tout aussi coupable.

    b) Le vrai problème d'eichmann, c'est qu'il reste normatif jusque dans son procès. S'il n'était pas normatif, il récuserait le tribunal qui le juge, ou bien il se repentirait de ses exactions. Un Barby se montra plus digne, qui refusa de répondre à ses juges et qui aurait à la fois redouté et préféré être jugé en Allemagne par les siens.

    c) Hannah Arendt a fait le même procès aux UJIF qu'à Eichmann, mais elle l'a fait du haut de son statut de réfugiée qui avait fui la guerre. Donc était-elle fondée à le faire? et ses fervents admirateurs reprennent moins cette critique qu'ils ne dissèquent "la banalité du mal" du fonctionnaire Eichmann.

    d) Notre société souffre du même excès de "normalisme" ou de normativisme propice à "la banalité du mal". Non seulement elle multiplie les normes pour exaspérer le citoyen, mais s'il a franchi l'indécidable seuil qui sépare le normal du pathologique, elle le médicalise ou le psychiâtrise, ce qui est, avec la bureaucratie, un point commun de notre société avec l'Union soviétique. A croire que le monde globalisé a intégralement adopté le modèle chinois: un socialisme résiduel affiché, mais dépourvu d'idéologie, un peu comme notre laïcité est un substitut de religion, mais dépourvue de contenu; une affirmation des valeurs de respect et de dialogue à condition d'éviter toute confrontation.

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  16. (Suite)
    2. Je crains que vous vous obstiniez à vous méprendre sur l'articulation entre démocratie et république.

    "à parler en général", écrivez-vous, "disons qu'un pouvoir qui travaille habituellement pour le mal commun perd sa légitimité en démocratie. En République au contraire, il la garde, puisque ce pouvoir lui a été légalement conféré par le peuple." Erreur, puisque les républicains estiment qu'Hitler ne pouvait se prévaloir d'avoir été élu démocratiquement pour rester un dirigeant légitime puisqu'il ne respectait pas ce substrat de valeurs que nous appelons aujourd'hui républicaines.

    La démocratie n'a pas de valeurs à l'origine, mais fait le pari qu'un peuple doit errer ensemble ou choisir le vrai ensemble. La démocratie ne dit pas que le peuple ne peut pas se tromper, mais qu'il doit assumer son choix, pour la durée où il l'a fait. Notre république aurait destitué Hitler, et elle se réserve encore de destituer quiconque elle aura décrété attenter à ses valeurs. Ce qui lui permet de dire par exemple que le FN n'est pas un "parti républicain" est qu'elle l'a discerné plus épris de démocratie (avec un penchant autoritaire) que des "valeurs de la république", quoiqu'il les instrumente à son profit, comme il fait de la laïcité contre l'islam. Notre République considère que le FN n'est pas un parti républicain; pourtant elle le laisse concourir aux élections démocratiques, jusqu'au jour où il accéderait démocratiquement au pouvoir, et où elle l'en chasserait comme n'étant pas républicain.

    Tout autre est la démocratie qui ne connaît que la souveraineté et n'est pas un régime de principes ou de valeurs, comme la monarchie théocratique ou la république, mais de souveraineté. . La dérive démocratique est de totaliser le principe de souveraineté populaire, le seul qu'elle connaisse, faute de prévoir des mandats révocables, ou des procédures de destitution pour raisons graves soumises au peuple. Telle est peut-être "la pratique démocratique" qui serait conciliable avec une monarchie thomiste fondée, elle aussi, sur une délégation de souveraineté. Tempérer la monarchie et la démocratie pour trouver un régime à la mesure de l'homme serait ce qu'il faudrait chercher pour atteindre l'équilibre que vous souhaitez. Mais de grâce, cessez de confondre république et démocratie, ou bien dites que la République étant "la chose du peuple", elle n'a pas de contenu a priori, comme notre république totalisée issue des droits de l'homme; mais chercher ses limites, c'est nous saisir de la république au sens étymologique et strict où ce mot a une valeur politique. Cela vous amènerait à reconnaître que vous êtes plus strictement républicain que démocrate.

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  17. @Lysistrata,
    Je ne crois pas qu’il faille commencer directement au 2ème tome. Je crois même qu’avant cela, « la confession de Stavroguine » serait une bonne introduction. Il faut aussi du temps et si on en a peu, il faut le prendre. A part ça, j’aurais aimé vous donner un « truc » mais il n’y en a pas. Seule une certaine passion pour cet auteur peut rendre comestible la longueur du texte. Je suis réellement fascinée par ce génie qui connaît et décrit si merveilleusement bien l’âme humaine, vous savez ce truc qui est un mélange de divin et d’humain, de bien et de mal, de tragique et de comique, de grandeur et de mesquinerie etc…, car le plus banal des hommes peut devenir un monstre, un possédé. C’est en cela que l’histoire se répète. Elle est universellement la même. Ecrivain, penseur, connaissant l’homme jusque dans ces abîmes psychiatriques, son regard perçant n’ommet ni la politique, ni la religion chrétienne, ni l’athéisme… Rien ne lui échappe et à la dernière ligne, on pourrait se dire :Tout est dit, l’Histoire est finie ou bien elle recommence son cycle infernal.
    « On écrira encore beaucoup de livres, et on omettra l’essentiel : l’Occident a perdu le Christ, et c’est pourquoi il décline, uniquement à cause de cela. » Dostoïevsky à Strakhov le 30 mai 1871. (Après la Commune)
    "À mon sentiment, là( le Christ) est le chemin de notre résurrection( de la Russie) et même de l’Europe entière. » Dostoïevsky écrivait cela (je crois) en 1874, presque 40 ans avant le message de Fatima demandant la consécration de la Russie au Coeur Immaculé de Marie (laquelle n'a jamais été vraiment prononcée comme le voulait la Vierge). Non, le problème n'est pas comment lire cet auteur mais comment le relire...

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    1. @Julien

      @Julien
      De quelle république parlez vous ? de la république française ou de la Res Publica en général ? .
      Si c’est la république française , de quelle légitimité peut-elle se prévaloir depuis ses origines, alors qu’elle est fondée sur une violence prise sanglante de la Bastille avec têtes coupées s portées en en triomphe à la journée du 10 aout face à un pouvoir rendu faible par la fausse douceur des temps, et qu’elle a consolidé son emprise par une histoire militante, donc perverse.
      On ne peut fonder durablement un régime sur un appel d’air qui a entrainé deux siècles de guerres en Europe si on suit Guigleimo Ferrero ( Pouvoir, Reconstruction, etc… ) et même peut être R. Girard si on lit attentivement « « Achever Clausewitz » Dans son ADN la république française est condamnée à rendre son eau noire, à échouer jusqu’à nouvel ordre. Bien sûr des personnages comme de Gaulle ont tenté de la transcender, de la réconcilier avec la légitimité et le concert des nations. , mais a-t-il réussi ?
      La frontière et l’articulation ne sont pas entre un régime ou un autre mais entre légitimité et légalité
      .
      Maintenant s’il s’agit de valeurs supérieures, antérieures à opposer à une démocratie devenue folle ou confisquée par une clique ou des lobbies, cette opposition légitime peut venir indifféremment de la république ou d’une reviviscence de la royauté.
      Ou alors on invoquera la Res Publica qui est à tous

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    2. @Julien

      @Julien bis
      Sur Hannah Arendt
      Il me semble que l’on ne peut que la féliciter d’avoir sauvé sa vie, en passant en Espagne en 1940 et lui savoir gré de sa réflexion après la guerre. C’est un devoir de sauver sa vie, c’est d’une actualité brûlante devant cette propagande, il n’ya pas d’autres mots- pour l’euthanasie compassionnelle. Ensuite sa réflexion sur la nécessité de bousculer les gardiens des camps, même avec le risque d’y laisser des plumes , mais au moins d’en sauver un grand nombre me parait bien vue et à méditer aujourd’hui où il y a bien moment où la résistance doit passer à l’action.
      Certes ses leçons n’ont pas été bien reçues,- le débat est brûlant et passionnel, mais la lucidité alliée au courage de cette femme me parait précieuse

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