mardi 28 juillet 2009

Bouillant !

Grâce à l'efficacité de notre webmestre, vous avez pu lire l'essentiel de la bataille livrée sur le FC, à propos de l'entretien donné par Mgr Tissier dans La Vie. Etait-ce trop ?

Je crois que cette discussion est partie sur un quiproquo. Je cherchais à convaincre. Mes contradicteurs voulaient surtout occuper le terrain, comme l'a d'ailleurs reconnu l'un d'entre eux dans un mail qu'il m'a fait parvenir. J'ai été naïf.

Naïf d'avoir cru que l'on pouvait critiquer telle position d'un dignitaire de la FSSPX par amour pour la FSSPX et ce que je considère comme sa mission historique de "vaisseau amiral" de la Tradition catholique.

Naïf d'avoir cru que l'on pouvait faire évoluer des chiens de garde par la discussion. J'ai employé cette expression non pour traiter quiconque de chien, comme on me l'a reproché, mais parce que depuis Paul Nizan qui publia un livre sous ce titre en 1932, jusqu'à Isabelle Alonso, qui nous a permis d'employer ce terme au féminin, cette expression est brevetée et désigne les membres de tous les comités de vigilance qui soient au monde.

Lorsque j'ai réalisé que comité de vigilance il y avait, j'ai pensé qu'il valait mieux... le dire tout simplement. Mais si j'y reviens ici, ce n'est pas sous le coup de je ne sais quelle forme de déception, c'est éventuellement pour en tirer une leçon.

La foi n'a rien à voir avec l'idéologie. Mes contradicteurs sur le FC sont au départ des catholiques profonds, des gens de foi comme on n'en fait plus. Et pourtant il manque chez eux une distance et une force. Je vais préciser tout de suite. Peut-être est-ce simplement parce que sur la Toile, ils jouent un rôle, ils "sont" leur pseudo plutôt que d'être eux mêmes. Aussi bien, lorsque je dis : il manque quelque chose, ce sont les pseudos, Ennemond, Scribe, Gentiloup, Pellicanus, Noël, Halleluia and so on, que je vise et non, jamais, les personnes qui se cachent derrière ces noms de Toile.

Que manque-t-il aux masques de carton pâte que sont les pseudos forumiques ? La distance que donne la foi. La foi n'est jamais l'adhésion au discours de Mgr Untel ou au sermon du Père Machin. Les sermons et les discours font signe vers la foi, mais la foi ne se trouve pas DANS un laïus quel qu'il soit. L'énoncé de la foi, si précis soit-il n'est pas la foi. Du reste la foi ne naît pas des énoncés de la foi, elle les produit ; elle ne naît pas de la récitation du Credo ou de telle leçon de catéchisme, elle les produit. Certes elle s'entretient par le Credo et par le Catéchisme, mais sa naissance est ailleurs, en une intersection mystérieuse qui existe entre le coeur du fidèle et le Coeur de Dieu.

J'avais gardé en tête depuis une semaine cette formule de l'un des posteurs de ce Blog, revenant sur la bataille du FC : "Quel malaise face à toutes ces certitudes affichées... On ne peut s'empêcher de méditer et d'évoquer la réponse de Jehanne d'Arc qui place ses convictions ailleurs, elle : "Si je ne suis en état de grâce, que Dieu m'y mette, et si j'y suis, qu'Il m'y garde"... "

Jeanne d'Arc "place ses convictions ailleurs". Si batailleuse soit-elle la Bergère, elle jouit manifestement d'une paix intérieure qui vient d'ailleurs. La foi c'est toujours cette ouverture sur un ailleurs qui permet d'assumer tranquillement l'ici bas.

Au fond c'est cette ouverture de la foi sur l'ailleurs, cette distance de la foi quand elle juge, ce prodige de la foi, qui, comme me glisse ma petite soeur (plus si petite aujourd'hui) tout à l'heure fait de nous "des funambules", tutoyant en permanence deux abimes contraires. Effectivement je crois que ce ni trop ni trop peu fait partie de la logique de la foi, qui intègre dans son élan des dimensions apparemment contradictoire, comme le funambule, sur son fil, combine sans cesse l'élan et l'équilibre.

Ces réflexions sur la foi, je les fais en pensant aussi aux très beaux message de Philippe et d'Eric, auxquels je ne peux répondre sans rougir, comme dit l'un d'eux. La puissance de la foi, c'est qu'elle a des racines plus profondes que tous les énoncés.

Les modernistes historiques au tournant du XXème siècle avaient compris cela. Mais ils avaient cru que l'on pouvait se dispenser des énoncés de la tradition ou qu'il était loisible de les relativiser au nom d'un "christianisme progressif". Les pauvres ! Perdant les énoncés, ils perdaient le code génétique de leur croissance intérieure. Si l'on ne croit pas à la divinité du Christ, comment peut on croire que l'on est fait, nous mêmes pour devenir Dieu, "participants de la nature divine" (II Pierre 1, 4) ?

Il y a dans la foi tout ce que nous sommes, notre passé et notre avenir. Notre passé ? C'est cette intersection mystérieuse entre le Coeur de Dieu et le nôtre que l'on peut appeler prédestination (si l'on se souvient qu'il n'existe pas de prédestination au mal) ou vocation (si l'on accepte de considérer que ce vocable n'est pas réservé aux curés et aux bonnes soeurs, mais que comme le disait Paul VI, cité par B. XVI, "toute vie est vocation".

Notre avenir ? C'est le dogme de la divinité du Christ, c'est le dogme de la Trinité, qui nous aide à comprendre l'amour de Dieu, c'est le dogme de l'eucharistie (nous croyons manger Dieu mais c'est Dieu qui nous mange). Dans tout dogme il y a une dimension eschatologique, tout dogme nous renseigne sur Dieu c'est-à-dire sur notre fin ultime.

La foi naît bien avant les dogmes, dans un attrait sans nom, dans une préférence secrète... Mais les dogmes nous offrent la projection in divinis de ce en quoi consiste notre destin de croyants.

J'espère que j'ai su développer simplement cette intuition qui me porte. N'hésitez pas à me dire dans quelle mesure ce n'est pas le cas.

10 commentaires:

  1. Cher M. l'abbé
    Merci pour ce bel éclairage sur la Foi qui, de toute façon comme chacune des 3 théologales dépasse nos pauvres mots humains.... Et c'est peut être Péguy qui avec ses mots de paysan a le mieux parlé de l'Espérance (en ayant le saint culot de faire parler Dieu le Père en personne!)...Certes si la Foi est "l'adhésion de l'intelligence aux vérités révélées", elle est infiniment plus que cela. Et j'ai tendance à dire de plus en plus aux incroyants qui me demandent des preuves de l'existence de Dieu et de la véracité de la Révélation, "que Dieu ne se prouve pas...car il respecte la liberté humaine, et les miracles n'ont de toute façon pas converti les pharisiens (au contraire)...mais qu'Il se RENCONTRE, dans la mesure où l'on DESIRE cette rencontre". Des limites du discursif et de la nécessité de l'expérience !...
    Bien à vous in Christo
    Bruno P.

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  2. Ben je suis un peu coincé pour répondre car les commentaires sont maintenant limités à 4000 caractères (j'avais dû en écrire plus donc !) et on ne peut ni copier, ni couper ni coller dans le cadre de commentaires donc c'est super difficile de répondre dans ces conditions !
    Là, j'ai perdu celui que j'avais préparé ! Donc je vais vous le refaire par mail et vous verrez alors comment l'utiliser !

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  3. LE BUFFLE ET LE « MUFFLE »

    Le buffle est un brave animal
    Qui a des cornes et qui s’en sert.
    Le « muffle » est plutôt minéral
    Comme le sable du désert.

    Mais quand le sable se fait dune,
    Dune qui danse au clair de lune,
    La roche devenue mouvante
    En deviendrait presque vivante.

    Le vent souffle et la dune avance,
    Le sable reste granitique.
    Le buffle broute, emplit sa pense (sic)
    Et, ruminant, se fait critique.

    Car le buffle aime la prairie
    Toujours grasse et qui reverdit
    Dans le printemps qui semble naître
    Et qui le pousse à se repaître.

    Le buffle est un calme herbivore,
    Le sable grince sous ses dents.
    Il aimerait tant voir éclore
    De l’herbe sur le désert blanc.

    lundi 27 juillet 2009

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  4. Frustré par la technique, j'ai demandé asile à Tradinews pour intégrer mes considérations sur ce post passionnant de l'Abbé ! A lire ici : http://tradinews.blogspot.com/2009/07/antoine-oui-ce-que-dit-labbe-de-t-dans.html

    PS : c'est vrai que ça fonctionne mieux sous IE !

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  5. Cher Père, votre texte est lumineux.
    Je vous signale que le Père Marie-Eugène de l'Enfant-Jésus développe ce sujet de façon magistrale dans sa somme "Je veux voir Dieu" (éditions du Carmel) au chapître intitulé "Théologie et contemplation surnaturelle" (pages 433 à 454)
    Fraternellement
    Père Bernard

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  6. très belle analyse, comme toujours !
    oui les commentateurs du FC manquent parfois de ..........charité !

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  7. Il est bien dommage, Monsieur l'Abbé, que vous soyez laissé aller à traiter vos détracteurs de chiens. Aucune référence à la philosophie et aux traités obscurs des années 30 ne peut le justifier. Vous avez tellement d'apostolat à accomplir, même auprès d'eux.

    Franchement, vous m'avez déçu.

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  8. Moi je suis laïque, je trouve que c'est bien s'abaisser que de faire cas de ce que les laïcs peuvent dire. On n'a pas de formation vous savez, on parle surtout à l'instinct, ça vaut ce que ça vaut.
    Cécile

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  9. On s'interroge souvent comment les gens, comme les pseudos du FC que vous évoquez M.l'Abbé, peuvent-ils respirer dans cette bulle d'autisme qu'ils se sont fabriquée à partir de leurs fantasmes (sur ce qu'est la Tradition de l'Eglise, la Foi, le Magistère etc) et qu'ils cherchent à tout prix à préserver ?
    Car on a l'impression que la Frat intégrée dans l'Eglise suite aux accords réussis (Mgr Fellay ne manquant pas de lucidité, ce n'est pas improbable) leur couperait l'herbe sous les pieds, ils en perdraient les moyens d'exister ! On se demande de quoi est faite leur vie: s'il n'y avait pas toutes ces "occasions" de polémiques et contestations, oh combien trouveraient-ils lassante l'existence catholique simple, entre les sacrements, les fêtes religieuses et les joies simples de la vie familiale, professionnelle, culturelle etc, quelle lassitude ! Pensez-vous, sans opportunité de contester, de critiquer, de "mieux savoir" (certes, le Pape et les cardinaux ne savent pas,les pauvres, ils n'ont jamais réfléchi ni étudié....).
    Voilà encore un travers du monde virtuel: il offre un forum à ces gens là, il les fait exister au moins virtuellement (ils semblent assez ternes dans la vie réelle, bien que ce ne soit qu'un sentiment d'après leurs posts, subjectif, sans insister). Mais vous avez raison, ce ne sont que des pseudos, il y a quelque chose de faux, d'irréel dans ces propos toujours très affirmés, négatifs, critiques, idolâtres par rapport à leur "gourou"(s), propos bourrés de certitudes; brrrr, ils font peur ! Ils ne donnent pas envie de devenir catholique ! Heureusement pour la plupart de liseurs nous le sommes déjà (ou l'on essaie de l'être), mais essayez de faire lire le FC à un athée en chemin, il se sauve à toutes jambes ! --> testé, à déconseiller formellement, surtout s'il n'a aucun penchant nationaliste (ces derniers arrivent à co-exister sur FC sur certains sujets).

    Vous avez aussi raison de rappeler que la formulation "relire le Concile à la lumière de la Tradition" vient de Jean-Paul II; on ne souligne pas assez le rôle premier que ce grand Pape Serviteur de Dieu a accompli dans la restauration de la place de l'Eglise dans le monde (car nous sommes dans le monde), tout en initiant le retour "en grâce" de la forme traditionnelle de la liturgie (création de l'Ecclesia Dei etc, oeuvre aujourd'hui admirablement poursuivie par BXVI), mais après avoir été bien ferme tout de même face aux tentatives de déchirement du manteau du Christ (Gaillot, Lefebvre, théologie de la libération etc).
    JPII désirait l'unité autour du Trône de St Pierre (comme établi par le Christ), BXVI poursuit la démarche par son approche plus affirmée en interne. Le soutenir, ne serait-ce qu'en ligne, contribue davantage à cette unité, plutôt que de tendre la perche aux détracteurs de l'Eglise par des critiques stériles du Magistère (eg du Caritas in Veritate). Merci M.l'Abbé pour vos propos dans ce sens; votre courage est à saluer car les "gardiens du temple" n'admettent pas que l'on puisse évoluer dans la vie (elle est d'ailleurs faite pour ça ! on se développe, on évolue, on ne fait pas du sur place en s'accrochant fébrilement aux idées ou à une époque idéalisée et révolue), continuez d'écrire et surtout ne vous croyez pas obligé de vous justifier si vos perceptions ou idées évoluent, vous êtes libre de réfléchir tout de même ! Ce demi-monde virtuel n'a à demander des comptes à personne. Et UT UNUM SINT.

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  10. "Mes contradicteurs voulaient surtout occuper le terrain, comme l'a d'ailleurs reconnu l'un d'entre eux dans un mail qu'il m'a fait parvenir".

    Je crois qu'une petite question (implicite) vous est posée dans le PS de ce message-ci:

    http://www.leforumcatholique.org/message.php?num=503987

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