jeudi 26 mars 2009

Pour une prévention à 100%

Grâce à nos amis du forum catho, je lis, avec retard, la lettre ouverte envoyée à Benoît XVI par trois "scientifiques" (c'est ainsi qu'ils se présentent), Bernard Audoin, directeur exécutif de Sidaction, Françoise Barré-Sinoussi, lauréate du prix Nobel de médecine 2008 sur le sida et Jean François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales, lettre publiée dans Le Monde du 24 mars dernier.

Les trois signataires citent une étude parue au mois d'août 2001 et ils concluent : "L'analyse globale de quelque 140 articles scientifiques consacré au suivi de couples où l'un des deux partenaires est séropositif démontre de manière irréfutable que l'utilisation du préservatif permet de réduire d'au moins 90 % le risque de transmission du VIH".
Je trouve particulièrement inquiétante cette référence à un article scientifique qui a presque 10 ans aujourd'hui et ce chiffre de 90 % avancé comme le Nec plus ultra de la science, lorsqu'elle est obligée de s'en remettree au caoutchouc pour offrir "une barrière imperméable contre le virus", selon la formule imagée qu'utilisent nos trois scientifiques.

Mon ministère sacerdotale m'a donné de rencontrer à plusieurs reprises ces couples homosexuels où l'un est séropositif et l'autre pas. Je peux témoigner ici (tant pis pour les bien pensants) de l'héroïsme qui existe chez celui qui n'a pas été infecté. Je revois dans une chambre d'hôpital ce garçon faisant lui-même la lessive des linges souillés portés par son ami auquel je venais donner les derniers sacrments. Lui, me dit-il, n'était pas séro-positif. Mais il faisait cela parce que le personnel de l'hôpital ne souhaitait pas le faire. N'en déplaise aux statisticien et à la froideur des chiffres dont ils se parent comme de boucliers indestructibles à l'usage de leur consience fragile, chez ces couples, il y a toujours la conscience (assumée) du risque vital. Le préservatif n'est pas une barrière (totalement) imperméable.

Cela d'ailleurs nos trois scientifiques le reconnaissent. Il y a 10 % des cas où, pour une raison ou une autre, le préservatif ne suffit pas. Mais ils avouent - implicitement - que 90 % est le chiffre optimal auquel la science puisse parvenir. Sa technique en caoutchouc, recherches ou pas, pour la défense de laquelle ils s'insurgent, reste encore bien rudimentaire !

Le pape n'a jamais nié l'efficacité relative (à 90 %) du préservatif. Mais il pointe le grand mensonge collectif qui fait accroire aux gogos que 90 % = 100 %. C'est ce mensonge entretenu qui "aggrave la situation", selon le terme que François Bayrou reproche tant à son pape. Les gens se croient bien protégés, alors qu'ils ne sont protégés qu'à 90 %. Imaginez une tenue anti-radiation qui ne serait efficace qu'à 90 %. Qui oserait en faire la promotion, en ces termes, auprès des gens qui travaillent (par exemple) sur des sites d'expérience nucléaire ? Qui oserait dire à ces gens : à 90 % vous ne risquez rien. Personne. Parce qu'il reste 10 % de "chances" d'être irradié.

Le pape est venu dire aux Africains qu'ils sont des hommes comme les autres, pas des machines désirantes et qu'ils doivent avoir, avec la sexualité, un comportement responsable, fondé sur une exigence de confiance mutuelle, de connaissance mutuelle et d'amour. Le pape a répété que l'amour est toujours le meilleur des préservatifs, non pas un préservatif répressif, qui empêche la diffusion de la vie, mais un préservatif vraiment permissif, qui autorise la diffusion de la vie dans de bonnes conditions. Le préservatif efficace à 100 %, c'est l'amour, c'est-à-dire la confiance et la connaissance mutuelle.

3 commentaires:

  1. Cher abbé. Je dirai presque rien à dire tellement c'est clair. Je commence à croire que les propos de Benoit XVI ont été volontairement provocateurs pour simplement impliquer l'individu dans une réflexion un peu plus profonde que celle que propose "la religion du caoutchouc". Il faut d'ailleurs y croire que nos amis africains ont su garder encore leur esprit critique et leur liberté de pensée, bien plus que nos énarques et dirigeants politiques qui font pitié tant leur degré de bêtise devient incommensurable.

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  2. On a tort de présenter cette affaire du préservatif comme un question de morale, alors qu'elle se réduit à un simple problème de calcul des probabilités.


    Jamais la Sainte Eglise Catholique n’a recommandé d’avoir des rapports à risques non protégés.

    Ce qu’elle dit seulement, et ce que confirment l’Université de Harvard, l’Académie française de médecine et les fabricants de préservatifs eux-mêmes, c’est que le préservatif a un taux d’échec variant entre 2% et 12%.

    Si donc la fureur de ses glandes commande à quelqu'un d’avoir des rapports vagabonds, qu'utilise un préservatif : c’est le bon sens même. Selon les cas, il divisera le risque par 50 ou par 8.

    Mais s’il y a des criminels dans cette affaire, ce sont ceux qui font une promotion effrénée du préservatif (que ce soit en Afrique ou dans les lycées), sans indiquer le risque qui lui reste associé.

    Pourquoi le faire pour l’alcool, la cigarette et pas pour le préservatif, alors que le risque est mille fois plus important ?

    Toute la question se réduit dès lors à savoir si une personne peut être incitée à adopter un comportement à risque par l'existence d'une protection qui n'est pas présentée comme faillible, alors qu'elle l'est.

    Si la réponse est positive, le Saint Père a raison et l'Europe entière lui doit de plates excuses. Si elle est négative, le Saint Père a peut-être tort, mais alors il faut abolir toutes les lois Evin qui sont inutiles. C'e"st paradoxe dont nos contradicteurs ne sortiront pas.

    S’il y a un comportement criminel dans cette affaire, il n’est pas à imputer à notre Saint Père que cette affaire doit au contraire nous faire chérir et vénérer plus encore.

    Il y a des obscurantistes dans cette controverse, mais ils ne sont pas là où on pense.

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  3. Vous avez raison l’abbé, au niveau d’un individu ou au niveau de deux individus (typiquement : un couple masculin dont l’un est porteur du virus). Mais les organismes de santé publique se placent à un autre niveau : une population. Par exemple, les personnes susceptibles d’avoir ‘x’ partenaires sexuels dans les 5 ans à venir.

    Imaginons un vaccin contre la grippe qui marcherait à 80%. Vous avez une chance sur 5 d’attraper la grippe… si vous êtes le seul vacciné. Mais si votre voisin est lui-même vacciné, vous réduisez encore (et sensiblement) le risque qu’il vous file un virus… qu’il n’a probablement pas. Dès qu’on atteint un certain taux de vaccination l’épidémie marque le pas. C’est pour cette raison que les organismes de santé publique prônent: capote pour tous (et pas de rouspétance!)

    Maintenant, considérez l’expression: «activités à risque». Si la diminution de ‘risque’ entraîne l’augmentation de ‘activités’ ça peut continuer encore des générations.

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