jeudi 12 septembre 2013

Gustave Thibon et ses critères

"Critères : est un bien pour l'homme tout ce qui creuse l'homme, même au risque de le briser ; l'effort, le danger, la responsabilité, le sacrifice, l'amour, la douleur, et jusqu'aux plaisirs, jusqu'aux péchés, à condition qu'ils soit vécu à fond, assumés sans réserve comme une nourriture ou comme un poison et non dégustés comme des épices ; et corrélativement est un mal pour l'homme tout ce qui contribue à l'aplatir : l'excès de sécurité, la facilité, la distraction, l'automatisme - en bref, tout ce qui, dans l'immédiat et pour le plus grand nombre, offre le plus d'attrait..." (Gustave Thibon, Parodies et mirages ou la décadence d'un monde chrétien, notes inédites 1935-1978, éd. du Rocher 2011).

J'aime beaucoup le caractère abrupt de cette note et ce commencement : "Critères..." Nous cherchons des critères. Nous voulons les trouver dans la loi, mais la loi écrite est une rationalisation du bien qui ne suscite pas l'amour. Une représentation, une simplification conceptuelle ne suscite pas l'amour, sauf chez quelques malades de légalisme, et ce sera un amour maladif. L'amour intégriste ? Or le critère... Je veux dire le critère du salut... C'est justement de susciter l'amour... Le vrai : celui qui crée l'harmonie, la croissance et l'action. Comment susciter l'amour en soi ? En acceptant d'être creusé. Comment évacuer l'amour : en s'aplatissant, devant un juge, devant un chef, devant une loi par exemple.

Le but de Dieu est de nous creuser. Le but de l'Homme de nous aplatir. "Malheur à l'homme qui se confie dans l'homme" (Jér. 17, 5). Il sortira de cette confiance malencontreuse en sa propre chair aplati comme une crêpe. Sans exigence. Sans idéal. Nous voyons pourquoi l'ordre humain et l'ordre divin paraissent si souvent incompatibles. Ils ne le sont pas sur le fond, parce qu'il n'y a pas trente six manières de faire de l'ordre. Mais ils le sont sur la forme. Sur le fond, Satan et Dieu proposent le même salut à Adam et Eve : Vous serez comme des dieux. Mais pas de la même manière : l'un veut prendre et voler, l'autre donne.

C'est ainsi que l'on peut rentrer dans le mystère du mal, tel qu'il est pensé par Dieu de toute éternité. Le mal peut contribuer au bien parce qu'il creuse l'homme en lui enseignant l'humilité. Les critères comme dit Thibon ? Non pas le bien et le mal, trop simples. Mais : ce qui mène à Dieu et ce qui nous en éloigne. Ce qui nous humilie et ce qui nous gonfle, car "l'humilité c'est la vérité". Ou encore : ce qui nous permet de nous connaître tels que nous sommes et ce qui nous cache à nous-mêmes.

8 commentaires:

  1. Ce qu'il y a de bien chez vous c'est que vous ne nous servez pas de l'eau tiède! Du coup, je vais prendre un café bien serré et ruminer votre texte
    toute la journée... Merci et que Dieu vous garde!

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  2. Un exemple de critères :

    "La femme vit que le fruit de l'arbre était

    -bon à manger,
    -agréable à la vue et
    -désirable pour acquérir l'intelligence; [ le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal. " ]

    J'avance une hypothèse: an appliquant ses propres critères, Gustave Thibon n'aurait pas fait mieux. Moi non plus d'ailleurs.

    Babakoto

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  3. Tout à fait d’accord avec Gustave Thibon ! Lorsqu’on a été creusé, balloté, secoué en tous sens par la vie et bousculé par son propre péché jusqu’à avoir le nez dedans, on en sait quelque chose. On meurt à soi-même obligatoirement et l’on sait que, si le grain ne meurt … il ne vivra pas. C’est toute la différence aujourd’hui où les gens sont assistés, anesthésiés, physiquement, moralement et socialement. C’est avec cela que les civilisations s’écroulent, avec « du pain et des jeux » : La néantisation par et avec l’illusion du désir. Nous sommes devenus une société de désir et par voie de conséquence, de mort assurée.

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  4. Les tièdes, je les vomirai de ma bouche... Finalement, Thibon commente assez librement cette parole de NS...

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  5. Très belle citation de Gustave Thibon, il faut que je m'y replonge !

    Timothée

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  6. Vous dites sur susciter l´amour: "celui qui crée l ´harmonie, etc..." C`est bien ce que manque aujourd´hui: harmonie entre les gens... Et puis "ce qui mène à Dieu et ce qui nous en éloigne..." Plus une fois, si nous souhaitions notre bien et de notre prochain, nous devrions chercher la paix entre nous... et non être prisonniers de notre propre volonté. (ou des idées purement humaines).
    À la fin, vous dites: " ce que nous permet de nous connaître tels que nous sommes et ce qui nous cache à nous mêmes." Très bien, M. l´abbé, c´était la meilleur phrase du texte... "Connaître tels que nous sommes" nous inviterait a ne pas avoir peur de nous voir dans un miroir... car nous sommes tous faibles. Ou comme a bien dit S.François de Salles : « là ou il y a de l’homme, il y a de l’hommerie », notre égoisme toujours présent... et pire encore, « ce qui nous cache à nous mêmes... » car tous les gens pensent qu´ils ont toujours raison, et les autres ont toujours tort... une chose à méditer. Ne soyons pas trop attachés aux idées, mais nous dévrions plutôt faire ce que nous croyons :pratiquer l ´amour, la charité, et non pas seulement parler de cela ; vouloir que la volonté de Dieu soit faite dans le monde, pas la nôtre ou ce que nous pensons être la plus sûre...
    Je me rapelle d´un grand écrivain et prêtre portugais, P. Antonio Vieira, (le grand écrivain baroque de la langue portugaise) qui a écrit cela, au XVII siècle : « Les passions du coeur humain, selon Aristote as divise, sont onze, mais elles se résument à deux : amour et haine. Et ces deux affections aveugles sont les deux pôles sur lesquels le monde tourne, pour cela si mal gouverné... » Le texte est un des plus beaux que j ái dèjà lu.
    Car l ´homme est exactement comme ça : s´il regarde avec amour, tout va bien ; s´il regarde avec haine, tout va mal. .. Il faut sortir un peu de soi même, et demander les lumières de Dieu. (Éxcusez mon français, car je ne suis pas français, je parle le portugais, du Brèsil).

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  7. Que la volonté de Dieu soit faite dans le monde, voilà bien à quoi nous devons concourir. Saint François de Sales est un auteur très puissant pour notre époque.Connaissez-vous ses Entretiens spirituels? Il faut beaucoup aimer le Saint-Esprit, car il est l'amour premier, substantiel et éternel. C'est par Lui que nous sommes forts malgré notre faiblesse. C'est Léon XIII qui le dit dans Diuturnum illud. Vous avez peut-être connu Mgr de Castro Mayer? En français, nous avons aussi des expressions courantes comme Dieu merci. A Dieu ne plaise. Dieu vous bénisse (vous garde, vous aide). Dieu soit loué. Grâce à Dieu. Dieu m'est témoin. Dieu y pourvoira. Dieu m'en garde (m'en préserve). Dieu vous entende. A Dieu vat. Dieu me pardonne. Dieu vous le rende, etc. Nous devrions les utiliser plus souvent dans la conversation.

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    1. Sans doute, M. Guy. Si le nom de Dieu était toujours en premier, nous n´avions pas des guerres... comme ces menaces actuelles... J´ai déjà lu quelques choses de S.F. de Salles, et j´aime beaucoup ce que j´ai lu. Non, je n´ai pas connu le M. de qui vous parle...
      Mais prions pour que la volonté de Dieu soit faite, pas la nôtre ou de n´importe qui. Soit certain d´une chose: Jésus a le contrôle de tout dans Ses Mains. Amicalement.

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