vendredi 10 octobre 2008

Jacques Julliard fait son coming-out : Le christianisme comme alternative anti-libérale [par Joël Prieur]


[par Joël Prieur] Ne croyez pas ceux qui vous disent qu’il s’agit d’un essai de critique littéraire. A la lueur blafarde du crack économique mondial, le dernier livre de Jacques Julliard pourrait bien indiquer les sources authentiques d’un renouveau politique.
On connaît Jacques Julliard, éditorialiste au Nouvel Observateur, à travers le débat régulier qui, sur France Info, l’oppose, lui, journaliste de gauche, à une personnalité « de droite ». En face de lui, il y eut Claude Imbert, pour Le Point. C’est aujourd’hui Luc Ferry, philosophe, ancien ministre, proche de l’UMP, qui lui donne la réplique. Pourquoi le nier ? Le grand journaliste « de gauche » m’a toujours paru beaucoup plus à droite que ses contradicteurs sensés être de droite. Ironie involontaire de la correctness dans laquelle nous baignons : Jacques Julliard, que je sois ou non d’accord avec lui, m’est toujours apparu en tout cas, lui homme de gauche proclamé, comme le plus libre dans le débat face aux poncifs de gauche qui gouvernent notre culture. La publication de L’argent, Dieu et le diable, un essai sur ces trois grands auteurs catholiques du XXème siècle que sont Charles Péguy, Georges Bernanos et Paul Claudel, fait partie des surprises de la rentrée littéraire. On savait Julliard attaché à Pascal et en recherche d’ « un pascalisme de gauche » (sic). Les nouveaux compagnons de route en compagnie desquels il se montre sont beaucoup plus compromettants que ne peut l’être cette grande figure du XVIIème siècle. Ainsi, par exemple, il ne faut pas moins d’un chapitre à Julliard pour disculper Bernanos de tout antisémitisme ! L’auteur de la Grande peur des Bien-pensants (un livre écrit à la gloire d’Edouard Drumont) ne passe pas sans mal le contrôle anti-peste brune.
Pourquoi ce choix convergent de trois catholiques ? Julliard n’hésite pas à déclarer : « ils m’ont appris à me libérer de mon temps ». S’ils sont libres de leur temps, c’est d’abord parce qu’ils « sont en permanence hors d’eux, soit sous l’effet de l’indignation soit sous celui de la contemplation » Ils connaissent à cause de leur foi, ce qu’André Breton nommait « un certain état de fureur permanente ». Le christianisme, il est vrai, en particulier dans sa forme catholique, a toujours partie liée avec l’émotion. Dans leur réflexion sur le monde moderne, sur la technique et sur l’argent, ces trois-là sont immunisés contre ces religions séculières qu’ont été les idéologies du XXème siècle, fascisme ou communisme. Pour eux, s’ils sont chrétiens, l’enfermement idéologique est impossible. Ils représentent donc, non pas malgré leur catholicisme mais à cause de lui, un horizon où la liberté intellectuelle semble toute naturelle.
Evidemment la question se pose à propos de Jacques Julliard lui-même : est-il chrétien ? ne l’est-il pas ? Pour cette question indiscrète mais fatale, Julliard tient prête une réponse en forme d’alibi : « Je suis psychologiquement athée, culturellement anticlérical et spirituellement chrétien ». Mais il faut aller plus loin. Il semble que c’est à la découverte tardive de Paul Claudel, le plus officiellement conservateur des trois auteurs cités, qu’il doit ce qu’il faut sans doute appeler une conversion. En juillet 1987, à Avignon, était donnée l’intégrale du Soulier de satin, « la plus grande émotion de ma vie », n’hésite pas à écrire Jacques Julliard. Et c’est en référence à la célèbre conversion de Claudel dans la cathédrale de Paris qu’il écrit : « Mon pilier de Notre-Dame, ce fut la cour du Palais des papes, non pas au solstice d’hiver mais au solstice d’été ». Etonnante confidence !
Qui est Jacques Julliard finalement ? Un « socialiste moral », qui comme Charles Péguy naguère, veut libérer certains domaines de l’existence humaine du poids de l’argent et qui souhaite aujourd’hui en finir avec l’aliénation morale qu’entraîne la souveraineté universelle du Billet vert ? C’est ainsi, en tout cas, qu’il se présente, et il ajoute à destination de ces éléphants dont il nous a abondamment parlé dans un livre précédent : « le socialisme sera moral ou il ne sera pas ». Autant dire qu’au XXIème siècle, les chances de survie du pachyderme sont minces et que Julliard le sait ! Au moins continue-t-il à refuser le libéralisme. Jusqu’à la toute récente implosion économique, cela a représenté une forme de courage qui n’est d’ailleurs pas étrangère – loin s’en faut - aux lecteurs de Minute et du Choc du mois.
Aujourd’hui, la grande vague libérale qui depuis vingt ans déferle sur la Planète, semble s’épuiser, malgré les centaines de milliards que l’on inocule dans le Système pour le pérenniser. Il me semble que c’est une véritable alternative antilibérale que propose Jacques Julliard, à travers ses trois auteurs cathos fétiches, Péguy, Bernanos et Claudel. Quelque chose comme une nouvelle écologie, la seule vraiment cohérente : une écologie spirituelle. A travers ce prisme néo-chrétien, l’idée de postmodernité prend un sens véritable, non pas celui d’une nième déconstruction, mais plutôt celui d’un équilibre à découvrir, loin des tsunamis de la mondialisation.

Joël Prieur

Jacques Julliard, L’argent, Dieu et le diable, Péguy, Bernanos, Claudel face au monde moderne, éd. Flammarion, 232 pp. 19 euros

1 commentaire:

  1. Aujourd’hui, la grande vague libérale qui depuis vingt ans déferle sur la Planète, semble s’épuiser, malgré les centaines de milliards que l’on inocule dans le Système pour le pérenniser.
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    En vous faisant l'écho des poncifs déversés par une foule de "journalistes" et de politiques incompétents, vous propagez - sans doute involontairement - une désinformation pure et simple sur le libéralisme, basée sur une falsification scandaleuse des faits.

    La crise actuelle n'est pas une crise du libéralisme (ou d' "ultra"-libéralisme), comme on l'entend bêler à satiété par des journalistes incompétents! Ce n'est pas une crise due à un « manque » de contrôle, et de régulation des marchés, bref un « manque » d'"intervention" de l'État, suite auquel ces marchés seraient, en quelque sorte, devenus « fous », justifiant finalement l'interventionnisme actuel, destiné à sauver les meubles !

    Mais bien, au contraire, un « excès » d'intervention de l'État, et ce, dès le début ! Un interventionnisme scandaleux d'hommes politiques irresponsables, qu'il faut bien appeler des pompiers-pyromanes.
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    Petit résumé des faits :
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    Les démocrates américains mettent en place deux colosses, deux agences du gouvernement fédéral, chargées du refinancement hypothécaire, qu'ils vont s'ingénier, pour des buts politiques (faire du crédit à outrance à des populations qui n'ont pas les moyens de se payer un logement) à adopter des comportements en dépit du bon sens, et des lois du marché.

    1. en 1938, sous Franklin D. Roosevelt, les démocrates vont créer une GSE (government sponsored enterprise) la Federal National Mortgage Association, dite “Fanny Mae”, pour refinancer les crédits difficiles.

    2. en 1970, après la privatisation de “Fanny Mae”, le gouvernement Nixon va susciter la Feral Home Loan Mortgage Corporation dite “Freddie Mac”, dans le but d'apporter plus de compétition dans le marché du refinancement des créances hypothécaires et rendre ainsi celui-ci plus robuste.

    Hélas, les démocrates, notamment via l'administration Clinton, qui voulait « tout donner, tout de suite, à tout le monde », et via leurs lobbyistes au congrès, vont exercer des pressions énormes, pour que ces organismes assouplissent leurs règles de prudence, et facilitent ainsi l'octroi de crédits à des personnes à la solvabilité (plus que) limitée, faisant exploser les crédits (très) risqués (ou subprimes).

    En voulant à tout prix réaliser le but politique de permettre à des millions de familles d’américains modestes ou de « membres de minorités » d'accéder à la propriété, les démocrates vont inciter en permanence ces organismes (aux mains de leurs hommes politiques) à dépasser toute prudence : dont les fameux “prêts NINJA”: “No Income, No Job, no Assets”, et les prêts accordés sans réelle garantie hypothécaire, couverts par une simple lettre d'intention (promesse d'hypothéquer !).

    Ce faisant, les démocrates vont, en fait, créer des centaines de milliers d’insolvables, pour des logements dont ils n’avaient en fait pas les moyens réels de se payer (tout en reportant le risque de non-paiement sur les organismes para-étatiques en question, et d'autres)


    3. Cette crise sera encore accentuée par la politique interventionniste irresponsable de la FED (et de son directeur Alan Greenspan), pour pratiquer des taux d'intérêts anormalement bas, maintenant ainsi artificiellement en vie ce système bancal, et – pire encore – l'incitant à faire boule de neige, jusqu'au retournement du marché immobilier !

    La titrisation des créances américaines risquées, revendues sous forme d'obligations à des banques (et donc à leurs épargnants) un peu partout dans le monde va achever d'amplifier la crise des subprimes, provoquant des effets systémiques (effet domino) et lui donnant la dimension mondiale qu'on lui connait aujourd'hui. Une dimension sans précédent, qui a obligé la plupart des gouvernements à intervenir pour sauver leurs propres banques de la faillite.


    Ce sont donc un interventionnisme aboutissant à la transgression de toutes les règles de prudence régissant la distribution du crédit par des organismes para-étatiques, poussés par des politiques américains, qui a provoqué la crise, et non son contraire, un soi-disant "manque de contrôle". Cet excès d'interventionnisme, provoqué par l'inconséquence des hommes politiques américains (essentiellement démocrates, en l'occurrence), en empêchant le jeu normal des corrections du marché, est à l'origine de l'ampleur exceptionnelle de cette crise. Si tout cet interventionnisme malsain n'avait pas eu lieu, il y a belle lurette que les marchés auraient corrigés d'eux-même les excès de crédits, et limité « la casse ». Pour eux, ...mais aussi pour les nombreux preneurs de crédits qui n'auraient pas pu se fourvoyer en aussi grand nombre dans cette désastreuse aventure.

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    Deux articles récents bien faits, pour remettre les pendules à l'heure, et approfondir le sujet :

    Les limites du nouvel interventionnisme
    Par Frédéric Sautet - 18/09/2008
    Crise financière: Quand les pompiers-pyromanes sont récompensés (ou: lorsque le remède est pire que le mal)

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