mercredi 27 mai 2020

Chère amie...

L'une de mes amies qui lit très régulièrement ce blog, en particulier depuis que je poste un commentaire sur la messe, irrégulièrement chaque jour, me contacte l'autre soir pour me faire deux graves reproches auxquels je vais tenter de répondre, avant de reprendre la causerie sur le Communicantes, que j'ai initiée hier.

Premier reproche : Vous êtes dans le phyllum de l'intégrisme de papa. Votre truc, c'est pas adapté.

Deuxième reproche ; votre vision de la messe est austère, ampoulée (la sainte messe est à tous les coins de rue dans votre texte) et puis ça manque d'amour.

Deux reproches capitaux, presque aussi grave l'un que l'autre, auxquels je dois des réponses. Au risque de vérifier sur ma personne le deuxième reproche, je dirais que celui qui me touche le plus, c'est le premier.

Vous me reprochez dabord en substance chère amie de m'être trompé de génération. Je n'en suis pas si sûr. 

Il y a eu à la fin des années 70 et dans les années 80 un combat extraordinaire pour récupérer "le catéchisme, l'écriture et la messe", mais ce combat les traditionalistes d'hier l'ont gagné, après moultes péripéties horrificques : Rendez-nous le catéchisme l'Ecriture et la messe" demandait Jean Madiran aux évêques. La nouvelle Ecole biblique de Jérusalem est particulièrement sensible à la Bible dans ses traditions ; aimer la Vulgate (aujourd'hui disponiblle en collection Bouquins pour 30 euros) n'est plus un crime mais une preuve de goût. Le catéchisme (ce qu'il en reste) est beaucoup plus qu'autrefois centré sur les sacrements, qui sont tous les sept solidement traditionnels. Quant à la messe, plusieurs choses : La messe traditionnelle est (à peu près) en vente libre dans l'Eglise aujourd'hui. Elle est dépanalisée, au sens où jusqu'à la Fraternité Saint Pie X inclusivement (qui devrait remercier tous les jours le pape François), ceux qui la célèbrent aujourd'hui peuvent le faire légalement. "Chacun a droit de citoyenneté dans l'Eglise" comme disait le regretté cardinal Castrillon. Le moment semble donc particulièrement bienvenu grâce à cette nouvelle paix de l'Eglise, pour faire connaître le rite traditionnel, perle précieuse de la tradition de l'Eglise, ne serait-ce que, parce qu'objectivement, il demeure, dans l'Eglise latine, la principale norme d'interprétation de l'Ordo rénové,

Il faut dire que l'intention des auteurs du rites, du Père Bouyer au Père Bugnini par exemple, a été parfois contradictoire. Quant au pape Paul VI, il a assumé sa réforme, en donnant l'impression que pour lui le principal était la traduction en vernaculaire de la forme traditionnelle du rite. On comprend dans ces conditions, que la pierre de touche demeure le rite traditionnel, qui remonte de façon sûre au IVème siècle (le De sacramentis de saint Ambroise), avec auparavant des témoignages de Cyprien, de Tertullien et du pape de Rome Innocent Ier dans sa lettre à Decentius). Sans parler du solide travail de saint Grégoire le Grand au début du VIIème siècle. Ce sont des autorités dont l'on ne peut pas se débarrasser d'un revers de main. La théologie du rite romain aujourd'hui manque à l'Eglise et même à la légitimité du rite rénové, comme l'a bien montré Benoît XVI dans Summorum pontificum (Les souverains pontifes) dont le titre est à lui seul tout un programme. C'est ce manque que j'essaie modestement de poser comme criant, à travers cette série de méditations.

Il y a un deuxième obstacle sur le chemin de la messe romaine, c'est la barrière que constitue le latin, langue sacrée pourtant nul n'en disconvient, langue liturgique, comme le grec, l'araméen et le slavon. Il est clair qu'il faudra, sans renoncer à la langue sacrée, introduire du vernaculaire dans la liturgie dite de saint Pie V, ne serait-ce que des cantiques français (pas forcément du XIXème siècle - les chants d'aujourd'hui sont beaux) ou des parties de la messe comme les prières au bas de l'autel ou le dernier évangile, qui n'a pas vocation à être bredouillé de façon inaudible par le prêtre, fatigué de l'action sacré et qui fait tout pour en finir rapidement (c'est l'impression que cela donne parfois).

 L'obstacle de la langue sacrée, qui n'est pas affronté, est d'autant plus considérable que les chants de l'Emmanuel tiennent lieu de médiation à beaucoup de jeune en quête d'émotions simples et claires, parfois (pas toujours mais je l'ai vu) au détriment de la geste liturgique elle-même, sans doute parce que, ici et là, on n'en comprend plus la nature. Chanter la prière du Père de Foucauld ou tel poème de Thérèse de l'Enfant Jésus, cela ne s'improvise pas : les paroles sont tellement fortes, la musique tellement chaleureuse que la liturgie elle-même (dont on ne sait plus trop à force de réformes à quoi elle correspond) semble pâlir au profit d'une ambiance charismatique ou évangélique.

A quoi mènent ces diverses considérations ? A souligner que c'est plus que jamais peut-être l'heure de la liturgie traditionnelle dans l'Eglise, que nous, qui sommes attachés à ce rite, nous ne nous sommes pas trompé de génération,. Le rite s'est relevé, a repris un sens religieux catholique qui avait eu tendance à disparaître dans les sombres années 70. C'est maintenant la théologie de la messe qui manque, théologie qui n'est pas seulement sacramentelle mais sacrificielle, c'est-à-dire terriblement pertinente à la vie réelle telle que nous la supportons, et capable d'exprimer nos amours, notre amour de Dieu d'abord, de la manière la plus forte, loin de toutes les illusions. Théologie que l'on ne trouve que dans le Canon romain, gloire à lui ! et dans l'offertoire de la messe romaine, , un peu plus récent mais si éloquent.

Chère amie, chaque fois que dans ce commentaire j'écris le mot "sacrifice", je pense au mot "amour", non pas du tout qu'il faille introduire je ne sais quelle dimension masochiste dans tout amour. Disons plutôt : le sacrifice, c'est le principe de réalité qui impose l'amour non comme une songerie vaporeuse, non pas même comme un idéal qui serait supérieur à la vie et donc mensonger en définitive, mais plutôt comme une vie concrète, toujours menacée, souvent risquée et qui, n droiture,  quels qu'en soient les objet, à l'ombre de la Présence bienveillante de Dieu, nous mène au Ciel.

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