lundi 2 janvier 2012

2012 : année de la lucidité

En offrant mes voeux aux très nombreux lecteurs de Métablog, je réfléchis à ce que pourrait bien être 2012 : une année où craquent, avec l'euro, les systèmes de défense de la Correctness, une année où la crise nous force à la lucidité, une année où le principe de réalité sera plus fort que le principe de plaisir... Oh ! Pas seulement à la lucidité sur le monde, mais d'abord à la lucidité sur nous-mêmes. La Révolution chrétienne est la seule qui tienne depuis 2000 ans (alors que les Révolutions humaines se sont effondrées, dérisoires, dans le sang des victimes). Pourquoi ? Parce que le Christ nous a averti sur notre responsabilité personnelle.

Jean-Jacques Rousseau nous a appris à considérer que le mal c'est les autres, que tout vient de la société et de son faux "ordre" pourri, qu'il faut changer tout cela, se fonder sur la bonté de l'homme pour envoyer par dessus les moulins les étroitesses de la coutumes, les injustices d'un régime inégalitaire et les mensonges d'une religion dominatrice dans la mesure où elle est cléricale. Résultat de cette belle prédication ? Du sang. Le XXème siècle, siècle de Jean-Jacques, a réitéré les bêtises monstrueuses de la Révolution française, matrice sanglante des Révolutions en tous genre. Que ce soit au XVIIIème siècle ou au XXème siècle, ou même au XXIème siècle : une Révolution ça se termine toujours mal. Il s'agit d'exorciser dans le sang les démentis du réel à la théorie optimiste.

Vous croyez que ce principe utopique est mort ? Mais la dernière des grandes utopies, c'est l'idée d'un libre échange mondial, sans barrière et sans lois. La Révolution aujourd'hui est libérale. D'aucuns diraient : le libéralisme aujourd'hui enfin montre son vrai visage : celui de la Révolution, "la haine de tout ordre que l'homme n'a pas établi et où il n'est pas roi et dieu tout ensemble" comme disait Mgr Gaume. Il faudrait simplement ajouter à cette vieille phrase : "la haine de tout ordre que l'homme n'a pas établi dans l'instant". François Huguenin, dans un livre récent se demandait comment "résister au libéralisme" : autant dire comment résister à la Révolution - à celle qui est d'aujourd'hui.

Ajoutons que cette Révolution libérale utilise le fléau de l'islamisme radical pour parvenir à ses fins et produire enfin le chaos à partir duquel l'ordre devra naître, l'ordre vraiment juste, l'ordre nouveau. Le printemps arabe correspond certainement à une longue incubation de beaucoup de facteurs de malaise. Mais pour l'instant tout va vers une destruction accélérée de tout ce que ces sociétés égyptienne aujourd'hui syrienne demain, conservent d'ordre traditionnel et de richesses historiques. L'euro, cette monnaie trop forte pour nous et qui, comme le reconnaît le président dans ses voeux, "désindustrialise" notre pays, le privant petit à petit de ses forces vives, joue objectivement le même rôle que l'islamisme en Egypte : appauvrir, dénationaliser, déculturer. Réduire les hommes à leur force de travail.

Nous n'avons qu'une seule certitude, c'est que comme tous les processus révolutionnaires, ce processus économico-culturel hégémonique n'aura qu'un temps. Son arme, c'est la ruine de tous pour le profit de quelques uns... Ca marche aujourd'hui, mais demain ? Comme les constructivismes socialistes, le constructivisme libéral finira par apparaître comme ce qu'il est : une supercherie idéologique, qui pour la liberté absolue de quelques uns programme l'esclavage de tous. Ainsi disait Chigalev dans les Possédés, "de la liberté absolue, j'en arrive au despotisme absolu". L'individualisme forcené qui est le nouvel évangile va finir par s'écrouler dans son mensonge, l'ivresse démocratique célébrée par Alain Minc va finir en banale cuite, avec les lendemains de cuite qui déchantent. 2012 pourrait être pour beaucoup l'année de la lucidité, l'année où craquent les conformisme sous le poids réel de la crise et sous le fouet d'un nouvel impératif : faire face.

Et d'ici là ?

Eh bien ! C'est la Révolution chrétienne qu'il faut mettre en place, la seule qui dure depuis 2000 ans, la seule vraie, la seule qui désigne le vrai problème. Les idéologies nous disent que le mal est dans la société, que le problème c'est l'héritage, que c'est notre héritage culturel qui est mauvais. La Révolution chrétienne est beaucoup plus lucide parce qu'elle nous fait croire au éché originel. Le mal est dans l'homme. Le mal est en chacun d'entre nous, dans "notre coeur rempli d'ordures" (Pascal). C'est en nous-mêmes qu'il faut travailler, c'est à reconquérir la transparence perdue, non pas la transparence sociétale qui est un ersatz, un succédané de la vraie transparence : "Heureux les coeurs purs car ils verront Dieu". C'est dans notre propre coeur qu'il faut essayer de voir clair, et cette exigence de clarté s'appelle la pureté.

Clarté... "De clarté en clarté" dit saint Paul, nous allons jusqu'à Dieu, qui est la Lumière de notre esprit, la clarté supérieure qui "éclaire tout homme venant dans le monde". Nos vie sont souvent embrouillées, compliquées. A cause du péché, qui dérègle tout avec sa logique propre, sa logique de satisfaction immédiate. La Révolution chrétienne consiste à opposer au principe de plaisir et à ses nuées - à ses imaginations, à ses complications - le principe de réalité, celui qui se fonde avant tout et pour longtemps sur l'amour, sur la certitude que, depuis la première éducation du petit d'homme, rien n'EST sans l'AMOUR et rien ne demeure qui ne vienne de l'amour qu'on y a une fois mis.

6 commentaires:

  1. Monsieur l'Abbé vous etes un homme d'Eglise et un philosophe connu; de sucroit jeune. Une carure de rugbyman avec l'esprit aussi fin qu'un katana japonais.
    Nous on ne sait plus comment nous appeler les ultra-cathos, le tradis, les integristes, les casses-prie-dieu et que sais-je encore.
    Je ne relève qu'un mot de votre dernier papier: LUCIDITE et j'y ajoute le regard que l'on porte généralement avec.
    Votre blog est très lu par un lectorat très divers.
    Vous, jeunes Pretres ensoutanés, ne ressemblez plus à vos Pères résistants de ce concile; le contexte n'est plus le meme. Vous ressemblez toujours encore moins à ces pretres progressistes de années 70 qui sont restés cristalisés à cette époque avec le col de chemise au dessus du pull comme c'était la mode à l'époquque de Guy Lux et de Léon Zitrone.
    Parlez nous de vous de vous les ensoutanés avec le portable dans les poches. Parlez nous de vous qui vivez le moderne de pointe est qui brandissez le magistère de l'Eglise haut et à bout de bras. Osez l'anecdote.Merci

    RépondreSupprimer
  2. Oh, Monsieur l'abbé,

    Dire que le XXe siècle fut celui de rousseau! Un homme qui maniait une si belle langue, un esprit si baroque au sens musical du terme et aussi peu qu'on peut l'être au sens d'une pensée peut-être un peu trop victimaire, ferez-vous néanmoins de lui cet être sanguinaire? Renverrez-vous dos à dos celui qui se victimise surtout et celui qui culpabilise les autres d'abord? Pourquoi vous plaisez-vous à confondre les bruits de botte et le tapis de feuilles que font craquer les pas du "promeneur solitaire"? N'a-t-on pas beaucoup chargé les épaules de celui-ci du mal de l'individualisme parce qu'il avait "mal à son moi" individuel et qu'il a su le dire avec un lyrisme trop complaisant à sa douleur?

    Ensuite, ne craignez-vous pas que de ne pas beaucoup aimer l'islam ne vous aveugle sur le fait que l'islamisme, qui est certes la suite logique du "printemps arabe", loin de dénationaliser les pays où il s'impose, est au contraire un organicisme que le bon maurrassien que vous êtes pourrait envier pour nos sociétés et grâce auquel l'euro pourrait bien ne plus être "une monnaie trop forte pour nous", mais un outil de bonne crématistique?

    Si l'euro a désindustrialisé nos vieux pays tombés dans l'individualisme, c'est que l'individualisme à son tour nous a dépersonnalisés au point que le sommet de la révolution libérale est d'avoir privilégié la vitesse virtuelle des échanges et des ordres des agents de change sur l'inéluctabilité de la révolution des transports et des phénomènes migratoires qui s'ensuivent.

    Reste donc un seul point qui pourra nous mettre d'accord aujourd'hui: la lucidité doit en nous consacrer le retour d'une transparence, non pas de nous-mêmes aux autres qui nous rende invisibles à force de conformisme, mais à dieu et à nous-même aussi, qui fasse comprendre à notre individu que notre personne est ordonnée à plus grand qu'elle, à un amour de charité dans lequel elle doit s'incruster avec le cortège de ses vertus que vous énumérez dans "L'évidence chrétienne": d'abord l'humilité qui lui sert de nourrice, puis la générosité, la simplicité, l'hospitalité et, pour finir l'oubli ou le sacrifice de soi-même.

    RépondreSupprimer
  3. Jean Jacques Rousseau " une aussi belle langue", nous dit Julien, oh certes, mais nourrie des sucs d'une société dont il a abondement profité, s'y faisant materner.
    Sûr que Rousseau, qui nous a transmis les beautés de cette langue, eut été horrifié du spectacle de la terreur révolutionnaire, mais la position de victime dont il a plus qu’abusé, lui donnant ses lettres de noblesses, a eu sa postérité depuis le les souffrances du jeune Werther de Goethe, livre directement nourri de sa sensibilité -qui a entrainé nombre de suicides et même marqué le jeune Bonaparte- jusqu’aux transports exaltés de la révolution française. La mauvaise compassion … sur soi ne nourrit-elle pas à terme la pire des violences ? Les discours officiels des bourreaux de la révolution sont très souvent compassionnels narcissique et complaisant. Et aujourd'hui encore cette complaisance à soi n’est-elle pas encouragée, ne sévit-elle pas aussi en faveur des prédateurs? Des ultras violents? Le sympathique bruit de feuilles mortes du promeneur solitaire ne doit nous faire oublier la postérité de Rousseau du certes à son génie admirable de la langue, même s’il n’est pas directement responsable, de ce qui s’est fait, mais que ceux qui ont voulu s’en inspirer ont été. Jusqu’à détruire le terreau où il avait pris racine.
    L'Islam a certes ses vertus mais ne doit pas observer que l'Islam est de plus en plus otage de l’Islamisme, probablement suite à « cette montée aux extrêmes » analysée par R. Girard et dont nous sommes les initiateurs, et fait alliance avec ceux qui chez nous veulent faire disparaitre tout de suite les dernières vestiges de ce qui a permis à notre société de durer et de résister aux soubresauts des destructeurs et de notre tentation nihiliste. Si la prière musulmane est respectable et ne manque pas de beauté, ne doit-on par ailleurs aussi se poser la question de voir si l'Islam aujourd'hui n’est pas contaminé par notre propre vertige nihiliste , celui d’une société cédant à la barbarie qui comme l’a bien analysé le regretté Jaime Semprun refuse de transmettre, toutes générations confondues et abolies au profit de la brutalité de la consommation immédiate, qui reste le seul horizon
    Si le terrorisme effroyable d’AL Quaïda n’était que le reflet de notre propre grimace, enfant de cette vitesse virtuelle des échanges, qui nous a privés de notre âme ; Ce terrorisme est à lui même sa propre religion.
    L’Abbé a bien raison, me semble-t-il de s’opposer à tous ces constructivisme

    RépondreSupprimer
  4. Le bon sauvage remplaçant l'Adam pécheur, on ne peut construire qu'une éducation béate qui va au mur. C'est peut-être ça le pire de Rousseau, si le reste n'est que lyrisme. La faute revient à ceux qui la commettent, pas à ceux qui l'inspirent. Rousseau n'est pas responsable, enfin pas seulement, de toutes les abominations du XXe siècle. Il y a contribué... un peu.
    PS à propos de l'évidence chrétienne, je n'arrive pas à me le procurer. Comment faire ?
    Clément d'Aubier

    RépondreSupprimer
  5. A clément:

    Comme je voudrais qu'on vous réponde sur la manière de vous procurer "L'évidence chrétienne" ! Pour ma part, il y a au moins deu personnes à qui je voudrais l'offrir. Monsieur l'abbé de tanoüarn s'y révèle un Luther cajetanien, égophobe , mais optimiste en son christ hétéronyme à sa conscience, un Luther responsabilisant et non culpabilisateur comme le vieux Réformateur, bref un Luther baroquément heureux de vivre et non austèrement joyeux de survivre, un Luther catholique enfin.

    A Henri: il y a quand même deux différences de taille entre rousseau et göthe écrivant "Les souffrances du jeune werther". La première, c'est que rousseau ne se suicide pas; il est plaintif, mais pas morbide. La seconde, c'est précisément que le lyrisme göthéen, par ailleurs méchamment rablaisien, emprunte ici les habits du piétisme pour mettre en scène un homme qui se suicide et qui est tout le contraire de lui. Werther est peut-être la bonne part de Wolfgang von goehte, trop bon pour prendre à la légère et supporter de vivre. Göthe s'est plus profondément que chateaubriand et plus cyniquement que flaubert désolidarisé du héros goethéen.

    NB: sur flaubert, il y a deux écoles: celle qui rapporte que l'auteur de Madame Bovary aurait dit : "Madame bovary, c'est moi" et celle de Zola qui dit que le bougon et dépressif habitant de croisset lâchait quelquefois dans des soirées parisiennes:
    "Madame Bovary, c'est de la m..."

    RépondreSupprimer
  6. Sur Flaubert et ce que je considère comme le plus admirable roman du XIXè les phrases sont fausses. Flaubert n'a jamais dit "Mme Bovary c'est moi" ni que "Mme Bovary c'est..." ; cette phrase attribuée à Zola ne fait que refléter la bétise de ce dernier.

    RépondreSupprimer