dimanche 13 janvier 2013

Le mariage, institution universelle ?

Cher Homonyme belge, je ne nie pas que le mariage soit une institution universelle. Non, pas si bête. Bien sûr que depuis les temps préhistorique la nuptialité (comme dit Emmanuel Todd) est un truc réglementé. Mais réglementé comment ? La polygamie, dans les pays musulmans ou en Afrique est très réglementée par le droit coutumier. La venue d'une nouvelle épouse est l'occasion de traités et de cérémonies... Je ne nie pas ces cérémonies. Je ne nie pas que le mariage n'a pas attendu l'Eglise catholique pour être réglementé, qu'il soit monogame ou polygame. Dans la Rome antique, explique Pierre Grimal [L'amour à Rome coll. Bouquins], une femme a droit de tromper son mari du moment qu'elle est enceinte... C'est la loi. La loi de la descendance... Mais pas la loi de l'amour évidemment.

Ce que je crois c'est qu'officiellement c'est l'Eglise qui a réinventé l'amour entre un homme et une femme, unique l'un pour l'autre pour la vie et s'aimant l'un l'autre d'un amour qui est divin et pas seulement humain, d'un amour qui va à l'infini dans le pardon, qui va à l'infini, malgré les malentendus dans cette miraculeuse égalité entre l'homme et la femme, qui n'est pas le fait de la société mais le fait du sacrement. D'un amour qui est autre chose que l'amour propre ou chacun prend le plus possible pour soi.

Je sais que les psychanalystes nous disent que cet amour-là, cet amour chrétien, n'existe pas. Pour eux l'amour c'est le désir, il est toujours plus ou moins réductible au bon vieux narcissisme, dont le petit père Freud explique que nous ne guérissons jamais. Je me souviendrai toute ma vie de Michelangelo, un Italien que j'avais aidé à mettre sa thèse en français (ça se passait à Saint Nicolas du Chardonnet), un lacanien. Il me dit un jour : "L'amour ? Mais c'est le transfert !"  Ca a été une lumière pour moi. Effectivement la seule forme d'amour que reconnaissent les analystes lacaniens c'est la projection sur l'analyste (avec lequel par hypothèse tout est interdit). Là le désir est donc absent. Là l'amour... existerait. C'est ce que Jacques Lebrun, autre psychanalyste (et par ailleurs dix-septièmiste) appelle l'amour pur (dans son livre L'amour pur de Platon à Lacan)... Ces gens ne comprennent rien ! Curieux puritanisme de la psychanalyse : l'amour et le désir seraient incompatibles ! C'est sans doute vrai... avant l'invention du mariage chrétien.

Le mariage chrétien, c'est ce mélange détonnant, à égalité d'infériorité - je veux dire à égalité d'amour car celui qui aime est inférieur à ce qu'il aime - entre le désir et l'amour. Ce n'est pas l'amour pur ! C'est un désir spirituel, un désir qui n'est jamais rassasié, un désir qui augmente avec la satiété, comme l'explique Platon dans le Phèdre (237 d), puis saint Augustin. Ce désir-là, il n'existe qu'en Dieu, il est le fruit d'une bénédiction de Dieu (sacramentelle ou non), il fleurit dans l'Infini divin. Il est donc impossible sans la foi dans cet Infini.

Il me semble qu'Eric Rohmer (dans Ma nuit chez Maud par exemple) a très bien compris cela...

Tout cela pour dire que le mariage chrétien, institution ecclésiale, a quelque chose d'unique, qu'on ne trouve ni dans la réglementation du Coran (entre répudiation et polygamie. L'important c'est la terre de labour et vas-y, Sourate 2,  223. Note dans l'édition des frères musulmans : "le champ de labour est un lieu de productivité") ni dans le mariage républicain. "Ce mystère est grand" disait saint Paul aux Ephésiens.

Au fond aujourd'hui, celui qui ne rentre pas dans le schéma occidental de la consommation (sexuelle), a le choix entre le Coran (qui magnifie la productivité du champ de labour) et le Nouveau Testament (qui évoque un grand mystère, dans lequel se joue, à égalité entre l'homme et la femme, avec l'amour, la vie elle-même). Et il me semble que, (alors que nous avons encore le choix de ce droit), c'est le droit de ce choix que nous défendons demain. Reste de chrétienté : le mariage demeure un droit. Il faudra qu'il devienne une option.

16 commentaires:

  1. Merci père G2T pour votre réponse claire , limpide et articulée.

    Mais il est sidérant de constater que cela n'est plus une évidence en raison de l'inculture philosophique et religieuse.

    On pourrait ajouter , au plan philosophique , qu'il y a dans le mariage chrétien l'introduction et la manifestation de la liberté , apportée par le Christ , au sein des déterminismes biologiques. La femme , l'homme , les enfants , tous à leur niveau sont appelés à la vérité qui rend libre .

    La famille chrétienne n'est pas la famille-tribu-clan archaique ni la famille bourgeoise des notables "éclairés" du 19°.... C'est ce qu'à exprimé le Christ par ses paroles et ses actes.

    Il faudrait d'ailleurs se livrer à une recension des dits et gestes du Christ quant à la famille

    RépondreSupprimer
  2. Vous dites que l'église a réinventé l'amour! Et c'est tout le problème...
    çà a donné le mariage sentiment avec tous ses falbalas et bien sur l'instabilité foncière de tous sentiments d'où le nombre catastrophique des divorces.
    Je regrette Père mais on ne se marie pas par amour!

    RépondreSupprimer
  3. "MARIAGE" = Crime sacrilège et sémantique qui met cette imposture au même rang des péchés qui crient contre le Ciel!
    Le seul remède viendra de Dieu: le déluge de feu de la fin des temps!!!
    Car humainement il n'y a plus rien à faire....

    RépondreSupprimer
  4. Tout cela est vrai, monsieur l'abbé, et même évident lorsqu'on a eu la chance de grandir dans une famille chrétienne et unie. Ce n'est pas le cas de tous...Il faut aussi avoir le courage de reconnaître que l'amour existe aussi entre deux personnes de même sexe. Et l'Eglise ne sait toujours pas quoi leur dire, hormis les culpabiliser. Et, dans la mesure où elle refuse de sortir de cette impasse, elle est indirectement responsable des grotesques projets de "mariage pour tous" contre lesquels nous manifestons le 13 janvier. Il faut changer de regard sur les gens qui ne sont pas "dans les clous". Avoir un regard plus charitable et - par conséquent- plus intelligent. Cela viendra...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "L'amour existe aussi entre deux personnes de même sexe"

      Par pitié épargnez nous ces tartes à la crème indigestes ! Parlez vous de l'amour - amour ou de l'amuuuuur dégoulinant et poisseux ?
      Moi j'aime aussi mon chien et les babas au rhum mais quand il y a assez de rhum et puis il faut que le baba soit bien spongieux et consistant à point....Je suis hors sujet ? Point du tout !

      Bon revoyez vos gammes philosophiques sinon on reste au niveau des émissions du fameux Delarue( ce grand penseur, paix à son ame )ou de "c'est mon choix").
      Eros , philia , agape....Certains "amours" comme vous dites sont des impasses non seulement biologiques mais aussi spirituelles.
      Je pense que l'Eglise ne dit pas autre chose normalement , quand elle ose être elle même.

      Ah oui si je vous suis bien , l'Eglise n'aurait jamais du instituer le mariage comme fondement de la famille ....Ainsi ni divorces , ni revendications de mariage homo....???!!!

      Supprimer
  5. G2S, conciliaro-progressiste,Belgique, à G2T, tradi, France: Merci de cette réponse si rapide, monsieur l'abbé, surtout en une journée si chargée pour vous ! Oui, , je pense bien sûr qu'il y a une forme et un sens du mariage qui sont spécifiquement chrétiens, et que vous évoquez. Concrètement, au fil de la prise de consistance propre des personnes, la lutte de l'Eglise pour exiger le consentement libre et volontaire des époux, même si elle servait aussi le contrôle du social par l'Eglise, a transformé la logique ancestrale de l'échange des femmes entre clans. De ce mariage nouveau, alliance charnelle des personnes dans l'Esprit, Lacan - oui, oui, ce crypto-catho de Lacan ! - disait (article "La famille", Encyclopédie française, 1936) qu'il est tellement original qu'il est la ruine de la "famille" (clanique ou interclanique). Mais la question posée en France ces jours-ci est celle de la reconnaissance civile des liens interpersonnels qui ont valeur de structures sociales structurantes. Hélas, la disparition progressive des formes reconnues de liens autres que le mariage (par exemple l'adoption réciproque entre amis,etc...) a mené à l'alternative: reconnaissance comme mariage ou insignifiance. Le Pacs est venu trop tard... Pour conclure: ce débat-ci, sur les institutions civiles, est-il un enjeu décisif pour la foi chrétienne ? Les quelques mariages homosexuels à prévoir (cfr. notre expérience belge) vont-ils affaiblir plus que ne l'a fait le célibat consacré la portée de la différence sexuée comme matrice symbolique de l'altérité ? Je n'en sais rien, mais je n'en suis pas sûr. Cordialement à vous !

    RépondreSupprimer
  6. G2S à G2T: désolé de revenir, mais j'avais oublié : "à 20 ans, "Ma nuit chez Maud" m'avait retourné . J'ai été ému que vous vous y référiez.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tout ça c'est de la masturbation intellectuelle. Moi je ne pose pas de questions pseudo-philosophiques. Tout ce que je sais c'est qu'avec mon conjoint nous sommes unis par le sacrement du mariage.

      Supprimer
    2. J'ai beaucoup aimé ce film de Rohmer mais pour moi c'est du freudisme pur! Rien de chrétien militant dans ce film, mais un bon film intello. comme je les aime. Pas de quoi être retourné pour autant...

      Supprimer
    3. Chez Rohmer c'est toujours la même chose : couchera ou couchera pas. Un film ça va, deux films bonjour les dégats. A l'époque (en 1969)c'était vachement à la mode du dialogue entre marxistes (de pacotille rassurez-bous, on ne voyait jamais de vrais ouvriers mais des profs de fac ou assimilés en costume cravate comme dans le film le rôle que tient Antoine Vitez) et chrétiens (de gauche). C'était aussi l'époque de l'affaire Russier qui avait divisé la gauche.

      Selon WIKIPEDIA les dialogues du film au sujet de Pascal que Jean-Louis entretient avec Vidal son camarade de lycée et Maud sont directement inspirés de l'entretien datant de 1965 entre Brice Parain et le Père dominicain Dominique Dubarle.

      Que tout cela ést artificiel et daté.

      NB Le seul film de Rohmer que j'aime c'est Conte de printemps avec deux charmantes actrices.

      Supprimer
    4. Il faudrait ajouter La Femme de l'Aviateur (Buttes Chaumont tout près des studios) Les nuits de la pleine Lune (Paris et nouvelle Banlieue) et Conte d'Eté (Dinard avec vue sur les vedettes vertes, la crèperie était fictive tout en bas).

      C'est quand même plus gai que cette sinistre ville de Clermont-Ferrand dont je plains les malheureux habitants. Même Limoges m'a paru plus avenante, c'est tout dire.

      Avoir comme personnages principaux : un ingénieur de chez Michelin, un universitaire marxiste stal grave, un bas bleu en mal d'homme et une gentille militante de la JEC, il fallait le faire. Quel quatuor ! Le seul moment intéressant c'est lorsque le grand violoniste Léonid Kogan donne un vrai
      récital filmé en live dans le théâtre le plus laid de France près de la Place de Jaude (qu'allait-il faire dans cette galère ?).

      A noter que la scène de la messe est une vraie messe filmée à l'église Notre-Dame-du-Bon-Port et que le célébrant est un vrai prêtre l'abbé Guy Léger actuellement curé à Orléans
      ; c'était l'ancienne messe mais en version française.

      Tout ce qu'il y a d'intéressant dans ce film c'est le violoniste et le prêtre.

      Dans Conte de Printemps Anne Teyssedre et surtout Florence Darel qui joue réellement une pièce de Schumann sont époustouflantes.

      Supprimer
    5. Précision. L'action des Nuits de la Pleine Lune se partage en 1984 entre Lognes (ville nouvelle dans Marne-la-Vallée en Seine-et-Marne, alors en plein développement urbain , passée de 248 habitants en 1975 à 15 000, Gaston Menier des chocolats éponymes en sera maire en 1892) et Paris.

      Supprimer
  7. Bravo anonyme de 23:20!!! Préservez votre âme de toutes ces prévarications intelectuelles ou autres....Le faux traditonaliste accompagnera dans son tombeau l'Eglise épouse du Christ.
    Le mot mariage est indissociablement lié à la notion même de sacrement! L'emploi, par presque tout le monde, de ce mot en dit long sur la débâcle présente et à venir!!!

    RépondreSupprimer
  8. Pour répondre à Roger, je crois que vous avez mal compris le sens des propos de l'abbé. L'Eglise n'a pas du tout inventé "l'amour sentimentaliste" comme fondement du mariage. Elle a plutôt eu à lutter durant sa longue histoire contre deux conceptions non chrétiennes du mariage: soit un mariage simple institution réglant les rapports de parenté, de filiation, de patrimoine (au risque fréquent de faire de la femme un simple instrument de tels objectifs)soit à l'inverse, une simple reconnaissance des sentiments réciproques entre deux personnes(en particulier lorsque l'amour-passion entre en jeu, qui tombre vite dans le manichéisme hérétique, en dissociant corps et sentiments); Le mariage chrétien, quand il est bien compris - il n'a rien à voir avec l'institution "bourgeoise" et bien pervertie du code civil)- est un monument d'équilibre, qui cherche à garantir la liberté des personnes, leur réelle inclination l'une pour l'autre, tout en recherchant les garanties de stabilité dans le temps, d'accueil et d'éducation des enfants. Sur tous ces points la (re)lecture du magnifique ouvrage de Denis de Rougemont (l'Amour et l'Occident)est tout à fait éclairante.

    RépondreSupprimer
  9. Aimerais que l'Eglise "aimât" suffisamment l'humanité d'aujourd'hui pour lui rappeler quelle ne peut pas suivre la loi naturelle sans la Grâce, ultimement..
    Mais "l'humanité" doit être devenue trop conne ou l'Eglise trop intelligente (1) ou méprisante... (comme me dit un "frère" du voisinage il ne faut pas donner les perles aux pourceaux"...Mais moi,j'ai été un pourceau sans perles depuis 40 ans, et ayant réussi miraculeusement à me nourrir d'une miette infime tombée de la table de nos seigneurs les scribes et les pharisiens, cela commence petit à petit à me transformer.. Dieu soit loué qui m'a donné de pouvoir saisir .C'est pas gai, vous savez, une vie de pourceau, même lavé à l'eau bénite dans une autre vie -années 58-65 cherchez l'erreur ..; !)

    J'aimerais que l'Eglise aimât suffisamment l'"humanité" pour la mobiliser à chaque fois que bon sens, loi naturlle et Bien Commun sont mis en péril( euro, UE, justice, école, armée, recherche, information, arts, culture, médecine, alimentation, recherche , insécurisation terroriste des populations, islamisation, immigration et chômage structurels de masse, etc etc )
    Car quand toute offre politique crédible fait défaut, l'Eglise a le devoir de se substituer..c'est ainsi qu'elle permit la transmission des cultures gréco latines à l'époque barbare ...
    Et nous avons ici plus qu' Attila !!!

    A quand des centres de culture catholique dans chaque quartier, chaque commune pour accompagner la faillite des paroisses et des enseignements?
    (1) il est vrai que pour se farcir le "traité fondamental de la Foi" de Rahner, il faut du courage !

    RépondreSupprimer
  10. "Je sais que les psychanalystes nous disent que cet amour-là, cet amour chrétien, n'existe pas."

    C'est vrai que les psychanalystes s'y connaissent en fait de non-existence, la psychanalyse étant une coutume (coûteuse) principalement franco-française, peu connue chez le reste de de l'Humanité (La France n'en formant que 1%). Vaut-elle la peine qu'on la mentionne?

    RépondreSupprimer