jeudi 7 mars 2019

Un complot contre l'Eglise ?

C’est un complot contre l’Eglise. Voilà ce que pensent beaucoup de catholiques inquiets devant cet alignement maléfique des Planètes où l'Eglise semble perdre complètement sa crédibilité, au point d'inquiéter fortement les laïcs qui se sont engagés pour elle malgré toutes les difficultés que l'époque oppose à un tel engagement.
     
Il y a tant de scandales qui ont explosé ces derniers temps que l'on est bien obligé de leur donner raison. Mais ce ne peut être une conspiration humaine. Quel rapport existe-t-il, en effet, entre le film Grâce à Dieu de François Ozon, sur la non-dénonciation des crimes de pédophilie, le livre Sodoma de Frédéric Martel sur le système homosexuel au Vatican (système: le mot est de Martel qui a enquêté quatre ans dans les cénacles ecclésiastiques du monde entier), et enfin ce documentaire sur les abus sexuels concernant des religieuses dans des couvents catholiques, programmé sur la chaîne Arte pour Mardi Gras ? Dans une telle conjonction, les exploits don-juanesques de Mgr Ventura, nonce à Paris, semblent presque dérisoires. 

Il y a vraiment quelque chose de pourri au Royaume de Danemark aurait dit Shakespeare. Mais Dieu règle les événements bons ou mauvais pour le plus grand bien de ceux qui l'aiment. Il est dans la même barque que nous. Dans une telle répétition différentiée des symptômes, c’est le Seigneur qui se manifeste, avant et après, dans l'épreuve et dans la consolation. Il va apaiser la tempête comme d'habitude, mais il faut d'abord que nous soyons capables de lui dire : "Seigneur sauvez-nous, nous périssons" ainsi que l'ont fait les apôtres. Comment le lui dirons-nous  en cette occurrence ?

Il y a quelques années autour du grand jubilé de l'an 2000, la repentance était très à la mode dans l'Eglise. On faisait repentance pour l'inquisition médiévale, pour les Borgia, Alexandre VI et son oncle Calixte III, papes de la Renaissance, toutes choses à la vérité fort anciennes. Ce rituel sociologico-politique n'a convaincu personne. L'Eglise du grand Jubilé a donné l'impression de filtrer le moucheron des anciens temps et de laisser passer le chameau des temps nouveaux. Il me semble qu'il faut être plus classiquement chrétien et envisager un vrai repentir de l'Institution, comme avait commencé de le faire Benoît XVI dans sa Lettre aux catholiques irlandais.

Ce repentir ne doit absolument pas être le fait de tous les catholiques comme l'indique indistinctement tel prêtre dans sa Lettre de Carême : la mauvaise conscience est aussi dangereuse que la bonne. Ce qui compte c'est la conscience tout court ! De façon évangélique, ce repentir doit concerner ceux qui ont péché, en tant qu'ils ont péché. Il me semble que c'est à quoi nous conduit ce complot divin auquel nous sommes en train d'assister. 

Le pape François a eu raison de pointer, dans ces abus sexuels, des abus de position dominante. Dans toutes ces histoires, le cléricalisme n’est jamais loin. Les clercs qui auraient abusé de leur fonction ne serait-ce que pour couvrir des crimes sexuels, doivent s'en repentir clairement et à haute voix, sans jouer "grâce à Dieu la prescription".

L'Eglise ne se sortira pas des scandales par une nouvelle crise de mauvaise conscience. Il faut qu'au moins symboliquement certains hommes d'Eglise soient capables de prendre sur eux la foudre. Noblement. Courageusement. A cause de ce qu'ils ont fait ou de ce qu'ils n'ont pas fait.

"Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve" dit le Poète, faisant écho à saint Paul : "Là où le péché a abondé, il faut que la grâce surabonde". A scruter les terribles signes des temps qui nous tombent dessus, on peut dire que nous allons sans aucun doute vers un temps de grâce. Il importe avant tout, comme disciple du Christ, non pas de faire disparaître les dossiers, mais au contraire, selon la mission que l'Eglise de France a confié à Jean-Marc Sauvé, de faire la vérité. Le concile Vatican II avait été convoqué il y a plus d'un demi-siècle pour une opération vérité, parce que l'on sentait déjà des dysfonctionnements. Les Pères ont cru s'en tirer avec des généralités théologiques. Nous sommes devant la vraie crise de l'Eglise. Mais le Seigneur nous demande davantage, oui, dans un prolongement inédit de Vatican II, davantage que des mesurettes ou des réformettes liturgiques dont tout le monde se f... : une vraie réforme, une autocritique du cléricalisme, une mise en question des personnes constituées en dignité, qui ont transformé les erreurs humaines toujours présentes dans tout corps constitué en tolérance organisée, dramatiquement efficace contre toutes les victimes de prédateurs sexuels.

Mais avant tout, il faut que nous sachions voir le complot divin à travers les mauvaises nouvelles. Ne nous y trompons pas : c'est à cause de lui que rien ne sera plus jamais comme avant dans l'Eglise.

4 commentaires:

  1. Ne pensez vous pas qu'à terme l'Eglise devra suivre son Epoux dans Son Sacrifice ? C'est finalement le 3ème secret de Fatima, qu'il soit partiellement révélé ou pas. Le pape et un grand nombre d'évêques, de religieux et de catholiques seront exécutés. Le Christ pourrait-il ne pas accorder à son Epouse l'honneur incroyable de participer à Son Sacrifice ?

    Mais comment bouc-émissariser l'Eglise puisque le mécanisme du bouc-émissaire a été cassé par le Christ ? Le seul moyen : il faut que le bouc-émissaire soit réellement coupable, et pas de n'importe quoi, du crime le plus révulsant possible. Il a donc fallu recruter des pédophiles dans les séminaires.

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  2. VaticanII motivé par des dysfonctionnements? On croit rêver.Vatican II a plutôt créé ces dysfonctionnements.Ce n'est pas un remède mais une maladie.La banalisation laïcarde des offices, la musique pop,les chants d'une pauvreté affligeante, l'apparition de tables de cuisine à la place d'autels, les fidèles en cercle se contemplant le nombril, la mise au rebut des confessionnaux, l'instauration de "réconciliations",la notion de repas pris en commun venant supplanter celle de nourriture divine.Sans parler du catéchisme de bande dessinée,du maintien des jeunes prêtres dans une ignorance crasse de leur propre religion et qui vous enjoignent à ne chercher en aucun cas à convertir...

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  3. Cher abbé,

    Heureux de vous retrouver sur ce blog même si vous y écrivez parce que l’heure est grave. Quelques réflexions poil à gratter comme au bel autrefois :

    « La mauvaise conscience est aussi dangereuse que la bonne », je crois en savoir quelque chose, mais il n’est pas vrai que la repentance de l’ »Église du jubilé » « n’a convaincu personne » ni que « ce repentir [d’aujourd’hui] doit concerner ceux qui ont péché, en tant qu'ils ont péché. » Car individualiser le repentir dans l’Église, c’est nier le péché originel. Ne nous en déplaise, nous sommes autant solidaires des « bourreaux » s’ils sont des nôtres que des victimes à qui doit aller premièrement l’élan de notre cœur, mais notre prière doit se répartir équitablement entre les uns et les autres, d’autant que, s’il faut absolument individualiser notreréaction, nous sommes tous des bourreaux et des victimes en puissance.

    La crise qui secoue l’Église n’a rien d’un « complot de Dieu ». Il y a quelques années, j’avais dénoncé vigoureusement que Benoît XVI mette tellement l’accent sur la pédophilie dans l’Église qu’on finissait par croire qu’il n’y avait plus que de la pédophilie dans l’Église. L’énergie que le précédent pape a mise à s’emparer de cette question et à essayer de nettoyer les écuries d’Augias n’est certainement pas étrangères aux raisons qui ont provoqué son départ ou sa démissiion. Le moins qu’on puisse dire est que l’attitude de son successeur est ambiguë. Elle oscille entre indignations vertueuses qui pleurent avec les victimes, convocation d’un sommet sur les abus sexuels sur les mineurs et, dans le discours de conclusion de celui-ci, banalisation de la pédophilie dans l’Église qui, loin d’être envisagée dans ce qu’elle a de spécifique, est ramenée à la « banalité » de la pédophilie familiale et mondiale, elle-même insérée à son tour dans l’ensemble des abus qu’on inflige à l’enfance, comme celui des enfants soldats. L’Église s’engage, entre autres, par la voix du pape, à lutter contre le tourisme sexuel, dont on ne voit pas en quoi ça la concerne. Ces attermoiements pontificaux sont très conformes à l’ »en même tempsisme » des gouvernantsactuels, de Trump à Macron. Ou, pour parler comme François, ces réactions qui jouent de l’effet de balancier sont contaminées par la maladie atrocement mondaine du gouvernement de l’injonction paradoxale. Or l’injonction paradoxale est le mode dont se fait tantôt plaindre et tantôt craindre le pervers narcissique.

    Lorsque j’ai compris l’affaire Barbarin que je soutenais d’abord, je me suis acharné à flétrir son inaction, non pour ne pas avoir dénoncé des faits dont il a eu connaissance beaucoup plus tôt qu’il l’a prétendu comme en atteste, par exemple, Isabelle de Gaulmin (que vaut un État où il existe des crimes de non dénonciation ?), mais pour ne pas avoir mis ce prêtre hors d’état de nuire et pour avoir continué à lui confier une charge pastorale jusqu’en2015. Quelle volée de bois vert n’ai-je pas essuyé, en particulier de la part des « liseurs » du forum catholique ! N’importe. Aujourd’hui, le cardinal Barbarin démissionne et ne doit pas démissionner. Sinon, pourquoi ne pas exiger la démission du pape comme le fait mgr Carlo Maria Vigano en faisant assaut d’accusations outrancières ? Faut-il que le Père Pierre Bignon ait raison du cardinal Barbarin ? Non. Le cardinal Barbarin doit affronter la tempête aux côtés de ses diocésains et non pas quitter le navire que ses défauts de gouvernance ont fait tanguer.

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  4. (Suite).

    Car l’enjeu est de se demander ce qu’a de spécifique la pédophilie dans l’Église et quel en est le terrain favorable. Trois caractéristiques résument à mon sens la question :

    - Les prêtres n’ont droit à aucune sexualité active, ce qui est invivable quand on vit dans le siècle. L’Église peut-elle se satisfaire d’imposer une discipline qui fait qu’on ne puisse s’en sortir que par l’hypocrisie ?

    - Le célibat des prêtres n’est qu’un aspect de ce défaut d’activité sexuel. Il faut sans doute y mettre un terme. Mais il faut avant tout remédier au « trouble dans le genre » par lequel un prêtre, individu de sexe masculin, est configuré à un Corps, l’Église, entité de sexe symboliquement féminin car épouse du Christ.

    Ce « trouble dans le genre » fait que la véritable origine de la pédophilie dans l’Église est l’homosexualité de beaucoup de prêtres,comme le disent les non conformistes, homosexualité latente à laquelle le cléricalisme qui devrait être l’ennemi selon François (Gambetta ?) fait honteusement diversion dans ces relations abusives où « l’abus de position dominante » ne joue qu’un rôle mineur...

    Il faut affronter ce « trouble dans le genre » et mettre de l’ordre à la conception sexuée que l’Église se fait d’elle-même, ce qui exige des débats de qualité entre les catholiques.

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