mardi 26 avril 2011

[Rémi Lélian - Respublica Christiana] Leçon de blasphème

Certes, il est des blasphèmes, du moins des prétendus blasphèmes, qui en réalité semblent bien incapables de s’abaisser à la rigueur démoniaque que cette appellation nous suggère, et qui nous donnent des envies d’actes violents. Cependant, comme c’est déjà pécher que de pécher en pensée et que je répugne au sang versé, le mien comme celui des autres, fussent-ils mes pires ennemis, comme je sais que le Christ insulté ne dresse pas le glaive mais tend l’autre joue, je préfère m’adresser ici directement à l’auteur du désormais fameux « Piss Christ », auquel quelques chrétiens, justement échaudés par cette photographie nulle, viennent d’offrir une malheureuse légitimité. En ce qui me concerne, je préfère donc lui donner, par charité, une humble leçon de blasphème!

Premièrement, pour blasphémer, pour provoquer, il est important de s’adresser au plus grand nombre, d’agresser la majorité et de s’exposer au moins au risque de la ciguë - je n’ose dire à celui de la Croix… Pour ce faire, on conseillera à cet « artiste » en mal de rébellion d’infliger son mauvais goût à quelques idoles plus en vogue aujourd’hui qu’au Dieu de cette religion catholique méprisée, souillée tout le temps et partout, dont les disciples sont même assassinés s’ils n’ont pas la chance d’être nés ici - où ils sont simplement ridiculisés - et devant laquelle les seules représailles à craindre sont celles d’un coup de marteau sur un cadre de verre protégeant une photo. Bref, de préférer, pourquoi pas, aux adeptes du marteau sur la toile, ceux du couteau sous la gorge, par exemple !

Ensuite, nous rappellerons amicalement que pour bien commencer dans le blasphème, il importe de se savoir petit, et de commencer par le commencement avant de vouloir gravir les sommets. Pour la simple raison qu’en tant que Catholique, il me parait difficile d’aller plus loin dans le blasphème que Celui qui, scandale de Vérité, a vaincu la mort par amour pour l’humanité entière, y compris, et peut-être surtout, pour l’auteur du « Piss Christ ». Lequel devrait méditer la phrase de Celui dont il salit le symbole et qui, pour son plus grand bonheur, ne nous fait utiliser les barres de fer et les tortures d'école primaires qu’en pensée seulement, Celui qui proclame contre la loi du Talion : « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! ». — Petit joueur, donc, qui croit crawler dans le grand bassin, tandis qu’il n’approche même pas le pédiluve…

Je finirai malgré tout sur des encouragements qui n’engagent que moi et non les chrétiens bricoleurs au marteau léger, qui poussent notre ami sur la voie de l’autosatisfaction quand, comme nous l’avons vu, la route vers le véritable blasphème est encore longue à parcourir pour lui, ni les chrétiens que cette « œuvre » excrémentielle n’indispose pas et qui s’étonnent que les premiers, prenant maladroitement leur foi au sérieux, s’en indignent. Et, afin de conclure d’une phrase ces quelques conseils, parce qu’il n’est jamais bon de rester sur un échec, je dirai à notre impétrant en matière de blasphème : « Encore un effort pour être véritablement blasphématoire — connard [1]

Rémi Lélian

[1] On aura évidemment compris que cette insulte n’en est pas une et, qu’à l’instar du Piss Christ, elle vise juste à circonstancier les rapports troubles qu’entretiennent l’ironie et la colère, le tout bien entendu dans une perspective strictement artistique… De fait, j’ignore si Andres Serrano est effectivement un connard, comme lui-même ignore que le Christ est effectivement Dieu fait homme…

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