vendredi 17 juillet 2020

La victime pure

Cette prière qui intervient juste après la consécration nous met en état de mémoire, mais de quoi nous souvenons-nous ? Du sacrifice. Il n'y a donc pas la moindre opposition entre la présence mémorielle, caractéristique du sacrement et l'offrande sacrificielle, au contraire l'une s'accorde avec l'autre. S'il y a mémorial c'est parce qu'il y a sacrifice ; "Etant en état de mémoire, nous t'offrons...". Memores offerimus.
 
Offerimus : nous offrons. Le nous désigne encore une fois tous les fidèles, tous ceux en tout cas qui sont là pour offrir le sacrifice, ceux qui sont présents physiquement et ceux qui sont présents par la communion des saints. "Vous avez fait de nous un royaume et des prêtres". La vertu du sacrifice - vertu sacerdotale, vertu d'offrande - est accessible à tous, elle fait de nous tous, vivants et morts, un peuple de prêtres, comme nous l'avons déjà vu durant l'offertoire, où nous retrouvons le même verbe - Offerimus - à la première personne du pluriel, pour l'offrande du calice. Le même verbe renvoie à la même doctrine, celle de l'offertoire, de l'offrande humaine, de l'offrande commencée et celle de la consécration, de l'offrande réalisée, divinisée. A travers les signes du pain et du vin, le sacrifice restait d'ordre humain, c'est l'homme qui offrait la victime. Cette fois le sacrifice est parfait, il est divin, ce n'est plus la même victime purement humaine, c'est la victime pure, la victime sainte, la victime sans tâche, c'est le Fils de Dieu qui s'offre et qui assume et divinise nos propres offrandes.

A qui offrons nous ce sacrifice divin ? A la très glorieuse majesté du Père ; praeclarae majestati tuae. C'est tout le schéma trinitaire de la Prière que l'on retrouve dans cette synthèse du Unde et memores : nous nous adressons au Père par le Fils et c'est bien sûr dans le Saint Esprit ; le fait que cela ne soit pas précisé montre l'antiquité de la prière, qui remonte sans doute au IIème siècle., comme les deux prières qui suivent. Comme le montre l'épître aux Hébreux, la théologie sacrificielle a été une préoccupation absolument primitive, essentielle, fondatrice de la doctrine de l'Eglise : j'entends par doctrine l'enseignement. Aujourd'hui elle paraît comme oubliée et la religion chrétienne - désacrificialisée - est privée de tout rayonnement, privée de son cœur même, privée de ce qui la rend active et transformante.

Enfin, pour mettre un comble au sacrifice, cette victime pure sainte et sans tache, cette victime qui n'est pas un sacrifice des hommes, mais l'initiative de Dieu lui-même qui se fait ainsi partenaire de l'humanité, se donne à manger à ceux pour lesquels elle est offerte. Elle devient "le saint pain de la vie éternelle" et "le calice du salut perpétuel". De même que les païens mangeaient les viandes offertes, de même les chrétiens, pour ce sacrifice parfait, reprenant et réalisant, menant à la perfection toutes les formes du sacrifice, sont appelés à communier à ce qui est offert, non pas à ingérer les viandes offertes aux idoles muettes, mais à consommer le pain du salut et le vin du Royaume. L'hostie, pure sainte et sans tache, immaculée, n'est pas un holocauste que l'on brûlerait tout entier, mais un aliment sacré, une force qui se donne à ceux qui l'offrent. Elle est un don de Dieu, non seulement en ce qu'elle vient de Dieu, non seulement en ce qu'elle est divine, mais en ce que, malgré l'absence totale de connexion entre le fini et l'infini, elle se donne, non pour disparaître en vain holocauste, mais pour se transformer en une force laissée à tous ceux qui cherchent sa vérité, une force surnaturelle, non pour cette vie mais pour la vie éternelle.

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