Je sors d'un enregistrement avec les Zentropistes, un club d'internautes qui se sont mis à la triple enseigne de l'amour, de l'absinthe et de la révolution (cf. www.zentropa.info), pour mieux réfléchir aux conditions de l'excellence humaine. Sujet inépuisable direz-vous ! C'est à la suite des quelques posts publiés ici sur le néopaganisme qu'ils m'ont fait cette invitation. La réflexion des néopaïens tourne effectivement beaucoup autour des conditions de l'excellence humaine... La "pensée rebelle" d'Alain de Benoist n'est rien d'autre qu'une pensée crânement en quête d'excellence.
Que va faire un prêtre dans cette galère ? diront certains.
Si l'on va au bout de la pensée néopaïenne, on trouve la conviction que c' est le christianisme qui nous fait renoncer à cette quête de l'excellence au nom de l'égalitarisme et de l'universalisme. Si on est tous égaux, en effet, à quoi sert l'excellence ?
Louis Ferdinand Celine n'était pas néo-païen. Mais il renchérit. Pour lui, "l'Eglise est la grande métisseuse".. Saint Paul dit aux Galates : "Il n'y a plus ni juif ni Grec, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme". C'est donc, dans cette pensée, horreco referens, le premier des grands métisseurs.
L'Eglise, "seule Internationale qui tienne", selon une formule bien connue, propose aussi le premier universalisme. La parabole du Bon Samaritain, que nous lisions dimanche dernier à la messe, souligne cette universalité de l'amour chrétien : anthropos tis dit le grec de l'Evangile. un homme (n'importe lequel) était blessé sur le bord de la route qui va de Jérusalem à Jéricho. L'amour du Bon Samaritain s'adresse à n'importe quel homme. Il ne s'agit pas de savoir "qui est mon prochain", selon la communauté auquel il appartient. Il s'agit de se rendre soi-même, personnellement, le prochain du malade, du blessé, quel qu'il soit.
C'est en cela que l'universalime catholique n'a rien à voir avec l'universalisme que sous-tendent les immortels principes de 1789. Il n'est pas fondé sur une certaine idée de l'homme qui exclut toute humanité qui n'est pas elle. Il est fondé sur l'effort personnel (le Samaritain pense les plaies avec de l'huile et du vin et il donne deux deniers à l'aubergiste pour qu'il s'occupe du blessé), sur l'émotion (notre Samaritain est "ému de miséricorde"). Le Samaritain est présenté comme un modèle au-delà de toutes les différences idéologiques (sur la haine idéologique entre les Juifs et les Samaritains, cf. Eccli 50, 27-28).
En 1793, par exemple, Reynald Secher l'a démontré clairement, plusieurs fois réédité jamais réfuté, c'est au nom de l'idéologie c'est au nom d'une certaine idée de l'homme révolutionnaire que l'on a systématiquement organisé le massacre des "brigands" et des "brigandes" vendéens et vendéennes, considérés comme participant d'un sang impur, comme dit la chanson, un sang tout juste bon à abreuver nos sillons. Les colonnes infernales du général Tureau avaient pour mission de ne pas laisser âme qui vive dans ce pays. Le mot d'ordre était l'extermination. L'humanisme idéologique peut facilement devenirt exterminateur, s'il considère que l'on s'écarte de l'idée que l'on se fait de l'homme.
Faut-il périmer toute idée de l'homme, parce que l'on craint que l'idéologie ne fasse des morts ? il est évident que l'homme se définit d'une certaine façon (depuis la nuit des temps philosophique, on dit que c'est un animal raisonnable), mais sa définition ne suffit pas à le décrire. Comme le voyait déjà Pic de la Mirandolle dans le de dignitate hominis, l'homme est cet être qui se choisit lui-même, qui se crée lui-même. Cajétan expliquera le premier que l'homme est un sujet.
Dire que l'homme est un sujet, ce n'est pas seulement affirmer qu'il est doué d'une nature absolument singulière (l'haecceitas des disciples de Duns Scot au XIVème siècle). C'est dire qu'il est responsable de sa réalisation, qu'il est, d'une certaine façon, son créateur sous le regard du Créateur et à son image. C'est je crois le message ultime de la parabole du Bon Samaritain, lorsque le Christ nous enseigne que l'important ce n'est pas de désigner qui est mon prochain (selon l'idée qu'on s'en fait), mais de se faire soi-même le prochain de l'individu en difficulté. Je me fais le prochain de n'importe quel homme, parce qu'au-delà de ma nature parfaitement singulière, il y a cet élan qui me définit comme sujet et qui me constitue comme un Je irremplaçable. Je suis une personne. Capable de toutes les métamorphoses (dans le vocabulaire chrétien, on parle de metanoia : conversion).
Chaque personne est différente. Elle n'est pas définie par tel ou tel idée de l'homme, elle se définit elle-même par son action. L'humanisme chrétien n'est pas un humanisme idéologique, idéal ou idéel. C'est un humanisme personnaliste, qui considère chaque homme comme un sujet, différent de tous les autres hommes et irréductible à quelque idée préconçue que ce soit, mais capable de s'identifier par l'émotion à n'importe quel homme pour le secourir (cf. texte : la miséricorde de la parabole, qui est "faite" par le Samaritain au blessé).
Le site zentropiste publie régulièrement des textes et extraits magnifiques d'un point de vue esthétique (je rends notamment hommage ici aux beaux textes de "JésusFranco" et à la publication des plus beaux extraits d'auteurs comme Bernanos, Dostoievsky...). Ces textes sont très souvent pertinents à mon sens concernant la foi catholique. C'est peut-être la raison pour laquelle vous vous y attardiez comme je le fais régulièrement ? J'y trouve une recherche sincère, toute christique, de dépassement divin de l'homme.
RépondreSupprimerQue certains parmi les Zentropistes, à l'image de Nietzsche, s'arrêtent à l'image empoisonnée du christianisme est à mon avis bien dommage mais néanmoins porteur d'espoir. Présentez leur le vrai catholicisme - pas le catholicisme métisseur et fol amour ou encore le catholicisme "sans frontières" empoisonné de grands mots creux - le catholicisme incarné dans la figure du Christ et vous verrez toute cette belle jeunesse païenne ayant soif d'idéal s'enflammer pour la régénération de l'Europe catholique.
Votre réponse Monsieur l'Abbé est excellente j'en conviens, mais prudente. A quand un texte bien senti dénonçant directement sans précautions oratoires le travestissement des Ecritures en faveur de l'immigration et du métissage généralisé. Un texte qui fasse date et qui dénoncerait le travestissemet de termes tels que "Etranger" "Frère" "Amour" "frontières".
Dénoncer l'imposture de la "fraternisation universelle" vendue par le système républicain aux catholiques les plus naïfs, voilà un texte qui aurait le mérite de convertir un nombre incalculable de jeunes Européens à la recherche d'une identité qui les fasse vivre.
Veuillez excusez d'ores et déjà, Monsieur l'Abbé, mon ton quelque peu comminatoire. Ce texte j'aimerais le pondre mais je n'ai pas une connaissance suffisante des Ecritures. Confiant dans votre honnêteté intellectuelle, j'aimerais avoir votre avis sur la question.
Merci de cette exhortation.
RépondreSupprimerElle est belle dans son élan. Je vais tâcher de produire ce texte. Mais d'ores et déjà comprenez bien une chose : le Christ, prêchant le Royaume de Dieu introduit dans le monde une réelle dualité. Oh que cela est inconfortable pour ceux qui confondent l'idéal et la réalité. En fait, cette dualité permet de comprendre la dimension incarnée et toute politique du christianisme d'une part (la romanité dans tous ses états) et d'autre part l'Eglise comme société de personnes, dans laquelle comme dit saint Paul aux Galates, il n'y a plus ni homme ni femme ni Juif ni Grec, ni esclave ni homme libre.
Quant à la société dans laquelle s'incarne le message du Christ, c'est la société juive de son temps : "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël". On a beaucoup daubé le mot de Mgr de Quelen (légitimiste avéré et archevêque de Paris) : "Jésus était d'une très bonne famille par sa mère". Mais ce mot n'est pas si faux. Les généalogies de saint Matthieu et de saint Luc parlent d'ailleurs plutôt du père. Reste que Jésus était d'une famille royale et que les gens qui ne comprennent pas sa mission divine, l'acclament néanmoins du titre de Fils de David, membre de cette famille royale, héritier possible, roi demain ?
Vous avez raison, il y aurait un article solide à écrire sur le sujet. Avec le temps...
Merci, Monsieur l'Abbé, je suis impatient de vous lire. Je continue à approfondir ma recherche bien sûr. Merci pour la suggestion à propos de la distinction entre idéal et réalité. Cette erreur est effectivement commune dans le camp des "tout le monde il est beau et gentil" mais je l'enregistre aussi comme un sérieux avertissement à mon égard afin que je ne tombe pas dans ce travers.
RépondreSupprimerEn union de prières et bonne chance dans votre combat pour la défense de la Tradition à Rome, future capitale d'une Europe catholique ressuscitée ;)