"Je veux voir Dieu !" Ainsi sainte Thérèse de l'Enfant Jésus résumait-elle l'engagement de toute sa vie. Quel est le but de notre vie ? Plus on accumule les connaissances, plus il paraît clair que ce que nous voulons au plus profond, c'est sortir de l'obscurité, qui est comme l'étoffe même de notre condition humaine pour découvrir ce que nous f... sur cette terre. Plus nous prenons conscience de l'absurdité de ce que nous savons de notre destinée, plus nous désirons comprendre. Pascal disait : l'homme est cet individu qui se réveille sur une île déserte et qui ne sait ni d'où il vient ni où il va. La première richesse intérieure de l'être humain, c'est la manière plus ou moins profonde dont il prend conscience de son ignorance : Socrate est le plus savant de tous les hommes parce que c'est le plus ignorant. Il a une conscience précise de son ignorance ; "Je sais que je ne sais rien".
Nous n'avançons dans le mystère que lorsque nous acceptons de ne pas remplacer cette ignorance par une pseudo-science, une idéologie, une fausse religion, c'est-à-dire une religion qui nous promet de tout savoir et de jouir de tout, ici et maintenant. Une religion qui ne respecterait pas le mystère. En ce sens, le culte à mystère d'Eleusis représente la grande synthèse humaine ou paënne de notre ignorance et de notre attente. Quelle attente ? L'autre vie, bien sûr. Comme dit encore Pascal : "Il importe à toute vie de savoir si l'âme est mortelle ou immortelle". Seul, on ne peut pas résoudre la question, mais nous devons poser le problème. Dans son dialogue sur la piété, l'Alcibiade mineur, après avoir expliqué qu'il valait mieux pour l'homme une piété sobre comme celle des Lacédémonien, qu'une piété histrionique comme celle des Athéniens, Platon conclut ; "Pour le reste il ne manque plus qu'un dieu vienne et nous enseigne".
Ce Dieu qui vient à nous, c'est Jésus-Christ. "Il n'y a pas d'autre Dieu au ciel que Notre Seigneur Jésus Christ" disait Mgr Marcel Lefebvre. Il est venu nous donner son Esprit, nous enseigner la vie éternelle. En lui, Dieu s'est manifesté, Dieu s'est montré. C'est tout ce que l'évangéliste appelle "le Dieu vrai", le seul vrai Dieu, le seul qui se soit fait connaître à nous, le seul dont il y ait une vérité humaine. Mais quelle est cette vérité humaine de Dieu ? La vie éternelle, puisqu'elle devient ici une vérité humaine, qui transforme notre existence, et qu'elle reste une réalité divine car c'est Dieu et Dieu seul qui nous la donne. Comment ? Par la connaissance que nous prenons de lui.
"La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé Jésus Christ"(Jean 17, 2). Un verset de la Première épître de Jean explique cela peut-être plus au fond, insistant sur deux points : d'abord, la foi, comme la vie éternelle qui en est la première manifestation, est un savoir. Nous avons reçu en héritage une intelligence du mystère, non pas la vérité tout entière mais une manière d'y entrer. Deuxième point : si Dieu est au-dessus de tout savoir, il nous a envoyé son Fils pour que quiconque connaisse le Fils connaisse le Père (Matth. 11) : "Nous savons aussi, dit saint Jean, que le Fils de Dieu est venu nous donner l’intelligence pour que nous connaissions Celui qui est vrai ; et nous sommes en Celui qui est vrai, en son Fils Jésus Christ. C’est lui qui est le Dieu vrai, et la vie éternelle". Par la vie éternelle nous devenons le Dieu vrai, nous nous partageons à l'infini une vie divine, qui nous est offerte, ou bien, comme dit saint Pierre dans sa deuxième épître "nous partageons le sort de la nature divine" en restant humain par cette nature humaine que nous conservons. (II Pierre 1, 4).
Saint Thomas d'Aquin aime à citer deux textes du Nouveau Testament pour nous aider à comprendre ce qu'est la vie éternelle : "Nous le verrons comme il est", cette formule est de saint Jean. Et Paul renchérit : "Nous le verrons visage à visage". (I Cor 13, 12). Ces deux expressions signifient deux réalité apparemment opposées, mais qui ne font qu'un dans le plan du salut.
Premièrement : nous verrons Dieu et nous le verrons tel qu'en Lui-même. Comment cette vision est possible sans notre divinisation ? Pour voir Dieu, il faut être Dieu. Nous ne pouvons pas voir Dieu "comme il est", sans être divinisés par la lumière de sa gloire.
Deuxièmement : si nous le voyons "visage à visage" selon la formule de saint Paul, cela signifie que loin de nous laisser absorber par le grand brasier divin, notre relation avec lui est une relation "de personne à personne". Du reste, c'est le mot grec visage prosôpon, qui exprime dans cette langue l'idée de personne. Dieu qui a créé chacun de nous individuellement ne détruit pas sa création mais la sublimise, en offrant à chaque être humain quelque chose du Je primordial, une parcelle pérenne de la subjectivité éternelle. Ainsi chaque individu sauvé, abandonnant ses travers personnels, est-il recréé, différent de tous les autres êtres, à la ressemblance divine. Nos visages, qui représentent dès maintenant cette individualité de chaque personne, plongés dans la lumière divine, prennent une beauté insoupçonnée : "tels qu'en eux-mêmes enfin l'éternité les change".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire