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(Lettre aux Amis et bienfaiteurs du séminaire Saint-Vincent-de-Paul – Printemps 2009)
Saint Paul au chapitre 12 de la première épître aux Corinthiens, nous parle des «kharismata», les fameux «charismes», pour désigner ces dons particuliers que Dieu donne en vue de l'édification de l'Eglise. Tels furent les dons de faire des miracles donnés à certains saints, de tel type est aussi la grâce du sacerdoce, tel est encore l'esprit fondateur d'un Institut authentiquement reconnu par l'Eglise.
Ainsi il est arrivé que des évêques nous interrogent sur notre « charisme propre » : Que pensez vous apporter à notre diocèse?
Bien des fidèles aussi, plus simplement, se demandent quel type de prêtre nous voulons former: Comment seront les prêtres de l'IBP à venir?
La réponse se trouve évidement dans nos statuts, et .leur récente publication sur l’internet (cf. le blog de M. l'abbé Laguérie) nous libère d'un devoir de discrétion qui nous incombait jusque là.
Nous allons donc parler de ces statuts, et même les commenter pour. vous, non pas pour assouvir une curiosité déplacée, mais plutôt pour répandre, au nom de l'Eglise, la grâce fondatrice de l'Institut du Bon Pasteur, sa richesse, son charisme.
Deux phrases me retiendront particulièrement:
1°) (L'Institut est) soucieux de préserver la tradition de l'Eglise dans sa permanente actualité (Statuts II, 1).
Tout le monde sait que l'Eglise vit une crise, et une' crise profonde dont nous n'avons sans doute pas encore mesuré toutes les conséquences.
Voir cette crise est une chose mais qui travaille à en sortir? Qui a un projet pour l'Eglise, pour qu'elle revive?
Modestement, à notre place nous répondons: La tradition de l'Eglise est la lumière à laquelle il importe d'envisager l'avenir.
Voilà pourquoi nous voulons la liturgie traditionnelle intégrale et exclusive, voilà pourquoi au séminaire de Courtalain nous voulons former nos séminaristes avec saint Thomas d'Aquin, voilà pourquoi nous attachons une grande importance à l'étude des enseignements des Papes.
Mais cette tradition ne saurait être une simple étude et complaisance stérile dans le passé, elle doit être une lumière pour aujourd'hui!
Ainsi nos séminaristes étudient les problématiques d'aujourd'hui, ceux qui le peuvent seront invités à poursuivre leurs études pour pouvoir apporter davantage, déjà deux de nos professeurs et un diacre, poursuivent leur doctorat en philosophie, théologie et histoire.
Préserver la tradition de l'Eglise dans sa permanente actualité semble bien être la meilleure manière d'agere ut pars, comme aurait dit Cajetan: Agir comme une partie de l'Eglise, lucide et courageuse!
2°) - Le Bon Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis est le modèle parfait de cette vie essentiellement apostolique: esprit de service et d'oubli de soi qui est comme le secret de Jésus-Christ. Chaque membre est conscient d'être le «serviteur inutile », de même que l'Institut ne se considère pas comme une fin en soi, mais un moyen au service de l'Eglise, (Statuts 1,3.)
A première vue, l'idéal apostolique que décrit l'image du Bon Pasteur, est l'idéal de tout prêtre, comment y voir un charisme spécial?
Cependant sainte Catherine de Sienne dans ses oraisons voyait dans cet esprit de dévouement une grâce spéciale, qui n'est donc pas faite à tous. Elle écrit:
Je supplie donc, puisque tu inspires dans les esprits de tes serviteurs les désirs anxieux et ardents pour la réforme de ton épouse, et les fais crier en continuelle oraison, que tu exauces leur cri. (Oraison 7).
Dans notre formation, nous veillons à orienter les séminaristes vers l'apostolat futur, vers la soif des âmes. Nos professeurs ou intervenants extérieurs sont, le plus souvent, riches d'une grande expérience pastorale, des conférences ponctuelles exposent des sujets d'actualité, le contact avec les fidèles après la messe du dimanche, rappellent au séminariste le dévouement futur.
Cette grâce nous la demandons dans la prière, pour chacun de nous, pour nos séminaristes, pour qu'ils soient les pasteurs attentifs de demain, les bons et fidèles serviteurs que décrit notre Maître dans l'Evangile.
Ce charisme n'est il pas magnifique ?
Mais me direz vous, tout cela est beau, vos statuts aussi, mais ne sont-ils que lettre morte, pieuse pensée, ou réalité vécue et espoir pour demain?
Autant que peut juger l'humaine faiblesse, je pense et espère que ce désir (qui est un début de réalisation), et cette prière, existent au cœur de nos séminaristes.
Jugez par vous-même: l'un d'eux commentait récemment ainsi la douzième station du chemin de la Croix (La mort de Jésus) :
Mon Dieu ce rachat de la dernière heure, je l'invoque pour mes contemporains, beaucoup d'entre eux vous sont indifférents plus par ignorance et conformisme que par conviction. Envoyez leur des prêtres zélés, des travailleurs infatigables pour leur annoncer votre existence, votre amour envers eux et les joies qu'on éprouve à vous aimer et vous servir. Enthousiasmé par un tel projet, embauchez-moi ô Jésus, au nombre de vos travailleurs ...
Abbé Henri Forestier
recteur du séminaire Saint-Vincent-de-Paul
Avez-vous remarqué que certains termes servent, en plus de leur signification réelle, éventuellement fort belle... qu'ils servent à enfumer l'interlocuteur? Exemples:
Quel rapport avec l'objet de ce blog me direz-vous, et avec le titre de ce message? j'y arrive.
"Le généticien, devenu président de l’université Paris V René-Descartes, a pris une dimension intellectuelle qui excède largement le seul domaine des sciences [...]".
"Chacun de ses engagements successifs, Axel Kahn les a ainsi vécus pleinement. Engagement religieux d’abord. Enfant, ce fils d’une catholique pratiquante et d’un philosophe humaniste, fervent croyant, fait siens les préceptes de l’Église et accomplit toutes les étapes du parcours du croyant : baptême, catéchisme, communions, promesse scoute sur le chemin de croix de Lourdes, enfant de chœur… «J’avais une foi profonde. J’étais très pratiquant. Je voulais être prêtre.» Mais un changement de liturgie va avoir raison de cette belle résolution. Axel a 15 ans quand la messe passe du latin au français. «Je me suis aperçu que je ne croyais pas un mot de ce que j’ânonnais jusqu’alors sans comprendre… J’en ai conclu que j’avais perdu la foi.»"Bigre.
Dès sa création à Rome le 8 septembre 2006 comme Institut de droit pontifical, le Bon Pasteur est placé sous les projecteurs en raison de son rite liturgique exclusivement traditionnel. Mais c’est surtout sa position théologique qui interpelle, par rapport au Concile Vatican II. Certains réclament que soit donné au concile « un assentiment sans équivoque». Or il n’y a pas d’équivoque dans notre position. Il s’agit d’une mission de veille théologique. Elle s’inscrit dans la clarté de la pensée du pape. Face au faux «esprit du Concile» qu’il a nommément rejeté le 22 décembre 2005 devant la Curie comme cause de «ruptures», «dans de vastes parties de l’Église , Benoît XVI affirme que le temps est venu de soumettre le texte de Vatican II à une relecture pour en donner une interprétation authentique, encore à venir.Comment une telle «critique constructive» du Concile est-elle possible, puisque Vatican II est un acte du magistère authentique, en pratique intouchable ?
Dans cette perspective, nous sommes invités par nos engagements fondateurs (signés le jour de notre fondation), à participer de façon constructive à un travail critique. Le débat fondamental, étouffé depuis quarante ans, s’ouvre enfin au sein de l’Église sans esprit de système ni de revanche, sur les points de discontinuité doctrinale posés par le concile Vatican II, sujets à caution.
Le concile est certes un acte du magistère authentique. Mais il n’est pas intouchable, puisque la «réception authentique» du Concile, selon le Saint Père, n’a pas encore eu lieu, ou n’est pas satisfaisante ; c’est donc qu’il est retouchable, via le processus d’interprétation. Il y a un espace de liberté laissé à la controverse théologique sur le texte du magistère conciliaire, restant sauve la Tradition dogmatique et apostolique…N’est-ce pas mettre la Tradition au-dessus du magistère?
La Tradition n’est ni au-dessus, ni au-dessous du Magistère. Dans ce même discours du 25/12/2005, notre pape a fustigé «l’herméneutique de discontinuité», qui oppose le magistère conciliaire à la Tradition. En effet, le magistère authentique ne dispose jamais de la Tradition à sa guise et n’est pas au-dessus d’elle : lorsqu’il statue de manière infaillible, il est ce que j’appelle la Tradition «en acte». Lorsqu’il ne statue pas de manière infaillible, comme la majeure partie de Vatican II, le magistère (même authentique) doit être interprété et reçu, sans rupture avec la Tradition, donc à la lumière de celle-ci.Pouvez-vous préciser en quoi la réception d’un concile permet d’en faire la critique constructive?
Quel sera pour vous le critère de ce tri et de cette interprétation ?Le problème posé par Vatican II est qu’il ne ressemble en rien aux précédents conciles. Ceux-ci présentaient des enseignements, des définitions du dogme, des condamnations d’erreurs opposées, qui obligeaient la foi. A l’inverse, renonçant par principe pastoral à toute prétention dogmatique (hormis la reprise de quelques points antérieurement définis par le magistère solennel), Vatican II ne s’impose pas à l’Eglise comme objet d’obéissance absolue pour la foi (cf Canon 749), mais comme objet de «réception».
Or la réception induit un processus d’interprétation. Pour un tel corpus de textes, celle-ci demande du travail, et surtout du temps. Le cardinal Jean-Pierre Ricard à Lourdes, le 4 novembre 2006, a précisé : « le Concile est encore à recevoir » (c’est-à-dire à réinterpréter). Et il a indiqué la direction à suivre : s’appliquer à « une relecture paisible de notre réception du Concile» et non pas «une lecture idéologique», notamment pour «en repérer les points qui méritent encore d’être pris en compte.» Ce qui signifie une vaste opération de mise en questions (au sens scolastique) ; d’éclaircissement (au sens de tri) entre ce qui vaut d’être gardé et ce qui ne le vaut pas ; et de plus, une interprétation correcte de ce qui peut ou doit être gardé.
Le crible à employer est évidemment, non pas la philosophie du jour, mais la cohérence, la compatibilité ou la continuité du magistère avec la Tradition. La Tradition en acte (foi et sacrements) inclut l’enseignement solennel des conciles antérieurs et des papes. Elle constitue, aujourd’hui comme hier, le lien essentiel et actif de la communion entre catholiques. Restant sauve l’autorité romaine - et la possibilité pour la théologie de progresser de façon critique en cherchant des réponses aux problèmes nouveaux, qui ne se posaient pas, par exemple, à Vatican I.Voulez-vous dire que Vatican II fournit une chance de réflexion critique et d’approfondissement pour l’Eglise ?
Il est indéniable que Vatican II pose à l’Église les questions essentielles de la modernité : la conscience, la liberté religieuse, la vérité, la raison et la foi, l’unité naturelle ou surnaturelle du genre humain, la violence et le dialogue avec les cultures, la grâce et l’attente des humains, etc. On ne peut aujourd’hui se contenter des réponses d’hier qui doivent prendre en compte les nouvelles problématiques. Mais le Concile date de 1965 et il n’est plus aujourd’hui un discours clôt sur lui-même. Nous le reconnaissons pour ce qu’il est : un concile œcuménique relevant du magistère authentique, mais non infaillible en tout point et, en raison même de ses nouveautés, en butte à certaines difficultés dans sa continuité avec l’Évangile et la Tradition.Est-ce le sens de la formule d’engagement que vous avez signée au jour de la fondation de votre institut : «À propos de certains points enseignés par le concile Vatican II ou concernant les réformes postérieures de la liturgie et du droit, et qui nous paraissent difficilement conciliable avec la Tradition, nous nous engageons à avoir une attitude positive d’étude et de communication avec le Siège apostolique en évitant toute polémique. Cette attitude d’études veut participer, par une critique sérieuse et constructive, à la préparation d’une interprétation authentique de la part du Saint Siège de ces points de l’enseignement de Vatican II» ?
En effet, nous avons obtenu cette liberté de contribuer, à notre place, d’abord par des études et des publications internes à l’Institut, à ce travail titanesque de pointage des textes et des théories qui font difficulté depuis 40 ans, concernant non seulement le concile mais aussi les réformes liturgiques (ou autres) qui l’ont suivi. Nous préparons des études sur la liturgie, et sur des points litigieux classiques du Concile. La mise en place de sessions de travail et d’échange avec d’autres interlocuteurs reste à venir.La Fraternité Saint Pie X pourrait-elle aussi avoir un rôle semblable au votre dans ce travail de proposition vis à vis du Pape, qui reste toujours l’unique sujet du suprême pouvoir magistériel ?
Bien sûr ! Depuis la levée de l’excommunication des 4 évêques de la FSSPX, on imagine que les discussions doctrinales, jusqu’ici secrètes et informelles, vont pouvoir s’organiser avec l’aval du saint Père, et permettre aux interlocuteurs de faire valoir et d’échanger les arguments théologiques qui nourrissent la critique traditionaliste.Même dans une perspective de «continuité», les approches herméneutiques font l’objet de positions variées. Quelle méthode de travail adopter ?
En effet, l’herméneutique fait elle-même l’objet d’un débat préalable. Un tel travail supposerait d’abord de définir la méthode et les principes herméneutiques. S’agit-il de sauver le texte à la lettre coûte que coûte, comme un bloc infaillible, sacré et inspiré jusqu’au iota, à l’image de la Bible ? Un tel postulat pourrait mener à une forme de fondamentalisme conciliaire, ruineux pour l’Eglise. S’agit-il plutôt de retrouver l’esprit du texte, par delà la lettre ? Mais le Saint Père lui-même a écarté la revendication incantatoire de cet «esprit du Concile», indéfinissable et cause de tant de «ruptures» (pratiques, doctrinales ou liturgiques) au sein de l’Eglise. S’agit-il alors de retrouver l’intention des pères conciliaires, rédacteurs du texte ? Là se pose une sérieuse difficulté pratique : le texte de Vatican II est un patchwork, le résultat d’un compromis au sein d’une assemblée, entre plusieurs groupes de travail souvent opposés, ayant chacun tiré à soi le sens, d’une phrase à l’autre… Resterait à retrouver l’intention de Paul VI ? Ou bien celle de l’Eglise ? Mais l’intention de l’Eglise ne peut être que traditionnelle. Et de plus, l’Eglise ne s’est pas encore exprimée de façon « authentique » sur le sens à donner aux textes majeurs du concile posant de graves difficulté pour la transmission de la foi. C’est pourquoi le pape Benoît XVI, dans son discours du 22/12/2005, affirme revenir non seulement au texte du Concile, mais aussi sur le texte. Ce sera notre base de travail critique.