Je n'attends pas plus longtemps pour vous donner quelques réactions à la lecture de l'encyclique Caritas in veritate. J'en suis au n°44. Je n'ai pas tout lu. Mais il me semble que dans cette encyclique, on doit louer d'abord l'art de la fresque, cette conception grandiose qui, à partir de Populorum progressio du pape Paul VI repense toute la doctrine sociale de l'Eglise, en ambitionnant d'en faire une charte internationale du développement au siècle de la mondialisation.
Mais comme un peintre parvenu au sommet de son art, le pape allie les qualités d'un génial peintre à freque (Michel Ange) et celles d'un étonnant, d'un surprenant miniaturiste (Vermeer). Il y a aussi l'art de la Miniature dans son encyclique, le sens de la formule, une manière de faire le point en quelques lignes sur des questions controversées, une façon d'accrocher au vol un détail de la scène qu'il dépeint, qui m'a ébloui.
Tant que nous en sommes aux métaphores artistiques, je ne connais que Soljenitsyne qui ait possédé à ce degré le sens de la Vérité macro-historique ou macro-romanesque et le goût de ces détails accroche-coeur qui font souvent la différence entre un bon professionnel de la République des Lettres et un génie (voir ses Nouvelles : Zacharie l'escarcelle etc.)
Benoît XVI a une idée mère : pas de développement au XXIème siècle comme à toutes les autres époques, sans que l'Eglise mère et maîtresse des nations ne fasse entendre sa voix d'une manière privilégiée.
Et autour de cette idée matricielle, c'est une constellation de mille points lumineux qui s'organise. Cela va du concile Vatican II au rôle sapientiel de la théologie et de la nature du Marché au statut de l'entrepreneur... Mais ne cédons pas à la tentation d'un inventaire qui, détruisant le contexte, serait forcément "à la Prévert".
Juste un détail, qui a attiré mon attention. A la fin de l'introduction, le pape se prononce "en faveur d'une société à la mesure de l'homme"(n°9). Et l'on a envie de dire : encore du bavardage humanitaire, plein de bonnes intentions mais vide de contenu.
Mais on n'a pas le temps de le penser que déjà la suite vous saute au visage : "à la mesure de l'homme et de sa dignité". La dignité, c'est chrétien, ça. On ne peut pas le nier. C'est le cri de l'Eglise au cours des Matines de Noël, où on lit ce Sermon de saint Léon (qui était pape lui aussi) : "Reconnais chrétien, ta dignité. Et puis alors, c'est tout à fait l'enseignement de Jean Paul II, qui ealte l'homme dans ce qu'il a de digne, l'homme lorsqu'il est digne, l'homme dans sa dignité. Benoît XVI est le digne continuateur de Jean Paul II. Il prêche à l'homme sa dignité d'homme.
Mais il y en a sans doute un certain nomre parmi vous qu'un wojtylisme, fût-il intégral, ne satisferait sans doute pas pleinement. Ceux-là doivent faire attention, car vient maintenant la patte du théologien Ratzinger. Il ne suffit pas de se dire "en faveur d'une société à la mesure de l'homme et de sa dignité". Benoît XVI ajoute : "une société à la mesure de l'homme, de sa dignité et de sa vocation".
Qu'est-ce que la vocation ? Non pas quelque chose qui serait réservé aux curés et aux bonnes soeurs, qui auraient entendu une voix leur enjoignant de ne vivre que pour le Christ. ce n'est pas cela la vocation. La vocation, c'est l'appel que Dieu fait retentir en chacun d'entre nous. A chacun Dieu fait sentir quel est le chemin par lequel il pourra se dépasser pour s'accomplir. Voilà la vocation. Elle est universelle. Elle est toujours une vocation à la sainteté, même s'il y a autant de formes de saintetés que de personnes sur la terre.
La vocation des êtres humains est intrinsèquement surnaturelle, autant qu'elle implique la nature individuelle de chacun. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Benoît XVI au n°18 : "La vocation chrétienne au développement concerne le plan naturel comme le plan surnaturel", indissociables l'un de l'autre. "Quand Dieu est éclipsé, notre capacité à reconnaître l'ordre naturel, le but, le bien commence à s'évanouir" (ibid).
Le fait que le pape emploie à nouveau ces termes de "naturel" et de "surnaturel" que l'oeuvre du cardinal de Lubac avait contribué à prohiber au corps défendant de son auteur me semble en soi digne de remarque.
Une société à la mesure de l'homme, de sa dignité et de sa vocation est donc une société ouverte au surnaturel et qui lui fait une place d'honneur. En effet, poursuit Benoît XVI, "définir le développement comme une vocation, c'est reconnaître d'un côté qu'il naît d'un appel transcendant et de l'autre qu'il est incapable de se donner par lui-même son sens ultime". Nous touchons là à quelque chose comme une définition théologique du surnaturel : ce qui a Dieu pour auteur et pour consommateur diraient les scolastiques en leur jargon. Eh bien, il faut comprendre que "le développement intégral de l'homme est une vocation"... qu'il est impossible sans la grâce.
Qu'est-ce que tout cela a à voir avec une encyclique sociale ? Eh bien ! ce thème de la "vocation" de chaque homme - repris à Paul VI dans Populorum progressio - constitue l'une des miniatures que l'on peut isoler dans cette vaste fresque, où le pape nous entretient avec beaucoup d'originalité de toutes les questions économiques, plus que jamais sur le mode ni... ni... (ni libéral ni socialiste), en produisant sur la mondialisation un discours à la fois foncièrement traditionnel et totalement nouveau, qui n'a pas fini de faire couler de l'encre sur ce Blog et ailleurs.
Mais comme un peintre parvenu au sommet de son art, le pape allie les qualités d'un génial peintre à freque (Michel Ange) et celles d'un étonnant, d'un surprenant miniaturiste (Vermeer). Il y a aussi l'art de la Miniature dans son encyclique, le sens de la formule, une manière de faire le point en quelques lignes sur des questions controversées, une façon d'accrocher au vol un détail de la scène qu'il dépeint, qui m'a ébloui.
Tant que nous en sommes aux métaphores artistiques, je ne connais que Soljenitsyne qui ait possédé à ce degré le sens de la Vérité macro-historique ou macro-romanesque et le goût de ces détails accroche-coeur qui font souvent la différence entre un bon professionnel de la République des Lettres et un génie (voir ses Nouvelles : Zacharie l'escarcelle etc.)
Benoît XVI a une idée mère : pas de développement au XXIème siècle comme à toutes les autres époques, sans que l'Eglise mère et maîtresse des nations ne fasse entendre sa voix d'une manière privilégiée.
Et autour de cette idée matricielle, c'est une constellation de mille points lumineux qui s'organise. Cela va du concile Vatican II au rôle sapientiel de la théologie et de la nature du Marché au statut de l'entrepreneur... Mais ne cédons pas à la tentation d'un inventaire qui, détruisant le contexte, serait forcément "à la Prévert".
Juste un détail, qui a attiré mon attention. A la fin de l'introduction, le pape se prononce "en faveur d'une société à la mesure de l'homme"(n°9). Et l'on a envie de dire : encore du bavardage humanitaire, plein de bonnes intentions mais vide de contenu.
Mais on n'a pas le temps de le penser que déjà la suite vous saute au visage : "à la mesure de l'homme et de sa dignité". La dignité, c'est chrétien, ça. On ne peut pas le nier. C'est le cri de l'Eglise au cours des Matines de Noël, où on lit ce Sermon de saint Léon (qui était pape lui aussi) : "Reconnais chrétien, ta dignité. Et puis alors, c'est tout à fait l'enseignement de Jean Paul II, qui ealte l'homme dans ce qu'il a de digne, l'homme lorsqu'il est digne, l'homme dans sa dignité. Benoît XVI est le digne continuateur de Jean Paul II. Il prêche à l'homme sa dignité d'homme.
Mais il y en a sans doute un certain nomre parmi vous qu'un wojtylisme, fût-il intégral, ne satisferait sans doute pas pleinement. Ceux-là doivent faire attention, car vient maintenant la patte du théologien Ratzinger. Il ne suffit pas de se dire "en faveur d'une société à la mesure de l'homme et de sa dignité". Benoît XVI ajoute : "une société à la mesure de l'homme, de sa dignité et de sa vocation".
Qu'est-ce que la vocation ? Non pas quelque chose qui serait réservé aux curés et aux bonnes soeurs, qui auraient entendu une voix leur enjoignant de ne vivre que pour le Christ. ce n'est pas cela la vocation. La vocation, c'est l'appel que Dieu fait retentir en chacun d'entre nous. A chacun Dieu fait sentir quel est le chemin par lequel il pourra se dépasser pour s'accomplir. Voilà la vocation. Elle est universelle. Elle est toujours une vocation à la sainteté, même s'il y a autant de formes de saintetés que de personnes sur la terre.
La vocation des êtres humains est intrinsèquement surnaturelle, autant qu'elle implique la nature individuelle de chacun. Ce n'est pas moi qui le dit, c'est Benoît XVI au n°18 : "La vocation chrétienne au développement concerne le plan naturel comme le plan surnaturel", indissociables l'un de l'autre. "Quand Dieu est éclipsé, notre capacité à reconnaître l'ordre naturel, le but, le bien commence à s'évanouir" (ibid).
Le fait que le pape emploie à nouveau ces termes de "naturel" et de "surnaturel" que l'oeuvre du cardinal de Lubac avait contribué à prohiber au corps défendant de son auteur me semble en soi digne de remarque.
Une société à la mesure de l'homme, de sa dignité et de sa vocation est donc une société ouverte au surnaturel et qui lui fait une place d'honneur. En effet, poursuit Benoît XVI, "définir le développement comme une vocation, c'est reconnaître d'un côté qu'il naît d'un appel transcendant et de l'autre qu'il est incapable de se donner par lui-même son sens ultime". Nous touchons là à quelque chose comme une définition théologique du surnaturel : ce qui a Dieu pour auteur et pour consommateur diraient les scolastiques en leur jargon. Eh bien, il faut comprendre que "le développement intégral de l'homme est une vocation"... qu'il est impossible sans la grâce.
Qu'est-ce que tout cela a à voir avec une encyclique sociale ? Eh bien ! ce thème de la "vocation" de chaque homme - repris à Paul VI dans Populorum progressio - constitue l'une des miniatures que l'on peut isoler dans cette vaste fresque, où le pape nous entretient avec beaucoup d'originalité de toutes les questions économiques, plus que jamais sur le mode ni... ni... (ni libéral ni socialiste), en produisant sur la mondialisation un discours à la fois foncièrement traditionnel et totalement nouveau, qui n'a pas fini de faire couler de l'encre sur ce Blog et ailleurs.
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