mardi 5 janvier 2010

A propos de Patrick Besson

Je viens de terminer le gros roman de Patrick Besson Mais le fleuve tuera l'homme blanc (éd. Fayard), qui m'a passionné... Mes deux ans d'Afrique comme prêtre remontaient à la surface, en lisant cette prose si apparemment désinvolte et si redoutablement cruelle.

A travers divers personnages, des hommes, des femmes, des blancs, des noirs, un métis, Patrick Besson essaie de comprendre l'étrange, le merveilleux, le dangereux sortilège de l'Afrique. Il y réussit assez bien d'autant plus que l'histoire qu'il raconte se déroule entre Brazza et Kin (Brazzaville et Kinshasa), avec le voisinage obsèdent du Rwanda et des Tutsis puis des Hutus qui ont trouvé refuge dans ces pays.

En y réfléchissant je me suis dit : c'est justement parce qu'en Afrique (je veux dire dans cette Afrique-là, sur l'Equateur, dans la torpeur équatoriale, rien n'est grave... que tout devient toujours dramatique.

Prenons la morale sexuelle : rien n'est grave ? eh bien le tourisme devient le mode général sous lequel se vit la sexualité, il n'y a plus de famille et l'amour n'existe que comme un partenariat non exclusif. Quant à la prostitution, elle devient un mode de vie "normal" pour les femmes, une source ordinaire de revenus et un fantasme d'ascension sociale.

Prenons la violence : rien n'est grave ? Les Hutus partent "au boulot" comme ils disent pour "écraser les cafards" (les Tutsis). Et les Tutsis considèrent comme "normal" le service que leur "doivent" les Hutus depuis des générations. Résultat ? Lorsque le chaudron explose... le drame est absolu.

Cette philosophie bon enfant du "rien n'est grave" débouche trop souvent en réalité sur les pires formes de nihilisme. Sur ce plan du nihilisme, si l'on détruit l'homme religieux qui sommeille en chaque Africain, on risque de découvrir que non seulement l'Afrique n'est pas en retard, du point de vue éthique, sur l'Occident, mais qu'elle nous montre le chemin et qu'elle n'a aucune leçon d'individualisme à recevoir de nous...

Autre exemple : l'attitude par rapport au sida, la désinvolture dont on fait preuve, la facilité avec laquelle on contamine son voisin... en préférant ne rien lui dire, simplement histoire de tirer tranquillement... son coup, voilà me semble-t-il un bon exemple de ce que donne EN PRATIQUE la grande théorie du nihilisme. On trouve quelques allusions sur le sujet dans la fresque de Patrick Besson. J'avoue aussi que j'ai souvenir de confessions (en France) à la fois désespérées, cyniques et en quête d'une vengeance sur l'existence par la contamination délibérée du prochain, qui faisaient plutôt froid dans le dos. C'est pas grave, ça non plus ? Ce sont ceux qui disent que de telles attitudes sont excusables qui les font passer pour "normales", en contribuant volens nolens à les banaliser, à les diffuser...

Ce sont ceux qui disent que rien n'est grave qui préparent le drame et qui accoutument au pire. C'est sans doute en ce sens que l'on peut comprendre la dernière ligne de Achever Clausewitz, le dernier grand livre de René Girard, qui laisse froidement son lecteur sur cette formule qui m'a laissé sans voix : "Vouloir rassurer, c'est toujours contribuer au pire".

4 commentaires:

  1. Il n'y a pas qu'en Afrique, toute l'Europe post-communiste est touchée par ce phénomène de la "normalisation de l'anormal" :

    Il y a d'un côté la majorité de la population encore très croyante, et de l'autre, un petit quart, mais en croissance, des jeunes et de très jeunes athées ou agnostiques, complétement déchristianisés donc en perte absolue de repères et, de ce fait, n'ayant pour seule et unique boussole les principes de l'économie de marché (dont ils ne sont pas encore lassés pour le moment).

    Aussi, tout devient une marchandise, tout doit rapporter. Le corps est un capital, il doit fournir un retour sur investissement (on investit dans les soins, les habits etc, tout cela coûte, il faut récupérer la mise!).

    Vous avez donc de très jeunes filles qui ne veulent déjà plus "sortir" avec des garçons de leur âge car ceux-ci ne "rapportent" pas : n'ont pas d'argent, donc ne peuvent rien leur offrir; ni acheter, ni les amener dans des restaurants, des clubs, en week-end etc, en plus maladroits et sans expérience, ne peuvent rien leur apprendre du domaine, bref, des bons à rien, sans intérêt.

    Le pire c'est que même les parents encouragent ce type de relations, préférant que leur fille ait pour "petit ami" un homme de 30 ans, plutôt qu'un collègien qui ne rapporte point.
    Sauf que, très souvent, cet homme-là est marié (pour les 40 ans surtout), ce qui semble échapper aux parents, ou ils préfèrent fermer les yeux, car voient leur fille "gagnante" (les vêtements, les marques, les ipods etc, tout ce qu'ils ne sont plus obligés de fournir, eux, une belle économie, alors qu'un "minable" de 15 ans ne ferait que "profiter gratuitement" de leur fille...)

    Ce n'est pas encore de la prostitution, mais c'est tout comme (quoiqu'il y ait de plus en plus des cas de filles qui ont ce que l'on appelle des "sponsors")!

    Les jeunes garçons pour leur part, au lieu de dépenser leur argent de poche en MacDo ou cinéma avec les filles de leur âge et qui n'iraient probablement pas plus loin (pure perte !), préfèrent rencontrer des messieurs (ou dames, mais plus rare) plus argentés et ainsi rentabiliser leur jeunesse, qui est, selon les principes du marché omniprésent, un capital périssable dont la valeur décline avec les années, donc demande une rentabilisation immédiate.

    Exit ainsi l'amour gratuit, les amours du collège/lycée échangés contre la valeur marchande du corps tellement plus rentable !

    Et ceci bien chez nous, dans notre Europe de 27 ! (je ne parle même pas de la Russie ou l'Ukraine). La Pologne en a même fait un film en 2009 "Galerianki" (= jeunes filles qui cherchent des "sponsors" dans des galeries marchandes de luxe; aussi un jeu de mots avec les galères : les galériennes, esclaves)
    cf le lien -> glisser jusqu'au volet "société":
    http://www.eurotopics.net/fr/presseschau/aeltere/NEWSLETTER-2009-09-24-Les-espoirs-lies-au-G20

    Alors l'Afrique....
    Les jeunes européens de l'EU15 (d'avant l'accession des 10 post-communistes) sont bien vertueux avec leurs amours de leur âge, leur baisers des bancs publics et leurs élans encore présents pour des causes (peu importe de droite ou de gauche) autres que le marché.

    Car quand celui-ci s'empare de l'être humain qui a perdu la foi et tous les repères, il liquide tout, la table rase des idées et illusions, tout devient une marchandise, tout est à vendre.

    Et l'anormal devient normal.

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  2. C'est drôle, cher anonyme parce que j'étais en train de songer, à la lecture de votre beau commentaire, que vous n'eussiez mieux pu défendre le port "intégralement" libre (si j'ose dire), de ce curieux bout de tissu, censé protéger le visage et la pudeur des musulmanes...

    Quoi de plus ridicule, en effet, que les gesticulations de vierges effarouchées de tous ces personnages qui ont encouragé, stimulé, promotionné la venue sur notre sol (je parle même de l'Europe toute entière, tant la question est hautement civilisationnelle) de populations aux moeurs profondément différentes des nôtres et qui, à présent, s'aviseraient de ne pas les trouver acceptables ni jolies, dans le paysage, telles qu'elles sont....Quelle hypocrisie de politichiens vermoulus et menteurs comme des arracheurs de dents.

    Le problème est qu'ils sont maintenant pris à leur propre piège et l'on en rirait, si les conséquences n'étaient si irrémédiables, du moins dans un avenir prévisible. Pour le plus long terme, tous ces combats de l'ambition humaine, s'avèreront avoir été perdus et vains.

    Avez-vous vu le Législateur fixer la hauteur de la mini-jupe?! N'importe quelle jeune fille (ou pire, dame de n'importe quel âge...lol) n'a-t-elle pas le droit de se balader pratiquement comme bon lui semble, voire en tenue légère, pour peu que celle-ci ne soit pas "contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public" dans n'importe quelle avenue de notre "beau pays"?...Avez-vous entendu parler d'une loi, interdisant aux garçons de se parer d'un petit diamant, en guise de boucle d'oreille, si cette ridicule habitude leur plaît, à eux et leurs congénères!...

    Je ne vois pas au nom de quoi, et certainement pas de nos "principes" et autres "valeurs" dont ils ont la bouche dégoûlinante, on interdirait à une personne de se costumer et de se grimer, comme elle l'entend, y compris en robe Renaissance à fraise, pour aller acheter son pain.
    Désolé d'irriter sans doute encore quelques lecteurs et lectrices de ce charmant blog mais l'histoire du voile intégral interdit, c'est déjà un combat perdu d'avance et je peux vous dire, à titre personnel, que je ne trouve cette "mode" ni sympa. encore moins sexy!

    Mais enfin!!! un peu de cohérence, que Diable! Mesdames et Messieurs les vertueux auto-proclamés, qui s'extasient, à gorges déployées (aux deux sens du terme...lol) devant les faquineries oûtrancières de n'importe quel styliste mondain, dans les défilés de mode les plus chics et les plus "in" de la capitale, et qui prétendraient maintenant interdire aux petites islamiques de réserver leur joli minois à "leur amoureux"...
    Que ça plaise ou non, le fameux voile va êre de plus en plus visible et d'autant plus si on essaye de l'interdire; il y aura un abcès de fixation supplémentaire dans la gué-guerre idéologique qui donnera d'autant plus d'occasions aux doctrinaires, de marquer des points et c'est eux qui auront le dernier mot, puisque nos fondamentaux laïcs sont profondément contradictoires...

    C'est qu'ils n'ont pas été conçus pour cette bataille là mais pour éradiquer notre antique religion, la chrétienne. C'est une paire de manches avec l'islamique...sont loin d'être prêts à se laisser marcher sur les pieds, d'autant qu'ils ont tout à y gagner.

    Pauvres de nous, nous avions tout à y perdre et ma foi, on continue à se bouffer le foiE, dans des querelles, comment dit-on, pichrocolines au lieu de rire au nez des "Monseigneurs" Gaillot de tout poil, et de les avoir foûtus à la porte, dans une crise de rire pour leurs pîtreries...
    Merci cher anonyme, d'avoir bien recadré la question, dans son contexte "sociétal" "comme ils disent"...(célèbre chanson de Charles Aznavour...).

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  3. Pour la burka, peu importe que l'on affiche cet accoutrement quand on est responsable de soi-même seulement, mais remettriez-vous un enfant à la sortie de l'école à quelqu'un qui prétend certes être la mère, mais dont vous ne pouvez voir le visage ? Et par conséquent que vous ne pouvez pas reconnaître ? Cela pourrait être n'importe qui, sous la burka tous les chats sont gris....

    Voilà peut-être une des raisons de ne pas autoriser librement le port de cette tenue.

    Les jeunes célibataires effarouchées dont personne ne dépend peuvent s'accoutrer comme elles entendent, ce n'est pas pire qu'un jean bas des hanches laissant apparaître certains "attributs" postérieurs pas très esthétiques, mais les "mères" (qu'en sait-on, au fait, si vraiment les mères?) en burka, non, merci...

    C'est aussi une question de sécurité, même dans les commerces de proximité (les braquages pleuvent dans le 93).

    La burka est un attribut de dissimulation, comme des cagoules etc, bien interdites déjà pour des questions de sécurité et d'identification. C'est le même problème.

    Par contre comment reliez-vous cette question avec la problématique de la "normalité croissante de l'anormal" soulevé par M.l'abbé et l'anonyme ci-dessus ?

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  4. L'anonyme de 17.38 du 8 janvier ne manque pas de souffle, mais pourquoi toujours rester annonyme? Un pseudo ou un prénom est ce trop demander? .

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